Les profs de droit sont plein de secrets. Quand ils nous enseignent la plus belle des matières, on se pose des questions sur eux : amourettes, barèmes de notation, salaire, anecdotes, clichés, conseils et exclusivités... Mathilde Calcio Gaudino, qui enseigne à Nancy, vous dévoile tout 😎.
Sommaire :
Avant toute chose, chez Pamplemousse Magazine, on aime bien connaître le parcours des professionnels du droit que l’on rencontre. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
M.C.G: Mon amour pour le Droit, je l’ai trouvé dans la vieille série française « Tribunal ». L’idée qu’il existait des lieux où l’on pouvait résoudre les conflits en parlant me fascinait et j’ai décidé à l’âge de 9 ans, après de longues négociations avec moi-même, que je serais notaire.
J’ai passé un bac littéraire et suivi un cursus privatiste qui m’a emmené de l’Université des Antilles à la Sorbonne, puis à la faculté de droit de Nancy. En L3, à Nancy, j’ai découvert la recherche juridique grâce au cours du Professeur Xavier Henry.
Ce cours m’a fait comprendre à quel point le Droit était vivant et changeant : il m’a appris à percevoir la jurisprudence dans sa dimension humaine et scientifique. À partir de ce moment, je me suis fixée comme objectif d’être à la fois praticienne et chercheuse.
Cool ! Et après le master on imagine ?
M.C.G: Et oui, après un Master 1 en Droit privé, j’ai effectué un Master 2 Droit privé général, au cours duquel j’ai réalisé un mémoire sur le statut des beaux-parents dans les familles recomposées, puis un Master 2 Droit notarial qui m’a permis de travailler sur la notion d’intérêt de la famille dans le cadre du changement de régime matrimonial.
J’ai poursuivi en Doctorat sous la direction du Professeur Xavier Henry, avec pour sujet Droit de la consommation et régime de l’obligation : essai de construction d’un régime de l’obligation consumériste au travers de l’exemple de la prescription.
Ma thèse m’a conduit à analyser l’ensemble de la jurisprudence accessible des cours d’appel et de la Cour de cassation en matière de prescription pour proposer des pistes de lois plus adaptées au postulat inégalitaire du droit de la consommation.
Félicitations Docteure. Puis après être passé aux Antilles pendant vos études, vous avez décidé d’enseigner dans une ville où il fait froid ?
M.C.G: Tout à fait ! Qualifiée aux fonctions de Maître de conférences en 2020, je suis actuellement ATER à Nancy où j’assure le cours magistral de Droit de la consommation en Master et des travaux dirigés en Licence (Droit des contrats, Droit de la responsabilité, Introduction au droit).
Et Madame la Maître de conférences, vous avez 2 ou 3 passions histoire qu’on vous cerne plus ? Comme nous, nos abonnés sont de véritables fouines.
M.C.G: Mes passions en dehors du Droit ? La littérature, avec une petite préférence pour la vraie, bonne SF, les jeux de rôles et les fruits secs.
Pas sûr que les pépins de pamplemousse fassent partie des fruits secs mais bon… Et combien gagne un maître de conférence alors ?
M.C.G: Ma fiche de paie indique précisément 1 677,47 € net pour un ATER à plein temps. Plus une prime de recherche annuelle d’environ 1 200 €.
1/ Peut-on être refusé en cours parce qu’on arrive en retard ?⏲
Chez Pamplemousse, on est bien élevés et on n’a jamais de problèmes de bus, mais on se demandait :
Avez-vous réellement le droit de refuser un étudiant en cours parce qu’il arrive en retard ?
M.C.G: Personnellement, il ne m’est pas encore arrivé de refuser un étudiant en cours. Les retardataires ont toujours présenté leurs excuses avec sincérité et politesse - soit en avance, soit à leur arrivée, soit à la pause. Dans la très, très grande majorité, ils prennent leur présence en cours très au sérieux, surtout depuis le début de la pandémie.
Si l’étudiant(e) arrivait avec un quart d’heure de retard, en perturbant le cours et sans s’excuser, ce serait un manque de respect à l’égard de l’enseignant mais aussi de ses camarades, et cela impacterait très certainement sa note de participation.
