Harcèlement par email ou en plein TD, chantage à la correction, propositions répétées de rendez-vous, abus de position, banalisation des faits… Retrouvez le témoignage de Julie qui a subi des faits de harcèlement de la part de son chargé de TD et qui nous rapporte les conséquences de la situation sur son état de santé mentale.
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Le harcèlement, qu'il soit sexuel ou moral, est désormais de plus en plus fréquent au sein des établissements scolaires. Frédérique Vidal, anciennement ministre de l’Enseignement supérieur disait d'ailleurs « l’environnement social de l’enseignement supérieur et de la recherche n’est malheureusement pas épargné par les phénomènes de violences sexistes et sexuelles ».
Les titres qui ont parfois fait la une des journaux ne viennent que confirmer ce constat : « Un enseignant d’Assas viré après ses messages à des étudiantes », « un enseignant vacataire demandait des faveurs sexuelles en l'échange de bonnes notes », « soupçonné de viols et d’agressions sexuelles, un chargé de TD de l’Université de Tours mis en examen »...
D'après un sondage réalisé par @Pamplemoussemagazine, 11% d'étudiants déclarent avoir déja été victime de harcèlement par un enseignant. 89% des répondants déclarent quant à eux, n'avoir jamais fait face à de tels faits.
Sur le sujet sensible du harcèlement et des agressions sexuelles, la Team Pamplemousse a recueilli le témoignage de Julie (le prénom a été changé pour des raisons de sécurité), une étudiante s’étant retrouvée dans cette situation. Elle nous parle avec transparence de l'expérience vécue avec l’un de ses chargés de TD.
Un cas de harcèlement pendant les études de droit
« J’ai été victime de harcèlement durant mes années de licence »
📚 Bonjour Julie ! Peux-tu te présenter brièvement ?
Bonjour Pamplemousse ! Je suis actuellement étudiante en Master 2 de Droit et j’ai pour but de devenir magistrate.
Le sujet du harcèlement en fac a été rapporté pas mal de fois sur les réseaux (@Bordel de Droit par exemple). Selon toi, est-ce un sujet qui s’est réellement multiplié ou c’est simplement que les réseaux sociaux ont participé à la mise en lumière de faits de harcèlement de certains enseignants ?
Il est très compliqué de le savoir vu qu’il n’y a pas de chiffres officiels. Ce qui est sûr, c’est que c’est un sujet très grave et qui semble malheureusement toucher de plus en plus d’étudiants de nos jours. Moi-même j’en ai malheureusement été victime durant mes années de licence.
Comment se sont déroulés les premiers actes ?
Lors de ma première séance de TD, rien ne laissait présager ce qu’il allait se passer. Toute la classe s’est retrouvée face à un chargé de TD assez jeune, souriant et très bienveillant. C’est d’ailleurs le premier chargé de TD qui a pris du temps pour nous parler des études de droit en général et qui a pris la peine de savoir comment nous nous sentions au sein de la faculté.
« Une bonne nouvelle » non ?
Oui, sauf que très rapidement, la bienveillance a dérivé à l’égard de quelques filles.
Au départ, les échanges étaient assez cordiaux, ils avaient a priori l’air bienveillants et amicaux. Nous avions alors l’impression qu’enfin un chargé de TD s’intéressait à ses élèves en tant que personnes.
Au sein de nos études de droit, nous connaissons tous le sentiment de supériorité qui imprègne certains chargés de TD. Et au vu de la différence d’âge assez faible entre lui et notre promotion, cela n’a pas été très choquant au début.
💡Le savais-tu ? Les chargés d’enseignements sont souvent des doctorants, c'est-à-dire qu’ils sont en cours de production d’une thèse, après un M2, afin d’obtenir un doctorat. Malgré une rétribution plutôt modeste, il est habituel que ces derniers viennent enseigner le droit en faculté.
Pourtant les chargés de TD sont tenus d’avoir, on imagine, une certaine distance vis-à-vis de leurs étudiants ?
Oui, bien sûr. Mais au début les sujets étaient principalement orientés sur des sujets de cours, ou des sujets relatifs à nos études ou nos orientations. Vers la 4ème séance de travaux dirigés, ce comportement a commencé à éveiller quelques soupçons.
