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- [COMMENTAIRE D’ARRÊT] Cass. 3e civ., 30/11/2017 (Rupture pourparlers)
Cours de droit > Cours de Droit des Contrats Voici un exemple de commentaire d'arrêt en droit des contrats portant sur la rupture abusive des pourparlers , ainsi que sur la réparation du préjudice subi . Cette copie a obtenu la note de 15/20. Sommaire : I/ Une décision rendant acte d’une rupture abusive des pourparlers sur les critères de bonne foi et de non-concurrence A) La rupture abusive des pourparlers considérée comme contraire au principe de bonne foi B) La violation d’une règle de non-concurrence accentuant la mauvaise foi de la société civile II/ Une solution justifiée au regard de la collaboration active des deux sociétés A) La stricte application du calcul des dommages-intérêts nécessaires suite à une rupture abusive des pourparlers B) Un arrêt de rejet confirmant le droit antérieur et la nouvelle rédaction du Code civil de 2016 N.B.: Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊. Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Commentaire général de l’enseignant : « Les éléments attendus sont évoqués, mais les développements relatifs au droit de la concurrence sont maladroits. » Sujet : Commentez l’arrêt de la 3e chambre civile de la Cour de cassation du 30 novembre 2017 [Accroche ] Il est possible par « ?????? (propos illisibles sur la copie) », soit par un accord mutuel entre les contractants, de se retirer des négociations avant la conclusion du contrat. En revanche, comme l’affirme cet arrêt de rejet rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 30 novembre 2017, une rupture abusive des pourparlers fautive est condamnée par des dommages-intérêts négatifs. [Faits ] En l’espèce, une société civile entreprend des négociations afin de construire un bâtiment industriel avec une autre société. Dès le 4 mai 2010, la société civile affirme vouloir conclure un contrat avec l’autre société. Les deux sociétés sont en étroite collaboration active afin de mener à bien les négociations et ce jusqu’au mois d’août. La deuxième société entreprend avec des moyens financiers importants les négociations. Les échanges par écrit entre les deux sociétés afin de procéder aux adaptations laissent présager la prochaine conclusion du contrat. La dernière adaptation date du 22 juillet 2010 et le démarrage des travaux est considéré comme imminent. Cependant, la société civile suspend et arrête brutalement les négociations afin de conclure le même contrat avec une société concurrente. [Procédure] La société lésée interjette l’appel et assigne le maitre de l’ouvrage de la société civile en responsabilité. La Cour d’appel de Douai rend un arrêt le 16 avril 2014 et condamne la société civile à payer à la société lésée des dommages-intérêts négatifs sur le fondement qu’elle s’est retirée de manière abusive des pourparlers, causant un préjudice à la société lésée et ne respectant pas les lois de concurrence. La société civile se pourvoit en cassation afin de demander la suppression de sa responsabilité et des dommages-intérêts. [Problématique ] Une société en négociation avec une autre société pour la conclusion d’un contrat peut-elle se retirer juste avant la signature dudit contrat afin de conclure avec une autre société concurrente de la première ? « + étendue de la réparation » À cette question, la Cour de cassation répond par la négative et rejette le pourvoi. En effet, la société civile a laissé croire qu’elle allait conclure le contrat, ce qui a nécessité des moyens financiers importants entrepris par la société lésée. Les dommages-intérêts permettent donc de réparer ce préjudice. [Annonce de plan] Il sera vu dans un premier temps que cette décision rend acte d’une rupture abusive des pourparlers sur le critère de la bonne foi et de non-concurrence (I) . Il sera confirmé dans un deuxième temps que cette solution est justifiée au regard d’une collaboration active entre les deux sociétés (II) . ❤️ Recommandé pour vous : 6 étapes essentielles pour réussir le commentaire d'arrêt I/ Une décision rendant acte d’une rupture abusive des pourparlers sur les critères de bonne foi et de non-concurrence [Chapô] La bonne foi, principe fondamental en droit des contrats, est considérée comme absente lors d’une rupture abusive des pourparlers (A) et faire appel à une société concurrente accentue cette absence de bonne foi (B) . A) La rupture abusive des pourparlers considérée comme contraire au principe de bonne foi Avant de conclure un contrat, il est possible d’entreprendre des négociations entre les contractants. En effet, selon l’article 1101 du Code civil de 2016, « un contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations. » En l’espèce, les négociations visent à conclure un contrat de construction entre une société civile qui propose de négocier avec une société du bâtiment. Il y a donc bien deux parties au contrat. L’article 1104 du Code civil pose le principe de la bonne foi dans les négociations et l’exécution du contrat. L’arrêt commenté s’intéresse aux négociations entre les deux parties, dès lors la bonne foi est nécessaire dès ce ?????? (propos illisibles sur la copie). De surcroit, l’article 1112 du Code civil émet l’obligation de faire preuve de bonne foi au moment des négociations. En l’espèce, les deux sociétés sont en pourparlers depuis le 4 mai 2010. Les négociations doivent être menées de bonne foi, c’est-à-dire, sans tromper l’autre contractant et sans lui faire croire que l’on va contracter alors que non. Par ailleurs, selon le principe de liberté contractuelle posé à l’article 1102 du Code civil, il est possible de choisir son contractant et donc, a fortiori, de choisir avec qui ne pas contracter. De plus, le contrat est un accord de volontés, car s’il manque une des deux volontés représentant les contractants, le contrat ne peut valablement se conclure au titre de l’article 1128 du Code civil. C’est pourquoi, il est possible de se retirer des négociations si l’un des contractants ne trouve plus l’utilité de contracter. En l’espèce, c’est la société civile qui rompt les pourparlers. Cependant, tout droit est susceptible d’abus. Cette notion a été posée par l’arrêt Clément-Bayard en 1915. L’arrêt du 30 novembre 2017 montre bien qu’il y a un abus de droit dans la rupture des négociations. La société immobilière fait preuve de mauvaise foi lorsqu’elle fait croire à l’autre société qu’elle va contracter avec elle. L’abus de droit est caractérisé, car la société civile se retire des pourparlers « alors que le marché était sur le point d’être signé et le démarrage des travaux de l’entreprise annoncé comme imminent. » [Transition ] Dès lors, il est possible de constater que la société civile a fait preuve de mauvaise foi et abusé de son droit de rompre les négociations. En outre, cette mauvaise foi est accentuée par la violation de la règle de non-concurrence (B) . B) La violation d’une règle de non-concurrence accentuant la mauvaise foi de la société civile En droit des sociétés, il existe une règle prédominante de non-concurrence entre les entreprises. Cependant, la société civile a manqué à cette règle. Elle considérait qu’une autre société du bâtiment, concurrente de la première, était plus en mesure de répondre à sa demande dans la construction du bâtiment industriel souhaité. Le fait qu’elle fasse intervenir cette entreprise concurrente avant la rupture des pourparlers avec la première société est considéré comme déloyal est de mauvaise foi par la Cour d’appel de Douai (« Non ») . L’article 1112 obligeant les négociations de bonne foi entre les sociétés a dès lors été violé par la société civile. De plus, la société concurrente n’était pas légitime, car elle ne représente pas un marché plus important comparé à la première société. La société civile a donc fait un usage déloyal de mauvaise foi et illégitime de la concurrence. Dès lors, la société civile est responsable quant au fait d’avoir provoqué une rupture abusive des pourparlers. L’arrêt de principe Manoukian rendu le 16 novembre 2003 par la Cour de cassation affirme que la rupture des pourparlers est considérée comme abusive lorsqu’elle engendre un préjudice auprès de l’autre société négociatrice. Il faut la présence d’une faute qui trouve son origine dans la mauvaise foi exercée par la société rompant les négociations. En l’espèce, la mauvaise foi de la société civile immobilière est caractérisée en ce qu’elle fait croire à la société du bâtiment qu’elle va contracter en ne montrant aucun signe de critique à l’adresse de la société lors de leurs échanges par ?????? (propos illisibles sur la copie) et ce jusqu’au dernier moment. Cette mauvaise foi est accentuée par la volonté de la société civile de conclure avec une société concurrente sans ne rien laisser présager à la société du bâtiment lésée. Ainsi, la Cour de cassation confirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Douai et considère la société civile responsable d’une rupture abusive des pourparlers envers la société du bâtiment. [Transition] La condamnation en paiement de dommages-intérêts de la société civile est une solution de surcroit justifiée au regard d’une collaboration active entre les deux sociétés (II) . ❤️ Recommandé pour exceller : Fiches de Droit des Contrats / Obligations Contractuelles II/ Une solution justifiée au regard de la collaboration active des deux sociétés [Chapô] La Cour de cassation, après avoir considéré la responsabilité de la société civile, la condamne à payer des dommages-intérêts à la société lésée (A) . Cette solution confirme dès lors la nouvelle rédaction du Code civil, elle est en continuité avec le droit antérieur (B) . A) La stricte application du calcul des dommages-intérêts nécessaires suite à une rupture abusive des pourparlers La responsabilité vient du latin « respondere » qui veut dire « avoir à répondre de ». Il s’agit d’avoir à répondre d’un acte qui a causé à autrui un dommage, il faut le réparer. Tel est le principe de l’article 1240 du Code civil [ Ndlr : voir le cours sur l'article 1240 ] qui oblige le fautif à réparer la faute qu’il a causée à autrui, en matière extracontractuelle. La responsabilité reconnue à la société est une responsabilité extracontractuelle, voire précontractuelle, car les sociétés sont encore en négociations et le contrat n’est pas encore conclu. La société civile doit donc réparer un préjudice. En effet, l’arrêt Manoukian rendu en 2003 est confirmé par l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 23 juin 2006. Ils affirment l’obligation de réparer la faute en paiement de dommages-intérêts. Leur quantum, soit leur quantité, doit être calculée en fonction du préjudice causé. Comme le précise l’arrêt commenté, les dommages-intérêts ne peuvent compenser la perte de chance, soit les possibles gains réalisables avec l’exécution du contrat. Il s’agit de dommages-intérêts négatifs, c’est-à-dire remettre la société lésée au statu quo ante , dans la situation dans laquelle elle se trouvait avant d’entreprendre les négociations. En l’espèce, la rupture des pourparlers a causé un préjudice financier à la société du bâtiment. Cette dernière subit un dommage, car elle s’était particulièrement investie dans le projet immobilier, notamment par une mobilisation du personnel et une mobilisation financière. En se retirant, la société civile commet une faute envers la société du bâtiment qui, légitimement, croyait à la réalisation proche du contrat. Dès lors, la cour d’appel condamne à des dommages-intérêts négatifs la société civile afin de réparer sa faute. La Cour de cassation confirme et ajoute par ailleurs que cette évaluation du montant est correcte au regard des faits et du dommage subi par la société lésée. [Transition] Ainsi, la Cour de cassation condamne à juste titre la société civile par une application stricte du calcul des dommages-intérêts. Cet arrêt de rejet confirme en outre le droit antérieur et la nouvelle rédaction du Code civil de 2016. ❤️ Recommandé pour vous : 12 conseils pour gratter des points lors d'un commentaire d'arrêt B) Un arrêt de rejet confirmant le droit antérieur et la nouvelle rédaction du Code civil de 2016 Les arrêts Manoukian de 2003 et du 23 juin 2006 sont confirmés par la troisième chambre civile de la Cour de cassation en 2017. L’affaire est jugée au regard de l’ancien droit, soit avant 2016, et du nouveau droit depuis le Code civil nouveau de 2016. Les faits se sont déroulés en 2010 et donc l’application du quantum des dommages-intérêts après une rupture abusive des pourparlers et justifiée. Étant donné que le nouveau code est jurisprudentiel, c’est-à-dire qu’il met sous forme de loi les principes posés par la jurisprudence, son application à l’affaire ne contrevient pas au principe de sécurité juridique. Cela s’accentue par le fait que la cour d’appel et la Cour de cassation ont une même interprétation du droit. La Cour de cassation formée en sa troisième chambre civile pour rendre compte des affaires concernant les entreprises et les sociétés. Il s’agit dès lors d’un arrêt d’espèce qui s’applique non pas qu’entre particuliers mais aussi dans le monde professionnel de l’entreprise. Cette jurisprudence est applicable aujourd’hui, elle résonne toujours, notamment dans l’affaire récente de vente de sous-marins français à l’Australie. La rupture des négociations par l’Australie est considérée comme abusive. De surcroit, elle fait intervenir l’Angleterre avant la rupture des pourparlers, ce qui est un usage déloyal de la concurrence. L’arrêt commenté montre aussi un usage déloyal de la concurrence, c’est une nouvelle disposition qui accentue la mauvaise foi. Il est possible de rapprocher cela au pacte de préférence soutenu par l’article 1123 du Code civil. En effet, le fait de vouloir conclure avec une autre société alors que les négociations conséquentes est proche de la signature du contrat légitimement cru par la société (« Maladroit ») contractante pourrait, à l’instar du pacte de préférence, être condamnée par l’exécution forcée du contrat. 🧰 Parce que votre réussite nous tient à cœur, augmentez vos chances de valider votre année en découvrant toutes les ressources de la BOÎTE À OUTILS ( Flashcards de droit , Fiches de d roit , Livres de d roit ). 💖 Recevez aussi des good vibes, des conseils confidentiels et réductions exclusives en recevant la NEWSLETTER DU BONHEUR.
- [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 3e civ., 17/01/2007 (Réticence dolosive)
Cours de droi t > Cours de Droit des Contrats et des Obligations Découvrez un exemple de commentaire d’arrêt en droit des obligations portant sur la réticence dolosive. Le commentaire aborde le principe et les conséquence de la réticence dolosive, ses évolutions et l’exception à ce principe. Cette copie a obtenu la note de 18/20. Sommaire : I/ Le principe de la réticence dolosive et ses conséquences A) La consécration au principe de la réticence dolosive B) Conséquence de la réticence dolosive concernant l'obligation d'information sur la valeur d'un bien : réticence non dolosive II/ Une décision logique des juges de cassation concernant la notion de réticence dolosive, notion connaissant de nombreuses évolutions A) Une décision logique des juges de cassation B) La réforme de 2016 explicitant les évolutions jurisprudentielles N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊. Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Commentaire général de l'enseignant : « Excellent travail ! Vous avez acquis la méthodologie du commentaire d’arrêt. Le thème de l’arrêt a été maîtrisé. Vos développements sont cohérents et on note une certaine rigueur quant au plan adopté et au vocabulaire utilisé. Vous avez un grand sens de démonstration. Félicitations ! Bonne présentation de la copie ! » Sujet : Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 17 janvier 2007, 06-10.442, Publié au bulletin [Accroche ] Le dol est une notion ayant connu de nombreuses évolutions jurisprudentielles ces dernières années. Ces évolutions ont notamment donné naissance à la notion de réticence dolosive. C’est dans ce contexte qu’il conviendra de commenter l’arrêt de la 3ᵉ chambre civile de la Cour de cassation du 17 janvier 2007 (n° 06-10. 442). [ Qualification juridique des faits ] M. X ( « Ceci n'est pas une qualification juridique » ) , marchand de biens et agent immobilier, bénéficie d’une promesse de vente que M. Y, agriculteur devenu manœuvre, lui avait consentie sur sa maison. [ Procédure ] M. X assigne M. Y en réalisation de la vente après avoir levé l’option et lui avoir fait sommation de passer l’acte. La Cour d'appel de Paris statue le 27 octobre 2005, annule la promesse de vente retenant que le fait pour M. X d'avoir omis de révéler une information essentielle sur le prix de l'immeuble, sachant qu'il la détenait en vue de sa profession, constituait un manquement au devoir de loyauté et caractérisait une réticence dolosive. ( « Allez à la ligne ! » ) M. X conteste cela et se pourvoit ainsi en cassation. M. X est donc le demandeur au pourvoi et M. Y le défendeur au pourvoi. « Oui » [ Moyens ] M. X estime qu'il n'est pas tenu d'informer M. Y sur la valeur de l'immeuble. M. Y reproche à M. X de ne pas l'avoir informé sur le prix de l'immeuble, information pourtant essentielle. M. Y, agriculteur devenu manœuvre, ne pouvait connaître la valeur de son pavillon. M. X connaissait lui néanmoins le prix de l'immeuble, en vue de sa profession immobilière. « Bien ! » [ Problème de droit ] C'est dans ce contexte que les juges de cassation ont dû répondre à la question suivante : un acquéreur, même professionnel, est-il tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis ? « Très Bien ! » [ Solution ] Les juges de cassation cassent et annulent l'arrêt du 27 octobre 2005 de la Cour d'appel de Paris et renvoie la cause et les parties devant cette même cour, autrement composée. ( « Selon la Cour de cassation » ) → La cour d'appel a violé l'article 1116 du Code civil. L’acquéreur, même professionnel, n'était pas tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis. [ Problématique ] La notion de dol a connu de nombreuses évolutions jurisprudentielles, qui ont notamment donné naissance à la notion de réticence dolosive. Cette notion fût explicitée et précisée par la réforme de 2016 qui l’a introduit dans le Code civil à l'article 1137. « Bien ! » [ Annonce de plan ] Nous nous intéresserons tout d'abord à la notion de réticence dolosive et ses conséquences (I) , puis à la décision logique des juges de cassation concernant la notion de réticence dolosive, notion connaissant de nombreuses évolutions (II). « Bien ! » ❤️ Recommandé pour vous : [Méthodologie] 6 étapes essentielles pour réussir un commentaire d’arrêt en droit I/ Le principe de la réticence dolosive et ses conséquences [Chapô] Nous nous intéresserons tout d'abord à la consécration du principe de la réticence dolosive (A) , puis aux conséquences de la réticence dolosive concernant l'obligation d'information sur la valeur d'un bien, à savoir la réticence non dolosive (B) . A) La consécration au principe de la réticence dolosive Les juges de cassation statuent en faisant part d’une obligation d'information lors de la formation d'un contrat. Dans l'arrêt étudié, M. Y reproche à M. X de ne pas avoir révélé une information essentielle, à savoir le prix de l'immeuble qu'il détenait en sa qualité d'agent immobilier. M. Y précise ne pas connaître la valeur de son bien, se disant victime d’une réticence dolosive. La cour d'appel va elle aussi se consacrer au principe de réticence dolosive. Elle va notamment prononcer la nullité de la promesse de vente, au motif que M. X aurait volontairement dissimulé une information essentielle à M. Y, à savoir, le prix de l'immeuble. En droit français, il existe un principe selon lequel, chaque partie au contrat doit donner à l'autre une information dont il sait qu'elle représente un caractère déterminant pour l'autre partie. Ce principe est soulevé par la Cour de cassation ainsi que par la cour d'appel. « Oui ! » [Transition] Nous verrons néanmoins que la Cour de cassation va donner une exception à ce principe. Elle va interpréter ce principe d'une manière différente que la cour d'appel (B). « Oui ! » ❤️ Recommandé pour vous : Les conditions de validité du contrat : l’article 1128 du Code civil B) Conséquence de la réticence dolosive concernant l'obligation d'information sur la valeur d'un bien : réticence non dolosive La Haute Cour émet que « l'acquéreur, même professionnel, n'est pas tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis ». Dans l'arrêt étudié, M. X, agent immobilier n'a pas donné l'information du prix de l'immeuble. M. Y, ancien agriculteur, ne connait pas la valeur de son pavillon. Ainsi, la Cour d'appel, se fondant sur l'article 1116 du Code civil annule la promesse de vente et retient que cette omission d'information constitue une réticence dolosive. La cour d'appel se fonde sur ce principe de la réticence dolosive. Les juges de cassation vont quant à eux aller à l'encontre du raisonnement de la cour d'appel en précisant qu’un acquéreur, même professionnel, n'est pas tenu de cette obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis. Les juges de cassation soulèvent une exception au principe de la réticence dolosive vu précédemment. « Super ! Vous montrez réellement le sens de l’arrêt » Le fait de ne pas révéler à son cocontractant une estimation de la valeur de la prestation ne constitue pas un dol. Selon la Haute Cour, cela représente une réticence non dolosive de l'acheteur. « Oui ! » [Transition] Nous allons désormais nous intéresser à la décision logique des juges de cassation concernant la notion de réticence dolosive, notion connaissant de nombreuses évolutions (II). ❤️ Recommandé pour vous : [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 3ᵉ civ., 16/03/2011 (Devoir d'information) II/ Une décision logique des juges de cassation concernant la notion de réticence dolosive, notion connaissant de nombreuses évolutions [Chapô] Nous nous intéresserons tout d'abord à la décision logique des juges de cassation (A) , puis à la jurisprudenc e évolutive pr écisée par la réforme de 2016 (B) . « Super ! » A) Une décision logique des juges de cassation Les juges de cassation précisent que la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1116 du Code civil. Ils précisent qu’un acquéreur, même professionnel, n'est pas tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis. Dans l'arrêt étudié, M. X, agent immobilier, ne révèle pas l'information sur le prix du bien immobilier à M. Y. M. X bénéficie d'une promesse de vente que M. Y lui avait consentie sur sa maison. Ainsi, les juges de cassation ont bien appliqué l'exception du principe de réticence dolosive. Cet arrêt est relativement important, il a été publié au bulletin . « Bien ! » En effet, la réticence dolosive correspond au fait de ne pas révéler une information importante à son cocontractant de manière intentionnelle. Néanmoins, ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ne constitue pas un dol. Les juges ont donc bien appliqué ce principe, sa décision est cohérente . « Oui, vous auriez pu justifier cela par l’arrêt Baldus ! » La réticence dolosive trouve son fondement dans l'article 1137 depuis la réforme de 2016. « Oui ! » Un acquéreur, même professionnel, n'est donc pas tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur selon les juges. [Transition] Nous allons désormais nous intéresser à la réforme de 2016 qui est venue expliciter les évolutions jurisprudentielles (B). ❤️ Recommandé pour vous : Tout savoir sur le droit des obligations contractuelles (droit des contrats) B) La réforme de 2016 explicitant les évolutions jurisprudentielles Comme vu précédemment, les juges font appel à la notion de réticence dolosive. Cette obligation d'information connait une exception. Le fait de ne pas révéler à son cocontractant son estimation sur la valeur de la prestation ne constitue pas un dol. Les juges de cassation vont utiliser cette exception. Les juges de cassation ont le même raisonnement que dans un arrêt de la 1re chambre civile du 3 mai 2000, à savoir, aucune obligation sur l'acheteur qui n'a pas à faire connaître à son vendeur la valeur des photographies. « Oui, c’est le fameux arrêt Baldus ! » La jurisprudence a évolué au fil des années. La réforme de 2016 ( « Surtout la loi du 20 avril 2018 qui a ajouté le 3 ᵉ alinéa de l’art 1137 Code civ. » ) est venue préciser les dispositions existant déjà concernant la notion de dol. La notion de dol a même été élargie avec la notion de réticence dolosive. L'article 1137 va venir définir la notion de dol, de réticence dolosive, et précise également l'exception, à savoir que le fait de ne pas révéler à son cocontractant son estimation sur la valeur de la prestation constitue une réticence non dolosive, notion utilisée ici par les juges de cassation . « Très bien ! » La réforme de 2016 vient donc préciser les anciennes dispositions. Cet arrêt va faire évoluer le droit français. Son importance est moitié ??? (le mot n'était pas lisible sur la copie de l'étudiant), car il est publié au bulletin et cette notion est reprise par la réforme, ce qui montre que c'est une notion importante. « Oui ! » ❤️ Recommandé pour exceller : Fiches de Droit des Contrats / Obligations Contractuelles 🧰 Parce que votre réussite nous tient à cœur, augmentez vos chances de valider votre année en découvrant toutes les ressources de la BOÎTE À OUTILS ( Flashcards de droit , Fiches de droit , Livres de droit ). 💖 Recevez aussi des good vibes, des conseils confidentiels et réductions exclusives en recevant la NEWSLETTER DU BONHEUR.