Cela dit, nous connaissons aussi les problèmes de transports. Rien que ces deux dernières semaines, j’ai expérimenté le sanglier qui immobilise le train en pleine campagne, la suppression d’une ligne pour cause de grève et l’annulation des trains en raison d’une panne des caténaires. Heureusement qu’il y a Teams pour prévenir les étudiants en temps réel !
2/ Peut-on sortir avec son prof de droit ? 💕
Est-il déontologiquement acceptable d’avoir une relation amoureuse avec son prof de droit ?
M.C.G: J’ai connu deux enseignants dans cette situation. Le premier avait épousé son étudiante, le second avait eu une aventure avec une étudiante et ça s’est fini de manière assez triste.
Enseigner, ce n’est pas seulement exposer sa science devant un micro. C’est aussi, à mon sens, tenter d’accompagner et de former ceux qui deviendront des collègues, avec intégrité, humilité, respect et bienveillance.
La posture de l’enseignant s’accompagne d’une dimension profondément humaine qui va au-delà de la simple pédagogie : avec notre matière, on transmet également des questionnements, des idéaux, des compétences, des expériences de vie. C’est une lourde responsabilité et un apprentissage permanent.
Le risque de conflit d'intérêts est présent, comme dans nombre de professions. Rester impartial malgré la sympathie qu’on éprouve envers des étudiants, c’est faisable. Favoriser l’intérêt personnel d’un(e) étudiant(e) ou le sien, c’est franchir la barrière et trahir l’intégrité attendue de l’enseignant.
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La relation amoureuse fait partie de ces zones où le conflit d’intérêts peut survenir en raison de la position d’autorité de l’enseignant et de la vulnérabilité de l’étudiant(e). C’est un sujet sur lequel on communique très peu, à l’exception des cas d’emprise ou de harcèlement (Camille Zimmermann arrête sa thèse à l'Université de Lorraine), notamment en doctorat, et qui est problématique.
La question est difficile et mobilise un grand nombre de paramètres éthiques, sociaux et humains excédant mon domaine de compétences. Je n’ai donc pas de réponse toute faite sur le sujet.
À noter qu’au Canada, des chartes éthiques dans l’enseignement supérieur commencent à intégrer l’interdiction d’avoir des relations personnelles avec les étudiants, et c’est une bonne chose de le verbaliser.
3/ Système de notation : comment sont notés les étudiants en droit ?🖋
Comment sont notés les étudiants en droit ?
La rumeur dit que les professeurs notent certaines copies (toutes ?!) d’étudiants en ne regardant que l’intro et le plan ? C’est vrai, ça ?
M.C.G: Non, cette légende existe encore ? Quand j’étais plus jeune, il y avait aussi la légendaire notation par l’escalier (l’enseignant jetait les copies du haut des marches et… les notait en fonction de leur zone d’atterrissage).
Les examens, c’est plusieurs centaines de copies à corriger rapidement par des effectifs réduits. On va donc souvent faire une première lecture très rapide de la copie en lisant l’intro et les intitulés, qui donnent une assez bonne idée du contenu du devoir : est-ce que l’intro est en entonnoir ? Est-ce que les titres sont parlants ? La problématique est-elle bien formulée ? Le style est-il fluide ? Y a-t-il des fautes ?
Le devoir sera ensuite lu intégralement et noté en fonction de barèmes plus ou moins souples (les bons raisonnements ou les idées intéressantes seront tout de même valorisés, même dans une copie « faible »).
Attention, cela se limite à ma très modeste expérience : nous avons chacun notre façon de procéder.
Est-ce que vous pourriez avouer une bonne fois pour toute que la note d’un étudiant peut dépendre de votre humeur ?
M.C.G: En gros, que la notation des professeurs peut changer s’il est en joie un jour, et en colère un autre.
Jamais, même sous la torture !
En général, un barème est prévu. Il va évoluer au fil de la notation pour s’adapter à l’ensemble des copies.
Par exemple, une fois devant mon tas de copies, je vais faire une lecture très rapide de l’ensemble des devoirs en une heure pour prendre la « température » générale. Cela permet de voir s’il y a une majorité de bonnes ou de mauvaises réponses, les erreurs récurrentes, des idées qu’on n’avait pas prévues, ou encore si nos attentes étaient trop hautes.
