L’arrêt Costa contre Enel, rendu par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) le 15 juillet 1964, est un arrêt important qui a affirmé la primauté du droit communautaire sur le droit national. Contexte, faits, procédure, prétentions, question de droit, portée juridique, on vous dit tout dans cette véritable fiche d’arrêt enrichie.
Sommaire :
📚 Présentation de l’arrêt Costa contre Enel
🤓 Analyse de l'arrêt Costa contre Enel
L’arrêt Costa contre Enel, rendu par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) le 15 juillet 1964, est un arrêt important qui a affirmé la primauté du droit de communautaire sur le droit national.
C’est un arrêt qui est très largement étudié en droit. Vous le croiserez peut-être déjà en L2, probablement en L3 et par la suite si vous avez des matières qui s’intéressent à ce qui était autrefois appelé « droit communautaire ».
Dès maintenant, vous devez comprendre la portée de cette décision importante en droit de l’Union européenne.
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Fiche d'arrêt
📃 Pour bien comprendre la décision rendue par la CJCE le 15 juillet 1964, il est nécessaire de réaliser la fiche d’arrêt. Elle permet d’établir les faits, la procédure, les prétentions des parties, le problème de droit soulevé devant la Cour et la solution donnée. Un tour d’horizon complet de l’affaire, en somme !
Faits de l’arrêt Costa contre Enel
Les faits de l’espèce concernent la nationalisation de la production et la distribution d’électricité en Italie, aux termes d’une loi n° 1643 du 6 décembre 1962, suivie par plusieurs décrets.
Le Gouvernement de la République italienne a créé l’entreprise ENEL, une entreprise publique, à laquelle le patrimoine des entreprises d’électricité a été transféré. Cette décision a eu pour effet d’affecter les droits des consommateurs et d’actionnaires, dont faisait partie le requérant (M. Costa). Le requérant a contesté cette nationalisation devant les tribunaux italiens, arguant que celle-ci était contraire à la Constitution italienne.
Dans l’affaire 6-64, le Giudice Conciliatore de Milan a formulé une demande de décision préjudicielle, se fondant sur l’article 177 du TCEE. La juridiction souhaitait obtenir l’interprétation des articles 37, 53, 93 et 102 du Traité du 25 mars 1957 qui seraient violés par la loi de nationalisation.
📚 Méthodologie : On avoue qu’on déborde déjà légèrement sur la procédure, mais, dans votre copie, vous n’êtes pas supposé indiquer les sous-parties de votre fiche d’arrêt, on y verra que du feu 🤓 ! En revanche, pensez à bien aérer votre copie et donc à faire apparaître ces éléments sous forme de paragraphe. |
Procédure aboutissant à la décision Costa contre Enel
L’affaire a été portée devant une juridiction italienne de Milan, qui sursoit à statuer en attendant la réponse à la question préjudicielle soumise au juge européen par une ordonnance du 16 janvier 1964.
La CJCE a été saisie de la question préjudicielle enregistrée au greffe le 20 février 1964. Le requérant demandait notamment l’interprétation des articles 102, 93, 53 et 37 du TCEE.
Thèses en présence de l'arrêt* Costa contre Enel
*Nous avons fait le choix de cette formule pour pouvoir plus largement intégrer les arguments de la juridiction aux côtés de celle des parties. Vous connaissez probablement la formule « prétentions des parties » que nous trouvions réductrice, car « parties » n’inclut pas les juges du fond.
💡 Méthodologie : Les prétentions des parties - autrement appelées « arguments » -, sont relativement diverses étant donné le nombre de stipulations à interpréter. |
Dans cette espèce, le Gouvernement italien avait conclu à l’irrecevabilité absolue de la question préjudicielle. Il fait grief au Guidice Conciliatore de ne pas s’être limité à demander au juge européen l’interprétation du Traité, mais d’avoir sollicité la vérification de la conformité de la loi de nationalisation aux stipulations conventionnelles.
En effet, le Gouvernement indique qu'une juridiction nationale ne peut recourir à la procédure de l’article 177 du TCEE pour trancher un litige qui concerne l’application d’une loi nationale. Il ajoute que la seule procédure possible serait celle des articles 169 et 170. L’entreprise publique a également soutenu le mal fondé des questions soulevées.
A contrario, le requérant défend que le traité subordonne la compétence de la Cour à la seule existence d'une demande d’interprétation, ce qui fut le cas en l’espèce.