Plusieurs filles de mon groupe étaient visées, dont je faisais partie. Des élèves de notre groupe venaient alors nous voir en nous disant « il vous trouve trop belles, ça se voit dans son regard ».
Ces élèves ne venaient pas le dire dans un but malsain, mais avec le recul,
je me dis que j'aurai dû réaliser immédiatement la tournure que prenaient les évènements.
Malheureusement, c’est assez difficile de se rendre compte de la chose sur le moment, et j’ai beaucoup de regrets à ce sujet.
« Des sous-entendus sur mon physique à répétition »
Jusque-là pourtant, rien d’illégal. Comment les faits de harcèlement se sont-ils concrétisés ?
En fait, le reste s’est accéléré très vite. Il a commencé à faire des entretiens individuels pour parler de notre projet professionnel. Bizarrement, alors qu’il octroyait quelques minutes par élève, certaines filles et moi sommes restées près de 15 ou 20 minutes avec lui.
La conversation est restée professionnelle mais elle a un peu bifurqué sur les photos de profil de nos réseaux sociaux. Il m’a dit que les directeurs de master risquaient de les regarder, chose avec laquelle je suis d’accord, mais qu’il y en aurait certainement qui me trouveraient très jolie dessus.
Il faisait des sous-entendus à répétition que ce soit sur mon physique, ou sur ma vie sentimentale.
Comment tu t’es sentie à ce moment-là ?
Ces propos m’ont mise très mal à l’aise, ils ne doivent normalement pas venir d’un chargé de TD envers son élève !
Heureusement, j’ai réussi à m’échapper de l’entretien au bout de quelques longues minutes. Je suis ensuite rentrée dans la classe, et c’est là que j’ai compris que les regards sur moi avaient changé. J’avais l’impression que les autres élèves me prenaient clairement pour une fille en train de faire du rentre-dedans à son chargé de TD pour gratter des bonnes notes.
Or, ce n’était pas du tout le cas. Cela a été pire quand les premières notes de devoir ont été rendues : j’avais eu 17. Les critiques des élèves à mon sujet étaient tellement vives que je remettais moi-même en question mes compétences.
Je me disais presque qu’il m’avait mis cette note dans le seul but de me draguer.
« Je recevais des dizaines d’emails par jour »
Son comportement s’est encore plus accentué à ton égard ?
Oui, c’était de pire en pire chaque semaine. Il me faisait des remarques en plein TD, ce qui attirait l’attention de toute la classe sur moi. Il m’envoyait également beaucoup beaucoup de mails, j’en recevais parfois des dizaines par jour, et ce quasiment tous les jours.
Des emails à quel sujet ?
Ses mails portaient toujours sur mes cours, mais ils étaient
toujours accompagnés de sous-entendus et même de propositions de rendez-vous : restaurants, soirée sushis, boire un verre dans un bar…
Il a même réussi à avoir mon numéro de téléphone. Je sais aussi qu’il a récupéré l’adresse de certaines filles et qu’il passait exprès devant chez elles. Il insistait auprès de moi pour savoir où j’habitais et instinctivement je donnais toujours des informations évasives. J’avais peur qu’il puisse se rendre jusqu’à chez moi.
Ensuite, il s’est mis à stalker tous mes profils sur les réseaux sociaux. C’était presque quotidien. Et je sais aussi qu’il a enquêté sur moi auprès d’autres élèves dans la faculté pour essayer d’avoir des informations sur ma vie sentimentale, ou même mon quotidien en général.
Je ne sais pas pourquoi, mais il me posait beaucoup de questions sur le métier de mes parents, ou sur mon train de vie : ce que j’aimais manger, boire, regarder à la télé, faire de mon temps libre…
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Un chargé de TD qui use de sa position pour harceler
👨🏫 A-t-il déjà joué de sa position pour te faire du chantage ?
Oui, le prof a profité de sa position pour me faire du chantage mais heureusement, je n’y ai pas cédé. Il m’a proposé plusieurs fois de sortir avec lui le soir, d’aller boire un verre ou de manger. Un jour, il m’a également clairement dit qu’il souhaitait se retrouver seul avec moi dans une salle de classe. Il m’a dit qu’il ne me mettrait pas de points de participation si je ne le rejoignais pas !