Je confronte ensuite les résultats au barème initial et je peux le modifier en conséquence (rien de trop violent non plus !).
Il peut arriver qu’on se sente déçu ou agacé à la lecture de certaines copies ou, au contraire, ravi. Mais une bonne ou mauvaise humeur préexistante à la correction ne doit pas influencer la notation. C’est une question de neutralité et de probité.
Saviez-vous d’ailleurs que la faim pouvait influencer les juges ? Je corrige donc toujours les copies après un bon goûter.
Une question que tout le monde se pose :
Est-il vrai que votre grille de notation va de 0 à 12/20 ? On n’a jamais vu un étudiant avoir 20/20 !
M.C.G: Non. Si une copie, un projet ou une prestation coche les cases attendues, il aura mathématiquement les points correspondants. Comme de nombreux collègues, j’ai déjà mis des 18 et 19 mérités en raison de la qualité et de l’intelligence du travail fourni.
Il existe encore des notations strictes fondées sur le caractère élitiste des études universitaires, mais elles me semblent moins courantes depuis une douzaine d’années.
Lorsque j’étais étudiante, ma plus haute note a par exemple été un 18 (en finances publiques. Damned !). Mais j’ai aussi eu des 16 et 17 en droit civil.
Les enseignants ont toutefois leur sensibilité propre et il peut exister en pratique des variations entre les notes. Quand on est chargé de TD, l’enseignant référent peut ainsi donner des directives sur la notation. Les délibérations vont également permettre d’harmoniser les notations après discussion de l’équipe pédagogique.
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Est-ce qu’avoir 10/20 en droit est considéré comme une bonne note ?
M.C.G: En effet, beaucoup d’étudiants voient leur moyenne baisser par rapport au lycée et il est fréquent.
C’est une note… moyenne (d’où son nom).
Cela peut signifier que la méthodologie n’est pas totalement acquise ou que les règles de fond ne sont pas apprises/comprises. Par exemple, il peut manquer une partie du syllogisme, des définitions ou la conclusion.
La baisse des notes ne se constate pas toujours entre le lycée et la fac. Les profils de « bons » ou « très bons » lycéens ont tendance à se maintenir à la fac dans les matières à TD : il y a une cohérence entre les parcours, puisqu’il s’agira souvent d’étudiants ayant déjà la maturité et l’autonomie suffisantes pour aborder le travail universitaire.
Ils savent prendre des notes efficacement, les compléter par d’autres sources, en faire des fiches et les travailler de manière régulière. Ils auront entre 14 et 17 à la colle, par exemple.
Pour les profils « moyens » ou « assez bons », on peut observer un temps d’adaptation qui va se traduire par une baisse des notes le temps d’acquérir la méthodologie et l’autonomie nécessaires. Et cela peut être démoralisant ou démotivant pour l’étudiant.
La fac, c’est aussi des amphi de plusieurs centaines de pairs et des classes de TD d’une cinquantaine de personnes.
Nous manquons cruellement de moyens humains pour encadrer correctement tout le monde.
Difficile dans ces conditions d’avoir un suivi personnalisé. Si l’étudiant(e) ne participe pas, une méthodo approximative ne sera pas détectée en licence et posera de vrais problèmes en Master.
Heureusement, internet a apporté une petite révolution : les étudiants n’hésitent plus à poser des questions par mail ou sur le tchat et à demander un retour sur un exercice pour savoir ce qu’ils peuvent améliorer.
La pandémie a aussi chamboulé la dynamique des cours : le taux de participation orale et écrite est absolument incroyable depuis l’an dernier, que ce soit en TD ou en amphi.
Un de mes plus beaux souvenirs de l’année passée est cette étudiante très timide, qui essayait de prendre son courage à deux mains à chaque séance pour participer, se ravisait, et… qui a réussi à faire une intervention pertinente lors de la toute dernière séance.