📚 Méthodologie : Le reste des prétentions porte sur l’interprétation des différents articles du Traité. On vous renvoie à la décision si vous avez besoin de développer davantage. |
Question de droit de l’arrêt Costa contre Enel
Il s’agissait de répondre à la question de droit suivante : la loi de nationalisation du 6 décembre 1962 viole-t-elle plusieurs dispositions du TCEE ?
💡 Méthodologie : Ne confondez pas la question de droit : celle posée à la juridiction ; et la problématique : celle qui répond à une approche théorique plus large en partant de la question posée à l'origine. Vous inscrivez la question de droit posée au juge dans vos connaissances pour la traiter et apporter une analyse à la décision soumise à votre étude. |
La problématique en l’espèce amène à s’interroger sur la valeur du Traité par rapport à la loi nationale postérieure.
Le Traité prime-t-il une loi nationale postérieure des États membres ?
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Solution de l’arrêt Costa contre Enel
Dans la décision Costa contre Enel, la solution du juge européen permet d’établir la primauté du Traité sur les lois nationales postérieures.
Il rappelle d’abord que sur le fondement de l’article 177 du Traité, il n’est pas compétent pour juger de la conformité d’une loi à un Traité (ce qu’on appelle un contrôle de « conventionnalité »*).
Il était recevable à statuer en l’espèce, car la question posée supposait l’interprétation de plusieurs stipulations. Mais son contrôle doit s’y limiter.
*Vous devez rapprocher cet arrêt des décisions Nicolo du 20 octobre 1984 et Jacques Vabre du 24 mai 1975. Les juridictions de cassation de l’ordre juridique français se sont affirmées compétentes pour réaliser un contrôle de conventionnalité des lois. Elles peuvent vérifier si une loi est conforme à un traité international. Le Conseil constitutionnel, quant à lui, s’est déclaré incompétent en la matière (Cons. const., décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975, Loi contre l’interruption volontaire de grossesse [dite décision « IVG »]).
Ensuite, il a pris soin de préciser que le droit communautaire (droit de l’Union européenne) prime la loi nationale postérieure en cas de conflits entre les deux. En effet, d’après la Cour européenne, à la différence des traités internationaux ordinaires, le TCEE a « institué un ordre juridique propre, intégré au système juridique des États membres ».
Ce dernier ordre s'impose à leurs juridictions. S’ensuit une intégration de l’ordre juridique de la Communauté au droit de chaque pays membre qui a pour corollaire « l'impossibilité pour les États de faire prévaloir, contre un ordre juridique accepté par eux sur une base de réciprocité, une mesure unilatérale ultérieure qui ne saurait ainsi lui être opposable ».
En d’autres termes, une mesure nationale postérieure au Traité ne lui est pas opposable. La Cour ajoute que si les obligations contractées par les États signataires pouvaient être remises en cause par des lois ultérieures, les obligations deviendraient éventuelles.
Le droit communautaire est « prééminent » comme le confirme l’article 189 du TCEE selon lequel les règlements ont valeur
« obligatoire » et sont « directement applicables dans tout État membre ». La Cour de justice établit un lien avec l’effet direct* du droit communautaire.
*L’effet direct signifie qu’une norme de droit communautaire (de l’Union européenne) crée des droits ou obligations pour les particuliers. On vous renvoie à la jurisprudence Van Gend en Loos du 5 février 1963, affaire C-26-62.
On parle d’invocabilité directe lorsque la norme peut être invoquée directement par un particulier devant une juridiction nationale qui protégera les droits qu’elle établit.
Pour finir, le juge européen conclut que le droit né du TCEE, en raison de sa nature originale, ne peut se voir judiciairement opposer un texte interne contraire, incompatible avec l’esprit même de la Communauté.
💡 La Cour de justice a ensuite procédé à l’interprétation des différentes stipulations soumises à son étude. Comme pour les prétentions, on ne détaille pas ces éléments qui n’intéressent pas la portée de la décision.
Présentation de l'arrêt Costa contre Enel
📚 Pour bien comprendre et commenter une décision, nous allons réaliser ensemble une lecture analytique pour trouver les premiers indices qui vous guideront. On vous propose également de définir le terme clé de l’affaire.
Eh oui, comment pouvez-vous étudier un arrêt dont vous n’as pas saisi l’essence ? D’ailleurs, on vous propose de résumer l’arrêt Costa contre Enel pour que vous en ayez un aperçu général avant qu’on aille plus loin dans le détail.