- [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 1re civ. 25/11/2015 (Obligation moyen/résultat)
Cours de droit > Cours de Droit Responsabilité Civile Découvrez un exemple de commentaire d'arrêt corrigé en responsabilité civile portant sur l'obligation de moyen et l'obligation de résultat. Caractérisation par la Cour de cassation d’une obligation de sécurité de moyen, défaut d’attention de la victime, partage de la responsabilité entre les parties... Découvrez cette copie qui a eu 18/20. Sommaire : I/ La caractérisation par la Cour d’une obligation de sécurité de moyen pesant sur la société exploitante A) Une illustration des enjeux de la distinction B) Le rôle actif de l’usager entraînant la caractérisation discutable d’une obligation de moyen II/ Le défaut d’attention de la victime justifiant un partage de la responsabilité entre les parties A) La sévère caractérisation d’une faute de la victime B) Une faute de la victime entraînant classiquement une exonération partielle du défendeur N.B.: Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊. Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. ❤️ Recommandé pour exceller : Fiches de Responsabilité Civile Sujet : Cass. 1re civ., 25 novembre 2015 [Accroche] Il existe, en responsabilité civile, un principe dit de réparation intégrale du préjudice. Autrement dit, l’auteur d’un dommage doit réparer dans son entier le préjudice qui en découle. Néanmoins, ce préjudice connaît des exceptions, notamment en cas de faute de la victime. L’arrêt rendu par la première chambre civile, le 25 novembre 2015, en fournit une illustration. [Faits qualifiés juridiquement] Un usager, ne pouvant régler le coût de son stationnement à la borne de sortie d’un parking, se blesse lors du déplacement à pied nécessaire pour se rendre au local du personnel. [Procédure] À la suite de cela, il assigne la responsabilité exploitante du parking en responsabilité. La cour d’appel statue en faveur d’un partage de responsabilité à hauteur de 50 % à la charge de chacune des parties. La victime se pourvoit alors en cassation. [Moyens] Elle fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré que l’exploitant d’un parc de stationnement d'automobiles est assujetti à une obligation de moyen, alors que selon elle, cet exploitant est « tenu, envers ses usagers, d'une obligation de sécurité de résultat qui l'oblige à réparer les dommages subis par eux, notamment lorsqu'ils n'y ont pris aucun part active ». En outre, il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir retenu une « inattention » du demandeur, alors que ce dernier, « contraint de descendre de son véhicule en raison de la mise en panne de la borne de paiement automatique de sortie pour maintenance, (…) avait dû emprunter un chemin qui n'était pas aménagé pour la circulation des piétons ». [Problème de droit] Ainsi, l’usager d’un parking automobile, dans l’incapacité de régler son stationnement en raison du caractère défectueux de la borne automatique, et qui se blesse en se rendant à pied au local du personnel, peut-il prétendre à une réparation intégrale de son préjudice ? [Solution et annonce de plan] La Cour de cassation répond par la négative en rejetant le pourvoi. Dans un premier temps (« l'utilisation de cette expression suppose l'expression "dans un second temps" ») , elle valide le raisonnement de la cour d’appel selon l’obligation à laquelle est tenue la société exploitante d’un parking automobile est bien une obligation de moyen (I) . Elle retient en outre un « défaut d’attention de la victime », justifiant un partage de la responsabilité entre les parties (II) . ❤️ Recommandé pour vo us : [Méthodologie] 6 étapes essentielles pour réussir le commentaire d’arrêt I/ La caractérisation par la Cour d’une obligation de sécurité de moyen pesant sur la société exploitante [Chapô] Cet arrêt constitue d’abord une illustration de l’enjeu pour les parties de la distinction entre obligation de moyen et obligation de résultat (A) . La Cour de cassation retient en l’espèce l’existence d’une obligation de moyen, en raison du rôle actif de la victime : une caractérisation qui peut être critiquée (B) . A) Une illustration des enjeux de la distinction La distinction entre obligation de résultat et obligation de moyen est d’une importance non négligeable pour les parties, ainsi que le montre cet arrêt. On peut citer en ce sens la première branche du moyen du demandeur : « l'exploitant (…) est tenu, envers ses usagers, d'une obligation de sécurité de résultat qui l'oblige à réparer les dommages subis par eux ». Cette distinction est posée par René Demogue en 1928, et peut se définir ainsi : lorsque le débiteur d’une obligation est tenu par une obligation de résultat, il se doit de parvenir au résultat prescrit par ladite obligation. C’est notamment le cas des obligations de donner, ou encore de ne pas faire. Lorsque le débiteur est tenu par une obligation de moyen, cela signifie qu’il doit tout mettre en œuvre pour de parvenir au résultat prescrit par cette obligation. L’enjeu est d’importance, notamment sur le terrain de la preuve d’un manquement contractuel. En effet, en ce qui concerne l’obligation de résultat, il suffit de prouver l’absence du résultat pour que la faute du débiteur soit présumée. On peut citer en exemple l’obligation de sécurité pesant sur les contrats relatifs aux transports de personne. En ce cas, seule la cause étrangère ayant les caractéristiques de la force majeure , ou un fait justificatif peuvent exonérer le débiteur. En ce qui concerne l’obligation de moyen, la victime est bien moins avantagée : elle doit prouver que le débiteur de l’obligation n’a pas mis en œuvre l’ensemble des moyens à sa disposition afin de remplir ses obligations. Cette preuve est donc beaucoup plus difficile à apporter et le débiteur dispose d’une plus grande marge de manœuvre pour se défendre. Or, c’est précisément cet enjeu qui transparaît derrière la première branche du moyen au pourvoi : la victime tente de faire qualifier l’obligation pesant sur la société exploitante du parking d’obligation de résultat, car ainsi, la seule preuve de son dommage suffirait à établir le manquement de la société à ses obligations. Pour établir la distinction entre une obligation de moyen et une obligation de résultat, il convient notamment de rechercher si l’exécution de l’obligation était susceptible de degrés, ou encore si elle est affectée d’un aléa. On peut citer en ce sens l’obligation du médecin de tout mettre en œuvre pour guérir ses patients. L’aléa peut résulter également du rôle actif de la victime dans l’exécution de l’obligation : or, c’est précisément sur ce critère que s’appuie dans cet arrêt la Cour de cassation. ❤️ Recommandé pour vous : Responsabilité civile contractuelle : définitions, conditions, exemples B) Le rôle actif de l’usager entraînant la caractérisation discutable d’une obligation de moyen La Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel, en affirmant : « l'arrêt énonce à bon droit que l'exploitant d'un parc à voitures est tenu d'une obligation de sécurité qui est de moyens, dès lors que l'utilisateur de ses services (…) n'y a pas un rôle purement passif ». En d’autres termes, la société exploitante n’avait selon la Cour que l’obligation de mettre tous les moyens en œuvre afin de veiller à la sécurité de ses usagers. Elle affirme que l’usager « doit se déplacer au sein du parking, tant à pied qu'au volant de son véhicule », et donc qu’il joue un rôle actif dans la réalisation de cette obligation. Or, c’était précisément cela que contestait le demandeur dans la première branche de son moyen, en relevant qu’il était : « contraint de descendre de son véhicule pour payer son stationnement et d'emprunter un chemin dangereux, en raison de la mise hors service des bornes de paiement automatique en sortie du parking ». Dans la quatrième branche de son moyen, il rappelle également que le chemin « n’était pas aménagé pour des piétons ». Et ce point de vue peut tout-à fait, d’ailleurs, être entendu : en effet, certes l’usager d’un parking se déplace, soit à pied, soit en voiture ; néanmoins, on pourrait penser que la participation de l’usager à l’exécution de l’obligation est moins importante lorsqu’elle reste à l’intérieur de l’automobile. En effet, le chemin que l’usager a dû emprunter afin de se rendre au local du personnel est « dangereux », « pas aménagé pour les piétons ». De fait, les risques encourus par la victime lors de ce déplacement à pied sont plus élevés que si elle était restée à l’intérieur de l’automobile, et donc, l’aléa affectant l’exécution de l’obligation de sécurité pesant sur la société exploitante du parking s’en trouve accru. Et cela est dû à un manquement de la société exploitante, ce que reconnaît la Cour de cassation puisqu’elle admet qu’il « pouvait être légitimement reproché à la société de n'avoir pas signalé qu'il existait un dysfonctionnement (…) ». Ainsi, la Cour de cassation a retenu avec une certaine facilité la qualification d’obligation de sécurité de moyen. On peut citer à titre de comparaison un arrêt rendu par la première chambre civile le 25 janvier 2017, concernant une société exploitante d’une salle d’escalade. La Cour retient que pèse sur cette société une obligation de sécurité de moyen. Elle s’appuie pour cela sur de multiples éléments : le rôle actif des grimpeurs bien sûr, mais également la conformité de la salle aux normes de sécurité en vigueur, ou encore les avertissements adressés aux usagers dans le règlement intérieur. Or, dans le présent arrêt, la Cour s’appuie uniquement sur l’aléa résultant du déplacement des usagers, aléa accru en l’espèce du fait d’une situation anormale imputable à la société exploitante. Cette qualification est donc discutable. Le débiteur d’une obligation de moyen peut se prévaloir d’un plus grand nombre de causes d’exonération que s’il était débiteur d’une obligation de résultat, et notamment d’une faute de la victime. ❤️ Recommandé pour vo us : Découvrez un commentaire d'arrêt sur l'indemnisation des accidents de la circulation ❤️ Recommandé pour exceller : Fiches de Responsabilité Civile II/ Le défaut d’attention de la victime justifiant un partage de la responsabilité entre les parties [Chapô] La Cour de cassation valide dans un premier temps le raisonnement de la cour d’appel en retenant l’existence d’une faute de la victime, faisant preuve ainsi d’une certaine sévérité (A) . Cette faute entraîne logiquement une exonération partielle du défendeur (B) . A) La sévère caractérisation d’une faute de la victime Dans sa réponse, la Cour de cassation mentionne un « défaut d’attention de la victime ». Elle affirme en effet que le demandeur « aurait pu, en faisant attention aux obstacles susceptibles d'exister, tel le petit trottoir dont l'épaisseur n'excédait pas celle d'une marche d'escalier, éviter sa chute ». Elle retient donc ici une faute de la victime, c’est-à-dire un comportement anormal, et non un simple fait de cette dernière. Elle reprend ainsi les termes de la cour d’appel, qui mentionne une « inattention » de la victime. Cette notion de « défaut d’attention » semble proche de celle d’imprudence, autrement dit du fait d’agir sans avoir pris les précautions suffisantes. Il s’agit d’une faute non intentionnelle simple, qui se distingue par exemple des fautes non intentionnelles qualifiées, telles que la faute lourde, qui peut se définir comme une erreur de conduite grossière. La Cour de cassation apprécie généralement cette catégorie de faute in abstracto , c’est-à-dire de façon abstraite, en se détachant des circonstances particulières propres à l’espèce. Elle a notamment pour cela recours au standard « du bon père de famille », d’une personne raisonnable. Toutefois, cela ne l’empêche pas de prendre en compte les circonstances particulières de l’espèce lorsqu’elle le juge nécessaire : elle s’interroge alors sur le comportement qu’aurait adopté une personne raisonnable confrontée à une situation similaire à celle de l’espèce. Elle lie ainsi appréciation in abstracto , et appréciation in concreto . Or, c’est précisément ce que semble faire la Cour dans le présent arrêt. Elle ne prend en compte aucun élément lié à la personne même de la victime. Elle se contente d’affirmer que cette dernière « aurait pu (…) éviter sa chute ». Toutefois, elle prend en compte des éléments propres à l’espèce. En ce sens, elle admet notamment que « le déplacement à pied était nécessité par une situation anormale ». Elle mentionne, en outre, « le petit trottoir dont l'épaisseur n'excédait pas celle d'une marche d'escalier », sur lequel a trébuché la victime. On peut penser que là encore, la Cour de cassation fait à nouveau preuve d’une certaine sévérité en retenant non le simple fait de la victime, mais son « défaut d’attention », donc sa faute. À nouveau, les contestations du demandeur, qui argue que « contraint de descendre de son véhicule en raison de la mise en panne de la borne de paiement automatique (…), il avait dû emprunter un chemin qui n'était pas aménagé pour la circulation des piétons et avait chuté sur un muret servant à délimiter la voie de circulation réservée aux véhicules automobiles ». Non seulement ce déplacement à pied résulte d’un manquement de la société exploitante, mais de plus, l’usager n’a guère fait davantage que chuter. Il ne s’est pas, par exemple, allongé au beau milieu d’une voie de circulation. En outre, il n’est fait mention d’aucun comportement manifestement imprudent ou négligeant de l’usager lors de ce déplacement. Cette sévérité de la Cour est donc, au moins dans une certaine mesure, critiquable, et tranche avec son souci habituel d’indemniser les victimes. On peut imaginer que cela est dû à une gravité modérée du dommage, ou encore du caractère peu dangereux du « petit trottoir ayant l’épaisseur d’une marche » sur lequel a chuté la victime. La Cour de cassation retient donc une faute de la victime qui mène, de façon classique, à l’exonération partielle de défendeur. ❤️ Recommandé pour vo us : [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 2e civ., 2/02/2017 (Obl. délictuelles) B) Une faute de la victime entraînant classiquement une exonération partielle du défendeur La Cour de cassation affirme que « le défaut d'attention de la victime justifiait un partage de responsabilité à hauteur de 50 % à la charge de chacune des parties ». La faute de la victime – c’est-à-dire son comportement anormal, et non son simple fait – est en effet une cause usuelle d’exonération partielle de la responsabilité de défendeur. Elle se distingue ainsi de la cause étrangère pourvue des caractéristiques de la force majeure, qui, elle, peut aboutir à une exonération totale du défendeur, car alors le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage est tout à fait rompu. La faute de la victime peut également entraîner une exonération totale du défendeur lorsqu’elle possède les caractéristiques de la force majeure : l’extériorité, l’imprévisibilité, et l’irrésistibilité, critères réaffirmés par la Cour de cassation réunie en assemblée plénière dans deux arrêts en date du 14 avril 2006. Or, dans la présente décision, il n’est pas fait mention de l’éventuelle possession par la faute de la victime des caractéristiques de la force majeure. La faute de la victime peut également être écartée par une théorie sélective de la causalité. Le plus souvent, sur le terrain de la responsabilité pour faute, la Cour de cassation se base sur la théorie de l’équivalence des conditions : c’est-à-dire que peut être retenu comme cause juridique du dommage tout fait ayant participé à sa réalisation. Cette théorie, favorable à la victime, compense la charge probatoire qui pèse sur elle sur le terrain de la responsabilité pour faute. Néanmoins, la Cour peut parfois utiliser sur ce terrain la théorie de la causalité adéquate : est alors retenu comme cause du dommage tout fait ayant mené à la réalisation du dommage, « selon le cours normal des choses et l’expérience de la vie ». Or, cette théorie peut parfois mener à écarter la faute de la victime. On peut citer en ce sens un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 4 juillet 1990. Enfin, il convient de noter qu’ici la Cour use d’une solution classique, mais dont elle a pu parfois s’écarter : on peut citer en ce sens l’arrêt Desmares en date du 21 juillet 1982, dans lequel la Cour écarte la faute simple d’une victime d’un accident de la circulation comme cause d’exonération. Il s’agissait d’un « appel du pied » au législateur, afin de l’inciter à adopter un régime spécial en la matière. Depuis l’adoption de la loi Badinter en 1985, elle s’est à nouveau attachée à cette solution usuelle. Soulignons néanmoins que certains régimes spéciaux ne reconnaissent pas la faute simple de la victime comme cause d’exonération, même partielle : ainsi, seule la faute inexcusable de la victime non conductrice d’un accident de la circulation peut exonérer le défendeur, et cela seulement si elle est cause exclusive du dommage. ❤️ Recommandé pour vous : [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 2ᵉ civ, 07/07/2022 (Accident circulation) 🧰 Parce que votre réussite nous tient à cœur, augmentez vos chances de valider votre année en découvrant toutes les ressources de la BOÎTE À OUTILS ( Flashcards de droit , Fiches de droit , Livres de droit ). 💖 Recevez aussi des good vibes, des conseils confidentiels et réductions exclusives en recevant la NEWSLETTER DU BONHEUR.