Sur le moment, j’ai réagi comme pour n’importe quelle autre participation pour ne pas focaliser l’attention de la classe sur elle, mais je lui ai envoyé un message après le cours pour lui dire toute ma fierté. Surtout que moi, je n’osais absolument pas participer en TD…
Dans tous les cas : votre valeur en tant que personne ne dépend pas de votre note. C’est important de le répéter, surtout dans un cursus où les sélections de Master ajoutent une pression importante.
N’hésitez pas à demander à consulter votre copie avec l’enseignant. Je regrette de ne l’avoir jamais fait pendant mes études, car c’est un moment privilégié pour faire le point avec votre prof sur ses attentes et la méthodologie.
4/ Comment avoir une bonne note en droit ? 👍
Selon vous, qu’est-ce qu’une « bonne note » en droit ?
M.C.G: Plus qu’une bonne note, je préfère parler de bonne copie. La bonne copie, c’est celle :
Qui applique correctement la méthodologie ;
Qui donne des définitions ;
Qui indique les fondements juridiques ;
Qui cite de la jurisprudence ;
Et dont le raisonnement/syllogisme est clair.
Respecter ces éléments permet d’avoir au-dessus de 14 ou 15. Peut-être, de ce fait, qu’une bonne note en droit commence à ce palier ?
5/ Peut-on gagner des points avec une belle copie ne comportant aucune faute ?
Est-ce qu’on peut dire qu’aujourd’hui qu’un étudiant gagnerait des points avec une belle copie ne comportant aucune faute ?
Non parce qu’on a croisé Vivi (Victor Hugo) à la BU, il nous a sorti un truc qu’on a remis dans “Comment Hacker sa L2 Droit ?”. C’était une phrase du type : « la forme, c’est le fond qui remonte à la surface ». En d’autres termes, si une copie n’est pas digeste à lire, qu’il fait des fautes de “franssais” et que les titres ne sont pas “bô”, c’est que le fond ne doit pas être très bon. Êtes-vous d’accord avec Vivi ?
M.C.G: C’est une question intéressante.
Merci madame !
M.C.G: Si si, c’est vrai ! D’ailleurs vous ferez un bisou à Vivi de ma part.
Il faut distinguer plusieurs éléments.
Des fautes en rafales, une brochette de « du coup » arrosée d’un « c’est lorsqu’il y a » et de plusieurs « car » et « donc » dans une phrase extra-longue ternissent clairement la copie. Une pénalité est souvent prévue dans ce cas.
L’inverse n’est pas vrai : une bonne orthographe ne rapporte pas de points supplémentaires. On attend d’un juriste une orthographe exacte et un registre de langue correct, voire soutenu. L’écriture est notre instrument de travail, la maîtriser est le minimum requis.
Parfois, les copies comportent des omissions de mots, des inversions ou répétitions de lettres, des confusions de syllabes, un mélange des temps ou plusieurs orthographes phonétiques différentes pour le même mot… autant d’éléments qui peuvent faire penser à des signes de dyslexie.
C’est un sujet plus délicat à gérer si l’étudiant ne l’a pas mentionné, ou si aucun diagnostic n’a été effectué. De manière générale, on ne parle pas assez des troubles de l’apprentissage, des troubles de l’attention, des troubles du spectre autistique, du handicap et de leur impact sur les études et la vie professionnelle.
Le style soulève d’autres problèmes. Si le raisonnement n’est pas cohérent, une copie correctement orthographiée qui aligne des punch lines et une copie tentant d’imiter le phrasé des grands auteurs seront au même niveau dans la notation : sans la rigueur juridique qui assemble et structure la réflexion, elles reposent sur du vide.
On repère aussi très facilement les copier-coller et les ruptures de style. Un plan à la formulation un peu vilaine et des maladresses d’écriture seront jugés moins sévèrement s’ils reposent sur un réel raisonnement.
Lorsque les idées sont mal exprimées et que la structure du devoir ne les expose pas de manière simple, c’est que le fond pose problème. Ou comme le disait Nico aka Nicolas Boileau-Despréaux, « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement, Et les mots pour le dire arrivent aisément ».