Définition de la primauté du droit communautaire
La primauté du droit communautaire signifie que le droit européen prévaut sur le droit national des États membres. L’objectif serait de garantir l'application cohérente et uniforme des règles européennes dans tous les pays de l'Union*.
💡 Le saviez-vous ? *Depuis le Brexit de 2020 les États membres sont au nombre de 27 : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Tchéquie (République tchèque), Roumanie, Slovaquie, Slovénie et Suède. |
La primauté du droit communautaire a été mise en avant par la Cour de justice des Communautés européennes dans l’arrêt Costa contre Enel du 15 juillet 1964.
Elle signifie que si une loi nationale est en contradiction avec le droit des Communautés européennes (aujourd’hui, droit de l’Union européenne), ce dernier prime la première.
📚 Méthodologie : Pourquoi vous a-t-on donné cette définition ? Car, quel que soit l’exercice juridique, la méthodologie impose d’avoir des connaissances approfondies sur le thème. En d’autres termes, vous ne pouvez ni faire une fiche d’arrêt ni un commentaire sans maîtriser le fond. À vous d’avoir le réflexe de bien relire vos cours avant de vous lancer dans la préparation ! |
Vous devez penser aux arrêts Sarran, Levacher et autres du 30 octobre 1998 et Fraisse du 2 juin 2000 (2), mais aussi au concept de la hiérarchie des normes (1) (ou pyramide de Kelsen, mais ne faites plus jamais un mélange du type de pyramide des normes !).
1. Selon Hans Kelsen, l’ordre juridique est un système hiérarchisé dans lequel la norme inférieure tire sa validité de la norme supérieure. Elle doit y être conforme (H. Kelsen, Théorie pure du droit, traduit par C. Eisenmann, LGDJ, Paris, Bruylant, Belgique, 1999).
Si on fait le lien avec la primauté du droit de l’Union européenne, cela signifie qu’il est au-dessus des lois nationales. Ces dernières sont valables si conformes à ce droit.
2. Quant aux arrêts Sarran et Fraisse, les juridictions suprêmes ont affirmé la primauté de la Constitution dans l’ordre interne.
La norme suprême prime le droit international en interne uniquement. Ainsi, qu’il s’agisse du droit de l’Union européenne ou d’autres textes à dimension nationale, la Constitution prévaut.
⚠️ Si elle est contraire à un traité, ce dernier pourra être ratifié, mais il faudra réviser la Constitution (art. 54 de la Constitution). Pas de révision, pas de ratification !
📚 Méthodologie : Vous voyez, quand on vous dit qu’il faut bien maîtriser le fond : la forme ne sert à rien sans contenu. La méthodologie juridique n’est pas un ornement. C’est un contenant. À quoi bon offrir une bonbonnière sans bonbons ? Tout le monde préfère les seconds à la première. À choisir, offrez les bonbons. Votre chargé de TD, c’est la même chose : il préfère un fond (de qualité) à un devoir structuré, mais vide de savoirs. Mais, si vous lui offrez la bonbonnière et les bonbons, là, c’est formidable (pour votre note) ! |
Lecture analytique de l’arrêt Costa contre Enel
La lecture analytique permet d’analyser la décision de manière globale et organisée. Que devez-vous examiner ?
L’en-tête de l’arrêt
Déjà, ce qu’on qualifie, chez Pamplemousse, l’en-tête de la décision :
« arrêt de la Cour du 15 juillet 1964. - Flaminio Costa contre E.N.E.L. - Demande de décision préjudicielle : Giudice conciliatore di Milano - Italie. - Affaire 6/64 »
Classons ces informations dans un tableau.
Maintenant, on va te donner quelques éléments supplémentaires pour que tu comprennes l’intérêt de cette lecture analytique.
I. L’identification de la décision
En l’espèce, l’arrêt a été rendu par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE*). Lorsque vous voyez cela, vous comprenez déjà qu’il s’agit d’une décision qui concerne le droit communautaire (qu’on appelle aujourd’hui « droit de l’Union européenne »).
💡 Le saviez-vous ? *Pourquoi parfois écrit-on « CJCE » et d’autres fois « CJUE » ? Le dernier sigle fait suite au Traité de Lisbonne du 13 décembre 2007. Cet acte modificatif a amendé le Traité de Maastricht devenu « TUE » et le « TCE » devenu « TFUE » au sein duquel il a remplacé toutes les mentions « Communauté » par « Union ». Ainsi, depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne (1er décembre 2009), on ne parle plus de « Cour de Justice des Communautés européennes », mais de « Cour de Justice de l’Union européenne ». Ne mélangez plus les deux acronymes 🤓. |
La procédure est une question préjudicielle en interprétation (comme le suppose l’article 177 du TCEE). Il s’agit de soumettre une question à la CJCE pour pouvoir trancher le litige au fond en interne. En attendant d'obtenir la réponse, le juge national sursoit à statuer, c’est-à-dire qu’il renvoie l’affaire à plus tard.