Je n’ai pas voulu y aller, et il est descendu dans la BU pour aller me chercher. Heureusement, je l’ai vu et je me suis cachée. Il est reparti et je suis rentrée chez moi. J’étais vraiment apeurée à l’idée qu’il puisse me voir et me suivre.
Il a bien tenu parole et ne m’a pas rajouté de points de participation. J’avais une très bonne moyenne, cela ne m’a pas dérangé. Mais il a bien sûr rajouté des points à des filles qui avaient accepté de le voir en tête-à-tête. J’ai ressenti comme une sorte d’injustice.
Ensuite, il a réitéré cette proposition quasiment toutes les semaines. C’était très dur moralement de devoir refuser à chaque fois, au vu de sa position hiérarchique.
Il faisait également du chantage en utilisant les devoirs à rendre.
Si je ne voulais pas faire ce qu’il voulait, c'est-à-dire le voir en tête à tête, il ferait en sorte de me ramasser mon devoir en dernier. C’est exactement ce qu’il s’est passé, alors que les autres élèves pouvaient rendre leur copie quand ils voulaient.
Ah oui, là, ça va trop, clairement trop loin. Des étudiantes acceptaient donc de le voir, c'est bien cela ?
Oui bien sûr, plusieurs mêmes. Chaque fille fait ce qu’elle souhaite, je ne veux pas juger. Mais je n’ose imaginer une petite L1 de tout juste 18 ans qui tomberait sur ce genre de chargé de TD. Elle n’a pas vraiment la maturité nécessaire pour se rendre compte de la situation et pourrait facilement tomber sous son emprise.
Même moi je n’avais pas vu clair dans son jeu au début, et je m’y suis laissée prendre, même si j’ai limité les conséquences. Mais quelqu’un de moins réaliste pourrait être facilement amené à ruiner sa santé mentale… (Découvrez l'enquête sur la santé mentale des étudiants en droit).
Les conséquences du harcèlement
« Cette situation a littéralement ruiné mon année »
➡️ Mentalement cela a été dur pour toi ? Si oui, sur quels points ?
Très dur. Je n’avais pas beaucoup d’amis à la faculté, donc j’ai été seule face à tout ce qu’il m’arrivait. Les quelques personnes à qui j’en ai parlé ne comprenaient pas l’ampleur. Mais cette situation a littéralement ruiné mon année. Tous les élèves me voyaient comme une fille facile, qui couchait avec son chargé de TD contre des notes.
Lui-même avait fait des sous-entendus à des élèves pour leur dire que nous avions eu des rapports intimes.
Je ne savais plus quoi faire, personne ne me croyait, j’allais en cours la boule au ventre. J’en venais presque à croire que je ne méritais plus mes bonnes notes et que j’avais une attitude aguicheuse comme il essayait de me le faire croire.
Finalement, il y a presque deux dimensions au harcèlement : celui par le chargé de TD et celui par les autres ?
C’est tout à fait vrai, et c’est ce qui m’a le plus choquée. J’avais déjà entendu des rumeurs sur des étudiants harcelés, filles ou garçons, par un chargé de TD, mais je ne pensais pas que ma vie sociale en subirait les conséquences aussi lourdement.
Je me rappelle d’élèves qui me jugeaient, et je me rappelle surtout de leurs regards qui me faisaient baisser les yeux à chaque fois que je me déplaçais dans la faculté.
De même, les personnes autour de moi au courant de la situation ne faisaient pas grand-chose pour m’aider et je me suis retrouvée très seule pendant cette année. J’avais presque l’impression que les gens banalisaient la situation, alors j’ai pris sur moi et je n’en ai plus reparlé. Je pense que mes proches n’avaient pas compris l’ampleur que prenait cette histoire.
As-tu déposé plainte ou en as-tu parlé à la direction de ta faculté ?