En fait, noter est un exercice particulièrement complexe qui fait progresser à la fois l’étudiant et son correcteur. C’est d’ailleurs une activité intéressante à faire en TD : les étudiants se transforment en profs et doivent apprécier des intro et des plans trouvés sur internet, en réfléchissant à des critères de notation… Ils deviennent alors plus attentifs à leurs propres erreurs.
❤️ Le saviez-vous ?
Chez Pamplemousse, on croit dur comme fer que la réussite universitaire passe par d’autres ingrédients que le seul apprentissage de la technique juridique transmise par l’Université : être en bonne santé (physique et mentale cf notre grande étude sur la santé mentale des étudiants, savoir travailler efficacement, apprendre à s’organiser, développer sa confiance en soi…
C’est pour cela qu’on met tant d’énergie à donner ces clés au travers de nos articles, Guides et outils.
6/ Peut-on soudoyer un prof de droit ?🙏
Les profs subissent-ils des tentatives de soudoiement de la part des étudiants ?
On les voit les étudiants poser beaucoup de questions à la fin des cours, voire proposer des verres à leurs chargés de TD ou leur faire des cadeaux d’anniversaire/Noël, on n’est pas dupes !
M.C.G: Si cela existe, je ne suis pas sûre que la tentative paie. Quand ma mère était à la fac, certains de ses chargés de TD profitaient de leur statut pour se faire payer des verres par leurs étudiants… Mais c’est un autre débat !
En réalité, on adore quand vous venez nous poser des questions à la fin du cours et quand vous participez. Notre petit cœur tendre et innocent se dit que la matière vous intéresse :
il ne soupçonnerait jamais un plan aussi machiavélique de votre part.
Personnellement, ma journée est faite quand un étudiant vient me raconter comment il/elle a résolu un petit litige en appliquant ce qu’on a vu en cours.
Quelle est la proposition la plus farfelue que l’on vous ai faite (nous adorons les histoires juteuses !) ?
M.C.G: J’ai peut-être une anecdote, mais… elle est plus touchante que farfelue. L’an dernier, nos étudiants de Master ont comploté dans mon dos tout le semestre pour m’offrir un joli coffret de thés après l’examen.
Je n’ai absolument rien vu venir, ils ont réussi à garder le secret et à rester poker face.
Ah, c’est officiel ! Ils ont réussi à vous avoir et obtenir de meilleures notes !
Oui, ils m’ont mis les larmes aux yeux. Non, je n’ai pas trafiqué le barème en remerciement.
Mais j’ai comploté avec l’une de leurs camarades pour les surprendre à mon tour par des pochons de friandises et un badge pour l’examen du deuxième semestre (il paraît que les étudiants aiment bien les bonbons…). Ils n’ont rien vu venir non plus !
7/ Combien gagne un prof de droit ?💸
Maître de conférences, ça rapporte de la moula ou pas ? Combien gagne un prof de droit ? Un chargé de TD ? Un Maître de conférences ?
M.C.G: Le traitement en début de carrière est de 2 169, 62 € brut et il évolue en fonction de la carrière et des activités (par exemple, à 18 ans d’ancienneté, il peut monter à 3 700 € brut).
On peut y ajouter des primes (prime de recherche et d’enseignement supérieur annuelle, prime d’encadrement doctoral et de recherche…) et des droits d’auteur.
Pour le chargé de TD, tout dépendra de son statut :
S’il est doctorant contractuel, sa charge d’enseignement sera comprise dans son traitement. Le mien s’élevait, de mémoire, à 2 000 € brut ;
S’il est vacataire, il est payé 41 € brut par heure de cours donnée (et il faut être patient pour recevoir sa paie. Je renvoie les lecteurs à votre article sur le sujet !).
Le statut des enseignants chercheurs est très préoccupant en France, sans parler de la précarisation des emplois. Les réactions à la loi de programmation de la recherche l’an dernier ont été assez éloquentes.
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Maître de conférences, métier d’élite ou pas ? (Il parait qu’il y a très peu de places et que celles-ci seraient chères…)
M.C.G: Métier d’élite, métier de luttes aussi. Pour être maître de conférences, il faut avoir soutenu sa thèse et avoir été qualifié aux fonctions de maître de conférences par la section correspondante du Conseil national des universités.