L’arrêt Costa contre Enel a été rendu le 15 juillet 1964.
Pourquoi noter la date est important ?
Parce qu’il y a toujours un contexte avant et après une décision. Que se passait-il pendant les années qui l’ont précédée ? Que s’est-il passé après ? Y a-t-il eu une réforme ? Un nouveau traité ? Un grand contentieux ? Vous devez d’emblée vous poser toutes ces questions.
En l’espèce, ce que vous pouvez relever, c’est que cette décision a été rendue moins de 10 ans après l’adoption du Traité de Rome, dont plusieurs stipulations sont en cause. La décision se situe donc à l’aube de la construction du droit communautaire. Indice intéressant ! On revient plus tard pour le contexte.
II. L’identification des intervenants/parties
Cela vous aidera à savoir qui veut quoi et surtout à qualifier les parties lorsque vous réalisez votre fiche d’arrêt.
Le plus important est d’identifier le ou les rapporteurs*, car vous pouvez trouver leur rapport et avoir ainsi une autre approche de l’affaire.
💡 Le saviez-vous ? *Le rapporteur est un juge chargé de suivre le déroulement de l’affaire. Il peut notamment proposer une instruction si l’affaire le nécessite (lorsqu’elle est complexe, l’instruction permet de recueillir toutes les informations pour qu’elle soit en état d’être jugée). Il va établir un projet d’arrêt - le rapport - qu’il va présenter lors de la phase orale de la procédure (art. 20, Titre III, Protocole n°3 sur le statut de la Cour de justice de l’Union européenne). C’est sur cette base que les autres magistrats vont statuer. |
💡 La Cour de justice de l’Union européenne est composée de 27 juges : 1 par État membre (art. 19, Titre III, TUE).
III. Les visas
C’est quoi un visa ? Il s’agit des éléments de droit ou de fait sur lesquels se fonde la juridiction qui statue. En l’espèce, elle ne se fonde que sur des éléments de droit qu’elle énumère : les articles du Traité.
Ces visas constituent le meilleur indice pour savoir ce dont traite la décision. En l’espèce, la Cour se fonde sur le Traité CEE. Vous savez déjà qu’il se fonde donc sur un texte fondamental pour les Communautés européennes.
En tant qu’étudiant engagé, vous allez ensuite chercher les articles concernés pour comprendre le thème sur lequel porte l’arrêt. De cette manière, vous aurez une idée de ce dont il va être question.
Par exemple, l’article 177 TCEE stipule* que la Cour est compétente pour statuer à titre préjudiciel sur l’interprétation du traité ou encore des actes pris par les Communautés.
💡 Le saviez-vous ? La loi dispose et le contrat stipule. Mais qu’en est-il du traité ? « Stipuler » peut également être utilisé pour les traités de droit international ou les conventions, car ils sont eux aussi négociés par plusieurs parties, tout comme les contrats. |
Vous devez donc comprendre que dans l’affaire en cause, il y a une question préjudicielle qui a été soulevée (même si vous le saviez déjà en ayant établi la procédure).
Vous pouvez remarquer que les articles 92 et 93 sont relatifs aux aides.
Bref, un vrai travail d'enquêteur, cette lecture analytique. Vous pouvez et devez aller plus loin en analysant ensuite les différents paragraphes de la décision rendue.
Contextualisation de l’arrêt Costa contre Enel
L’affaire Costa a pris naissance en 1964, soit quelques années après le début de la construction européenne. Elle survient à une époque où deux camps s’opposent : souverainistes qui sont partisans de la protection de la souveraineté des États membres qui militent pour la conservation de leur identité nationale ; et fédéralistes qui souhaitent aller plus loin dans l’intégration.
La Cour se trouve donc dans une position délicate, face à ce débat politique auquel elle ne prend évidemment pas part. C’est de l’efficacité du droit européen dont il était question, qui induit naturellement une limitation de la souveraineté des États partis.
