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Exemples de corrigés de cas pratiques en responsabilité civile


Découvrez des exemples de corrigés détaillés sur des cas pratiques en responsabilité civile : responsabilité extracontractuelle, responsabilité des parents du fait de leurs enfants, perte de chance... Et retrouvez des éléments de méthdologie juridique à chaque partie des cas pratique pour réussir vos exercices !

 

Sommaire : 


 
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Énoncés des cas pratiques


Énoncé du cas pratique n° 1 : 


Eddie et Jérôme ont un fils, Mathieu. Ce jeune homme de 6 ans est très dynamique. Il ne tient pas en place. Alors qu’il jouait avec son camarade Jules, il a fini par le blesser en le faisant tomber par inadvertance. Jules a le bras cassé.


Une semaine plus tard, Mathieu se blesse. Alors qu’il était au sous-sol chez ses voisins, ses parents entendent un coup de feu. Tout le monde descend et trouve Mathieu, l’arme des voisins à la main, l’ayant enclenchée, là encore par inadvertance. Le verdict est sans appel, Mathieu perd l’usage de son œil droit. Rien de plus.


Mais, les malheurs de Mathieu ne s’arrêtent pas là : alors qu’il traversait la chaussée avec son père (...) il se fait percuter par un cycliste qui roulait à vive allure. Mathieu a le bras cassé.


Énoncé du cas pratique n° 2 : 


Jérôme quant à lui vous consulte au sujet d’une prestation qu’il a eu à réaliser. Il devait livrer une tonne de charbon à l’un de ses clients. Or, pour des événements indépendants de sa volonté et liés à l’urgence climatique, il n’y a plus de production de charbon. Il n’est pas en mesure d’assurer sa prestation et son cocontractant menace « d’engager sa responsabilité », d’autant plus qu’il lui aurait fait perdre la chance de conclure la plus belle affaire de sa carrière.


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Corrigés des cas pratiques


Il s’agira d’étudier le cas de l’enfant Mathieu, auteur d’un dommage et victime de plusieurs autres (I) avant d’analyser la situation de Jérôme qui n’est pas en mesure d’exécuter sa prestation pour des circonstances indépendantes de sa volonté (II).


I/ Corrigé de cas pratique : responsabilité des parents du fait de leurs enfants


Traitons le cas de l’enfant Mathieu. Pour résoudre le cas pratique, nous respecterons les étapes classiques : 


  • Résumé des faits qualifiés juridiquement ;

  • Problème de droit ;

  • Majeure ;

  • Mineure ;

  • Conclusion.


Résumé des faits qualifiés juridiquement


Un enfant a été l’auteur d’un dommage* par inadvertance à l’égard d’un autre enfant (Jules) qui a fini avec le bras cassé alors qu’il s’amusait.

📚 Méthodologie : *nous employons volontairement le terme « dommage » pour l’instant, afin de rester fidèles à la sémantique de l’article 1240 du Code civil

Nous parlerons de « préjudice » lorsque nous établirons les caractères de celui-ci qui permettent de conclure qu’il ouvre droit à réparation.

Dans le même temps, le premier (Mathieu) est victime de divers dommages. Alors qu’il manipulait une arme appartenant à des tiers, il s’est blessé, perdant l’usage de son œil. Il s’est également fait renverser par un cycliste, finissant avec la jambe cassée.


Problèmes de droit


Deux problèmes sont à soulever : la première victime (Jules) peut-elle obtenir réparation pour son bras cassé à l’égard de l’enfant auteur du dommage ?


Sur quels fondements de responsabilité la deuxième victime pourrait-elle agir à l’égard des auteurs respectifs des dommages qu’elle subit ?


Annonce de plan


Après avoir déterminé le fondement de responsabilité envisageable pour l’enfant Jules (A), nous mettrons en évidence les différents régimes de responsabilité sur lesquels pourrait se fonder Mathieu pour la réparation de ses propres dommages (B).