La procédure a lieu chaque année à l’intérieur d’un calendrier précis : comme pour la soutenance de thèse, votre dossier est confié à des rapporteurs et examiné par la section.
Il contient un CV analytique des activités d’enseignement/de recherche/administratives du candidat et trois exemplaires de ses travaux, ouvrages ou articles. En 2020, 74 candidats ont été qualifiés par la section 01 (droit privé), et 56 en 2021.
Si la qualification est accordée, l’intéressé peut ensuite candidater aux annonces de postes affichées sur Galaxie : la sélection se fera sur concours, après un premier tri des dossiers (oui, il faut encore constituer un dossier) déterminant ceux qui seront auditionnés par un comité de sélection.
L’audition donnera ensuite lieu à un classement par rang au terme duquel les candidats retenus feront leurs choix parmi les postes disponibles sur lesquels ils sont classés en rang utile.
Il faut parfois attendre plusieurs années pour être recruté.
8/ Faut-il acheter le livre écrit et recommandé par le prof ?📕
M.C.G: Si vous le souhaitez. Mais vous pouvez aussi le consulter à la BU gratuitement :D
La seule fois où un enseignant nous avait recommandé d’acquérir son manuel, c’était pour compléter le cours car le nombre d’heures en amphi avait été réduit. Il s’agissait donc plus d’avoir un document de travail que d’une sombre manœuvre spéculative (ou alors il cachait drôlement bien son jeu…).
Les blagues pleuvent sur les réseaux sociaux sur ce sujet : est-ce que les profs qui recommandent (très fortement) leur ouvrage le font pour arrondir leurs fins de mois ?
M.C.G: Parce qu’on est juristes mais on a quand même fait le calcul : 10% de droits d’auteur x 2 amphis de 700 étudiants x 30€ = 4200€ en plus par an pour gâter ses enfants et s’acheter de nouveaux costumes.
Vous me posez une colle !
La mention des nouveaux costumes m’intrigue, par contre : il y a aussi des rumeurs là-dessus ?
En quoi consiste le métier de maître de conférences ? Autrement dit, que faites-vous à part donner des cours magistraux aux étudiants en droit ?
M.C.G: Un maître de conférences est un enseignant-chercheur. En plus des cours qu’il constitue et dispense, il peut :
Encadrer des mémoires, rapports de stage, projets tuteurés ainsi que des thèses s’il est Habilité à Diriger des Recherches ;
Assurer la coordination pédagogique d’un diplôme (programme, sélection des étudiants) ou d’un projet (clinique) ;
Participer à des jurys d’examens et de concours ;
Surveiller et corriger les examens écrits et oraux ;
Être chargé de fonctions particulières attachées aux relations avec les milieux professionnels ou d’autres établissements d‘enseignement supérieur.
Il est aussi souvent membre d’un laboratoire, car la recherche n’est pas une aventure solitaire :
Il contribue à des projets collectifs sur des thèmes choisis ;
Il valorise et diffuse ses résultats de recherche au travers d’ouvrages, d’articles, de colloques, de workshops, de tables rondes… ;
Il peut effectuer des missions de coopération internationale ;
Il cherche des subventions pour financer des projets.
Il participe également à la vie collective de l’établissement (conseils, instances, axes, répartition des chargés de TD, responsabilités administratives diverses) et à l’orientation et l’insertion professionnelle des étudiants.
Officieusement, il est aussi à l’écoute des étudiants lorsqu’ils rencontrent des difficultés de tout ordre : problèmes professionnels, familiaux, administratifs, de santé…
Pendant le confinement, des collègues admirables ont effectué des maraudes, apporté des provisions et des produits d’hygiène, ou tenu des permanences en visio pour entretenir le lien avec les étudiant(e)s.
Comment ? « Ça fait combien d’heures par semaine, en vrai ? ».
M.C.G: Difficile à dire. Le maître de conférences est un fonctionnaire, il est en principe soumis à 1 607h de travail par an. L’article 7 du décret du 6 juin 1984 prévoit que le temps de travail de référence est constitué pour moitié par des services d’enseignement d’une durée annuelle égale à 128h de cours ou 192h de travaux dirigés ou toute combinaison équivalente, et pour moitié par une activité de recherche.