Non, je n’en ai parlé à personne. J’avais vraiment très peur qu’il aille ruiner ma réputation auprès de futurs directeurs de master ou même de chargés de TD ou professeurs qui m’avaient en cours. J’ai préféré ne rien dire et tout encaisser, mais ce n’est pas vraiment ce que je recommanderai à quelqu’un qui serait confronté à cette situation.
« J’ai compris que ce n’était pas ma faute »
A posteriori, quel est ton point de vue sur la situation ?
Aujourd’hui j’ai compris que ce n’était pas de ma faute. Je sais que ma tenue vestimentaire ou mon attitude n’ont rien provoqué. Mais je m’en veux toujours de ne pas avoir compris son jeu dès le début et de lui avoir demandé beaucoup de conseils sur la préparation de mes TD…
Peut être que si je m’étais contenté de venir en TD sans parler j'aurais pu éviter tout cela… Après, je me dis aussi qu’il a également fait subir cette situation à d’autres filles donc mes remords ne sont peut-être pas justifiés.
En tout cas, j'encourage chaque personne dans cette situation à agir et surtout à se faire aider.
Merci pour ton témoignage Julie, en espérant que nos lecteurs sauront faire face à ce type de situation de harcèlement.
💡Rappel sur la présomption d’innocence : toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie.
Qu’est-ce que le harcèlement ?
🧐 Découvrez la définition exacte du harcèlement, dans sa dimension morale et sexuelle.
Le harcèlement moral
Le dictionnaire Larousse définit le harcèlement moral comme « des agissements malveillants et répétés à l’égard d’autrui, susceptibles notamment d’altérer sa santé physique ou mentale, de porter atteinte à ses droits ou à son avenir professionnel ».
L’article 222-33-2-2 du Code pénal réprime le harcèlement moral d’une peine d’1 an d’emprisonnement, et d’une amende pouvant aller jusqu’à 15 000 euros d’amende. Il précise toutefois qu’il faut caractériser une dégradation des conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale.
Le harcèlement sexuel
Ensuite, il définit le harcèlement sexuel comme « le fait d’imposer à quelqu'un, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle pouvant porter atteinte à sa dignité, ou encore le fait d’user sur quelqu'un, même à une seule occasion, de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir de lui un acte de nature sexuelle. »
L’article 222-33 du Code pénal réprime le harcèlement sexuel de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende. Il prévoit également des circonstances aggravantes qui portent les peines à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque les faits sont commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions.
Des définitions similaires sont données dans le Code pénal et dans le Code du travail.
💡 Le saviez-vous ? S'agissant d'un cas de harcèlement sexuel au travail, toute victime peut bénéficier d'une protection spécifique de la part de son employeur. Celui-ci a d'ailleurs l'obligation de prendre toutes les dispositions nécéssaires pour prévenir ce type de faits, notamment en terme de sensibilisation des salariés.
Le harcèlement en faculté de droit
⚖️ Le harcèlement par un professeur ou un chargé de TD existe-t-il même au sein des facultés de droit ?
Il suffit de taper « harcèlement par un chargé de TD » sur votre barre de recherche pour découvrir l’étendue du problème… Beaucoup de facultés sont concernées par le sujet.
Parmi les faits les plus graves figurent notamment le cas d’un chargé de TD de l’Université d’Assas qui a été dénoncé par plus de 60 étudiantes. Le chargé de TD aurait eu une relation sexuelle avec plus d’une dizaine d’entre elles.
Toutefois, il est facile de se rendre compte que plusieurs facultés sont concernées : Bordeaux, Lille, Fouillole, Tours… Et pourtant, bon nombre d’affaires ne sortent pas au grand jour.
Pourquoi ces faits si fréquents ne sont-ils jamais évoqués ?
Si les faits de harcèlement par un membre du corps professoral sont rarement rendus publics, c’est tout d’abord parce que les signalements des étudiants sont rares. La majorité préfère subir cette situation que de réagir.
« Tout simplement parce que les étudiants en droit sont particulièrement attentifs à leur réputation au sein de leur milieu : tout débordement pourrait nuire à leur image et leur porter préjudice lors de la sélection en master, ou même à plus long terme à leur avenir professionnel », nous explique Julie.