- [COMMENTAIRE D’ARRÊT] CE, Juge des référés, 15 décembre 2010
Cours de droit > Cours de Droit Administratif Voici un commentaire d'arrêt en droit administratif portant sur l'ordonnance rendue le 15 décembre 2010 par le juge des référés du Conseil d'État. Il y sera traité le droit à la scolarisation pour un enfant handicapé ainsi que l'appréciation stricte quant à l’utilisation du référé liberté. Cette copie a obtenu la note de 16,5/20. Sommaire : I/ La consécration préalable et inédite du droit à la scolarisation pour un enfant handicapé en tant que liberté fondamentale A) L’égal accès à l’instruction : une obligation explicite de résultat pour l’administration B) L’assimilation implicite de l’exigence d’égal accès à l’éducation à une liberté fondamentale II/ L’appréciation conditionnée de la recevabilité du référé liberté A) Le rappel bienvenu des conditions de recevabilité du référé liberté B) L’absence caractérisée d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale N.B : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊. Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Sujet : L’ordonnance du CE, Juge des référés, 15 décembre 2010, n° 344729 [Accroche ] « Des milliers d’enfants ne bénéficient pas d’une prise en charge éducative ou d’une prise en charge éducative adéquate, en dépit des orientations décidées par les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. Pour remédier à cette difficulté, le droit offre des voies de recours qui peuvent se révéler efficaces. La première d’entre elles est le référé-liberté. » D’après un article de Village de la justice par l’avocat David Taron. La présente ordonnance en constitue la parfaite illustration. [Faits et procédure] En l’espèce, M et Mme B ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille pour demander l’affectation d’un auxiliaire de vie scolaire pour la scolarisation de leur enfant A…B, qui est handicapé, à l’école primaire sur le fondement de l’article L. 521-2 du Code de la justice administrative. Par une ordonnance du 19 novembre 2010, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille fait droit à leur demande et enjoint au ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Vie éducative d’affecter un auxiliaire de vie scolaire à cet enfant. Et ce, aux motifs que l’absence d’auxiliaire de vie scolaire pour assister l’enfant, constitue une atteinte à une liberté fondamentale, susceptible de faire l’objet d’un référé liberté au sens de l’article L. 521-2. Le ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Vie associative conteste alors cette ordonnance directement devant le juge des référés du Conseil d’État, en demandant l’annulation du jugement de première instance ainsi que le rejet des demandes adressées par les requérants M. et Mme B. Il considère que l’intervention du juge des référés du tribunal administratif de Marseille sur le fondement de l’article L521-2 du Code de justice administrative n’est pas justifiée. L’étude de cette ordonnance apparait opportune, car cette dernière met en avant la possibilité pour des familles dépourvues de solutions adaptées pour la scolarisation de leurs enfants handicapés de saisir le juge des référés. [Problématique] La question principale qui se posait au juge en l’espèce était de savoir si le référé liberté était recevable, et donc justifiée. Afin d’y répondre, le juge s’est posé successivement les questions suivantes : l’égal accès à l’instruction pour les personnes handicapées constitue-t-elle une liberté fondamentale ? Par ailleurs, l’absence en l’espèce d’un auxiliaire de vie scolaire pour assister un enfant handicapé est-elle susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale au sens de l’article L-521-2 du Code de justice administrative ? [Solution] Le juge des référés du Conseil d’État, dans son ordonnance du 15 décembre 2010, fait droit à la demande du ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Vie associative, en annulant l’ordonnance du 19 novembre 2010 du juge des référé du tribunal administratif de Marseille et en rejetant la demande de M. et Mme B. Il accepte en ce sens dans un premier temps, de reconnaitre le droit à une scolarisation adaptée pour les enfants handicapés comme une liberté fondamentale susceptible de faire l’objet d’un référé liberté. Mais il estime qu’en l’espèce l’intervention du juge des référés n’est pas justifiée, car de telles circonstances ne peuvent pas caractériser « une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 ». Cette condition fondamentale étant absente, il considère que le ministre est fondé à attaquer l’ordonnance du 19 novembre 2010 qui lui enjoignait à tort d’affecter un auxiliaire de vie pour la scolarisation de cet enfant à l’école Saint Joseph de la Madeleine de Marseille. [Annonce de plan] Ainsi, le juge des référés du Conseil d’État, reconnait comme une liberté fondamentale le droit à la scolarisation pour un enfant handicapé (I) . Cependant, il conserve une appréciation stricte quant à l’utilisation du référé liberté (II) . ❤️ Recommandé pour vous : 6 étapes essentielles pour réussir le commentaire d'arrêt I/ La consécration préalable et inédite du droit à la scolarisation pour un enfant handicapé en tant que liberté fondamentale [Chapô] Au travers de cette ordonnance, le Conseil d’État étend le champ d’application du référé liberté puisqu’il admet l’existence d’une nouvelle liberté fondamentale. En effet, il commence par affirmer que l’égal accès à l’instruction est une exigence constitutionnelle qui s’impose à l’administration (A) . Et que dans cette mesure cette exigence est assimilable implicitement a une liberté fondamentale (B) . A) L’égal accès à l’instruction : une obligation explicite de résultat pour l’administration « L’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction est mise en œuvre par les dispositions de l’article L.131-1 du Code de l’éducation. » Le Conseil d’État qualifie donc dans un premier temps l’égal accès à l’instruction « exigence constitutionnelle », en rappelant que l’égal accès à l’instruction est garanti par le 13e alinéa du préambule de la Constitution de 1946, désormais intégré dans le bloc de constitutionalité, au sommet de la hiérarchie des normes. Il s’appuie donc à juste titre sur cet argument pour démontrer et justifier l’importance et la prédominance de ce principe sur les autres nomes de droit commun. Par la même, il accentue ses propos en se fondant aussi sur un article (article 2) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que sur le Code de l’éducation qui confirme et rappelle une nouvelle fois cette exigence constitutionnelle à l’article L. 131-1 : « L’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six et seize ans. » L’article L 112-1 du Code de l’éducation complète ces dispositions en précisant qu’il est possible de prévoir une formation scolaire pour les enfants handicapés avant l’âge de la scolarité à la condition que la famille en fasse la demande. Il s’agit donc visiblement d’un principe très important qui se fonde sur de nombreuses sources de droit comme le démontre le juge des référés du Conseil d’État dans son premier considérant [Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur le contrôle du juge des référés ]. En s’appuyant ainsi sur ce que dit le législateur, il rappelle et confirme que s’impose à l’administration des obligations explicites et précises de résultat. Ces obligations peuvent être traduites par la délivrance de prestation matérielle au besoin, puisqu’elle parle bien de la mise en place par le service public de l’éducation d’une « formation scolaire adaptée » pour les enfants handicapés (article L 112-1 du Code de l’éducation). Le terme « adapté » renvoie aux moyens que doit mettre en place l’administration comme par exemple la mise à disposition d’un auxiliaire de vie scolaire pour l’élève handicapé. De cette façon, le Conseil d’État qualifie explicitement. À ce propos, au travers de cette ordonnance, le juge des référé du Conseil d’État fait écho implicitement à la jurisprudence Laruelle du 8 avril 2009. En effet, selon cette dernière, « l'obligation scolaire s'appliquant à tous, les difficultés particulières que rencontrent les enfants handicapés ne sauraient avoir pour effet ni de les priver de ce droit, ni de faire obstacle au respect de cette obligation ; qu'il incombe à l'État, au titre de sa mission d'organisation générale du service public de l'éducation, de prendre l'ensemble des mesures et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que ce droit et cette obligation aient, pour les enfants handicapés, un caractère effectif. » Ainsi, il en ressort que l’obligation d’égal accès à l’instruction, imposée par le législateur à l’administration (« selon les modalités que le législateur a définies »), est une obligation non pas de moyen mais bien une obligation de résultat comme c’est dans le cas en l’espèce. Et dans ce sens, la responsabilité de l’État pourrait être engagée en cas de non-respect d’une telle obligation. [Ndlr : Voir la fiche de l'arrêt Blanco sur la responsabilité de l'Etat ]. La question qui se pose alors au Conseil d’État est donc de savoir s’il accepte ou non d’élargir la possibilité de faire un référé liberté pour une telle obligation, très spécifique. B) L’assimilation implicite de l’exigence d’égal accès à l’éducation à une liberté fondamentale « L’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative . » Le Conseil d’État après avoir longuement consacré l’importance du droit d’égal accès à l’instruction, protégé à la fois par la Constitution mais aussi par un texte international, le reconnait comme étant une liberté fondamentale. En effet, il fait d’abord état de l’obligation de résultat de la part de l’administration telle qu’elle est prévue par le législateur en ajoutant que si cette obligation n’est pas respectée, le requérant a bien la possibilité de saisir le juge des référés aux termes de l’article L .521-2 : « considérant que la privation pour un enfant, notamment s’il souffre d’un handicap, de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire adaptée, selon les modalités que le législateur a définies (…) est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens de l’article L.521-2. » Par l’expression « est susceptible », le Conseil d’État reconnait alors implicitement qu’il consacre le droit à la scolarisation pour un enfant handicapé comme étant une liberté fondamentale au sens de l’article L.521-2 du Code de la justice administrative (CJA). La notion de liberté fondamentale étant une notion autonome et n’étant pas définie par la loi, c’est le Conseil d’État lui-même qui a du déterminer qu’elles étaient les libertés fondamentales au sens de l’article L.521-2 pour le référé liberté. Ainsi, au travers de ces jurisprudences, il convient de remarquer que la notion de liberté fondamentale renvoie la plupart du temps aux libertés protégées par la Constitution, au niveau européen ou par le droit international en général. C’est de cette manière que le juge administratif a admis au titre des libertés fondamentales invocables dans le cadre du référé liberté (article L.521-2 du CJA), la liberté d’opinion par exemple, dans l’arrêt Casanova du Conseil d’État, le 28 février 2001, n° 374508. Ou encore la liberté d’aller et venir dans l’arrêt du Conseil d’État, Deperthes du 8 janvier 2001, n° 228928, ou celle de la liberté de culte consacrée par l’arrêt du Conseil d’État Benaissa le 16 février 2004, n° 264314. Néanmoins, le caractère constitutionnel de ce droit d’égal accès à l’instruction ne garantit pas sa considération par le juge comme une liberté fondamentale invocable dans le cadre du référé liberté comme l’illustre certains arrêts. Notamment l’arrêt du Conseil d’État du 8 septembre 2005, Bunel , ou le juge rejette le droit à la santé en dehors du champ du référé liberté, alors que pourtant c’est un droit qui a une valeur essentielle. En outre, le caractère autonome de la notion de liberté fondamentale prend tout son sens, car il appartient au juge de l’identifier d’après les termes de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative. Et cette détermination n’est absolument pas tenue du caractère constitutionnel ou essentiel du droit dont il est question. Toutefois en l’espèce, le juge des référés choisi de suivre le même raisonnement que la jurisprudence du Conseil d’État du 12 janvier 2001, Hyacinthe et Gisti dans laquelle le juge s’appuie sur un fondement constitutionnel pour qualifier le droit d’asile de liberté fondamentale. Par conséquent, dans cette ordonnance, le fait que ce droit de l’égal accès à l’instruction soit une exigence constitutionnelle consacrée même au niveau européen joue probablement un grand rôle dans la solution du juge même si celui-ci ne se prononce pas explicitement sur le raisonnement qu’il a tenu pour affirmer ce droit comme étant une liberté fondamentale. Par ailleurs, sa solution s’inscrit dans une sorte de mouvement qui tend à concevoir plus largement des libertés méritant d’être protégées dans le cadre du référé liberté. Notamment cette solution s’assimile à l’arrêt du Conseil d’État du 27 novembre 2013 qui reconnait comme une liberté fondamentale le droit pour les personnes autistes à une prise en charge adaptée. Le juge des référés du Conseil d’État s’appuie donc sur une base légale et jurisprudentielle qui permet de fonder un raisonnement cohérent et légitime. Cependant, il ne se prononce pas assez explicitement sur la qualification du droit à la scolarisation égale pour tous en tant que liberté fondamentale. Cela peut toutefois s’expliquer par le délais très court (de 48 heures) qu’il lui est impartit pour rendre son ordonnance. [Transition ] Le juge des référés a ainsi reconnu au préalable que le droit mis en cause en l’espèce était bien une liberté fondamentale, et il va donc vérifier que les autres conditions du référé liberté sont bien remplies avant de se prononcer (II) . ❤️ Recommandé pour vous : 12 conseils pour gratter des points lors d'un commentaire d'arrêt II/ L’appréciation conditionnée de la recevabilité du référé liberté [Chapô] En effet, après avoir identifié la première condition de recevabilité du référé liberté en démontrant implicitement qu’il y a bien une atteinte à une liberté fondamentale, le juge des référés va tout d’abord rappeler les conditions de fond de l’article L521-2 (A) avant d’apprécier si ces conditions sont remplies ou non (B) . A) Le rappel bienvenu des conditions de recevabilité du référé liberté « La privation pour un enfant, notamment s’il souffre d’un handicap de toute possibilité de bénéficier d’une scolarisation ou d’une formation scolaire adaptée, (…) est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L 521-2 du Code de justice administrative. » En effet, l’article L 521-2 mis en place par la loi du 1er juillet 2000, pose la définition du référé liberté : « saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » [Ndlr : Voir un commentaire sur la notion de service public ]. Ainsi cet article pose successivement les deux conditions cumulatives rappelées par le Conseil d’État dans son considérant 3. D’abord, il précise que pour faire un référé liberté, une simple atteinte à la liberté fondamentale ne suffit pas, il faut qu’il y ait une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Le degré de gravité d’une telle atteinte s’apprécie in concreto , au cas par cas par le juge. Cette condition rappelle en quelque sorte au juge du référé liberté que celui-ci n’agit pas en tant que juge de fond et ne peut donc se saisir d’un recours en référé qu’à la condition que le caractère illégal de l’atteinte à la liberté fondamentale lui saute aux yeux, soit flagrante. En outre, il ne doit pas avoir besoin d’analyser les faits en détail pour apprécier le caractère illégal de l’atteinte. Ce n’est pas son rôle, d’autant plus qu’il se prononce dans un délai extrêmement réduit de quarante-huit heures. Mais cette exigence qui parait pourtant simple en principe, n’a pas permis d’empêcher pour le juge des référés d’être saisi d’affaires délicates. C’est le cas par exemple dans l’affaire Vincent Lambert , où le Conseil d’État va finir par considérer qu’il n’y avait aucune atteinte grave et manifestement illégale dans la décision d’interrompre l’alimentation et l’hydratation de Vincent Lambert, ce dernier étant dans un état végétatif depuis son accident de la route en 2008. Le Conseil d’État fait mention par ailleurs de la deuxième condition prévue par l’article L 521-2 du Code de justice administrative : « sous réserve qu’une urgence particulière rende nécessaire l’intervention d’une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures. » En effet, l’urgence est une condition fondamentale, qui est commune aux trois procédures d’urgences (référé suspension, référé mesures utiles et référé liberté). Le référé liberté est ainsi conditionné par la présence d’une situation d’extrême urgence, auquel renvoie le Conseil d’État par l’expression « urgence particulière ». L’idée pour le juge est de rechercher si l’atteinte à la liberté fondamentale est telle qu’elle rend « nécessaire l’intervention d’une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures ». Cette condition d’urgence particulière est mise en avant par l’arrêt du Conseil d’État, Commune de Pertuis, de 2003. Ainsi, constitue une situation d’urgence particulière le cas où l’administration aurait commis une atteinte telle qu’elle entrainerait des conséquences difficilement réparables si le juge n’intervenait pas très rapidement dans ce délai. Par conséquent, l’objectif d’une telle condition est qu’elle limite le recours à ce référé liberté aux atteintes vraiment sérieuses, et donc permet de ne pas encombrer le juge des référés administratifs. Ces deux conditions réunies permettent d’éviter un usage banalisé ou abusif de la procédure du référé liberté. Il restreint son champ d’application aux seules libertés fondamentales au sens de l’article L 521-2 du CJA, tout en permettant tout de même de garantir au maximum la protection des libertés fondamentales. La jurisprudence permet ainsi d’établir un certain équilibre entre les deux. Il semblerait que le juge des référés du Conseil d’État effectue un rappel pédagogique, visant à éclairer le juge des référé du tribunal administratif de Marseille qui présentement s’est avéré indiscipliné ; « contrairement à ce qu’a jugé le juge des référés du tribunal administratif de Marseille », en confirmant le respect de ces conditions a tort. [Transition ] Le juge des référés dans cette ordonnance poursuit son raisonnement, et apprécie enfin le cas en l’espèce au regard des conditions qu’il vient de rappeler (B) . ❤️ Recommandé pour exceller : Fiches de Droit Administratif B) L’absence caractérisée d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale Le juge des référés va clôturer son raisonnement en appréciant si oui ou non, l’utilisation en présence du référé liberté est justifiée. Pour cela, après avoir rappelé les conditions qu’il doit contrôler, il évoque par ailleurs, au regard de quels éléments peut-on apprécier la condition d’atteinte grave et manifestement illégale. « En outre, le caractère grave et manifestement illégal s’apprécie en tenant compte, d’une part de l’âge de l’enfant, d’autre part des diligences accomplies par l’autorité administrative compétente, au regard des moyens dont elle dispose. » Il convient donc de relever que le juge du Conseil d’État pourra apprécier cette condition en se fondant sur deux éléments : l’âge de l’enfant et les moyens mis en œuvre par l’administration pour remédier au problème. Dans son considérant 4, le Conseil d’État revient sur les faits en les détaillant afin d’apprécier si cette condition d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale est bien remplie ou non. En l’espèce, il convient d’une part de se pencher sur l’âge de l’enfant puisque le juge dit qu’il en tient compte dans sa solution. L’enfant A.B. étant âgé de 3 ans en décembre 2008, il est possible d’en déduire qu’il est âgé de 5 ans environ au moment des faits (en 2010). Pour rappel, à cette époque, avant la nouvelle loi entrée en vigueur le 2 septembre 2019, l’article L.131-1 du Code de l’éducation prévoyait que « l’instruction est obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, entre six et seize ans. » Par conséquent, l’enfant A. B. dont il est question en l’espèce n’a pas encore atteint l’âge de la scolarité obligatoire. À ce titre, l’obligation de l’égal accès à l’instruction devrait s’atténuer. Néanmoins, le juge des référés du Conseil d’État dans sa solution rappelle bien que l’administration « ne saurait se soustraire à ses obligations légales », donc ce n’est pas le cas. Et par « obligation légale », il entend tous les textes qu’il a cité dans son considérant 1. Toutefois, le fait que l’enfant n’ai pas l’âge de la scolarité obligatoire est tout de même pris en compte par le juge des référés dans son appréciation finale puisqu’il dit bien « de telles circonstances ne peuvent caractériser (…) une atteintes grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ». Par ailleurs, concernant le deuxième élément d’appréciation mis en exergue par le juge « des diligences accomplies par l’autorité administrative compétente, au regard des moyens dont elle dispos e », le Conseil d’État admet dans son considérant 5 le fait que l’administration ait tenté d’agir. En effet, après la démission de l’auxiliaire de vie qui assistait l’enfant handicapé A. B. à l’école, le Conseil d’État affirme qu'il ne bénéficie plus d’assistance d’un auxiliaire de vie depuis quelques temps, car « l’administration n’ayant pas pu lui trouver un remplaçant ». Par l’utilisation du verbe pouvoir, le juge des référés met en avant l’impossibilité de l’administration de trouver un remplaçant, ce qui admet qu’elle ait fait des recherches. Par conséquent, au travers de cette expression, il est possible de comprendre que l’administration a tout fait pour recruter un remplacent. Au-delà de ça, le juge confirme que « toutefois, il demeure scolarisé, en dépit des conditions difficiles de cette scolarisation depuis qu’il n’est plus assisté ». Donc, le fait que l’administration ait maintenu la scolarisation est un élément déterminant puisque de ce fait le juge constate logiquement qu’il ne peut pas caractériser la présence d’une atteinte grave et manifestement illégale. Enfin, en excluant la présence d’une atteinte grave et manifestement illégale, le juge des référés du Conseil d’État écarte d’office la recevabilité du référé liberté. Néanmoins, ce dernier rappelle tout de même, afin d’être tout à fait complet et compréhensible dans son raisonnement que « par suite, et sans qu’il soit besoin de rechercher si la conditions particulière d’urgence exigée par cet article (L 521-2 du CJA) était remplie, le ministre de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Vie associative est fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés, (…) lui a enjoint d’affecter un auxiliaire de vie scolaire pour la scolarisation de cet enfant ». Il estime donc qu’il n’est pas nécessaire de rechercher la condition d’urgence particulière puisqu’il vient de démontrer que l’une des conditions cumulatives nécessaires pour faire un référé liberté était absente. Le juge tire alors les conséquences logiques de son constat. En outre, la solution de cette ordonnance n’est pas surprenante, et le raisonnement du juge est complet, cohérent et légitime. De plus c’est une solution qui apparait protectrice des libertés fondamentales et novatrice, moderne dans le sens où elle permet d’en admettre une nouvelle au titre du référé liberté. Dans le même sens, elle est louable puisque le juge justifie parfaitement son raisonnement en se fondant sur des dispositions à la fois légales (art L521-2 du CJA) et jurisprudentielles en appliquant la même logique que les jurisprudences antérieures et en se contentant d’innover sur la reconnaissance d’une nouvelle liberté fondamentale au sens de l’article L521-2 du CJA. 🧰 Parce que votre réussite nous tient à cœur, augmentez vos chances de valider votre année en découvrant toutes les ressources de la BOÎTE À OUTILS ( Flashcards de droit , Fiches de droit , Livres de droit ). 💖 Recevez aussi des good vibes, des conseils confidentiels et réductions exclusives en recevant la NEWSLETTER DU BONHEUR.