A) La réparation du dommage subi par l’enfant Jules


Nous allons structurer le cas en plusieurs majeures, mineures et conclusions afin d’avoir le raisonnement le plus clair possible pour que vous compreniez comment traiter la réparation du dommage subi par l’enfant Jules. 


Ceci impose d’abord de vérifier les dommages subis (2), avant d’envisager le fait générateur qui permettra de déterminer le fondement de la responsabilité à engager sur le terrain extracontractuel (3), avant de vérifier le lien de causalité (4) et finir par l’action en réparation (5). Au préalable, nous envisageons la nature de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle à engager (1).

💡 Bon à savoir : de manière générale, il est aussi nécessaire de vérifier la qualité de victime. Pour l’enfant Jules, cela ne pose pas de problème particulier, car il est une victime directe. Nous ne développons pas ce point.

1/ La nature de la responsabilité

[Majeure] À titre liminaire, il convient de vérifier s’il s’agit d’envisager un régime de responsabilité civile contractuelle ou extracontractuelle. La première suppose l’existence d’un contrat (art. 1217 et 1231-1 du Code civil). Si le dommage subi fait suite à une inexécution, un retard dans l’exécution ou une mauvaise exécution contractuelle, seul le terrain contractuel peut être envisagé (Cass. civ., 19 janvier 1922, Pelletier).


[Mineure] Dans le cas d’espèce, il n’y a aucun contrat qui lie les sujets de droit.


[Conclusion] Le fondement de responsabilité sera extracontractuel.



2/ Le dommage subi

a) La qualification des préjudices

[Majeure] Le dommage se présente comme la conséquence* d’un fait générateur** subi par la victime. Il existe différentes manières de classer les dommages et les juges peuvent – sans que cela leur soit imposé – s’en tenir à la nomenclature de classement Dintilhac. Elle distingue entre les préjudices patrimoniaux et les préjudices extrapatrimoniaux.


*Par « conséquence », nous faisons référence implicitement au lien de causalité qui sera traité par ailleurs. [Ndlr : voir un commentaire d'arrêt sur le lien de causalité en responsabilité délictuelle]


**Le fait générateur fait référence à la cause à l’origine du dommage (fait personnel, fait des choses, fait d’autrui, par exemple).


Sont patrimoniaux les préjudices qui affectent le patrimoine, comme les dépenses de santé ou encore une perte de revenus. Les autres préjudices qui n’engagent pas de dépense quelconque ou qui n’affectent pas les ressources sont extrapatrimoniaux, comme : 


  • Une blessure (Cass. crim. 5 mars 1985, n° 84-94.085) ; 

  • Un préjudice moral dû à la souffrance endurée par la blessure, qu’elle soit physique ou psychique (Cass. civ. 2, 5 janvier 1994, n° 92-12.185 ) ; 

  • Un préjudice esthétique ou encore un préjudice d’agrément (Cass. crim. 5 mars 1985, n° 84-94.085 ;  Cass. civ. 2, 2 mars 2017, n° 15-27.523 ; Cass. soc. 5 janvier 1995, n° 92-15.958).


[Mineure] En l’espèce, le jeune enfant est victime d’une blessure à la jambe. Il s’agit d’une blessure corporelle d’ordre extrapatrimonial. Néanmoins, s’agissant d’une fracture, cette blessure va nécessairement engendrer des frais d’hospitalisation et donc, le préjudice sera également d’ordre patrimonial. Nous n’en savons pas plus sur la gravité de la blessure, mais s’il se trouve qu’elle affecte, par exemple, la pratique d’un sport auquel l’enfant participait, il subit aussi un préjudice d’agrément. Aussi, s’il souffre, il subit un préjudice moral. De même, s’il finit avec une grande cicatrice, il subit par ailleurs un préjudice esthétique.