De plus, il faut avouer que le Droit est encore un milieu très conservateur et que l’information sur de tels faits est rare. Pourtant les problèmes de harcèlement ou même d’abus d’autorité commencent à être dévoilés au grand jour par les nouvelles générations qui ne se taisent plus et souhaitent faire changer les choses.
Des comptes dédiés aux dénonciations de tels faits, notamment au sein des cabinets d’avocats (Balance ton cabinet d’avocats), ont même vu le jour sur les réseaux sociaux.
Enfin, un des freins à la dénonciation des étudiants victimes de tels agissements est la lenteur de l'administration de la faculté. Certaines facultés ne mettent même aucune sanction en place, et les professeurs auteurs de tels actes ne se voient pas punis.
« Ce qui m’a convaincu de ne pas parler, c’est que des faits s’étaient déjà présentés dans ma faculté et l’enseignant n’a eu aucune sanction, il a continué d’exercer »,
témoigne Valentine.
L'ancienne ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal déclarait elle-même « qu’il reste encore difficile d’oser parler de cela dans un cadre institutionnel. Qu’on le veuille ou non, être victime, c’est aussi craindre que l’institution ne réagisse pas, douter du fait que l’on sera entendu et parfois avoir peur que parler soit finalement pire que de ne pas parler. »
Comment se rendre compte des comportements anormaux ?
Les comportements déviants peuvent prendre plusieurs formes.
Des remarques diverses, du compliment au propos blessant
Ils peuvent tout d’abord prendre l’apparence de remarques personnelles lors des cours ou des travaux dirigés, comme des plaisanteries, des moqueries ou même des compliments assez osés sur la tenue vestimentaire ou l’apparence physique en général. Mais ces remarques peuvent également porter sur des traits de caractère.
« Une chargée de TD m’avait pris dans le viseur à cause de ma couleur de peau : elle ne voulait jamais prononcer mon nom correctement et a exprimé son agacement envers les “noms imprononçables des noirs”. Pendant les 10 séances de TD, elle n’a pas daigné prononcer mon nom de famille. Elle disait, en me visant, que la faculté de Droit ne pouvait accueillir que des blancs catholiques », témoigne Moussa.
Il faut bien comprendre que les faits constitutifs de harcèlement peuvent être des compliments poussés pouvant s’apparenter à de la séduction mais également par des propos blessants voire même diffamatoires. De plus, les propos peuvent être de nature diverse : raciste, sexiste, sexuelle, dégradante, diffamatoire…
C’est là toute la particularité du harcèlement qui le rend difficilement identifiable : sa diversité.
Des propositions suggestives
Plus poussés, les comportements peuvent s’apparenter à des propositions plus suggestives : telles que des invitations à sortir ou des incitations à consentir à un tête-à-tête, voire même des messages répétés sur les réseaux sociaux ou des atteintes à la vie privée de certains étudiants.
« Un chargé de TD avait trouvé mon adresse grâce à mon CV. Il venait régulièrement devant ma résidence et je n’osais plus sortir de chez moi. Il voulait à tout prix me raccompagner chez moi après chaque TD puisqu’il n’habitait pas loin et forcer pour que je l’invite à entrer chez moi », témoigne Mélanie.
Des propos sexuellement orientés
Les propos tenus peuvent être également qualifiés de sexuels : démontrant une envie de nature sexuelle chez l’auteur des faits. Ainsi, des étudiantes se sont vu proposer des relations sexuelles par une personne ayant une forme d’autorité sur elles.
« Il m’a proposé d’avoir des rapports intimes avec lui en échange de bonnes notes.
J’avais très peur qu’il me mette des mauvaises notes parce que je refusais et de voir mes chances d’avoir un master être réduites à néant », témoigne Valentine.
Ce témoignage illustre un autre aspect que peut prendre le harcèlement sexuel : une sorte de chantage malsain contre lequel le professeur essaie d’obtenir des faveurs sexuelles en se servant de son pouvoir d’autorité sur l’étudiant.
C’est peut-être l’une des raisons majeures qui poussent les étudiants à consentir aux avances de leur chargé de TD ou de leur professeur : le pouvoir des notes. Les études de droit étant connues comme étant des études difficiles, la tentation est forte de vouloir voir ses notes augmenter facilement.