- Exemple de commentaire d'arrêt en contrats spéciaux (pacte de préférence)
Cours de droit > Cours de Droit des Contrats Voici un exemple de commentaire d'arrêt corrigé en droit des contrats spéciaux portant sur le pacte de préférence ainsi que sur la promesse de vente. Cette copie a obtenu la note de 18/20. Sommaire : I/ L’avant contrat, véritable contrat dicté par le principe de la force obligatoire A) La reconnaissance non équivoque de la force obligatoire du pacte de préférence B) La nature de l’obligation du promettant judicieusement précisée II/ La violation avérée du pacte de préférence A) L’appréciation opportune de la violation du pacte au jour de la signature de la promesse B) L’absence constatée de l’extinction du pacte de préférence à la date de la conclusion de la promesse unilatérale de vente N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊 Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Commentaire général de l’enseignant : « Excellent, tout simplement ! Continuez ainsi ! » Sujet : Arrêt de la Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 6 décembre 2018 [Accroche ] Il est commun d’admettre que les effets du pacte de préférence sont en veille jusqu’au jour où le promettant se décide à vendre. Pourtant, le pacte, dès sa conclus ion, produit d’ores et déjà « des effets périphériques dont la trame est que le promettant s'oblige à ne rien faire qui puisse compromettre la mise en œuvre de la préférence », ( La formation du contrat, Jacques Ghestin, Grégoire Loiseau, et Yves-Marie Serinet ) (« Très bonne référence ! ») . En ce sens, l’arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Haute juridiction le 6 décembre 2018, sous l’empire (« l’autorité ») de l’ancien droit, illustre parfaitement ces « effets périphériques ». « Très bonne accroche ! À noter cependant, que la Cour s’attache ici à l’obligation essentielle du pacte de préférence, plus qu’à ses effets périphériques, que l’on déduit bien entendu de la solution. » Le 28 octobre 1999, M. Y a conclu un pacte de préférence avec Mme X pour une durée de dix ans ayant pour objet deux lots d’immeubles. Le 2 septembre 2009, soit neuf ans et onze mois plus tard, M. Y conclut une promesse unilatérale de vente à M. Z portant sur les deux mêmes lots d’immeubles. Le 16 novembre suivant, la vente est effectuée. Mme X les assigne en annulation de la vente et substitution dans les droits de l’acquéreur et demande, de plus, des paiements de dommages et intérêts [ Ndlr. : voir un exemple de commentaire d'arrêt sur la vente et la substitution dans les droits de l'acquéreur ]. Un appel est interjeté, le 25 avril 2017 la Cour d’appel de Fort-de-France rend un arrêt déboutant (« « rejetant ». On « rejette » les demandes, ou on « déboute » quelqu’un de ses demandes. ») les demandes de Mme X au motif que la lettre du pacte de préférence ne permet pas de conclure qu’en cas d’intention de vendre le pacte grève la promesse de vente, et que seule la date d’échange des consentements est à retenir (jour de la vente), dès lors l’échéance du pacte était acquise lorsque la levée de l’option est intervenue. Mécontente, Mme X se pourvoit en cassation. [Problématique ] Les hauts magistrats ont été amenés à se poser la question suivante : Une promesse de vente conclue sur un bien faisant l’objet d’un pacte de préférence viole-t-elle ce dernier? « Ok. » La Cour de cassation réunie en sa troisième chambre civile a, dans un arrêt du 6 décembre 2008, cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Fort-de-France, jugeant que le pacte de préférence implique une obligation pour le promettant de préférer le bénéficiaire dès lors qu’il décide de vendre le bien, objet du pacte. [Annonce de plan] La Cour réaffirme, dans un premier temps, la force obligatoire du pacte de préférence (I) avant de proclamer la violation (« Attention, la Cour ne va pas aussi loin, du fait qu’elle juge simplement en droit. Mais la question de la violation du PP est à étudier, sans même que la Cour ne la proclame. ») de celui (II). ❤️ Recommandé pour vous : 6 étapes essentielles pour réussir le commentaire d'arrêt I/ L’avant contrat, véritable contrat dicté par le principe de la force obligatoire [Chapô] Il ne fait nul doute que les avants contrats sont régis par le principe de la force obligatoire (A) , cependant il réside une interrogation quant à la nature de l’obligation qui incombe au promettant d’un pacte (B) . A) La reconnaissance non équivoque de la force obligatoire du pacte de préférence Les hauts magistrats énoncent « que la cour d’appel a violé le texte susvisé ». La cassation de l’arrêt de la Cour d’appel de Fort de France intervient au visa de l’ancien article 1134 du code civil. Les termes de l’alinéa 1 de l’ancien article 1134 disposent que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. » énonçant, ici le principe de la force obligatoire des contrats. Avant la réforme de 2016, qui consacre trois articles aux avant contrats, ces derniers se retrouvaient dans la pratique et la jurisprudence. S’il était convenu de leur efficacité, l’absence de texte empêchait une réelle reconnaissance de leur force obligatoire, laissant la jurisprudence fluctuante et l’insécurité juridique liée à une telle absence flottait. Il apparait évident que la Cour de cassation rend sa décision incontestablement imprégnée de la réforme, pourtant pas applicable aux faits de l’espèce « Oui. Expliquez pourquoi : elle reprend la définition entérinée en 2016. » . La solution est rigoureuse et affirme fermement la force du pacte de préférence, elle ne fait nul doute, l’avant contrat est un contrat, et, en conséquence, les parties sont tenues de le respecter à peine de sanction. Ce rappel est bienvenu, car le terme avant-contrat peut laisser apparaitre un relâchement de la part des parties dans le respect de leurs obligations « Intéressant. » . Cependant, une critique s’entend. En effet, si les parties concluent un avant contrat, c’est qu’elles n’entendent justement pas encore conclure un contrat définitif, pourtant aux termes de la décision il apparaît non équivoque que la Cour pose l’accent sur la force obligatoire du pacte. La Haute juridiction s’affirme par une certaine sévérité « Certes, mais la Cour ne dit pas que le PP oblige la conclusion du contrat définitif. Au contraire, elle évite soigneusement de le faire, pour réduire la force obligatoire du PP à une simple obligation de préférence. » . A contrario, affirmer que la force obligatoire doit s’entendre de manière plus souple car il s’agit d’un avant contrat et donc faciliter ou accepter de manière plus laxiste la violation du pacte, reviendrait à vider l’avant contrat de toute valeur normative. À quoi bon conclure si on peut violer ? Le pacte n’aurait plus d’intérêt pour le bénéficiaire qui se ferait constamment ou du moins aisément violer ses droits. La réforme, qui entérine la jurisprudence, fait apparaître le pacte de préférence à l’article 1123 du Code civil, aux termes duquel est expressément énoncé que le pacte de préférence est un contrat. Dès lors, sa conclusion vaut loi entre les parties. B) La nature de l’obligation du promettant judicieusement précisée Les juges du fond faisant référence à la lettre du pacte de préférence, énoncent que celle-ci « ne permet pas de conclure qu’en cas d’intention de vendre l’obligation de laisser la préférence à la bénéficiaire grève le précontrat », raisonnement qui, sans surprise, est cassé par la haute juridiction. En effet, la Cour de cassation rappelle que le pacte de préférence « implique l’obligation, pour le promettant de donner préférence au bénéficiaire, lorsqu’il décide de vendre le bien ». Ainsi, pour les juges du droit, l’obligation de laisser la préférence à la bénéficiaire grève la promesse de vente. S’il ne faisait presque nul doute que le pacte était imprégné d’une force obligatoire, tout autant que les contrats, la solution vient, cette fois-ci, préciser la nature de l’obligation qui incombe au débiteur du pacte, chose sur laquelle elle ne s’est peu, ou pas, exprimée jusqu’alors. En effet, rappelons-le, le pacte de préférence est un contrat unilatéral créant une obligation qu’à l’égard du promettant, qui s’engage à proposer au bénéficiaire en premier (« Plutôt, de préférer le bénéficiaire. Le fait de proposer le bien en premier à un tiers mais de finalement préférer le bénéficiaire ne constitue pas une violation du pacte. ») s’il se décide de de vendre. Le promettant n’est pas tenu d’une obligation de faire, en effet, il n’est en aucun cas obliger de vendre, mais il est tenu d’une obligation de ne pas faire, celle de ne pas proposer à autrui la vente du bien grevé par le pacte, en octroyant préférence au bénéficiaire. En conséquence, il n’est pas nécessaire qu'il soit procédé à la conclusion d’une vente avec un tiers pour que le promettant viole son obligation (« Très bien ! ») . L’engagement de ce dernier dans un processus susceptible d'aboutir à cette conclusion suffit à percevoir son intention de vendre, compromettant son obligation de ne pas entraver le droit de préférence qu’il a octroyé à la bénéficiaire. La Cour précise avec clarté et simplicité la nature de l’obligation du promettant, cependant, l’utilisation du verbe « donner » apparait regrettable. En effet, le promettant n’a nullement l’obligation de donner. La Cour aurait pu, même dû, opter pour un rapprochement avec les termes utilisés par la réforme. C’est le verbe « proposer », que l’on retrouve donc aux termes de l’article 1123 du Code civil (« Certes. ») . On comprend bien que le promettant n’a pas à sa charge une obligation de donner ou de faire mais il doit s’abstenir de contracter avec un tiers en octroyant un droit de préférence au bénéficiaire. ❤️ Recommandé pour vous : [ CAS PRATIQUE] Le pacte de préférence et l'erreur (droit des obligations contractuelles) II/ La violation avérée du pacte de préférence [Chapô] C’est en précisant la date à laquelle l’exécution de l’obligation du promettant doit être appréciée (A) et en relevant que à cette date le pacte n’était pas éteint que la Cour a pu juger que le celui-ci n’a pas été respecté (B) . A) L’appréciation opportune de la violation du pacte au jour de la signature de la promesse La Cour rejette le raisonnement des juges du fonds qui avaient retenu que la levée de l’option étant intervenue après l’échéance du pacte, la vente du lot des immeubles à un tiers n’avait pas violé le droit de préférence de la bénéficiaire. Cependant retenir une pareille solution contrevenait nécessairement à la définition du pacte de préférence. En effet, la Cour retient, que l’obligation du promettant de préférer née dès la conclusion du pacte de préférence, par conséquent, dès lors qu’il décide de vendre, il doit nécessairement s’adresser à la bénéficiaire. Cette solution n’a rien de surprenant car il est traditionnellement admis que le promettant d’une promesse de vente donne son consentement au moment de la conclusion de celle-ci et seul le consentement du bénéficiaire est retardé à la levée de l’option. L’engagement du vendeur apparait irrévocable. Il suffit de se référer à l’article 1124 du Code civil issue de la réforme qui ne fait que reprendre les solutions jurisprudentielles ; « la promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire » et que de plus « La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat promis ». Si, toutefois, l’intention de vendre apparaît incontestablement comme un élément subjectif qu’il est parfois difficilement aisé de déceler, la signature de la promesse vient naturellement matérialiser l’intention de vendre de celui qui s’engage irrévocablement à vendre « Très bien ! » . En effet, dans un arrêt de la troisième chambre civile du 17 octobre 2019, la Haute juridiction a jugé que la promesse unilatérale de vente manifeste une intention de vendre non équivoque. Dès lors , la Cour retient la date de la signature de la promesse comme le jour où le pacte a été violé et non pas la date de la levée d’option et la formation de la vente comme l’ont fait les juges du fond « Attention : la Cour ne s’attarde pas sur ce sujet, car il s’agit d’une question de fait. Elle casse l’arrêt rendu par la CA en ce qu’il n’est pas fondé sur la recherche de la date de l’intention de vendre. On peut, dès lors, déduire que cette intention s’est manifestée au plus tard le jour de l’émission de la promesse unilatérale de vente. Mais la Cour ne le dit pas. » L’appréciation de la date de violation du pacte présente un intérêt non négligeable pour le bénéficiaire du pacte concernant la sanction. Si on suit le raisonnement de la Cour, il nous amène à prononcer non pas la nullité de la vente mais celle de la promesse « Bof, pas vraiment. Dès qu’il y a violation du pacte de préférence, le contrat conclu avec un tiers peut être annulé (à condition de remplir les conditions de l’action en nullité). Peu importe que ce contrat ait été précédé ou non d’une promesse unilatérale de vente et que l’option ait été levée après le terme du pacte de préférence. » . Par conséquent, l’appréciation de la bonne foi du tiers, c’est à dire sa connaissance du pacte et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, devrait donc s’apprécier au jour de la signature de la promesse de vente et non pas au jour de la vente. On ne peut malheureusement que regretter que la Cour ne se prononce nullement sur la question. ❤️ Recommandé pour vous : [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass, civ. 3, 15 octobre 2015 n°13-24-355 B) L’absence constatée de l’extinction du pacte de préférence à la date de la conclusion de la promesse unilatérale de vente Par cet arrêt, la Cour de cassation met un point d’honneur au respect du pacte de préférence et ce même face aux autres avant-contrats. En effet, la Cour retient que le pacte étant le contrat qui confère à son bénéficiaire le droit de conclure préférentiellement la vente d'un bien, cette préférence grève la promesse unilatérale de vente de ce même bien et elle sanctionne ainsi la violation du pacte par une promesse de vente. Si en l’espèce l’échéance du pacte était proche, la bénéficiaire n’avait pas entendu renoncer à sa préférence et par là le pacte était bel et bien en vigueur jusqu’à l’échéance du terme stipulé dans l’avant contrat. En d’autres termes, l’obligation née du pacte de préférence n’était pas éteinte à l’égard du promettant, au jour de la conclusion de la promesse. Dès lors, la violation du contrat en vigueur, ne peut qu’engager la responsabilité contractuelle de la partie qui a inexécuté son obligation. La Cour fait donc primer la bonne foi (« Hum… On pourrait plutôt dire qu’elle s’inscrit dans le sillage de la mauvaise foi du promettant. Mais il faut bien relever que le concept de bonne / mauvaise foi lui est superflu pour rendre sa décision ») des parties plutôt que le désir individuel du promettant impatient de conclure avec un tiers qui, au demeurant, ignore en bafouant l’engagement qu’il avait pris à l’égard de la bénéficiaire du pacte. La solution est donc particulièrement favorable aux droits de la bénéficiaire. Le pacte de préférence n’étant pas éteint et aux vues de la nature de l’obligation ci-dessus précisée, la conclusion de la promesse unilatérale de vente intervenant quelque peu avant l’échéance du pacte, emporte nécessairement la violation de l’obligation de préférer qui incombe au promettant. La Cour de cassation juge donc que la cour d’appel, en occultant complètement le bénéficiaire, a violé l’article 1134 ancien du Code civil, ne reconnaissant pas la force obligatoire du pacte de préférence qui n’était pas éteint lorsque le promettant a exprimé son intention de vendre sans proposer en premier le bien au bénéficiaire. Ne se prononçant pas sur la sanction elle casse et annule, en toutes ses di cette décision. L’arrêt de la chambre mixte rendu en 2006 reconnaissant la possibilité pour le tiers de se substituer aux droits du tiers trouvera-t-il à s’appliquer ? Tout dépendra si celui-ci avait à sa connaissance du pacte et l’intention de s’en prévaloir de Mme X . Nous voilà déjà engagés dans une autre difficulté « Très juste. » . Jade CHERINO 🧰 Parce que votre réussite nous tient à cœur, augmentez vos chances de valider votre année en découvrant toutes les ressources de la BOÎTE À OUTILS ( Flashcards de droit , Fiches de dro it , Livres de droit ). 💖 Recevez aussi des good vibes, des conseils confidentiels et réductions exclusives en recevant la NEWSLETTER DU BONHEUR.
- [COMMENTAIRE D'ARRÊT] CE, 20/07/2022 (Identification contrat)
Cours de droit > Cours de Droit Administratif Voici un exemple de commentaire d'arrêt corrigé en droit administratif portant sur l'identification du contrat administratif. Cette copie a eu la note de 17/20. Sommaire : I/ L’affirmation par le juge d’une véritable présomption de droit privé pour certains contrats A) Le critère matériel comme justification de la présomption B) Le critère matériel comme moyen de renverser cette présomption II/ Un refus de renversement de la présomption surprenant A) L’indifférence du juge face à certaines clauses B) Une consécration implicite de prérogatives de puissance privée N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊. Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Commentaire général de l'enseignant : « C’est un excellent travail. Vous avez compris la décision et justifiez vos propos avec des raisonnements juridiques. Vous appliques bien la méthodologie, et critiquez en permanence la décision. Votre II. B) manque en raisonnements juridiques, mais l’idée développé est très intéressante. Vos titres doivent encore gagner en qualité. » ❤️ Recommandé pour exceller : Fiches de Droit Administratif Sujet : CE, 22 juillet 2022, N°457616 [ Présentation de l'arrêt ] L’arrêt commenté est un arrêt du Conseil d’État en date du 20 juillet 2022, sur le thème de l’identification du contrat administratif. [ Qualification juridique des faits ] Une personne privée a conclu une convention avec l’Office national des forêts (ONF) l’autorisant à occuper un terrain pour 9 ans. Le directeur régional de l’ONF, par une décision du 4 octobre 2016, a résilié la convention. L’individu a alors formé des recours gracieux qui ont été rejetés. [ Procédure ] Il saisit par la suite le tribunal administratif d’une demande en annulation de la décision de résiliation. Cette demande a été rejetée par le tribunal, l’individu forme alors un appel lui aussi rejeté. Le tribunal s’était estimé compétant en raison de la présence de clauses exorbitantes du droit commun, tout comme la cour administrative d’appel de Bordeaux, même si les deux juridictions rejettent au fond toutes deux le recours. L’individu forme alors un pourvoi devant le Conseil d’État. [ Problème de droit ] Le contrat litigieux relève-t-il de la compétence du juge administratif ? [ Solution ] Le Conseil d’État rappelle les règles d’identification du contrat administratif en s’attardant sur le critère matériel, c’est-à-dire en recherchant si le contrat comporte des clauses exorbitantes du droit commun. Il rejette cette qualification pour les clauses 2 et 8. Ne trouvant aucune clause exorbitante du droit commun, le Conseil d’État s’estime incompétent pour connaître du litige et rejette la demande. [Problématique] En quoi le rejet de la qualification de contrat administratif apparaît-elle comme problématique vis-à-vis de la conception classique du critère matériel d’identification ? [Annonce de plan] À travers cet arrêt, l’enjeu concernait l’identification ou non d’un contrat administratif. Le juge va ici particulièrement s’attarder sur le critère matériel posant une véritable présomption de droit privé (I) , il n’en demeure pas moins qu’il fait un usage surprenant de ce critère (II) . « Très bien. Il y a une vraie analyse de la décision et du raisonnement du juge administratif. » ❤️ Recommandé pour vous : [Méthodologie] 6 étapes essentielles pour réussir le commentaire d’arrêt I/ L’affirmation par le juge d’une véritable présomption de droit privé pour certains contrats « Titre à simplifier pour alléger la tournure. » [Chapô] Le Conseil d’État se fonde pour affirmer cette présomption sur le critère matériel, c’est-à-dire l’objet du contrat (« Très bien, on voit que vous avez appris et compris votre cours, car vous savez qualifier l'approche du juge ») (A) . Toutefois, c’est sur ce même critère qu’il se fonde pour la renverser (B) . A) Le critère matériel comme justification de la présomption « À reformuler. » Dans son considérant de principe, le Conseil d’État indique que le contrat « dont l’objet est la valorisation ou la protection de ce domaine [...] ne met en cause que des rapports de droit privé. ». Le Conseil d’État considère ainsi que les contrats ayant pour objet la gestion du domaine privé d’une personne publique relève du juge judiciaire. Il pose cette présomption de manière quelque peu analogue avec une de ses précédentes décisions (CE, 1993, UAP ) ( « Très bien de faire le lien avec la jurisprudence !») où il avait posé la présomption d’administrativité, fondée cette fois-là sur le critère organique. Il pose donc ici une présomption inverse fondée sur l’autre critère classique. Cette présomption apparaît néanmoins comme logique, eut égard à l’objet du contrat, à savoir la gestion du domaine privé d’une personne publique. En effet, les contrats d’occupation du domaine public sont des contrats administratifs par détermination de la loi depuis une ordonnance de 2015. Il est donc logique par un raisonnement a contrario ( « T rès bien, une vraie analyse du raisonnement !») de considérer que ceux relatifs au domaine privé soient des contrats de droit privé. Selon le Conseil d’État, l’objet du contrat concerne la « valorisation ou la protection de ce domaine ». Or, cette présomption de droit privé pour ce genre de contrat apparaît légèrement discutable. Le Conseil d’État se fonde sur l’objet du contrat pour affirmer son caractère de contrat de droit privé. Or, la valorisation et la protection de ce domaine peut tout à fait apparaître comme une mission de service public [Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur la notion de service public ]. En effet, la valorisation du territoire d’une commune a déjà été considérée comme une mission de service public (CE, 1984, Maison des isolants ) de même que la valorisation par une personne privée du domaine public (CE, ass., 1952, Sieur Dauphin ) [Ndlr : Voir la copie du major sur la désaffectation d'un bien du domaine public ]. Dès lors, l’affirmation du caractère de contrat de droit privé sur le seul fondement de l’objet du contrat apparaît comme assez expéditive. [Transition] Ainsi, le Conseil d’État se fonde sur l’objet du contrat pour poser cette présomption. Toutefois, c’est sur le fondement du contenu du contrat, autre composante du critère matériel, qu’il se fonde pour considérer cette présomption comme réfragable. B) Le critère matériel comme moyen de renverser cette présomption « Même remarque que pour le A). Mais pour l'idée, encore très bien. Vous avez bien décortiqué le raisonnement du juge ! Sur le fond, vous commentez et faites le lien avec d'autres fondements juridiques permettant de bien inscrire la décision dans un courant juridique, c'est très bien ! » Le Conseil d’État indique que cette présomption peut être renversée, justifiant sa compétence si le contrat comporte « une clause qui [...] implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ». En substance, dès lors que le contrat comporte une clause exorbitante, cela justifie à fonder la compétence du juge administratif [Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur la compétence du juge administratif ]. Ce critère assez ancien (CE, 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges ) est fréquemment utilisé (T. confl., 2010, Dumontet par exemple). Ici, le juge d’une manière analogue avec la présomption d’administrativité précédemment mentionnée laisse la possibilité de renverser la présomption si le contrat est exorbitant du droit commun (T. confl., 1999, Commune de Bourisp ). Ainsi, le Conseil d’État fait-il un double usage du critère matériel à la fois comme fondement et comme limite de cette présomption, cela étant justifié par leur caractère alternatif (CE, 1956, Epoux Bertin ). Le Conseil d’État en profite pour rappeler la définition d’une clause exorbitante du droit commun : « notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l’exécution du contrat, implique, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs ». Le Conseil d’État ne fait ici que rappeler la définition qu’il a dégagé quelques années auparavant (CE, ass., 2015, Société AXA France IARD ) notamment que pour être qualifiée de clause exorbitante la clause doit être au seul bénéfice de la personne publique (CE, 2010, Société Eveha ). Ici ce n’est pas tant la définition qu’il fait des clauses exorbitantes qui est problématique, celle-ci apparaît comme étant dans la suite logique de sa jurisprudence antérieure, mais bel et bien l’usage qui est fait de cette définition. [Transition] Dans cet arrêt, le critère organique n’est que peu mentionné et c’est bel et bien le critère matériel qui est au coeur de cet arrêt : il est à la fois, dans ses deux facettes, de fondement et de limite à la présomption. Toutefois, le Conseil d’État en refusant de renverser la présomption qu’il a établit en fait un usage audacieux, mais pour le moins discutable. II/ Un refus de renversement de la présomption surprenant « Idée de titre très bien mais formulation à revoir. » Ce refus apparaît comme particulièrement surprenant eut égard à la présence d’un pouvoir de résiliation unilatérale (A) . Ce qui ne manquera pas d’interroger sur une éventuelle volonté du juge de consacrer des prérogatives de puissance privée (B) . A) L’indifférence du juge face à certaines clauses « Intéressant ! Et sur le fond, même remarque qu'au-dessus. La méthodo est vraiment bien appliquée. Le devoir est clair et intéressant !» Le Conseil d’État s’attelle donc à étudier si le contrat litigieux comporte certaines clauses exorbitantes, il indique ainsi concernant une clause « permettant à l’ONF de résilier le contrat, sans indemnité, ni préavis dans le cas où [...] ». Toutefois, le Conseil d’État ne considère pas qu’il s’agisse ici d’une clause exorbitante. Or, cela ne manque pas d’interroger puisque l’Administration dispose d’un pouvoir de résilier unilatéralement un contrat administratif (CE, 1952, Distillerie de Magnac-Leval ). Ce pouvoir étant même considéré comme une règle fondamentale des contrats administratifs impliquant que l’administration dispose de ce pouvoir même en l’absence de clause spécifique dans le contrat. Le Conseil d’État étudie également deux autres clauses. La première permettant « de faire réaliser des travaux de remise en état du terrain aux frais du concessionnaire et, d'autre part, habilitant ses agents à contrôler la bonne exécution [...] des obligations lui incombant », la deuxième prévoyait que le particulier doive obtenir une autorisation pour élaguer ou planter des arbres. La jurisprudence avait toutefois précédemment considéré que la nécessité d’une autorisation administrative pour toute installation d’équipement est une clause exorbitante du droit commun (T. confl., 2010, Dumontet ). Là encore, en refusant la qualification de ces clauses comme clauses exorbitantes du droit commun, le Conseil d’État fait une curieuse application de sa définition. D’autant qu’il ne s’attarde pas beaucoup plus sur la motivation derrière ces rejets. [Transition] Le caractère surprenant de ce rejet au vu de la conception classique des clauses exorbitantes et par extension du critère matériel ne manque pas d’interroger sur la pertinence de ce rejet et la consécration implicite de prérogatives de puissance privée. B) Une consécration implicite de prérogatives de puissance privée En considérant comme le fait le Conseil d’État que « la contestation de la résiliation de cette convention ressortit à la compétence du juge judiciaire », cela revient à se demander si le Conseil d’État ne consacre pas ce que la doctrine a qualifié de « prérogatives de puissance privée ». En effet, il s’agit d’un contrat de droit privé relatif à la gestion du domaine privé d’une personne publique. Comment justifier dès lors la présence d’une clause de résiliation unilatérale sans indemnisation ni préavis. Il s’agit d’une prérogative de puissance publique qui se retrouve donc au cœur d’un contrat de droit privé, ce qui apparaît comme paradoxal. En droit privé, seul le juge peut prononcer la résiliation d’un contrat. Le refus de qualification en tant que contrat administratif ressemble donc à un serpent qui se mord la queue [Ndlr : Voir une dissertation sur le contrat administratif ]. Le Conseil justifie un tel refus, qui revient donc à consacrer des prérogatives de puissance privée, par l’absence de motifs justifiant que « dans l’intérêt général, cette convention relève du régime exorbitant des contrats administratifs ». Or, eut égard à ce qui a été avancé ci-dessus et à la faiblesse de l’argumentation du défaut d’intérêt général, cela ne manque pas d’interroger. En effet, l’absence d’indemnité en cas de résiliation apparaît là encore comme surprenant. Cette possibilité n’est prévue que dans le cadre d’une résiliation pour sanction qui doit être assortie d’une mise en demeure. En dehors de ce cas de figure, la résiliation ou la modification unilatérale donne lui à des indemnités (CE, 1952, Distillerie de Magnac-Leval et CE, 1910, Compagnie générale française des tramways ). 🧰 Parce que votre réussite nous tient à cœur, augmentez vos chances de valider votre année en découvrant toutes les ressources de la BOÎTE À OUTILS ( Flashcards de droit , Fiches de droit , Livres de droit ). 💖 Recevez aussi des good vibes, des conseils confidentiels et réductions exclusives en recevant la NEWSLETTER DU BONHEUR .