Résumé de l'arrêt Costa contre Enel
Pour résumer, l’affaire Costa contre Enel du 15 juillet 1964 concerne la nationalisation d’une entreprise italienne qui porterait atteinte aux intérêts de M. Costa, un ressortissant italien.
Afin de faire valoir ses droits, le ressortissant a soulevé, de manière incidente*, une question préjudicielle devant le « Giudice Conciliatore ». Il demandait que soient interprétés certains articles du TCEE (tiens, les fameux que tu as analysés dans les visas !). Le requérant considérait que la loi italienne était en contradiction avec ces stipulations et devait ainsi être écartée.
📚 Méthodologie : *Lorsqu’on lit « soulever de manière incidente », cela signifie que la partie est venue se greffer à une instance déjà ouverte. |
La Cour a donc dû répondre à la question de savoir si le droit national primait le droit communautaire. Sa réponse fut négative : « la force exécutive du droit communautaire ne saurait, en effet, varier d’un État à l’autre à la faveur des législations internes ultérieures, sans mettre en péril la réalisation des buts du traité ».
Autrement dit, le droit communautaire antérieur prime les lois nationales. Ces dernières doivent lui être conformes.
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Analyse de l'arrêt Costa contre Enel
🤓 Lorsque vous établissez la portée d’une décision, comme Costa contre Enel, vous devez au préalable avoir dégagé la problématique qu’il soulève et expliquer la position du juge. Ces éléments vous permettent ensuite de pouvoir valablement inscrire plus largement l’arrêt dans le droit et clarifier ce qu’il apporte.
Problématique de l’arrêt Costa contre Enel
On y revient, la problématique, c’est ce qui vous amène à analyser plus largement une décision, à l’inscrire dans un contexte juridique pour en établir le sens, la valeur et la portée.
C’est vous demander, dans l’affaire Costa contre Enel, que dit le juge, pourquoi le dit-il, comment en vient-il à ces conclusions, qu’apporte-t-il ?
Dans l’affaire 6-64, la problématique soulève la question suivante : les stipulations d’un Traité européen peuvent-elles être remises en cause par une loi nationale postérieure ?
💡 On dit la même chose qu’au-dessus en formulant différemment !
Explication de la décision Costa contre Enel
Expliquer la décision signifie en tirer le sens : qu’a dit le juge ? Dans l’affaire Costa contre Enel, le juge européen a indiqué que la loi nationale postérieure ne saurait contrevenir aux stipulations d’un traité européen, au risque d’en compromettre l’effectivité.
En effet, « la force exécutive du droit communautaire ne saurait varier d’un État à l’autre à la faveur des législations internes ultérieures, sans mettre en péril la réalisation des buts du traité, notamment son article 5 ».
📚 Méthodologie : En tant qu’étudiant aguerri, vous devez avoir pour automatisme de rechercher les stipulations ou dispositions qui sont citées par les juridictions et vous aident à mieux contextualiser. |
L’article 5 du TCEE stipulait « Les États membres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la Communauté. Ils facilitent à celle-ci l'accomplissement de sa mission ».
Ainsi, en adoptant des lois nationales contraires aux traités européens, les États membres ne facilitent pas à la Communauté (Union européenne, aujourd’hui), l’accomplissement de sa mission (on vous renvoie à l’actuel article 3 du TUE pour en savoir plus sur cette « mission »).
Dans l’affaire Costa contre Enel, la Cour a eu à se positionner sur un terrain sujet à controverse, puisque la question de la souveraineté des États membres était concernée. Elle fait suite à un débat politique opposant « souverainistes » et « fédéralistes ».
C’est la raison pour laquelle la Cour de justice des Communautés européennes a préféré une approche intermédiaire - sans trancher la question de savoir si la CEE constituait une fédération à laquelle les pays membres abandonnent leur souveraineté -, indiquant qu’il y avait une interpénétration des ordres juridiques internes et européen :
« L’intégration au droit de chaque pays membre de dispositions qui proviennent de source communautaire, (...) ont pour corollaire l'impossibilité pour les États de faire prévaloir, contre un ordre juridique accepté par eux sur une base de réciprocité, une mesure unilatérale ultérieure qui ne saurait ainsi lui être opposable ».
Ainsi, cette intégration entraîne une limitation des droits souverains des États qui ne peuvent, dès lors, pas faire prévaloir une mesure nationale postérieure contraire au Traité :
« Que le transfert opéré par les États, de leur ordre juridique interne au profit de l'ordre juridique communautaire, des droits et obligations correspondant aux dispositions du traité, entraîne donc une limitation définitive de leurs droits souverains contre laquelle ne saurait prévaloir un acte unilatéral ultérieur incompatible avec la notion de Communauté ».