[Conclusion] En conclusion, sans éléments supplémentaires, il convient simplement d’émettre des hypothèses afin de faire le tour des préjudices qui seraient subis par la victime*. Il est désormais nécessaire de vérifier si chacun des préjudices énoncés sera réparable (b).

⚠️ Attention : *à ne pas confondre avec un préjudice hypothétique qui n’ouvre pas droit à réparation, car n’est pas certain. Ici, nous émettons des hypothèses pour avoir une vision large et considérerons que ces préjudices sont certains.

b) L’indemnisation des préjudices

Nous vous proposons de vérifier chaque préjudice un par un : 


  • Le préjudice corporel (i) ;

  • Le préjudice moral (ii) ;

  • Le préjudice d’agrément (iii) ;

  • Le préjudice esthétique (iv) ;

  • Les frais de santé/médicaux (v).


Pour chaque préjudice, nous vérifierons qu’il soit réparable s’il remplit les 3 conditions suivantes : 


  1. Certain ; 

  2. Direct et personnel ; 

  3. Légitime.


i. Le préjudice corporel de blessure


Pour ouvrir droit à réparation, un préjudice doit être certain, direct et personnel ainsi que légitime.


  • α Le caractère certain


[Majeure] Un préjudice est certain dès lors qu’il est né et actuel ou s’il est futur, qu’il n’est pas simplement hypothétique (Cass. civ. 3, 2 juin 2016, n° 15-16.967). Un préjudice est hypothétique, lorsque rien ne permet d’affirmer avec certitude (certain) que la victime subisse, par exemple, à nouveau des soins (Cass. civ. 1, 28 juin 2012, n° 11-19.265). Le préjudice hypothétique n’ouvre ainsi pas droit à réparation (Cass. civ. 1, 28 juin 2012, n° 11-19.265).


[Mineure] En l’espèce, l’enfant a été victime d’une blessure corporelle : il a une jambe cassée. Elle est actuellement cassée. Ce préjudice est bel et bien né et n’a rien d’hypothétique.


[Conclusion] En conclusion, l’enfant subit un préjudice de blessure corporel qui est certain.


  • β Le caractère direct et personnel


[Majeure] On dit que le préjudice est direct et personnel lorsqu’il atteint directement la personne qui le subit. Elle subit directement et personnellement le dommage généré*.

💡 Bon à savoir : *pour information, bien que cet élément ne soit pas utile dans notre espèce, pensez à bien qualifier les victimes indirectes de victimes par ricochet et vérifier si le préjudice qu’elles invoquent est bien subi personnellement par elles (Cass. crim., 27 mars 1877).


[Mineure] Dans notre cas d’espèce, c’est l’enfant victime qui subit directement en personne la blessure corporelle, c’est bien sa jambe qui est cassée.


[Conclusion] Le préjudice corporel est direct et personnel [Ndlr : voir un comentaire d'arrêt sur l'action en responsabilité pour un préjudice corporel].


  • γ Le caractère légitime


[Majeure] Le dommage doit présenter un caractère légitime, c’est-à-dire, ne pas résulter d’une situation illicite (Cass. civ. 2, 24 janvier 2002, n° 99-16.576). 


[Mineure] Dans ce cas, l’enfant a été blessé alors qu’il s’amusait. La situation n’a rien d’illicite.


[Conclusion] Par conséquent, le préjudice corporel subi est légitime.


[Conclusion générale du (i)] Ce préjudice remplit tous les caractères de réparabilité, il ouvre ainsi droit à indemnisation.


ii. Le préjudice moral


  • α Le caractère certain


[Majeure] Un préjudice est certain dès lors qu’il est né et actuel ou s’il est futur, qu’il n’est pas simplement hypothétique (Cass. civ. 3, 2 juin 2016, n° 15-16.967). Un préjudice est hypothétique, lorsque rien ne permet d’affirmer avec certitude (certain) que la victime subisse, par exemple, à nouveau des soins (Cass. civ. 1, 28 juin 2012, n° 11-19.265). Le préjudice hypothétique n’ouvre ainsi pas droit à réparation (Cass. civ. 1, 28 juin 2012, n° 11-19.265).