- [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass, 3e civ., 3/05/1989 (Contrat civil et commercial)
Cours de droit > Cours de Droit Privé Voici un commentaire d'arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation, le 3 mai 1989, pourvoi n°87-19.125 en droit des contrats civils et commerciaux, qui a obtenu une note de 15/20. Il y sera traité l’indétermination du prix étant une sanction sévère puis une jurisprudence stricte et évolutive. Sommaire I-L’indétermination du prix : une sanction sévère A. La nullité absolue comme sanction de l’indétermination du prix B. L’absence de précision concernant le recours à l’arbitrage d’un tiers II-Une jurisprudence stricte et évolutive A. L’impossible modification du contrat par le juge B. Une jurisprudence évolutive en quête d’une stabilité N.B.: Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊. ❤️ Recommandé pour exceller : Fiches de Droit des Contrats / Obligations Contractuelles [ Accroche ] La troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 3 mai 1989, pourvoi n°87-19.125 rend un arrêt inédit annulant une promesse synallagmatique de vente pour indétermination du prix lorsque celui-ci est soumis à l’évaluation d’un tiers. [ Faits ] Des époux, ont consenti une promesse synallagmatique de vente et y ont inséré une clause de dédit. La fixation du prix étant indéterminé dans la promesse synallagmatique de vente, il est inséré dans le contrat que les parties auront recours à des experts pour déterminer ce dernier. [ Procédure ] La Cour d’appel de Montpellier, le 9 septembre 1987 a constaté la nullité de la promesse synallagmatique de vente et a rejeté la demande de dommages et intérêts demandé par l’un des co-contractants au motif que le prix est indéterminé et que cela entraîne la nullité de la vente. [ Moyens ] Les requérants se pourvoit en cassation au motif que le recours à des experts pour fixer le prix de vente étant légal, le juge devait faire application de cette clause. De plus, le prix étant déterminable le contrat ne pouvait être déclaré nul. Ainsi, que la nullité de la promesse de vente entraîne celle de la clause de dédit qui y était insérée. [Problème de droit] La détermination du prix peut-elle être soumise à l’évaluation de plusieurs experts lorsque les contractants n’ont pas déterminé dans le contrat le moyen de départager les différents experts en cas d’évaluations différentes ? [ Solution] La troisième chambre civile de Cour de cassation, dans son arrêt du 3 mai 1989, rejette le pourvoi au motif que les contractants n’avaient pas prévus dans leur contrat un moyen de départager les techniciens en cas de divergences, et qu’ainsi le contrat était imparfait. La Cour de cassation déclare le contrait nul pour indétermination du prix, ce qui engendre que les acquéreurs ne peuvent pas se prévaloir de la clause de dédit insérée à l’acte. [ Annonce de plan ] Les juges sanctionnèrent l’indétermination du prix par la nullité du contrat de vente (I), c’est donc une application stricte de la loi. Cette jurisprudence peut ainsi être qualifié de sévère, mais en l’espèce cette décision est à part des tendances jurisprudentielles (II) . ❤️ Recommandé pour vous : [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 3ᵉ civ., 16/03/2011 (Devoir d'information) I - L’indétermination du prix : une sanction sévère Lorsque le prix n’est pas précisé dans l’avant-contrat de vente, celui-ci encoure par principe la nullité absolue (A), mais par exception, les parties peuvent décider de s’en remettre à l’arbitrage d’un tiers pour déterminer le prix (B). A. La nullité absolue comme sanction de l’indétermination du prix La Cour d’Appel a rendu sa décision au visa de l’article 1589 qui dispose que : « La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix. Si cette promesse s'applique à des terrains déjà lotis ou à lotir, son acceptation et la convention qui en résultera s'établiront par le paiement d'un acompte sur le prix, quel que soit le nom donné à cet acompte, et par la prise de possession du terrain. La date de la convention, même régularisée ultérieurement, sera celle du versement du premier acompte. », et de l’article 1591 du Code civil qui précise que « Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties. ». Le principe est que le prix soit inscrit dans un contrat de vente pour qu’il soit valide. Ainsi, ces articles du Code civil énoncent que le prix doit résulter d’un accord entre le vendeur et l’acquéreur. Si ce prix est déterminé unilatéralement par l’une des parties le contrat est nul. Les contractants ont inséré une clause de dédit dans la promesse synallagmatique de vente, qui autorise les acquéreurs à se délier de leur engagement en contrepartie du versement d’une somme d’argent définie préalablement. Ainsi, le prix n’étant pas déterminé préalablement, les vendeurs en insérant cette clause permettent aux acquéreurs de ne pas conclure l’acte authentique de vente. La Cour de cassation énonce que « cette nullité ne permettant pas aux acquéreurs de se prévaloir de la clause de dédit insérée à l'acte ». Ainsi, la nullité de l’acte, entraîne la nullité de la clause de dédit insérée dans l’acte. Mais la chambre des requêtes, dans un arrêt du 7 janvier 1025, indique qu’il n’est pas nécessaire que le prix soit déterminé et que le montant soit fixé, il suffit que le prix puisse être déterminé en vertu des clauses du contrat par voie de relation avec des évènements ne dépendant pas de la volonté de l’une ou l’autre des parties. Les requérants reprennent dans leur deuxième argument cette même formulation. Ainsi, la jurisprudence antérieure à la condition que le prix soit déterminable selon une méthode précisée par le contrat, sur la base d’éléments extérieurs à la volonté des parties estime le contrat valide. ❤️ Recommandé pour vous : [COMMENTAIRE D’ARRÊT] Cass. 1ʳᵉ civ., 16/04/2015 (Acceptation/offre) B. L’absence de précision concernant le recours à l’arbitrage d’un tiers L’article 1592 du Code civil énonce que : « Il peut cependant être laissé à l'arbitrage d'un tiers ; si le tiers ne veut ou ne peut faire l'estimation, il n'y a point de vente. ». En effet, dans la promesse synallagmatique de vente la prix n’étant pas déterminé par les parties, il est inscrit « qu’à défaut d’accord amiable « un prix … sera fixé… par experts choisis entre les parties » ». Ainsi, il s’agit d’une exception à l’article 1591 du Code civil, laissant l’estimation du prix à un tiers. Les parties doivent dans ce cas, convenir dans le contrat des modalités de désignation du tiers chargé de fixer le prix définitif du bien. La chambre commerciale de la Cour de cassation le 10 mars 1987 précise que lorsque le prix est seulement déterminable, la jurisprudence exige que sa fixation soit indépendante de la volonté des parties. C’est dans ce sens que les parties ont recours à l’arbitrage d’un tiers pour fixer un prix. La Cour de cassation précise que « les contractants ne s'en étaient pas remis à l'arbitrage d'un tiers, que si chacun s'était réservé en cas de contestation sur le prix, de recourir à un expert de son choix, il n'avait été prévu à leur convention aucun moyen propre à départager les techniciens en cas de divergences entre eux ». La Cour de cassation remet donc en cause le régime de détermination du prix prévu par les parties. Ainsi, la Cour de cassation dans cet arrêt, décide d’annuler une promesse synallagmatique de vente par manque de précision dans la clause remettant la détermination du prix à l’arbitrage d’un tiers. Malgré la précision des contractants dans les motifs de leur pourvoi aux experts, de procéder à une « expertise commune ». La Cour de cassation, reprend la lettre de l’article 1592 du Code civil, et laisse sous-entendre par sa décision, que celle-ci aurait pu être différente, si un seul expert avait été communément désigné par les parties et nommément désigné dans l’acte. Il est nécessaire de préciser que malgré que la Cour de cassation qui souhaite protéger les parties au contrat d’un éventuel désaccord pour départager les techniciens en cas de divergence, le mandataire désigné par les parties doit être loyal et indépendant. D’après l’arrêt de la chambre commerciale, du 4 février 2004, le prix que le tiers a fixé à l’issue des opérations d’expertise s’impose aux parties qui ne peuvent le contester, sauf erreur grossière de sa part. II - Une jurisprudence stricte et évolutive La volonté des parties dans un contrat de vente s’impose au juge (A) , se dernier ne peut modifier le prix. Cet arrêt se trouve dans la tendance jurisprudentielle qui évolue et qui s’est stabilisé par la réforme du droit des contrats en 2016 (B) . A. L’impossible modification du contrat par le juge La Cour de cassation dans sa solution met en avant « que l'imperfection du contrat qui ne pouvait être réparée par la décision du juge entraînait sa nullité pour indéterminabilité du prix ». En vertu de l’article 1134 ancien du Code civil qui dispose que « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. » et l’article 1135 ancien du Code civil qui précise que « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature. », le juge est tenu de respecter la volonté des parties. Ainsi, lorsque le juge estime le contrat imparfait, et découvre une cause de nullité, telle qu’ici, l’indétermination du prix, comme il ne peut pas changer la clause, il doit respecter la volonté des parties, il peut alors annuler le contrat. En termes de droit des obligations, concernant les avants-contrats de vente le juge peut, annuler un contrat lorsque que la loi l’y autorise, ou accorder des dommages et intérêts dans certaines circonstances. De plus, il peut d’après la jurisprudence plus récente, forcer l’exécution du contrat. D’après la première chambre civile de la Cour de cassation le 24 février 1998, le juge ne peut pas se référer à des éléments extérieurs pour fixer le prix car cela reviendrait à une fixation judiciaire du prix. De même, d’après un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 10 mars 2015, le juge ne peut pas moduler le prix de vente, lorsqu’il ne correspond pas aux spécifications du contrat, il peut seulement octroyer des dommages et intérêt. Ici, le juge décide d’annuler le contrat de vente, pour indétermination du prix, et cela engendrant le fait que les acquéreurs ne pourront pas « se prévaloir de la clause de dédit insérée à l'acte », celle-ci ayant été insérée, si le prix définit par les experts ne leur convenait pas. Les juges ont été préventifs, en choisissant de recourir à la nullité de la vente. Ils se sont initiés entre les parties au motif qu’« il n'avait été prévu à leur convention aucun moyen propre à départager les techniciens en cas de divergences entre eux ». En effet, les juges ne pouvant plus intervenir lorsque le prix est fixé, l’annulation de la promesse synallagmatique de vente semble être le seul moyen pour les juges de protéger les parties au contrat. ❤️ Recommandé pour vous : Méthodologie pour réussir son commentaire d'arrêt B. Une jurisprudence évolutive en quête d’une stabilité Depuis le début des années 1970, la jurisprudence a de nombreuses fois, recouru à la sanction sévère qu’est la nullité, en appliquant strictement l’article 1591 du Code civil, et en précisant que le prix de dépendait pas de la volonté des parties. Cette position de la Cour de cassation a fait l’objet de nombreuses critiques de la part de la doctrine, c’est pourquoi la Cour de cassation dans son arrêt du 9 mars 1987 précise que seuls les contrats soumis à une obligation de donner sont soumis à l’exigence de détermination du prix. Les requérants énoncent une jurisprudence antérieure du 22 mai 1978 permet de penser qu’il s’agit d’une fluctuation de la jurisprudence. L’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 3 mai 1989, s’inscrit dans la tendance sévère du fait de l’annulation pour indétermination du prix. Mais, par quatre arrêts en date du 1e décembre 1995, l’assemblée plénière de la Cour de cassation énonce que « lorsqu’une convention prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l’indétermination du prix de ces contrats dans la convention initiale n’affecte pas, sauf dispositions légales particulières, la validité de celle-ci, l’abus dans la fixation du prix ne donnant lieu qu’à résiliation ou indemnisation ». La Cour de cassation sanctionne alors l’abus dans la fixation du prix par la résiliation du contrat ou l’octroi de dommages et intérêts. Enfin le législateur est intervenu par une ordonnance du 10 février 2016, précisant dans son article 1223 du Code civil qu’ « En cas d'exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s'il n'a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d'en réduire de manière proportionnelle le prix. L'acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit. Si le créancier a déjà payé, à défaut d'accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix » ; et dans l’article 1163 du Code civil précisant que : « L'obligation a pour objet une prestation présente ou future. Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable. La prestation est déterminable lorsqu'elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu'un nouvel accord des parties soit nécessaire. » Nous pouvons donc légitimement nous demander, si la même solution serait rendue aujourd’hui. ❤️ Recommandé pour vous : [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 3e civ 10/12/1997 (Offre) 🧰 Parce que votre réussite nous tient à cœur, augmentez vos chances de valider votre année en découvrant toutes les ressources de la BOÎTE À OUTILS ( Flashcards de droit , Fiches de d roit , Livres de droit ). ️💖 Recevez aussi des good vibes, des conseils confidentiels et réductions exclusives en recevant la NEWSLETTER DU BONHEUR .
- [COMMENTAIRE D’ARRÊT] Cass.com, 22/03/2016 (Nullité)
Cours de droit > Cours de Droit des Contrats et des Obligations L'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 22 mars 2016 aborde la notion de la nullité absolue au profit de la nullité relative en droit des obligations. Voici un exemple de copie d'un commentaire d'arrêt sur cette décision nouvelle, influencée par la réforme du droit des contrats de 2016. Cette copie a obtenu la note de 16/20. Sommaire : I/ L'affirmation de la nullité relative par le rejet de la nullité absolue A) L'enjeu de la caractérisation de la nullité absolue B) L'abandon du critère de l'élément essentiel Il/ Une position jurisprudentielle nouvelle, sous l'influence de la réforme de 2016 A) La prise en compte de l'intérêt visé B) Un véritable cours de droit jurisprudentiel de la part de la Cour de cassation N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊. Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Commentaire général de l'enseignant : « Un conseil : vous gagnerez à etre plus critique des décisions de la Cour de cassation. » Sujet : Cass.com , 22 mars 2016 [ Présentation de l'arrêt ] La chambre commerciale de la Cour de cassation rend un arrêt de rejet le 22 mars 2016, qui a été publié au bulletin, concernant une demande de nullité absolue pour un contrat de cession de part d'une entreprise. [ Qualification juridique des faits ] En l'espèce, trois associés fondateurs d'une société ont souhaité obtenir la participation d'un tiers afin de participer au développement de ladite société. Le 14 février 2003, ils concluent un « contrat cadre ». Les parties s'obligent alors, pour les associés fondateurs à céder au tiers 5% du capital de la société « pour le prix forfaitaire et symbolique de 500 euros » et pour le tiers de « mettre au service de la société en qualité de de directeur commercial sa connaissance du marché ainsi que son industrie » pour un durée de cinq ans minimum. Le 5 mars 2003, les trois actes de sessions sont signés. Le 31 mars de cette même année, le tiers est engagé en qualité de directeur commercial. Le 17 mars 2010, les associés fondateurs assignent le nouvel employé, à titre principal, en nullité des cessions de part pour indétermination du prix, à défaut pour vileté du prix et à titre subsidiaire, en résolution des cessions du fait de sa défaillance dans l'exécution de ses obligations. Le tiers quant à lui soulève la prescription de l'action en nullité et reconventionnellement, a réclamé le paiement de dommages et intérêts. Un jugement, dont on ne connaît pas la teneur, est rendu en première instance. Un appel est interjeté. Le 21 janvier 2014, la cour d'appel de Versailles rend sa décision. Elle retient que l'action pour indétermination du prix constitue une action en nullité relative visant à la protection des intérêts privés du cocontractant et qu'elle se prescrivait par cinq ans. Les associés fondateurs se pourvoient en cassation. Ils soutiennent que l'action en nullité des actes de session ne peut être prescrite puisque la vente consentie sans prix ou sans prix sérieux est touchée par une nullité qui, étant fondée sur un élément essentiel du contrat est une nullité absolue, et serait donc prescrite par trente ans. Le tiers forme un pourvoi incident. [ Problème de droit ] Une cession de part d'entreprise consentie à un prix dérisoire tombe-t-elle sous le joug de la nullité absolue pour absence d'un élément essentiel du contrat, ou bien est-elle frappée d'une nullité relative eu égard à la protection des intérêts privés du contractant ? « Très bien » La chambre commerciale de la Cour de cassation rejette les deux pourvois. Concernant le pourvoi principal formé par les associés fondateurs, la Cour de cassation commence par rappeler que pendant un temps elle jugeait que la vente consentie à vil prix était nulle de nullité absolue. Toutefois, la haute Cour a abandonné cette solution et opère un revirement de jurisprudence en 2012, elle considère désormais que la vente consentie à vil prix ou à un prix dérisoire est entachée d'une nullité relative. Finalement, elle confirme sa jurisprudence en affirmant que ce n'est pas en fonction de l'existence de l'absence d'un élément essentiel du contrat au jour de sa formation, mais bien en en fonction de la nature de l'intérêt protégé par la règle de droit transgressé qu'il s'agit de déterminer le régime de la nullité applicable. En l'espèce, l'intérêt privé était celui à protéger, le régime à appliquer est donc celui de la nullité relative, la Cour d'appel de Versailles a bien appliqué le droit. [ Annonce de plan ] La Cour de cassation dans cet arrêt rejette l'application de la nullité absolue au profit de l'application de la nullité relative (I) . Cette décision est une décision nouvelle, probablement influencée par la réforme du droit des contrats de 2016 (II) . ❤️ Recommandé pour vous : [Méthodologie] 6 étapes essentielles pour réussir le commentaire d’arrêt ❤️ Recommandé pour exceller : Fiches de Droit des Contrats / Obligations Contractuelles I/ l'affirmation de la nullité relative par le rejet de la nullité absolue [ Chapô ] Dans cet arrêt, la chambre commerciale de la Cour de cassation déboute les demandeurs qui souhaitaient se voir appliquer à leur convention une nullité absolue pour manquement d'un caractère essentiel de la convention au jour de sa formation. Nous verrons alors dans une première partie l'enjeu de la caractérisation de la nullité absolue (A) , puis nous montrerons que la Cour de cassation rejette le critère de l'élément essentiel du contrat pour appliquer le régime de la nullité absolue (B) . A) L'enjeu de la caractérisation de la nullité absolue Dans son arrêt de mars 2016, la chambre commerciale de la Cour de cassation évoque un abandon de l'application du régime de la nullité absolue en cas de vente consentie à un prix vil : « la Cour de cassation jugeait depuis longtemps que la vente consentie à vil prix était nulle de nullité absolue [ ... ] troisième chambre civile de cette Cour a jugé récemment [ ... ] est une nullité relative soumise au délais de prescription de cinq ans [ ... attendu qu'il y ait lieu d'adopter la même position ». Tout d'abord, il est important de revenir sur la définition de la nullité. Le lexique des termes juridiques de Dalloz définit la nullité comme « la sanction prononcée par un juge et consistant dans la disparition rétroactive de l'acte juridique qui ne remplit pas les conditions requises pour sa formation ». Il existe dès lors une distinction à faire, puisqu'il existe deux types de nullité : la nullité relative et la nullité absolue. Toujours selon le lexique des termes juridiques de Dalloz, on entend par nullité absolue une sanction « prononcée lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général. L'action en nullité absolue est ouverte à toute personne justifiant d'un intérêt et ne peut être écartée par une confirmation ». En d'autres termes, la nullité absolue protège l'intérêt général. La nullité relative est quelque peu différente. Elle est définie par le lexique des termes juridiques de Dalloz comme sanctionnant « une règle dont le seul objet est la sauvegarde d'un intérêt privé. Elle ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger, elle peut être couverte par une confirmation ». On voit bien ici que la nullité vise à protéger uniquement l'intérêt privé des contractants.. Se pose alors la question de l'enjeu, qu'est ce que ce refus d'application du régime de la nullité absolue au cas d'espèce par la chambre commerciale de la Cour de cassation implique ? Le contrat cadre et les contrats de cession datent de 2003, et l'action en annulation date de 2010. Il est donc question de savoir s'il y a prescription ou alors si les associés fondateur peuvent agir en nullité. En cas de nullité absolue, la prescription est trentenaire, ainsi, les fondateurs peuvent agir. En revanche, en cas de nullité relative, la prescription est quinquennale, les associés fondateurs des lors ne seraient pas en mesure de pouvoir agir. Dans cet arrêt, la Cour de cassation proscrit l'application de la nullité absolue, les associés ne peuvent donc pas agir en nullité. Aussi, il ne faut pas oublier la loi du 17 juin 2008 (loi nº 2008-61) qui remplace la prescription trentenaire pour une prescription quinquennale, qu'il s'agisse d'une nullité absolue ou d'une nullité relative. Cette loi sert à unifier et réduire les délais d'action. Dans tous les cas, les associés fondateurs, au vu des délais, n'auraient pas pu se prévaloir d'une action en nullité absolue. Ainsi, nous avons vu que l'enjeu de l'application du régime de nullité absolue est de savoir si les associés fondateurs de la société peuvent agir en 2010, soit sept ans après la conclusion du contrat cadre. Toutefois, dans sa décision, la chambre commerciale de la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence, elle refuse de prendre en compte le critère de l'élément essentiel manquant lors de la formation du contrat, en l'espèce le prix. ❤️ Recommandé pour vous : 12 conseils pour gratter des points lors d’un commentaire d’arrêt B) L'abandon du critère de l'élément essentiel Dans cet arrêt, la chambre commerciale de la Cour de cassation refuse de caractériser le régime de nullité applicable en fonction des éléments essentiels de la formation du contrat. Elle retient en effet : « c'est non pas en fonction de l'existence ou de l'absence d'un élément essentiel du contrat au jour de sa formation [ ... ] qu'il convient de déterminer le régime de nullité applicable ». Cette position, à savoir se référer aux éléments essentiels pour choisir le régime de nullité applicable, est celle de la doctrine classique. D'ailleurs, le commentaire sous l'actuel article 1182 énonce que « la théorie moderne de la nullité s'oppose à la théorie classique qui s'attarde à déterminer les régimes de nullité applicable en fonction de la gravité du vice ». La théorie classique a, du reste, longuement été appliquée par la Cour de cassation, surtout par la chambre commerciale qui choisit de s'en détacher au profit de la conception moderne (que nous étudierons par la suite) dans cet arrêt du 22 mars 2016. En effet, la Cour énonce dans sa motivation enrichie « la Cour de cassation jugeait depuis longtemps que la vente à un prix nul ou dérisoire était susceptible d'être entachée d'une nullité absolue. C'est d'ailleurs ce que retient la première chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 24 mars 1993 puisqu'elle énonce : « la vente consentie à vil prix était nulle de nullité absolue ». La chambre commerciale, financière et économique s'était d'ailleurs alignée sur cette position classique. Elle retient en effet dans son arrêt du 23 octobre 2007 que : « la vente consentie sans prix sérieux est affectée d'une nullité qui, étant fondée sur l'absence d'un élément essentiel de ce contrat, est une nullité absolue soumise à la prescription trentenaire de droit commun ». La décision du 22 mars 2016 apparait alors comme un véritable changement de paradigme puisque dans le cas d'espèce la chambre commerciale refuse de s'attarder sur les conditions essentielles de la formation du contrat. C'est un véritable bouleversement jurisprudentiel. [ Transition ] Ainsi, nous avons vu qu'en l'espèce, cet arrêt est un revirement de jurisprudence. La chambre commerciale et plus largement la Cour de cassation abandonnent l'idée de sanctionner une convention au regard des éléments essentiels du contrat, lui préférant le critère de l'intérêt visé développé par la doctrine contemporaine. Abordons donc désormais cette nouvelle position jurisprudentielle et le lien qu'elle peut avoir avec la réforme en cours du droit des contrats de février 2016. Il/ Une position jurisprudentielle nouvelle, sous l'influence de la réforme de 2016 Dans cet arrêt, la chambre commerciale adopte une nouvelle position jurisprudentielle, elle s'aligne sur les jurisprudences de la première et de la troisième chambre civile en appréciant la nullité au regard de l'intérêt visé (A) . Cet arrêt permet également de mettre en avant un changement apparu au sein de la Cour, qui serait surement lié à la réforme du droit des contrats, en cours au moment des faits (B) . A) La prise en compte de l'intérêt visé Dans cet arrêt de mars 2016, la chambre commerciale de la Cour de cassation opère un changement dans sa jurisprudence. Loin de s'appuyer sur les conditions essentielles de formation des contrats, elle se focalise sur l'intérêt visé protégé par la règle transgressée. La Cour retient en effet dans son attendu numéro trois : « c'est non pas en fonction de l'existence ou de l'absence d'un élément essentiel du contrat au jour de sa formation, mais au regard de la nature de l'intérêt, privé ou général, protégé par la règle transgressée qu'il convient de déterminer le régime de nullité applicable » Tout d'abord, il apparait important de revenir sur la définition de l'intérêt général et de l'intérêt privé. Dans cet arrêt, les juges de la rue Montpensier ne s'attardent pas à définir ces notions. Toutefois, on pourrait retenir comme définition pour l'intérêt public : « ce qui est pour le bien public ». Do Van Dai propose quant à lui une définition de l'intérêt privé dans son ouvrage Le rôle de l'intérêt privé dans le contrat en droit français, publié en 2004. Il considère que l'intérêt privé est « un avantage, projet ou une amélioration de bien être ou un évitement d'inconvénient que le contrat apporte aux parties contractantes ». Finalement, cet arrêt rompt avec la thèse de la doctrine classique que l'on a pu voir précédemment. En effet, la doctrine contemporaine est plus favorable à déterminer le régime applicable au regard des intérêts à protéger. La théorie suivie par la chambre commerciale est d'ailleurs celle initiée par deux auteurs : Japiot et Gaudemet. Japiot en 1909 énonce cette théorie des nullités qui sera reprise et corrigée par Eugène Gaudemet. Outre les conceptions doctrinales, la chambre commerciale s'aligne aussi sur des jurisprudences antérieures d'autres chambres de la Cour de cassation. En effet, dès le 29 septembre 2004, la première chambre civile de la Cour de cassation retient une nullité relative pour un contrat pour défaut de cause protectrice du seul intérêt particulier de l'un de ses cocontractants. La troisième chambre civile s'aligne alors sur cette décision en retenant le 24 octobre 2012 "qu'un contrat de vente conclu pour un prix dérisoire ou vil est nul pour absence de cause et que cette nullité, fondée sur l'intérêt privé du vendeur, est une nullité relative soumise au délai de prescription de cinq ans". Quatre ans plus tard, la chambre commerciale rompt avec sa jurisprudence antérieure (Com, 23 octobre 2007) et s'aligne sur la décision des chambres civiles. Finalement, après une jurisprudence autrefois hésitante et relative à la chambre saisie, la jurisprudence devient stable entre les différentes chambres et surtout cette dernière reste constante. D'ailleurs, une décision similaire a été rendu à peine un mois plus tard par la chambre commerciale, le 6 avril 2016 (Com, 6 avril 2016, nº 15 10552). [ Transition ] Ainsi, nous avons vu que dans cet arrêt, la chambre commerciale s'aligne avec les jurisprudences des autres chambres de la Cour en préférant appliquer le régime de nullité au regard de l'intérêt à protéger. Abordons désormais comment la motivation de l'arrêt met en exergue une volonté de la Cour de rendre le droit plus intelligible. ❤️ Recommandé pour vous : [COMMENTAIRE D’ARRÊT] Cass. 3e civ., 30 nov. 2017 (Droit des contrats) B) Un véritable cours de droit jurisprudentiel de la part de la Cour de cassation Dans cet arrêt, la chambre commerciale de la Cour de cassation fait un réel cours de droit pour expliquer sa décision. Elle fait référence à sa jurisprudence passée, puis au revirements de 2004 et 2012 avant de statuer en claire sur l'arrêt d'espèce : « la Cour de cassation jugeait depuis longtemps [ ... ] cette solution a toutefois été abandonnée [ ... ] attendu qu'il y ait lieu d'adopter la même position ». En réalité, la solution de la chambre commerciale prend la forme d'un réel syllogisme juridique, la majeure étant représentée par le rappel des jurisprudences antérieures, la mineure étant évoquée par le cas d'espèce, finalement les juges de la haute Cour concluent en retenant que la Cour d'appel a jugé de bon droit. Ce long argumentaire est surement à rattacher à la réforme du droit des contrats de février 2016. En effet, en mars, le texte est en cours de ratification, et ne sera applicable qu'au 1er octobre de l'année 2016, mais un des objectifs de cette réforme est de simplifier le droit des contrats, le rendre plus intelligible. Ici alors la Cour de cassation ne se contente pas simplement d'énoncer la règle de droit applicable comme elle a pu le faire pendant les deux siècles passés, l'objectif ici est réellement de donner une explication. Bruno Dondero, juriste français, dit d'ailleurs sur son blog une phrase plutôt révélatrice de ce changement de position, on passe « du juge qui dit le droit au juge qui explique le droit ». L'arrêt montre également que la jurisprudence de la Cour de cassation est une réelle source du droit positif français. Néanmoins, on pourrait faire retenir contre cet arrêt le fait qu'il ne définisse pas suffisamment les notions juridiques. Certes, la chambre commerciale donne une réelle explication sous la forme d'un cours de droit jurisprudentiel, mais elle ne s'attarde pas à définir les termes « d'intérêt général » ou « d'intérêt privé », il peut alors apparaitre difficile de se positionner. Elle ne justifie pas non plus pourquoi dans le cas d'espèce, le prix n'est pas une condition essentielle de la formation du contrat. Aussi, on pourrait retenir que cet arrêt est quelque peu avant-gardiste. En effet, il reprend les futurs articles 1179 et 1181 du code civil issus de la réforme du droit des contrats de 2016, en se positionnant sur les délais de prescription des deux régimes de nullité et en rappelant que le régime appliqué sera choisi eu égards aux intérêts protégés à savoir l'intérêt privé ou l'intérêt général. 🧰 Parce que votre réussite nous tient à cœur, augmentez vos chances de valider votre année en découvrant toutes les ressources de la BOÎTE À OUTILS ( Flashcards de droit , Fiches de d roit , Livres de droit ). 💖 Recevez aussi des good vibes, des conseils confidentiels et réductions exclusives en recevant la NEWSLETTER DU BONHEUR.