Portée de la décision Costa contre Enel
La portée de l’arrêt Costa contre Enel est relative aux relations entre droit communautaire et droit national. Le juge européen a consacré le principe de la primauté du droit communautaire sur les législations nationales.
Allons plus loin, car la portée d’une décision impose de s’intéresser à son retentissement : elle a clarifié les relations entre droit communautaire et droit national.
En réalité, celle de l’arrêt Costa a été relativement limitée dans un premier temps, car les États membres et leurs juridictions n’ont pas été complètement convaincus.
💡 Si vous voulez en savoir plus, on vous invite à vous intéresser à la position des juges allemands et italiens qui ont opposé des résistances à cette primauté. La Cour italienne constitutionnelle a émis une réserve de constitutionnalité en 1965 (arrêt n° 98 du 27 décembre 1965, Acciairie San Michele/C.E.C.A) qui a permis d’écarter l’application d’une norme communautaire jugée contraire aux principes garantis par la Constitution italienne. En 1967, la Cour constitutionnelle allemande se permet de contrôler la validité d’un acte communautaire par rapport aux dispositions de la Loi fondamentale allemande. |
Par la suite, la Cour de justice a renforcé sa position, à l’appui d’autres décisions, ouvrant la voie à une protection des droits et libertés fondamentaux par le juge européen.
Dès 1969, la Cour a posé l’idée selon laquelle la protection de ces droits constituait un principe général du droit, dont il lui incombait d’assurer la protection (CJCE, 12 novembre 1969 1969, Stauder, aff. C- 29-69). Il a confirmé avec plus de vigueur cette position dans son arrêt de principe Internationale Handelsgesellschaft du 17 décembre 1970 (oui, on sait que vous êtes essoufflé après la lecture de cet intitulé). Au nom de la primauté du droit communautaire, le juge européen assure le respect des droits fondamentaux qui font partie intégrante des principes généraux du droit (dont le respect est lui-même assuré par la Cour de justice).
Globalement, la position de la Cour de justice a pour intérêt d’assurer une forme d’harmonie de l’application des stipulations du droit primaire* au sein des États membres de l’Union européenne.
📚 Méthodologie : *Le droit primaire est le droit issu des traités fondateurs et rectificatifs. On parle de « droit dérivé » pour évoquer le droit qui dérive desdits traités. Tel est par exemple le cas d’une directive ou d’un règlement européen. |
La décision est rendue en 1964, soit quelque temps après la construction des Communautés européennes. Il est intéressant de constater qu’il a pu consolider l’édification du système juridique de ce qui deviendra progressivement l’Union européenne.
Il faut également noter que l’affaire 6-64 a permis de renforcer l’obligation de coopération loyale des États membres (art. 4 du TUE) auprès de l’ordre juridique européen. Les pays sont tenus de respecter les objectifs et principes européens sans pouvoir adopter des mesures nationales qui en limiteraient la portée.
Comment mémoriser l'arrêt Costa contre Enel ?
🧠 Pour les travaux dirigés ou en préparation des partiels, il est essentiel de retenir la portée de l’arrêt Costa contre Enel.
Pour faciliter la mémorisation de sa portée juridique, une technique efficace consiste à utiliser l'association mentale imagée présente dans les Flashcards imagées Pamplemousse, les Fiches de Droit optimisées et le FIGADA.
Il est important de rappeler qu'il s'agit de créer une histoire originale et farfelue autour des informations que vous souhaitez retenir, spécifiquement concernant la portée juridique de la décision, afin de la mémoriser de manière plus efficace.
Rappel de la portée juridique de l’arrêt Costa contre Enel : il a clarifié les relations entre droit communautaire et droit national et a consacré le principe de la primauté du droit communautaire sur les législations nationales.
Pour mémoriser l’arrêt, on peut imaginer une balance avec sur le côté le plus lourd de la balance un gros monsieur avec un drapeau de l’Union européenne dans la main. Pour affirmer son autorité et son poids, un petit monsieur avec plein de drapeaux européens (français, espagnol, allemand… pas UK !), situé lui sur l’autre côté de la balance. Le gros monsieur s’exclame, dans une bulle, « c’est moi qui prime toutes vos législations nationales ! ».
Article rédigé par une enseignante en Droit institutionnel de l'Union européen
(attachée temporaire d'enseignement et de recherche)
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