[Mineure] En l’espèce, l’enfant a été victime d’une blessure corporelle, sa jambe est cassée. L’énoncé n’en fait pas mention, mais il est très probable que l’enfant ait souffert de cette blessure, et cette souffrance peut se révéler intense. À défaut d’indication, il reste possible de considérer que la souffrance a été concomitante à la blessure et est donc née et pas simplement hypothétique.


[Conclusion] En conclusion, le juge considérera probablement que l’enfant a été victime d’un préjudice moral pour les souffrances qu’il a endurées.


  • β Le caractère direct et personnel


[Majeure] On dit que le préjudice est direct et personnel lorsqu’il atteint directement la personne qui le subit. Elle subit directement et personnellement le dommage généré.


[Mineure] Dans notre cas d’espèce, c’est l’enfant victime qui subit directement en personne la souffrance engendrée directement par la blessure.


[Conclusion] Le préjudice moral est direct et personnel.


  • γ Le caractère légitime


[Majeure] Le dommage doit présenter un caractère légitime, c’est-à-dire, ne pas résulter d’une situation illicite (Cass. civ. 2, 24 janvier 2002, n° 99-16.576). 


[Mineure] Dans ce cas, l’enfant a été blessé alors qu’il s’amusait. La situation n’a rien d’illicite.


[Conclusion] Par conséquent, le préjudice moral subi est légitime.


[Conclusion générale du (ii)] Ce préjudice moral remplit tous les caractères de réparabilité, il ouvre ainsi droit à indemnisation.


 
 

iii. Le préjudice d’agrément 


  • α Le caractère certain


[Majeure] Un préjudice est certain dès lors qu’il est né et actuel ou s’il est futur, qu’il n’est pas simplement hypothétique (Cass. civ. 3, 2 juin 2016, n° 15-16.967). Un préjudice est hypothétique, lorsque rien ne permet d’affirmer avec certitude (certain) que la victime subisse, par exemple, à nouveau des soins (Cass. civ. 1, 28 juin 2012, n° 11-19.265). Le préjudice hypothétique n’ouvre ainsi pas droit à réparation (Cass. civ. 1, 28 juin 2012, n° 11-19.265).


[Mineure] En l’espèce, l’enfant a été victime d’une blessure corporelle, sa jambe est cassée. On ne sait pas s’il pratiquait un sport ou une autre activité dont il serait privé des plaisirs, à la suite de cette blessure. Dans l’affirmative, il serait alors actuellement privé de la possibilité de pratiquer cette activité. Ce préjudice serait né et actuel et pas une simple hypothèse.


[Conclusion] En conclusion, le juge considérera probablement que l’enfant a été victime d’un préjudice d’agrément s’il est privé, du fait de la blessure, de la pratique de son activité.


  • β Le caractère direct et personnel


[Majeure] On dit que le préjudice est direct et personnel lorsqu’il atteint directement la personne qui le subit. Elle subit directement et personnellement le dommage généré.


[Mineure] Dans notre cas d’espèce, c’est l’enfant victime qui subit directement en personne l’impossibilité de profiter de son plaisir de pratiquer son sport (le cas échéant).


[Conclusion] Le préjudice d’agrément est direct et personnel.


  • γ Le caractère légitime


[Majeure] Le dommage doit présenter un caractère légitime, c’est-à-dire, ne pas résulter d’une situation illicite (Cass. civ. 2, 24 janvier 2002, n° 99-16.576). 


[Mineure] Dans ce cas, l’enfant a été blessé alors qu’il s’amusait. La situation n’a rien d’illicite.


[Conclusion] Par conséquent, le préjudice moral subi est légitime.