- [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 2ᵉ civ, 07/07/2022 (Accident circulation)
Cours de droit > Cours de Droit Responsabilité Civile Découvrez un commentaire d'arrêt corrigé sur la responsabilité civile du fait des accidents de la circulation (Cass. 2e civ., 7 juillet 2022, n° 21-10.945). Ce commentaire aborde la présomption de garde de la chose par son propriétaire (régime, exceptions). Cette copie a obtenu la note de 16/20. Sommaire : I/ Présomption simple de garde du propriétaire A) Le rappel du principe par les juges B) L’état du droit II/ La présomption de garde renversée dans certains cas A) L’existence d’un renversement de présomption de garde par le propriétaire B) Sens de la décision à la lumière des éléments commentés N.B.: Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊. Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Commentaire général de l'enseignant : « L’arrêt est bien compris et le commentaire est correct, le raisonnement est bien structuré et pertinent ! » ❤️ Recommandé pour exceller : Fiches de Responsabilité Civile Sujet : Commentaire d'arrêt Cass, 2e civ, 7 juillet 2022 [Accroche] La responsabilité du fait des accidents de la circulation, et plus précisément la responsabilité de l’auteur de l’accident est le problème qui a été soumis à la Cour de cassation le 7 juillet 2022. [Faits qualifiés juridiquement] En l’espèce, trois personnes étaient à bord d’un véhicule. Le propriétaire de ce véhicule, alors en état d’ébriété, a confié la conduite à son ami. Un accident de la circulation est survenu lors du trajet. Son ami, non propriétaire mais conducteur du véhicule, est donc à l’origine de cet accident. Le dommage a causé à la troisième personne, passagère avant, des blessures, le plaçant en qualité de victime. [Procédure] La caisse des Vosges, assureur de M. G étant la victime, a engagé une procédure judiciaire à l’encontre du propriétaire du véhicule, M. L. M. L a été condamné en première instance. Il a donc interjeté appel de la décision. La cour d’appel de Nancy l’ayant de nouveau condamné, M. L a formé un pourvoi en cassation. M. L soutient donc que, étant passager à l’arrière de la voiture et étant en état d’ébriété, il n’aurait pu prévenir le dommage contrairement à M. I, alors conducteur, qui disposait de tous les moyens pour éviter cet accident. Quant à M. I, il défend que la cession d’un véhicule pour un court laps de temps n’est pas de nature à transférer la garde au conducteur. [Question de droit] Cet arrêt a donc soulevé la difficulté juridique de savoir sous quelles conditions peut-on engager la responsabilité du gardien non conducteur en cas d’accident de la circulation. « La question de droit doit être posée autrement, avec plus de précision ! » [Solution] La Cour de cassation a d’abord rappelé le principe de présomption simple de garde du propriétaire pour enfin tempérer ce dernier, en relevant que la présomption de garde pouvait être renversée dans certains cas. ❤️ Recommandé pour vous : [Méthodologie] Réussir le commentaire d’arrêt I/ Présomption simple de garde du propriétaire Dans un arrêt de principe rendu par les chambres réunies de la Cour de cassation le 2 décembre 1994, l’ arrêt Franck vient définir la qualité de gardien. En effet, le gardien, défini conformément au droit commun de la responsabilité civile, est celui qui a « l’usage, la direction et le contrôle » de la chose, ici du véhicule au moment de l’accident. Depuis cet arrêt, la jurisprudence conserve une conception matérielle de la garde, et abandonne la conception juridique existante avant cela. A) Le rappel du principe par les juges Les juges, sur le motif de l’article 2 de la loi du 5 juillet 1985, dite loi Badinter, rappellent le principe selon lequel « les victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien de ce véhicule. ». En effet, avant la loi de 1985, la jurisprudence adoptait une toute autre solution. Dans l’arrêt Desmares rendu le 21 juillet 1982, la Cour de cassation jugeait que le gardien de la voiture était responsable du dommage qu’il subissait, sauf en cas de force majeure, et même en cas de faute de la victime. À l’unanimité, la doctrine considérait qu’il s’agissait d’un régime inadapté aux accidents de la circulation, jusqu’alors régi par le droit commun de la responsabilité du fait des choses. Ainsi, la loi Badinter est venue combler cette lacune juridique en 1985, en imposant quatre conditions d’application: Il faut un véhicule terrestre à moteur, circulant sur le sol, muni d’une force motrice et apte au transport des choses ou des personnes. Il doit être impliqué dans un accident, évènement fortuit imprévu. Plus précisément, dans un accident de la circulation, c’est-à-dire, selon la Cour de cassation, l’exigence que le dommage subi soit lié à la fonction de déplacement du véhicule. L’accident doit avoir fait au moins une victime. Le dommage subi par la victime doit être rattaché à l’accident. Cette loi du 5 juillet 1985 s’applique donc dans cet arrêt, comme le mentionne la Cour de cassation dans ses motivations. Un autre principe important rappelé par la Cour de cassation est celui lié à la qualité de gardien. Le principe est que la présomption simple de garde pèse toujours sur le propriétaire de la chose. Le principe est que le propriétaire d’une chose est présumé être son gardien. Cette définition nous vient du droit commun de la responsabilité du fait des choses, soit pas tout à fait notre domaine d’étude mais vient le compléter à juste titre. Comme évoqué ci-dessus, le gardien du véhicule est celui qui exerce les pouvoirs de contrôle, d’usage et de direction. Le gardien est alors toujours présumé propriétaire. C’est ce que rappelle, de manière implicite, la Cour de cassation lorsqu’elle énonce que « le propriétaire non conducteur avait perdu tout pouvoir d’usage, de contrôle et de direction de son véhicule ». En l’espèce, le propriétaire, passager arrière, avait perdu tout contrôle de son véhicule, ayant cédé les trois pouvoirs définissant le gardien au conducteur. Le gardien, toujours présumé propriétaire, est souvent confondu avec le conducteur, ce qui semble logique. Cependant, ce n’est pas toujours le cas, comme dans cet arrêt. Si le gardien n’est pas conducteur, le principe veut que le conducteur et le gardien soient condamnés in solidum. La loi du 5 juillet 1985 a motivé la Cour de cassation dans sa décision, mais elle ne constitue pas la seule règle de droit en l’espèce . ( « ? ») La jurisprudence et la doctrine jouent également un rôle important dans de tels arrêts de principe. 💡 Bon à savoir : si vous avez besoin de corrections plus détaillées pour améliorer votre méthodlogie juridique, nous proposons un service de correction de copies . B) L’état du droit Comme évoqué précédemment, la loi du 5 juillet 1985 a eu une place particulièrement importante au sein de cette décision. En effet, cette loi, dite loi Badinter, est une loi qui protège les victimes de blessures provoquées par des accidents de la circulation, sauf quand elles sont en faute. Elle s’applique à tout accident de la circulation ayant entraîné des dommages corporels, à condition qu’un véhicule terrestre à moteur soit impliqué. Elle vise l’amélioration de la situation des victimes d’accidents et l’accélération des procédures d’indemnisation. D’après l’arrêt rendu par la 2e chambre civile de la Cour de cassation le 28 février 1990, « l’arrêt Badinter innove en privilégiant au concept de « causalité » à celui « d’implication ». Il suffit donc qu’un véhicule soit impliqué d’une manière ou d’une autre dans un accident de la circulation pour que son conducteur soit responsable ». La Cour de cassation débute ses motivations en mentionnant l’article 2 de la loi Badinter, qui dispose que « les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d’un tiers par le conducteur ou le gardien [de ce] véhicule ». En effet, dans cet article, la loi ne mentionne pas expressément les débiteurs de l’indemnisation, ce qui peut poser problème, notamment relativement aux assurances, comme c’est le cas ici avec la caisse des Vosges ainsi que la caisse primaire d’assurance maladie de la Haute-Marne. À ce sujet, ce sera à l’article L.211-1 al.2 du Code des assurances que l’on trouvera une réponse. Cet article dispose que « les contrats d’assurance doivent couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule . » De ce fait, il paraissait illogique de condamner le propriétaire non conducteur du véhicule directement plutôt que son assureur. Cet article permet également de comprendre pourquoi ce n’est pas la victime, M.G, qui a assigné M.L en réparation de son préjudice, mais la caisse des Vosges. Cette décision n’est pas vraiment nouvelle, la majorité des arrêts retiennent tout de même la qualité de gardien du propriétaire non conducteur, resté dans le véhicule en tant que passager en dépit de la conduite par une autre personne lors de la survenance de l’accident. Ce fut le cas dans l’arrêt rendu par la 2e chambre civile de la Cour de cassation le 29 février 2000. Cette décision s’est même vue appliquée à des situations dans lesquelles le caractère de contrôle pouvait être discutable, notamment lors de la demande d’un conducteur ivre faite à un auto-stoppeur de pendre la conduite du véhicule (Cass. Civ. 2e, 2 juil. 1997). Alors que le gardien du véhicule, du fait des conditions caractérisant la garde, est très souvent également le conducteur, il n’en est pas toujours ainsi. Lorsque le gardien n’est pas conducteur, à qui incombe donc la réparation du préjudice ? P. Malinvaud, dans un ouvrage, a alors écrit « parce qu’elle trouve son fondement dans le risque que crée la situation des véhicules terrestres à moteur, la responsabilité du fait du véhicule impliqué pèse sur ceux qui créent ce risque ». Mais si l’accident n’implique que le véhicule concerné, la question de la responsabilité se pose entre le gardien et le conducteur distincts. ❤️ Recommandé pour vous : [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 2e civ., 2/02/2017 (Obl. délictuelles) II/ La présomption de garde renversée dans certains cas Si le gardien est toujours présumé propriétaire, il existe un renversement de la présomption par le propriétaire. En réalité, depuis un arrêt datant du 12 décembre 2002 , ( « Solution admise bien avant ! ») le propriétaire peut établir l’existence d’un transfert de garde au profit d’un tiers. A) L’existence d’un renversement de présomption de garde par le propriétaire La 2e chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 12 décembre 2002. Depuis cet arrêt, le propriétaire peut établir l’existence d’un transfert de garde au profit d’un tiers. Pour établir cette existence de transfert, le propriétaire doit prouver un transfert des pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction sur la chose. Toutefois, ce transfert n’est pas admis lorsque le tiers ne bénéficie que d’un usage temporaire de la chose en présence du propriétaire. (Cass. civ. 2e, 28 mars 1994 ; Cass. civ. 2e, 26 nov. 2020) Telle semble être l’interprétation retenue par la cour d’appel de Nancy, lorsqu’elle motive sa décision de condamner le propriétaire par « le fait que le propriétaire de la voiture ait, dans son seul intérêt et pour un laps de temps limité, confié la conduite à une autre personne […] tout en restant passager dans son propre véhicule n’est pas de nature à transférer au profit du conducteur les pouvoirs de direction, d’usage et de contrôle qui caractérisent la garde ». Cette position provient en fait de la jurisprudence antérieure, se montrant fermée à retenir un transfert en cas de présence du propriétaire dans le véhicule. Cependant, cette conception du transfert de la chose provient du droit commun du fait des choses, tandis que les accidents de la circulation, nous l’avons évoqué, nécessitent un régime adapté; celui des régimes spéciaux de responsabilité du fait des choses. La cour d’appel de Nancy semble donc avoir ignoré ce régime spécial en statuant ainsi . « Non ! Elle n’a fait qu’appliquer une jurisprudence constante de la Cour de cassation » Dans l’arrêt étudié, comme le soulignait le pourvoi, le conducteur semblait être en pleine capacité de conduire contrairement au propriétaire du véhicule, se trouvant en état d’ivresse donc potentiellement dangereux sur la route. Le propriétaire n’avait pas toutes les capacités de contrôle, de direction et d’usage de son véhicule à ce moment-là due à sa consommation d’alcool. Pour prévenir le dommage, il a donc transféré ses trois pouvoirs à quelqu’un susceptible d’en faire bon usage, et s’est placé comme passager à l’arrière de la voiture, perdant ses trois pouvoirs de gardien au profit du conducteur. Concernant la cession du véhicule, il s’agit d’une remise volontaire de la chose à un tiers par le propriétaire, donc d’un transfert de la garde puisque ce dernier, en devenant conducteur, avait usage du véhicule, contrôle et direction. De nombreux auteurs tels que A. Cayrol, R. Bigot ou encore F. Gasnier ont apporté une précision à cette notion de transfert. En effet, l’utilisation de la chose n’est pas suffisante, « l’essentiel étant de pouvoir en surveiller et en contrôler l’usage, et donc d’éviter qu’elle ne cause un dommage ». La cour d’appel de Nancy a alors effectivement fait défaut de base légale à sa décision en retenant des « motifs impropres à exclure, en considération des circonstances de cause, que le propriétaire non conducteur avait perdu tout pouvoir d’usage, de contrôle et de direction de son véhicule », selon la Cour de cassation. ❤️ Recommandé pour vous : U n autre commentaire d'arrêt corrigé sur les accidents de la circulation B) Sens de la décision à la lumière des éléments commentés Le propriétaire du véhicule en état d’ivresse ayant confié sa voiture à un conducteur en pleine possession de ses moyens se voit condamné à deux reprises, par un tribunal de grande instance puis par la cour d’appel de Nancy. Le propriétaire, conscient que son état n’est pas approprié à la conduite, cède ses responsabilités de conducteur à un ami qui occasionne un accident de la circulation, causant des dommages au passager avant. Bien que le principe est la présomption simple de garde du propriétaire, le gardien non conducteur n’était finalement plus en possession des pouvoirs de gardien, à savoir le contrôle du véhicule, la direction et l’usage. Un renversement de présomption s’avère pertinent. Il paraît tout de même illogique de condamner un passager -statut qu’il avait finalement au moment des faits- à des frais exorbitants de réparation du préjudice subi par l’accident causé par un tiers. La cour d’appel de Nancy, en motivant sa décision de condamner le propriétaire de la voiture au seul motif que « le fait que le propriétaire de la voiture ait, dans son seul intérêt et pour un laps de temps limité, confié la conduite à une autre personne […] tout en restant passager dans son propre véhicule n’est pas de nature à transférer au profit du conducteur les pouvoirs de direction, d’usage et de contrôle qui caractérisent la garde », n’a pas donné de base légale à sa décision selon la Cour de cassation. En effet, ce texte s’applique surtout au droit commun de la responsabilité du fait des choses. Surtout, le propriétaire est resté passager sans aucun pouvoir, étant ivre et à l’arrière de l’habitacle, et ayant donné sa confiance à son ami apte à conduire. De plus, ce « laps de temps limité » a suffi au conducteur à causer des dommages corporels au passager avant, M.G, et l’on peut supposer sans trop de risques l’existence de dommages matériels sur la voiture accidentée de M.L. L’erreur qu’a également commise la cour d’appel de Nancy est de ne pas avoir cherché réellement à déterminer qui, de M.L, propriétaire, ou de M.I, conducteur, « était objectivement à même d’empêcher l’accident ». La cour d’appel a alors violé l’article 2 de la loi du 5 juillet 1985 en justifiant sa décision par une affirmation abstraite, sans prendre la peine de se demander qui aurait réellement pu éviter le dommage entre le conducteur, possédant toutes les commandes de la voiture et entre un passager arrière ivre, certes propriétaire, et de ce fait présumé gardien. Cet arrêt insiste donc sur la nécessité, pour les juges du fond, de déterminer concrètement, dans chaque situation qui leur sont soumises, si la garde a été transmise par le propriétaire au conducteur du véhicule. Il vient également rappeler l’entière possibilité d’un tel transfert des pouvoirs, détaillé antérieurement. Il s’agit alors d’un arrêt de principe qui vient apporter des précisions sur une loi préexistante ( « Pas vraiment ! ») ainsi que sur des arrêts déjà rendus. Les juges précisent ici que le gardien ne peut être considéré conducteur s’il n’a ni usage, ni contrôle, ni direction. La solution rendue par la Cour de cassation semble plus cohérente, le propriétaire ne disposant pas de moyens d’action au moment des faits et victime par ricochet ne devrait pas être tenu responsable d’un accident de la circulation qu’il n’a pas lui-même causé. Au contraire, il a même souhaité anticiper le danger sachant qu’il était trop alcoolisé pour conduire en toute sécurité, et a donc confié sa voiture à une personne apte à conduire à sa place. Il appartenait donc aux juges du fond de justifier davantage leur décision en démontrant l’absence de transfert des trois pouvoirs permettant de caractériser la garde matérielle du véhicule. Cet arrêt permet également de soulever le fait que « la responsabilité est la contrepartie de la maîtrise de la chose ». ❤️ Recommandé pour vous : [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 1ʳᵉ civ. 25 nov. 2015 (Obligation/moyen - accident) 🧰 Parce que votre réussite nous tient à cœur, augmentez vos chances de valider votre année en découvrant toutes les ressources de la BOÎTE À OUTILS ( Flashcards de droit , Fiches de droit , Livres de droit ). 💖 Recevez aussi des good vibes, des conseils confidentiels et réductions exclusives en recevant la NEWSLETTER DU BONHEUR .