Seuls les cours devant les étudiants sont quantifiés, et cela n’inclut pas le temps de constitution du cours, qui peut être trois à six fois plus long (surtout s’il s’agit de monter un cours en distanciel).
En dehors des heures de cours, l’enseignant-chercheur doit essayer de caser les autres activités et son travail le suit au domicile le week-end et le soir. Les tâches administratives deviennent de plus en plus chronophages au détriment du temps de recherche. On se dit souvent « Vivement les vacances, que je puisse travailler ! »
Il y a de talentueux collègues qui racontent leur quotidien sur Twitter, n’hésitez pas à les suivre !
Vers quels autres métiers peuvent se diriger les maîtres de conférences ?
M.C.G: Avocat, notaire, juriste d’entreprise, juriste en association ou dans une structure d’accès au droit, enseignant dans le privé, juriste assistant, syndic… Une bonne formation généraliste permet de s’adapter à toutes les situations. Le doctorat lui-même offre un set de compétences et de savoir-faire qui intéresse de plus en plus les entreprises.
Personnellement, j’aime profondément l’enseignement et la recherche. C’est l’un des plus beaux métiers au monde. On y trouve la technicité, l’inventivité, la résilience, la pédagogie, la collaboration et l’écoute présentes dans l’ensemble des professions du droit, mais aussi cette liberté, cette curiosité et cet apprentissage permanent spécifiques au métier.
J’aimerais pouvoir continuer à l’exercer. Bien sûr, j’ai plusieurs plans B (cf §1).
5 clichés sur les profs de droit
Nos abonnés ont fait remonter des clichés sur les professeurs de droit :
« Les profs de droit ont un gros égo… à tel point qu’il faut agrandir les portes de la fac pour qu’ils puissent entrer ». Vrai ou faux ?
M.C.G: Je dirais faux. Être enseignant-chercheur, c’est avoir une certaine humilité dans l’approche de sa matière et être en apprentissage permanent.
Le syndrome de l’imposteur n’épargne pas non plus les profs. Mais il est vrai qu’on trouve (comme partout) quelques personnes avec un égo assez dodu. C’est tout de même rare.
« Les profs de droit sont tout le temps en costard/cravate (ou tailleur), même sous 30 degrés ». Vrai ou faux ?
M.C.G: Aaah, d’où la question sur les droits d’auteurs et les nouveaux costards ?
Plutôt faux pour les femmes. Elles ont davantage de choix en matière vestimentaire et on voit souvent de jolies blouses/robes/chemises. Je ne suis personnellement pas un très bon exemple : j’ai besoin d’être à l’aise avant tout et d’avoir les bras découverts, même l’hiver
Plutôt vrai pour les hommes, même s’ils font, heureusement, tomber la veste quand il fait chaud.
« Les profs de droit sont tous de droite ». Vrai ou faux ?
M.C.G: Joker ! Je n’ai pas assez de données sur le sujet pour avoir une opinion éclairée.
Mais entre les discussions avec les collègues et les billets d’expression des enseignants dans les médias, le panel de tendances politiques me semble assez large.
« Les profs de droit considèrent avoir toujours raison ». Vous en pensez quoi ?
M.C.G: Vrai et faux :
Face à un non-juriste « qui a lu sur un site que… », le prof de droit aura toujours raison s’il est dans son domaine de compétences.
Entre juristes, les échanges et la collaboration permettent la progression des idées. On dira volontiers « Tu as raison, je n’avais pas pensé à cet aspect-là ». Par exemple : il y a chez les enseignants-chercheurs une honnêteté intellectuelle que j’apprécie énormément (bien sûr, des croyances ou des convictions personnelles peuvent venir intensifier les débats).
C’est la même chose avec les étudiants : il nous arrive de nous tromper d’article, de ne pas avoir pensé à un fondement ou de ne pas avoir la réponse à une question. Dans ce cas, on s’excuse, on remercie, on réfléchit et on rectifie !
« Ils ne peuvent pas s’empêcher d’utiliser des citations latines ». Vous confirmez ?