Ainsi, la peur de se voir sanctionner pour un refus en master, alors que les étudiants travaillent tous les jours pour essayer de maintenir leurs notes au-dessus de la moyenne, peut les pousser à accepter des actes de nature sexuelle avec leur enseignant.
Comment se faire aider si tu es victime de harcèlement ?
✅Il existe plusieurs recours juridiques mis à la disposition des victimes d'harcèlement mais également plusieurs cellules d'écoutes au sein des établissements et associations.
Les cellules d’écoute au sein de ta faculté
Au fur et à mesure des années, chaque université a mis en place des cellules d’écoute spécialisées afin de lutter contre le harcèlement sévissant au sein de leur établissement.
Par exemple, l’Université de Limoges a ouvert un dispositif d’accueil et d’accompagnement des victimes de harcèlement sexuel et sexiste. L’Université de Strasbourg, d’Angers, de Lille, de Saint-Étienne, de Tours possèdent également des cellules d’écoute similaires.
Bon nombre de facultés ont mis en place de telles cellules, et à défaut, il reste toujours le service de santé université du CROUS que tu peux joindre si tu as besoin d’un rendez-vous avec une infirmière, voire même un médecin ou un psychologue.
💡Le saviez-vous ? En mars 2018, Frédérique Vidal et Marlène Schiappa ont inauguré la nouvelle cellule d’accueil et d’écoute destinée à lutter contre les violences sexistes et sexuelles, mise en place par l’Université Paris Dauphine.
CLASCHES : Le Collectif de lutte contre le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur
Ce collectif est né sur l’initiative de doctorants et doctorantes en sciences sociales en 2002, et dont le but est de sensibiliser et prévenir les faits de harcèlement dans le milieu universitaire.
Ce collectif n’est pas une cellule d’accompagnement psychologique des victimes mais il permet d’orienter les victimes vers les structures d’accueil les plus appropriées pour les aider.
Les associations d’aide aux victimes
L’association France victime regroupe des associations d’aide aux victimes, et gère également un numéro d’aide aux victimes ouvert 7 jours sur 7 de 9 heures à 19 heures.
SOS Racisme est une association œuvrant spécifiquement contre les violences racistes quelles qu’elles soient. Ils proposent également une écoute téléphonique, les mardi, jeudi et vendredi de 10h30 à 13h.
Quelles sortes de recours peuvent être intentés ?
Plusieurs procédures peuvent être intentées contre l’auteur de harcèlement, si tu ressens le besoin de faire condamner ces agissements. Il y a deux degrés de procédure, tu peux librement opter pour les deux ou te limiter à la procédure disciplinaire.
La procédure disciplinaire :
Il convient de dénoncer les faits auprès de ta faculté, et donc en informant le Doyen ou la Doyenne. Cela te permettra de faire reconnaître ta situation auprès de l’Université qui peut prendre des mesures.
Ainsi, la faculté pourra prendre des sanctions disciplinaires en décidant de suspendre l’enseignant, voire même de le renvoyer.
La procédure pénale :
Tu pourras également engager une procédure pénale si tu souhaites que la situation passe entre les mains de la justice.
Attention toutefois, ta plainte pourra malheureusement être classée sans suite, et cette procédure peut également prendre du temps.
Dans tous les cas, nous te conseillons de faire en sorte de recueillir le maximum de preuves. Par exemple, tu pourras fournir des captures d’écrans d’emails ou de messages.
Si les faits se sont passés dans un lieu public, il peut être très utile de faire témoigner d’autres étudiants pour qu’ils attestent de la véracité des faits.
Même si la dénonciation de tels faits est une décision difficile à prendre, il faut informer au maximum sur ce qu’il se passe dans nos salles de cours pour éviter que ces situations ne deviennent trop fréquentes et qu’elles touchent d’autres étudiants.
Ta voix pourrait peut-être libérer certains de tes camarades.
PS : si tu ressens le besoin de parler de ta situation, tu peux toujours nous envoyer un mail pour échanger avec un membre de la team. ❤️
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