- [COMMENTAIRE D’ARRÊT] Cass. 3e civ., 16/03/2011 (Devoir d'information)
Cours de dro it > Cours de Droit des Contrats L'arrêt de la 3e chambre civile de la Cour de cassation du 16 mars 2011 porte sur le devoir d'information et sur les sanctions de la réticence dolosive. Voici un exemple de commentaire d’arrêt corrigé en droit des obligations qui a obtenu la note de 16/20. Sommaire : I/ Le devoir d’information comme devoir de loyauté A) L’existence d’un devoir de loyauté B) Une anticipation de la violation d’un devoir d’information II/ Les conséquences du manquement au devoir de loyauté A) L’existence possible d’une réticence dolosive B) Les sanctions possibles N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊 Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Commentaire général de l’enseignant : « Réflexion claire et construite » Sujet : Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 mars 2011 [Présentation de l’arrêt ] Il s’agit d’un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 16 mars 2011, relatif à la réticence dolosive et le devoir d’information dans la conclusion de contrats de vente. [Qualification juridique des faits et procédure] En l’espèce, deux vendeurs concluent une vente à un acquéreur par un acte authentique du 13 février 2002. La vente porte sur un pavillon vendu à une certaine somme. L’acquéreur réalise des travaux de rénovation dans ce pavillon. Il découvre la présence d’amiante, par conséquent, il demande la désignation d’un expert en référé qu’il obtient. L’acquéreur assigne les vendeurs en dommages-intérêts sur le fondement de la réticence dolosive. Une décision de première instance a lieu, suite à laquelle un appel est interjeté. La cour d’appel d’Orléans, par un arrêt du 9 novembre 2009 accueille la demande et condamne les vendeurs à des dommages-intérêts égaux au coût des travaux de désamiantage. Les vendeurs se pourvoient alors en cassation. Les demandeurs au pourvoi reprochent à la cour d’appel de statuer par des motifs inopérants et en violation de la loi en établissant que les deux vendeurs avaient une connaissance certaine de la présence d’amiante dans le pavillon vendu. Ils lui reprochent également de ne pas tirer les conséquences légales de ses propres constatations en violation de la loi, en estimant que au nom de l’obligation de loyauté, les vendeurs avaient l’obligation d’informer l’acquéreur de la présence d’amiante, alors que cette obligation a été introduite que postérieurement à la vente. [Moyens] Ils lui reprochent aussi de violer la loi en retenant que le consentement de l’acquéreur avait été vicié pendant la vente par l’absence d’information, alors que la découverte de l’amiante a eu lieu après la formation du contrat. Enfin, ces demandeurs reprochent à la cour d’appel de violer la loi, en les condamnant à des dommages-intérêts pour le préjudice subit, alors qu’ils n’étaient tenus à aucune obligation d’information et que l’acquéreur n’avait pas expressément exprimé sa volonté d’acheter un immeuble sans amiante. [Problème de droit] La question posée à la Cour de cassation est la suivante : le manquement au devoir d’information, même sans obligation légale peut-il entraîner l’existence d’une réticence dolosive ? [Solution] La Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que, d’une part, malgré l’absence d’une obligation légale, il y a une obligation de loyauté, empêchant les vendeurs de dissimuler la présence d’amiante dont ils avaient connaissance et que si l’acquéreur en avait eu connaissance, il n’aurait pas conclu dans les mêmes conditions et que cette dissimulation est intentionnelle entrainant une réticence dolosive imputable aux vendeurs. Et d’autre part, que la cour d’appel a bien caractérisé la certitude du préjudice causé par la dissimulation des risques encourus par l’acquéreur, entrainant la condamnation en dommages-intérêts. [Annonce de plan] Le devoir d’information est considéré par la Cour de cassation comme un devoir de loyauté (I) , son manquement entrainant l’existence d’une réticence dolosive devant être sanctionnée (II) . ❤️ Recommandé pour vous : [ Méthodologie] Réussir le commentaire d'arrêt I/ Le devoir d’information comme devoir de loyauté [Chapô] L’existence d’un devoir de loyauté (A) , anticipe la consécration d’un devoir d’information (B). A) L’existence d’un devoir de loyauté La Cour de cassation énonce dans son premier attendu que « le vendeur [est] tenu à un devoir général de loyauté ». Même si le terme de devoirs de loyauté est utilisé ici, il est également question de bonne foi, car la bonne foi impose selon la doctrine à minima la loyauté. Ce qui peut être considéré comme le fait de ne pas tromper son cocontractant dont l’objectif d’en tirer le plus grand bénéfice. Ce devoir de loyauté, ou de bonne foi entraine deux conséquences que la Cour de cassation énonce dans son premier attendu, à savoir que le vendeur ne doit pas dissimuler un fait dont il a connaissance, fait qui, est le cocontractant en avait eu connaissance, l’aurait fait renoncer à conclure le contrat dans les mêmes conditions. Afin de vérifier s’il y a un manquement à ce devoir de loyauté, il faut prouver que le fait est connu par les vendeurs et qu’il est déterminant du consentement du cocontractant. En l’espèce, les vendeurs avaient connaissance de la présence d’amiante car comme le constate la cour d’appel, l’un des vendeurs à cause de son âge avancé de 82 ans savait qu’à l’époque, il était utilisé de l’amiante massivement , d’autant plus qu’il détenait les contrats, devis, factures de travaux au pavillon en précisant l’utilisation (moyen 1) et l’autre vendeur en avait connaissance ayant assisté à la construction du pavillon (moyen 2). Enfin, l’acquéreur n’aurait pas acheté s’il avait su, l’amiante pouvant être dangereux pour la santé (« connaissance obligation génénérale d’information : défaut d'information ») . Il y a donc bien un manquement au devoir de loyauté. 💡 Bon à savoir : pour vous aider à progresser, nous avons mis en place un service de correction de copies . Ce sont nos enseignants d'universités qui corrigent vos exercices et qui vous font des retours ! B) Une anticipation de la violation d’un devoir d’information La Cour de cassation énonce expressément l’existence d’un devoir de loyauté, cela car « aucune obligation légale spécifique » n’imposait aux vendeurs d’informer de la présence d’amiante. Cette utilisation de la loyauté ne sera plus nécessaire après la consécration par la réforme du 1er octobre 2016 d’un devoir pré-contractuel d’information à l’article 1112-1 du Code civil (« codification ») . En effet, ce devoir se repose sur les mêmes bases que ce devoir de loyauté car l’information doit porter sur un fait connu du contractant, un fait déterminant du consentement du cocontractant, un fait ne portant pas sur la valeur de la prestation et un fait légitimement inconnu du cocontractant. Malgré l’ajout de quelques conditions, cela est similaire à ce que la Cour de cassation a énoncé mais sous une appellation différente. Par conséquent, après l’entrée en vigueur de la réforme de la réforme, la solution en l’espèce serait restée la même. Une solution logique permettant la protection de la partie faible. [Transition ] Le manquement à ce devoir entraîne diverses conséquences. ❤️ Recommandé pour exceller : Fiches de Droit des Contrats / Obligations Contractuelles II/ Les conséquences du manquement au devoir de loyauté [Chapô] Le manquement peut entrainer une réticence dolosive (A) , ainsi que des sanctions (B). A) L’existence possible d’une réticence dolosive Le manquement au devoir de loyauté n’implique pas forcément l’existence du vice de consentement, du dol et en particulier de la réticence dolosive. En effet, le dol est le fait de tromper son cocontractant, ce qui entrainera une erreur de ce dernier, cela signifie qu’il aura une perception de son achat différente de la réalité. Pour qu’il y ait un dol comme la Cour de cassation l’exprime, il faut d’une part un élément intentionnel, l’intention volontaire de tromper, et d’autre part un élément matériel, des manœuvres, un mensonge ou la réticence dolosive. En l’espèce, la Cour de cassation (« cour d'appel ») estime que le fait a été, « intentionnellement dissimulé » par les vendeurs dans son premier attendu et le fait qu’ils aient volontairement dissimulé un élément déterminant du consentement de l’acquéreur qu’ils connaissaient, caractérise la réticence dolosive et donc avec ces deux conditions cumulatives, le vice de consentement du dol. Ce raisonnement sera plus clairement exprimé après la réforme de 2016 dans les articles 1136 et suivants du Code civil. ❤️ Recommandé pour vous : [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 3e civ., 17/01/2007 (Réticence dolosive) B) Les sanctions possibles Le manquement à ce devoir d’information peut entrainer la responsabilité civile (« extra ») contractuelle. Pour cela, il faut une faute, un préjudice et un lien de causalité. En l’espèce comme l’énonce la Cour de cassation, implicitement, la faute correspond à la dissimulation de l’information, le préjudice, à la certitude du risque auquel est exposé l’acquéreur lors des travaux, et le lien de causalité est le fait que la dissimulation elle-même entraine ce risque. Dans ce cas, la sanction des dommages-intérêts est possible, c’est ce qui a été décidé par la cour d’appel et confirmé par la Cour de cassation. Cependant, une autre sanction est possible. En effet, le dol ayant été caractérisé le contrat ne respecte pas une condition de validité. Et même si en principe, le vice de consentement doit être caractérisé au moment de la formation du contrat, l’utilisation d’éléments postérieurs est possible car l’amiante était présente au moment de la conclusion, même si découverte après. Par conséquent, la nullité relative du contrat entier aurait pu être possible, en plus des dommages-intérêts, mais cela n’a pas été demandé par l’acquéreur. 🧰 Parce que votre réussite nous tient à cœur, augmentez vos chances de valider votre année en découvrant toutes les ressources de la BOÎTE À OUTILS ( Flashcards de droit , Fiches de droit , Livres de droit ). 💖 Recevez aussi des good vibes, des conseils confidentiels et réductions exclusives en recevant la NEWSLETTER DU BONHEUR.
- [COMMENTAIRE D'ARRÊT] Arrêt Faurecia 2010 (Droit des contrats)
Cours de droit > Cours de Droit des Contrats Découvrez un commentaire d'arrêt portant sur l'arrêt Faurecia (2010) en droit des contrats (note : 16/20). Nous traiterons d'abord de la licéité des clauses limitatives de réparation affectant une obligation essentielle puis de l’abandon de l’appréciation objective de la faute lourde. Cette copie vous aidera à mieux comprendre la méthode de commentaire d'arrêt. 🤗 Sommaire : I - La licéité des clauses limitatives de réparation affectant une obligation essentielle A. L’abandon d’une jurisprudence réputée non-écrite toute clause limitative de réparation affectant une obligation essentielle B. Le seuil de la clause limitative de réparation : la clause contredisant l’obligation essentielle du débiteur II - L’abandon de l’appréciation objective de la faute lourde A. La faute lourde non retenue, application de la jurisprudence dégagée par la chambre mixte B. L’appréciation de la gravité du comportement de l’auteur de la faute N.B.: Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊 ❤️ Recommandé pour exceller : Fiches de Droit des Contrats / Obligations Contractuelles L’arrêt étudié est un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 29 juin 2010. La Cour de cassation a dû, à l’occasion de cet arrêt, se prononcer sur la validité des clauses limitatives de réparation ainsi que sur l’appréciation des fautes lourdes susceptibles de les paralyser. Cet arrêt, rendu en chambre seule, nous empêche de parler de revirement de jurisprudence. Néanmoins, il a le mérite de rompre avec la jurisprudence antérieure en ce qu’il confirme un arrêt de résistance rendu après cassation. [Faits] La société Faurecia a conclu un contrat de licences, un contrat de maintenance et un contrat de formation avec la société Oracle le 29 mai 1998 ainsi qu’un contrat de mise en œuvre en juillet 1998, pour bénéficier du logiciel V 12 qui devait être disponible en septembre 1999. En 2000, la société Faurecia, qui n’avait pas reçu le logiciel, a cessé de régler ses redevances. [Procédure] La société France Finance assigne la société Faurecia en paiement. La société Faurecia appelle la société Oracle en garantie puis assigne celle-ci aux fins de résolution pour inexécution des contrats conclus. La cour d’appel a fait application d’une clause limitative de responsabilité pour limiter la condamnation de la société Oracle envers la société Faurecia, l’arrêt a été partiellement cassé par un arrêt du 13 février 2007. Statuant sur renvoi après cassation, la cour d’appel, par un arrêt du 26 novembre 2008, a fait derechef application de la clause limitative de responsabilité au profit de la société Oracle. La société Faurecia se pourvoit en cassation. [Moyens] La société Faurecia fait grief à l’arrêt d’une part, d’avoir fait application de la clause limitative de réparation alors que la société Oracle a manqué à son obligation essentielle tenant à la livraison du logiciel et qu’elle ne justifiait aucune faute imputable à la société Faurecia, ni un cas de force majeur. D’autre part d’avoir considéré que la clause limitative de responsabilité au motif qu’elle aurait été librement négociée et acceptée par la société Faurecia. Enfin, que le plafond de la clause de limitation d’indemnisation n’était nullement dérisoire, et n’avait pas pour objet de décharger la société Oracle de son obligation essentielle ou même de vider son obligation de sa substance. [ Problème de droit ] La clause limitative doit-elle être réputée non écrite en ce qu’elle s’applique à une obligation essentielle ? Peut-elle être écartée en raison du retard de livraison du logiciel V12 par la société Oracle à la société Faurecia ? [ Solution ] La Cour de cassation répond par la négative en rappelant d’une part que seule une clause qui contredit la portée de l’obligation essentielle à la charge du débiteur est réputée non écrite. Et d’autre part qu’un simple manquement à une obligation essentielle du contrat n’est pas de nature à neutraliser la clause limitative de réparation. La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu après cassation par la cour d’appel de Paris en date du 26 novembre 2008. Une clause limitative de responsabilité doit-elle être réputée non écrite au motif qu’elle limite la réparation d’un manquement à une obligation essentielle ? Le seul manquement à une obligation essentielle du contrat, est-il de nature à caractériser une faute lourde paralysant la clause limitative de réparation ? [Annonce de plan] Il nous faudra d’une part étudier la licéité de la clause limitative de réparation qui vient limiter les indemnités dues en cas de manquement à une obligation essentielle (I) et d’autre part si le manquement à une obligation contractuelle est suffisant pour caractériser une faute lourde (II). I - La licéité des clauses limitatives de réparation affectant une obligation essentielle Dans cette partie nous axerons notre étude sur la licéité des clauses limitatives de réparation portant sur une obligation essentielle (II), décision de la Cour de cassation abandonnant une tendance jurisprudentielle antérieure (I). A. L’abandon d’une jurisprudence réputée non-écrite toute clause limitative de réparation affectant une obligation essentielle La clause limitative de réparation est une clause « ayant pour objet de limiter par avance la réparation qui pourrait être due par un contractant en cas d’inexécution de son obligation contractuelle » selon la formule de Charles-Edouard BUCHER. La jurisprudence antérieure à l’arrêt commenté avait tendance à réputer, de façon systématique, une telle clause comme non écrite sur le fondement de l’absence de cause dès lors que ladite clause s’appliquait à une obligation essentielle. C’est d’ailleurs la première solution donnée au litige par la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 13 février 2007. Pour un autre exemple, c’est ce raisonnement qu’avait déjà effectué la Cour de cassation dans un arrêt de la saga Chronopost du 30 mai 2006 en reprochant aux juges de fond de na pas avoir vérifié « si la clause limitative d’indemnisation dont se prévalait la société Chronopost […] ne devait pas être réputée non écrite par l’effet d’un manquement […] à une obligation essentielle du contrat ». En effet, il était considéré qu’une telle clause avait pour effet de décharger directement le débiteur d’une obligation à laquelle il venait de s’engager, lui laissant ainsi la possibilité de manquer à ses obligations en étant peu sévèrement puni, la réparation ne pouvant dépasser le montant fixé par la clause. Cette prise de position, certes protectrice des intérêts du créancier, portait une atteinte injustifiée à la liberté contractuelle des parties et constituait un obstacle à une éventuelle répartition du risque qui pouvait être voulu par les contractants. L’arrêt commenté a donc été accueilli avec soulagement par la doctrine en ce qu’il confirme l’arrêt rendu après cassation par la cour d’appel de Paris le 26 novembre 2008, considéré comme un arrêt de résistance face à l’éviction systématique des clauses limitatives de responsabilité. Par cet arrêt, la Cour de cassation affirme qu’une clause limitative de responsabilité est applicable même lorsque le manquement porte sur une obligation essentielle mais pose toutefois une limite, de sorte que le débiteur ne puisse pas être directement déchargé de son obligation, cas de figure redouté par la jurisprudence antérieure. B. Le seuil de la clause limitative de réparation : la clause contredisant l’obligation essentielle du débiteur La Cour de cassation, dans l’arrêt commenté, précise que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le débiteur ». La juridiction suprême rompt avec les jurisprudences antérieures en ce qu’elle admet l’application des clauses limitatives de réparation aux manquements affectant les obligations essentielles du contrat, avec pour limite tout de même que cette clause limitative de réparation ne vide pas l’obligation de sa substance. Ici la Cour de cassation adopte une solution équilibrée conjuguant liberté contractuelle et sécurité du créancier. Cette solution n’est pas nouvelle, la Cour de cassation semble en effet confirmer une position qu’elle avait déjà adoptée en 1996 dans un arrêt Chronopost ( n°93-18632 ). La Cour avait jugé « qu’en raison du manquement à cette obligation essentielle de la clause limitative de responsabilité du contrat, qui contredisait la portée de l’engagement pris, devait être réputée non écrite ». En l’espèce, la Cour de cassation confirme la solution de la cour d’appel en considérant que la clause limitative de réparation stipulée dans le contrat d’espèce n’est pas de nature à vider l’obligation essentielle de la société Oracle de sa substance mais qu’elle reflète « la répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résultait », la répartition des risques étant l’objectif premier de ce type de clause. La Cour d’appel effectue en outre une appréciation de la somme à indemniser qui ne doit pas être illusoire, en l’espèce la somme de 200.000€ n’a pas été considérée comme illusoire. Cette solution a été réitérée ( Cass.com n°12-26412 ) et nous pouvons relever qu’elle est désormais consacrée par l’article 1170 du C.civ dans sa rédaction résultant de la réforme du 1er octobre 2016. En outre, cet arrêt Faurecia est considéré par la doctrine comme « une victoire d’étape » pour la clause limitative de réparation, puisque la juridiction suprême n’apporte pas de précision sur la notion d’obligation essentielle. Par ailleurs, l’article 1170 n’apporte pas non plus de précision sur l’obligation essentielle, il reviendra donc aux juges du fond d’apprécier au cas par cas si la clause limitative de responsabilité est de nature à vider ou non l’obligation de sa substance. Si cet arrêt nous apprend qu’une clause limitative de réparation peut être réputée non écrite qu’à la condition qu’elle contrevienne à l’obligation essentielle, une autre question peut être soulevée ; celle de savoir si un manquement à une obligation essentielle du contrat peut à lui seul paralyser l’efficacité de la clause limitative de responsabilité. ❤️ Recommandé pour vous : Exemple de commentaire d'arrêt de la Cass. 2e civ., 2 fev. 2017 : droit des obligations délictuelles Les conditions de validité du contrat : l’article 1128 du Code civil Cour de cassation : Définition, rôle, composition et procédures II- L’abandon de l’appréciation objective de la faute lourde Dans cette partie, notre analyse portera sur la faute lourde, faute sur laquelle la Cour de cassation portait une appréciation objective (I) ce qui posait quelques difficultés de proportionnalité la conduisant à opérer une opérer une appréciation subjective (II). A. La faute lourde non retenue, application de la jurisprudence dégagée par la chambre mixte La société demanderesse a logiquement tenté de paralyser la clause limitative de réparation qui lui était défavorable. Dans cette hypothèse, la clause est valable mais ne s’applique pas en raison de la faute lourde du débiteur, le défaut de livraison en l’espèce. Néanmoins, la société Faurecia n’obtient pas satisfaction puisque la juridiction suprême juge que « la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle ; fût-elle essentielle ». Il faut rappeler ici qu’avant 2005, une conception objective de la faute lourde était adoptée par la jurisprudence. En effet, un manquement à une obligation essentielle suffisait à caractériser celle-ci de faute lourde et par la même, neutraliser la clause limitative de réparation. Cette conception a été abandonnée par deux arrêts de 2005 rendus en chambre mixte (n°02-18326 et n° 03-14112) car telle appréciation de la faute lourde, aurait eu pour conséquence de paralyser la clause limitative de réparation pour tout manquement à une obligation essentielle du contrat sans considération de la gravité de ce manquement, pouvant aboutir à une disproportion entre le manquement et ses conséquences. La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans l’arrêt commenté, suit à la lettre le sillage donné par les arrêts précités. En l’espèce, la société Faurecia demandait réparation de son préjudice résultant d’un retard de livraison, néanmoins ce retard dans la livraison (retard dans l’obligation essentielle), n’a pas été considéré par la Cour de cassation comme une faute lourde, tout comme ce fût le cas dans l’arrêt n°03-14112 du 22 avril 2005. On comprend aisément cette solution, il aurait été contradictoire pour la Cour de cassation de paralyser la clause limitative de réparation pour manquement à une obligation contractuelle alors même qu’elle venait justement d’admettre l’application de cette clause aux obligations essentielles. Cela aurait eu pour effet d’annuler « la victoire d’étape » de la clause limitative de responsabilité, du moins en l’espèce, puisque la clause aurait été paralysé et n’aurait donc pas produit d’effets. Il est nécessaire de s’intéresser à la façon dont la Cour de cassation apprécie la faute lourde désormais, c’est-à-dire de façon subjective. B. L’appréciation de la gravité du comportement de l’auteur de la faute L’appréciation qui doit être faite de la faute lourde est bien une appréciation subjective et non plus une appréciation objective se limitant à constater un manquement à une obligation essentielle du contrat. La juridiction suprême le précise d’ailleurs dans le conclusif de l’arrêt commenté : « la faute lourde […] doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ». Là encore, la chambre commerciale de la Cour de cassation fait une application parfaite de la solution donnée à l’arrêt (n°03-14112) rendu le 22 avril 2005 par la chambre mixte de la Cour de cassation qui avait indiqué que la faute lourde se caractérise par « une négligence d’une extrême gravité confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de sa mission contractuelle ». Ainsi, un manquement à une obligation essentielle ne traduisant pas l’inaptitude du débiteur de l’obligation ne sera pas de nature à paralyser la clause limitative de responsabilité, comme c’est le cas en l’espèce. En effet, une faute lourde ne peut résulter du seul retard de livraison du logiciel par la société Oracle à la société Faurecia, ce qui justifie l’application de la clause limitative de réparation. La solution n’est encore une fois pas nouvelle, elle avait été dégagée par l’arrêt susmentionné (n°03-14112). Pour un autre exemple dans ce sens, la faute lourde « ne saurait résulter du seul fait pour le transporteur de ne pouvoir fournir d’éclaircissements sur la cause du retard » (arrêt ch.mixte n°02-18326). A contrario , le professionnel qui omet d’assurer la ventilation nécessaire et de placer des absorbeurs à l’intérieur d’un conteneur contenant des meubles, et faisant escale en Malaisie, ou le climat est humide, commet une faute lourde neutralisant la clause limitative de réparation (arrêt Cass 1ère civ n°13-21980). Aucune disposition du code civil ne fait mention des différents types de fautes susceptibles d’intervenir dans les relations contractuelles, c’est la jurisprudence qui s’est chargée d’opérer les distinctions et de les hiérarchiser. Il revient donc au juge, d’apprécier souverainement et au cas par cas, la nature de la faute d’une partie au regard de son comportement. L’intérêt de pouvoir paralyser cette clause en cas de faute lourde est d’éviter qu’un contractant soit négligeant tout en étant assuré de ne pas réparer le préjudice de son cocontractant au-delà du seuil fixé. Encore une fois, la juridiction suprême concilie les intérêts de chacune des parties. Mathey Valentine 🧰 Parce que votre réussite nous tient à cœur, augmentez vos chances de valider votre année en découvrant toutes les ressources de la BOÎTE À OUTILS ( Flashcards de droit , Fiches de droit , Livres de droit ). ️💖 Recevez aussi des good vibes, des conseils confidentiels et réductions exclusives en recevant la NEWSLETTER DU BONHEUR .