[Conclusion générale du (iii)] Ce préjudice moral remplit tous les caractères de réparabilité, il ouvre ainsi droit à indemnisation.


vi. Le préjudice esthétique


À vous de jouer pour le préjudice esthétique, il vous suffit de dérouler le raisonnement en collant à chaque exigence.

💡 Bon à savoir : v. Cass. civ. 2, 2 mars 2017, n° 15-27.523 ; Cass. civ. 2, 11 décembre 2014, n° 13-28.774 ; Cass. crim., 17 décembre 2019, n° 18-85.191 pour les possibilités de l’indemnisation du préjudice esthétique.

v. Les frais de santé/médicaux


À vous de jouer pour le préjudice lié aux dépenses de santé/frais médicaux, il vous suffit de dérouler le raisonnement en collant à chaque exigence.

💡 Bon à savoir : v. notamment  Cass. crim., 17 décembre 2019, n° 18-85.191.



3/ Le fait générateur du dommage : la maladresse de l’enfant Mathieu

Après avoir établi les chefs de préjudices indemnisables (ou pas), voyons le fait générateur du dommage. Il s’agit de la maladresse d’un enfant, dont il conviendra d’analyser la responsabilité du fait personnel (a) et celle du fait d’autrui de ses parents (b).


a) La responsabilité du fait personnel

[Majeure] L’article 1240 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qu’il soit volontaire ou involontaire (art. 1241 du Code civil), oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.


Le fait générateur doit être dommageable, peu importe le discernement de son auteur (Cass. plén., 8 mai 1984, Lemaire, Derguini) et sa volonté. La simple négligence ou l’imprudence de son auteur n’empêche pas la victime d’agir contre lui si toutes les conditions sont réunies (art. 1241 du Code civil).


La condamnation des père et mère sur le fondement de la responsabilité du fait d’autrui ne fait pas obstacle à la condamnation personnelle du mineur sur le fondement de la responsabilité du fait personnel (Cass. civ. 2, 11 septembre 2014, n° 13-16.897). Il ne s’agit là que d’une possibilité, mais rien n’impose au juge de retenir la responsabilité de l’enfant.


[Mineure] Dans notre situation, l’enfant auteur du dommage « s’amusait », ce qui laisse supposer qu’il est probablement jeune. Pour autant, la capacité de discernement n’est pas une condition exigée pour imputer la faute à son auteur. Aussi, l’enfant a « par maladresse », blessé la victime. Il a donc commis un fait aboutissant à un dommage. Même si la responsabilité des parents pourrait être engagée (v. b, ci-après), cela ne fait pas obstacle à engager celle de l’enfant.


[Conclusion] L’enfant est l’auteur du dommage subi par la victime. Sa responsabilité personnelle peut être engagée. Néanmoins, le juge ne la retiendra probablement pas et se limitera à celle de ses parents (b), car l’enfant n’est pas solvable.


b) La responsabilité du fait d’autrui

Dans certains cas, une tierce personne peut être tenue responsable d’un dommage qui a été généré par autrui. Tel est le cas de la responsabilité des parents du fait de leur enfant mineur (art. 1242 al. 4 du Code civil).


Pour qu’une telle responsabilité puisse être engagée, il est nécessaire de vérifier que toutes ses conditions sont réunies : 


  • La minorité de l’enfant (i) ;

  • Le fait de l’enfant (ii) ;

  • La cohabitation de l’enfant avec les parents (iii) ;

  • Le maintien de l’autorité parentale sur l’enfant (iv).


i. La minorité


[Majeure] L’article 1242 alinéa 4 du Code civil évoque « les enfants mineurs ». La minorité s’apprécie au jour du dommage et non au jour où le juge statue (Cass. civ. 2, 25 octobre 1989, n° 88-16.210).


[Mineure] Dans notre espèce, il est mentionné « l’enfant » et « il s’amusait », il ne fait aucun doute qu’il ne s’agit pas d’une personne majeure au jour du dommage.