M.C.G: Totalement vrai en ce qui me concerne : j’avais option latin au collège et au lycée. Parfois, les idées s’expriment plus simplement et plus élégamment dans leur langue d’origine.
Allez, entre nous : vous aussi vous placez « Fraus omnia corrumpit » quand vous le pouvez ?
On utilise aussi notre Joker !
Maître de conférences : avantages et inconvénients
Quelles sont les 3 choses que vous détestez dans le métier ? Et les 3 choses que vous préférez ?
M.C.G: Ce qui me déplaît dans la profession :
Le manque de moyens et de postes, qui porte préjudice à l’ensemble de la communauté universitaire malgré le dévouement incroyable des personnels ;
Le manque général de considération à l’égard de la profession ;
Le caractère toxique de certains impératifs (publish or perish, pas de coupure entre la vie professionnelle et personnelle…) causé par le manque de moyens.
Ce que je préfère :
Les échanges avec les collègues et les étudiants : stimulants, drôles, émouvants, enthousiasmants ;
Les défis : comment allons-nous surmonter cette faille juridique ? Comment résoudre ce problème ? Comment changer le monde ? Comment faire fonctionner ce [censuré] de vidéoprojecteur ?
La fierté de progresser ensemble, intellectuellement et humainement. Nos étudiants sont formidables : même à 50 par classe, ils participent, s’exercent, repoussent leurs limites, avec beaucoup plus de maturité que je n’en avais au même âge. Comme mes collègues, ils sont une source d’inspiration permanente.
Quels conseils pouvez-vous donner à ceux qui veulent devenir maître de conférences ?
M.C.G: Faites ce que vous aimez. Tenez bon. Prévoyez des plans B. Prenez soin de vous. Entourez-vous de personnes positives et bienveillantes. Que les Hunger Games commencent.
Est-ce qu’il y a une série ou un film sur le droit que vous recommandez ? Un livre ?
M.C.G: Les spécialistes du courant Droit et littérature le feront mille fois mieux que moi, mais j’avais beaucoup apprécié Douze hommes en colère, L’Affaire pélican ou encore How to get away with murder. Tribunal est une série iconique (attention, c’est kitsch).
Dans les livres, j’aime traquer les détails juridiques : ils sont assez évidents chez Balzac, la comtesse de Ségur ou Laurence Lacour (Le bûcher des innocents), mais c’est une petite chasse au trésor dans d’autres ouvrages.
Mon plaisir coupable ? Aborder les livres/films de fantasy et de SF avec un carnet à la main pour essayer de reconstituer leur système juridique et recomposer des extraits de leurs lois. On ne juge pas !
J’adorerais lire un roman purement juridique. C’est peut-être une idée intéressante en termes de pédagogie ?
Quels sont les meilleurs podcasts juridiques ?
M.C.G: Je peux recommander quelques podcasts : Lexradio, Amicus radio, Conseil du coin, À vos mard, La barre, Parlons divorce, Des robes et des voix, Les podcast d’Anomia, Le journal de Charlotte, Avocats Génération Entrepreneurs, Question de preuve, Un deux droit, Angle droit, In limine litis… ou encore les podcasts de France culture ou de l’ENM.
Que pensez-vous des outils fabriqués par Pamplemousse Magazine pour aider les étudiants à mieux réussir leurs études de droit ?
M.C.G: C’est une de mes étudiantes qui m’en a parlé ! Merci à elle pour son implication pendant les cours d’ailleurs !
Ayant fait du tutorat bénévole pendant une dizaine d’années, je suis très curieuse de lire les ouvrages pour voir les évolutions dans la façon de présenter les choses. J’en achèterai probablement un.
Les Flashcards Pamplemousse proposent un support intéressant pour la mémorisation qui sera très utile aux étudiants débutant leur apprentissage - et qui les incitera probablement à les annoter pour se les approprier.
D’ailleurs, ce serait passionnant de faire une exposition de fiches de révisions pour voir à travers les yeux des autres : comment visualisent-ils le cours ? Comment le représentent-ils ?
Un petit mot à destination des étudiants en droit ?
« Merci » et « Devenez la meilleure version de vous-même ! ».
Merci madame !
Alyson Mazelin
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