- [COMMENTAIRE D’ARRÊT] Cass. 3ᵉ civ., 12/03/2008 (Usucapion)
Cours de droit > Cours de Droit des Biens Voici un exemple de commentaire d'arrêt en droit des biens. Le commentaire porte sur l'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 12 mars 2008. Il porte sur l'usucapion d'une servitude de surplomb et sur l'atteinte à la propriété d'autrui. La copie a obtenu la note de 17/20. Sommaire : I/ L’admission inattendue de l’usucapion d’une servitude de surplomb A) La préalable réticence à l’acquisition d’une servitude de surplomb par prescription trentenaire B) Un revirement inédit fondé sur l’utilité esthétique de la corniche II/ La mise en œuvre du pouvoir souverain d’appréciation des juges pour retenir une solution discutable A) L’atteinte critiquable à la propriété d’autrui B) L’avenir incertain de cette consécration jurisprudentielle ❤️ Recommandé pour exceller : Fiches de Droit des Biens N.B : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait. Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊 Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Sujet : Arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 12 mars 2008 [Accroche] La jurisprudence demeure depuis longtemps attachée à une conception absolutiste de la puissance de la propriété. Toutefois, ponctuellement, elle est venue admettre l’empiètement, notamment en matière de servitude de surplomb comme l’illustre parfaitement l’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 12 mars 2008. [Faits et procédure] En l’espèce, dans cet arrêt il était question d’un immeuble sur lequel était construit une corniche qui dépassait sur le terrain voisin, ce dernier appartenant à la société Clairsienne d’HLM. À l’issue d’une longue période d’au minimum trente ans, les époux X, propriétaires de l’immeuble en question ont assigné la société Clairisenne d’HLM afin de se voir reconnaître juridiquement une servitude de surplomb qu’ils ont acquis par prescription trentenaire, du fait de la corniche construite sur leur immeuble, et ce, dans le but de s’opposer à des travaux envisagés par cette société qui étaient de nature à porter atteinte à la servitude invoquée. [Procédure] L’arrêt de la cour d’appel de Bordeaux, dans son arrêt en date du 30 octobre 2006, fait droit à la demande des époux X aux motifs que « le fonds des époux X, qui pouvaient se prévaloir d’une possession utile, bénéficiait d’une servitude de surplomb sur le fonds voisin acquise par prescription ». C’est dans ces conditions que la société Clairsienne d’HLM forme un pourvoi en cassation aux moyens que d’une part une servitude ne peut conférer le droit d’empiéter sur la propriété d’autrui et que d’autre part le simple élément décoratif d’un immeuble ne peut être un élément utile du fonds justifiant une servitude sur un autre fonds. [Problématique] La question qui se posait alors aux juges de la troisième chambre civile était de savoir dans quelles mesures une servitude peut-elle conférer le droit d’empiéter sur la propriété d’autrui ? En outre, cela revenait à se demander s’il était possible d’usucaper une servitude de surplomb. [Solution] En date du 12 mars 2008, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par la société Clairsienne d’HLM en confirmant l’arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux, aux motifs « qu’ayant relevé que la corniche avait été édifiée il y a plus de trente ans avec l'immeuble, lequel, de type "chartreuse", ancien et de caractère, formait un tout sur le plan architectural dans lequel elle s'intégrait pour être surmontée d'une balustrade en pierre dans laquelle était intégré un fronton et souverainement retenu qu'elle présentait un avantage pour l'usage et l'utilité du fonds des époux X..., en ce qu'elle faisait partie de l'architecture même de leur immeuble, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant relatif à l'agrément, en a exactement déduit que le fonds des époux X..., qui pouvaient se prévaloir d'une possession utile, bénéficiait d'une servitude de surplomb sur le fonds voisin acquise par prescription ». [Annonce de plan] Dans cet arrêt inédit, les hauts magistrats du quai de l’horloge ont admis de manière inattendue l’usucapion d’une servitude de surplomb (I) grâce à leur pouvoir souverain d’appréciation, et ce, en dépit de l’atteinte qu’une telle servitude provoque à la propriété d’autrui (II) . ❤️ Recommandé pour vous : 6 étapes essentielles pour réussir le commentaire d'arrêt I/ L’admission inattendue de l’usucapion d’une servitude de surplomb [Chapô] En effet, la jurisprudence ancienne, avait de manière constante manifestée la puissance de la propriété en refusant d’admettre les servitudes d’empiètement (A) . Toutefois, en 2008, la Cour de cassation a changé soudainement de positionnement en admettant l’usucapion d’une telle servitude au regard du fait qu’elle présentait un avantage pour l’utilité et l’usage du fonds servant (B) . A) La préalable réticence à l’acquisition d’une servitude de surplomb par prescription trentenaire « Le fonds des époux X…, qui pouvaient se prévaloir d’une possession utile, bénéficiait d’une servitude de surplomb sur le fonds voisin acquise par prescription ». De cet extrait, il convient de retenir que la Cour admet en l’espèce la prescription acquisitive d’une servitude, ce qui n’a pourtant pas toujours été la position retenue par la jurisprudence, bien au contraire. Il convient ainsi dans un premier temps de procéder à la définition de l’usucapion [ Ndlr : voir un cours sur l'usucapion ], qui correspond en outre, à la prescription acquisitive qui est le mécanisme juridique qui transforme l’usage non équivoque, paisible et continu d’un bien en possession opposable à tous à l’issue de l’écoulement du délai de prescription. Pour que la prescription puisse jouer il faut que celle-ci soit pleinement constituée tant dans ses éléments matériels que psychologiques. L’article 2258 du Code civil dispose ainsi que « La prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ». Mais également la possession doit être utile, c’est-à-dire qu’elle ne doit pas être viciée d’après l’article 2261 ; ni par un vice de clandestinité, ni par un vice de violence, de discontinuité ou encore d’équivoque. Dans cet arrêt, l’usucapion concerne plus particulièrement une servitude qui correspond quant à elle à une charge entre deux fonds appartenant à deux propriétaires différents. La servitude est ainsi un droit réel qui appartient au propriétaire du fonds dominant reconnu sur le fonds servant. À ce propos, le Code civil consacre une définition de cette notion à l’article 637 qui dispose « qu’une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l’usage et l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire ». La servitude doit être distinguée de l’usufruit quand bien même il s’agit-il de deux hypothèses de démembrement du droit réel de propriété. La première différence est que la servitude ne peut porter que sur des héritages c'est-à-dire au sens du Code civil que sur des immeubles alors que l’usufruit peut porter sur n’importe quelle chose. La deuxième différence est que la servitude est attachée à un fonds et est perpétuelle, tandis que l’usufruit est nécessairement temporaire. La servitude directement visée par l’arrêt du 12 mars 2008 est une servitude de surplomb, soit une servitude qui confère un droit réel pour le propriétaire du fonds dominant sur le dessus du sol du fonds dominant, comme par exemple des gouttières qui empièteraient sur le terrain voisin en vertu d’une telle servitude. Les servitudes peuvent être acquises et constituées de diverses manières mais celle qui concernait l’arrêt en présence était relative à la constitution d’une servitude par la possession, par prescription acquisitive. La possibilité d’invoquer l’acquisition d’une servitude par usucapion est en principe assez restreinte, puisque dans un premier temps seule la prescription trentenaire est admise et que dans un second temps les articles 690 et 691 prévoient clairement que seules les servitudes continues et apparentes sont susceptibles d’être usucapées par la possession trentenaire. Cela s’explique en grande partie en raison des caractères de la propriété, reconnue comme étant absolue, perpétuelle et exclusive et qui excluent donc logiquement l’usucapion des servitudes d’empiètement. La jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation semblait abonder dans ce sens. En effet, « la servitude ne peut cependant pas porter atteinte, d’une façon qui ne pourrait qu’être perpétuelle, au droit de jouissance absolu reconnu, par l’article 544 du Code civil, à la propriété ». En ce sens, la Cour de cassation dans un arrêt de 2001 a considéré qu’une « servitude ne peut conférer le droit d’empiéter sur la propriété d’autrui ». De plus, cette solution loin d’être la seule en ce sens, avait été prononcée pour la première fois dans un arrêt du 24 mai 2000 selon lequel « une servitude ne peut être constituée par un droit exclusif interdisant au propriétaire du fonds servant toute jouissance de sa propriété ». Enfin cette position protectrice du droit de propriété avait été réitérée en 2003 dans un arrêt dont les faits étaient identiques aux faits de l’espèce. De plus, au regard de ces trois jurisprudences, le rapport annuel de 2004 de la Cour de cassation en avait déduit que « la servitude d’empiètement est bannie du droit français, qui n’admet pas que l’empiètement puisse se pérenniser à l’abri de la notion de servitude » et que par conséquent « cette conception restrictive de la notion de servitude condamne les servitudes de surplomb ». L’enjeu de cet arrêt de 2008 était alors d’établir un revirement de jurisprudence en revenant sur sa position, ce qui permettrait de consacrer l’usucapion jusqu’ici prohibée d’une servitude de surplomb qui empiète sur la propriété d’autrui. [Transition] Ainsi à la lumière de cette position antérieure constante de la Cour de cassation en faveur de la protection de la propriété, ce revirement soudain apparaît comme étant inédit (B). ❤️ Recommandé pour vou s : 5 conseils absolument essentiels pour une copie parfaite B) Un revirement inédit fondé sur l’utilité esthétique de la corniche « La corniche avait été édifiée (…) avec l’immeuble, lequel, de type chartreuse, ancien et de caractère, formait un tout sur le plan architectural dans lequel elle s’intégrait ». De cet extrait transparaît la volonté de la part de la troisième chambre civile de justifier son revirement jurisprudentiel conséquent au regard de l’utilité esthétique de la corniche des avis du reste de l’immeuble afin d’admettre et de fonder l’existence d’une servitude de surplomb au profit des époux X, sur le fonds voisin appartenant à la société Clairsienne d’HLM. Toutefois, concernant la notion de servitude, et sa conception, la doctrine est divisée. Certains soutiennent en effet qu’il convient de relativiser les limites que la servitude peut apporter au propriétaire du fonds servant, et d’autres à l’inverse dénoncent le danger de consentir au propriétaire du fonds dominant les avantages, sans les obligations de l’usufruit, voire d’opérer à son profit implicitement un véritable transfert de propriété. De plus, l’auteur Charles Demolombe avait observé à propos des servitudes que ces dernières « procuraient au fonds qui en bénéficiait un avantage d’une plus grande importance que ne l’était l’inconvénient subi par le fonds assujetti ». C’est semble-t-il dans le sens de cette dernière observation que s’inscrit la solution de la Cour de cassation de ce 12 mars 2008. En effet, la société Clairsienne d’HLM dans son pourvoi, invoquait le fait qu’une servitude ne peut conférer le droit d’empiéter sur la propriété d’autrui mais aussi qu’au regard de l’article 637 du Code civil le simple élément décoratif d’un immeuble ne peut être un élément utile du fonds justifiant une telle servitude sur un autre fonds puisque cet article prévoit qu’une « servitude est une charge imposée sur un héritage pour l’usage ou l’utilité d’un héritage appartenant à un autre propriétaire ». La Cour de cassation face à ses moyens invoqués par la société oppose qu’il appartient aux juges du fonds de la Cour d’appel le soin d’apprécier souverainement l’utilité et l’usage que cette servitude procurera au fonds dominant. Par conséquent elle rappelle en réponse à cette critique de l’utilité, que les juges de la cour d’appel avaient « souverainement retenus » que la corniche objet du litige « présentait un avantage pour l’utilité et l’usage des époux X… en ce qu’elle faisait partie de l’architecture même de leur immeuble ». Mais le fait que cette corniche appartienne à l’architecture du bâtiment ne résout rien selon Forest car cela ne préjuge pas de son utilité pour le reste de l’immeuble. Mais cet auteur retient tout de même que l’utilité requise par l’article 637 du Code civil peut reposer sur la seule esthétique, en considérant que en l’espèce la corniche objet du litige servait de support à une balustrade en pierre dans laquelle était intégré un fronton. En effet, il est possible d’admettre de telles servitudes privées en faisant un parallèle avec les servitudes d’utilité publiques dont la loi de 1913 pour la protection des monuments historiques a admis qu’il pouvait s’agir de « servitudes esthétiques ». En effet, comme il convient de l’observer dans la solution de cet arrêt, l’utilité d’une servitude pour le fonds dominant qui est une condition déterminante de son existence fait l’objet d’une appréciation assez souple par les juges du fonds. On retient par conséquent que « la servitude n’a pas à être indispensable au fonds dominant ». En ce sens Forest tout comme la Cour de cassation considère que la critique émise par le pourvoi tenant à l’inutilité d’un élément décoratif était doublement inopérante puisque de plus il a été admis très tôt par la jurisprudence que « le simple agrément suffit à justifier l’existence d’une servitude » . En outre cette solution revient donc bien à admettre qu’une servitude de surplomb puisse être acquise par usucapion trentenaire sur le fondement d’une possession utile exercée par les propriétaires du fonds dominant sur une corniche surplombant le fonds voisin en relevant que cet ornement architectural présentait un avantage pour l’utilité et l’usage du fonds des époux X. La Cour consacre donc l’existence d’une catégorie de servitudes « qu’on croyaient définitivement condamnées » comme le relèvent certains auteurs. Ainsi, la Cour de cassation fait l’emporter la servitude de surplomb sur la règle stricte applicable en matière d’empiètement et ce « dans le souci légitime de ne pas risquer la destruction d’un semblant architectural de grande qualité esthétique ». [Transition ] Mais toutefois, la solution rendue par la Cour de cassation ne répond pas et n’écarte pas définitivement la première critique adressée par le pourvoi relative à l’empiétement d’une telle servitude de surplomb sur la propriété d’autrui (II). II/ La mise en œuvre du pouvoir souverain d’appréciation des juges pour retenir une solution discutable [Chapô] En outre, une telle décision de la part de la Cour de cassation a été vivement critiquée par la doctrine des avis surtout de l’atteinte à la propriété qu’elle provoque (A) . En conséquence, au regard de ces éléments, certains auteurs déduisent alors qu’il s’agit en réalité d’un arrêt d’espèce dont la solution n’a pas forcément vocation à être réitérée (B) . A) L’atteinte critiquable à la propriété d’autrui En effet, sur la critique de l’empiètement, le rejet du pourvoi par la Cour de cassation est plus problématique. Cela se justifie au regard la solution donnée par la Cour de cassation en 2008 qui revient à admettre un empiètement sur le fonds voisin, car une servitude de surplomb s’apparente effectivement à un empiètement dans le sens où elle se manifeste par le dépassement de la propriété du dessus du fonds servant. La doctrine analyse donc cette solution retenue par la troisième chambre civile, qui s’inscrit comme étant un revirement de jurisprudence opéré après une jurisprudence constante et logique qui se voulait protectrice du droit de propriété et en déduit que cette dernière manque de cohérence des avis de sa jurisprudence antérieure. Sur ce point, il convient de rappeler qu’une jurisprudence récente par rapport à l’arrêt avait marqué son désaccord ferme à l’égard d’une solution en faveur de l’empiètement. Par ailleurs et dans le même sens, la Cour de cassation avait jugé que « tout propriétaire est en droit d’exiger la démolition d’un ouvrage qui empiète sur sa propriété, si minime que soit l’empiètement » dans un arrêt de la troisième chambre civile en date du 20 mars 2002, peu important que cet empiétement ait été commis de bonne foi d’après la troisième chambre civile dans son arrêt du 29 février 1984. Ainsi, l’arrêt en l’espèce est une exception à ce qu’avait admis de manière rigoureuse la jurisprudence en matière d’empiètement. De plus, cette solution est vivement critiquée par la doctrine, car en admettant un tel empiètement, elle porte atteinte au caractère absolu du droit de la propriété. La propriété est un droit fondamental et elle a été affirmé à de multiples reprises comme étant effectivement absolue, exclusive (dans le sens ou ses avantages et ses utilités sont réservées au propriétaire) et enfin perpétuelle car cette dernière ne s’éteint pas par le non-usage et l’action en revendication n’est pas susceptible de prescription extinctive. À ce titre, l’article 545 du Code civil prévoit que « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ». Cet article est une reprise de l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Cela justifie en partie la position très stricte à l’origine de la part de la Cour de cassation sur les servitudes d’empiètement, tout comme l’article 552 alinéa premier du code civil qui prévoit que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus », qui exclut en toute logique, en principe, les servitudes de surplomb. À ce propos, la doctrine tente de relativiser cette règle en relevant le fait que « il est vrai que l’empiètement « dans les airs » n’est peut-être pas aussi gênant qu’un empiètement sur le sol, mais il reste sans aucun doute qualifiable comme tel ». Cet arrêt constitue donc par conséquent « une fissure non colmatée » à la construction qu’avait fermement tenue la haute juridiction jusqu’au présent arrêt. À l’inverse, cette décision semble être défendable, voir même justifiée pour certains auteurs qui défendent indirectement la Cour de cassation en disant et en rappelant « qu’il aurait pu paraître paradoxal à la Cour de cassation qu’une même corniche, ancienne de plus de trente ans, puisse être condamnée à la démolition parce qu’elle n’avait pu être considérée sous l’angle de la propriété ». [Transition ] Ainsi, l’atteinte à la propriété qu’opère cette solution inédite en admettant la prescription trentenaire d’une servitude de surplomb a-t-elle vocation à être réitérée par la Cour de cassation où est-ce davantage un arrêt exceptionnel applicable aux faits de l’espèce et qui ne constitue pas réellement un revirement de jurisprudence ? (B) ❤️ Recommandé pour vous : [GUIDE] Méthodologie de la Fiche d'arrêt (+exemples) B) L’avenir incertain de cette consécration jurisprudentielle La Cour de cassation dans cet arrêt de 2008, s’efforce de justifier sa solution au maximum en la rendant adaptée aux faits de l’espèce pour, comme énoncé précédemment, favoriser l’intégrité de l’immeuble qui forme un tout avec la corniche sur le plan architectural et permettre ainsi la conservation de la qualité esthétique du bâtiment ; « la corniche avait été édifiée il y a plus de trente ans avec l’immeuble, lequel, de type « chartreuse », ancien et de caractère, formait un tout sur le plan architectural dans lequel elle s’intégrait pour être surmontée d’une balustrade en pierre dans laquelle était intégré un fronton ». De ce long extrait de la solution, transparaît de façon évidente la volonté implicite de la Cour de cassation de rendre applicable l’empiètement sur la propriété d’autrui par une servitude de surplomb seulement aux cas de l’espèce, en précisant bien que l’appréciation de l’avantage pour l’usage et l’utilité conférée aux propriétaires du fonds dominant sur le fonds servant appartient souverainement aux juges du fonds. Ainsi cette solution n’admet pas pour autant qu’une telle appréciation sera opérée de manière souple, cela peut s’observer notamment car depuis 2008 aucun arrêt de la Cour de cassation n’est venue réitérer cette solution. Par ailleurs, la doctrine partage ce point de vue. En effet à la question faut-il annoncer un revirement de jurisprudence au travers de cet arrêt ? L’auteur Forrest invoque la prudence à cet égard et pour deux raisons ; l’une tenant au fait qu’un arrêt du 19 septembre 2007 « dément toute idée d’assouplissement de l’hostilité traditionnelle dont la Cour de cassation fait preuve à l’égard de l’empiètement en considérant que cet empiètement fait obstacle à la mitoyenneté ». Et l’autre, la solution rendue le 12 mars 2008 lui semble difficilement dissociable des particularités de l’espèce. Par conséquent ceci explique peut-être, d’après lui, une « hésitation-toute passagère- à trancher en faveur de l’empiètement, cette qualification appelant une destruction inéluctable de l’ouvrage ». Par ailleurs et dans le même sens d’autres auteurs considère que « l’institution de l’usucapion sauve la situation dans cette affaire (…) mais il ne faut pas forcément en déduire que les servitudes de surplomb auront désormais bonne presse auprès de la Cour de cassation, celle-ci ayant pris soin de justifier en l’espèce, rigoureusement sa solution sur le fondement de l’utilité esthétique de la corniche pour le fonds dominant ». Cela est souligné de manière évidente lorsque la troisième chambre de la Cour de cassation évoque implicitement qu’il reviendra dans chaque espèce « aux juges du fonds le soin d’apprécier souverainement l’utilité et l’usage que cette servitude procurera au fonds dominant ». Enfin, la chronique de la Cour de cassation publiée au recueil Dalloz en 2008, elle-même rapporte que « D'aucuns penseront sans doute que cette décision n'est pas promise à un grand avenir, tant se développe aujourd'hui une nouvelle forme de démembrement de propriété, la propriété en volumes, qui dissocie la propriété du dessus et du dessous, et on devine sans peine que certains volumes pourront, en tout ou partie, notamment sous la forme de corniches, surplomber le fonds d'un tiers. Lorsque ce tiers n'aura pas consenti à la perte de partie de sa propriété (celle du dessus) au profit du volume, même minime, qui la surplombe, la difficulté pourra, le cas échéant, se trouver résolue par l'application classique des règles de l'usucapion ». Par conséquent au vu de tous ces éléments longuement évoqués et au vu des théories doctrinales, il apparaît plus vraisemblable que cet arrêt du 12 mars 2008 ne soit pas un arrêt de principe marquant un revirement de jurisprudence comme on aurait pu le penser à première vue, mais qu’il ait davantage vocation à être un arrêt d’espèce en ce qu’il admet simplement le pouvoir souverain des juges pour apprécier au cas par cas un empiètement sur la propriété d’autrui. 🧰 Parce que votre réussite nous tient à cœur, augmentez vos chances de valider votre année en découvrant toutes les ressources de la BOÎTE À OUTILS ( Flashcards de droit , Fiches de d roit , Livres de dr oit ). 💖 Recevez aussi des good vibes, des conseils confidentiels et réductions exclusives en recevant la NEWSLETTER DU BONHEUR.