[Conclusion] Par conséquent, la condition de minorité est remplie.


ii. Le fait de l’enfant


[Majeure] L’article 1242 al. 4 du Code civil dispose que les père et mère sont responsables du dommage causé par leur enfant. La Cour de cassation précise qu’il suffit que l’enfant ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage (Cass. plén. 9 mai 1984, Fullenwarth), sans qu’il y ait besoin d’une faute (Cass. civ. 2, 10 mai 2001, Levert).


[Mineure] Cette condition du fait dommageable de l’enfant a été vérifiée préalablement, voir I. A. 2. a.*


*Et ici, la nécessité / l’utilité de faire un plan bien structuré en cas pratique prend tout son sens 👯.


[Conclusion] En conclusion, la condition du fait de l’enfant est remplie.


iii. La cohabitation


[Majeure] L’article 1242 al. 4 du Code civil dispose que les père et mère sont responsables du fait dommageable causé par l’enfant habitant avec eux.


La jurisprudence précise que la cohabitation résulte de la résidence habituelle de l’enfant au domicile des parents ou de l’un d’eux (Cass. civ. 2, 20 janvier 2000, n° 98-14.479).

💡 Bon à savoir : le cas présent n’est pas très complexe, mais s’il s’agissait d’un enfant qui avait été confié à un tiers, il aurait été nécessaire d’apporter des jurisprudences supplémentaires. La Cour de cassation est assez stricte et n’admet pas facilement la cessation de la cohabitation (par exemple, un enfant confié à sa grand-mère qui l’élève depuis ses 12 ans ne fait pas cesser la cohabitation avec ses parents qui conservent l’exercice de l’autorité parentale, v. Cass. crim. 8 février 2005, n° 03-87.447).


Nous ne pouvions pas non plus ne pas évoquer la décision de l’assemblée plénière de la Cour de cassation du 28 juin 2024 n° 22-84.760 : la Cour indique que la cohabitation des parents avec leur enfant mineur ne cesse QUE lorsqu’une décision administrative ou judiciaire confie l’enfant à un tiers.


DONC, les deux parents, lorsqu’ils exercent conjointement l’autorité parentale, sont solidairement responsables des dommages causés par celui-ci dès lors que l’enfant n’a pas été confié à un tiers par une décision administrative ou judiciaire, même s’ils sont séparés.

[Mineure] Dans cette espèce, nous n'avons pas d'informations qui pourraient laisser penser que l’enfant ne cohabite plus avec ses parents.


[Conclusion] Par conséquent, à défaut d’indication contraire, il est possible de conclure que la condition de cohabitation est remplie.


iv. L’autorité parentale


[Majeure] L’article 1242 alinéa 4 du Code civil dispose que les père et mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale, sont responsables du fait dommageable de leur enfant mineur. Ainsi, n’est pas responsable, le père d’un enfant né hors mariage qui ne dispose pas de l’autorité parentale (Cass. crim. 5 novembre 1986, n° 85-96.591). En revanche, une mère placée sous curatelle renforcée n’est pas privée de l’autorité parentale qu’elle exerce et reste donc civilement responsable de son enfant mineur (CA Caen, 2 février 2006).


[Mineure] En l’espèce, rien ne laisse suggérer que l’un ou l’autre des parents, ou les deux seraient privés de l’autorité parentale sur leur fils auteur du dommage.


[Conclusion] Par conséquent, il est possible de conclure que la condition relative à l’autorité parentale est également remplie.


[Conclusion générale du 2. a. et b.] Toutes les conditions de la responsabilité du fait d’autrui (parents du fait de l’enfant mineur) sont remplies. La victime pourra engager une action en responsabilité contre les parents et leur enfant, à condition que le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage soit établi (3).


 
 
4/ Le lien de causalité

Nous verrons la caractérisation du lien de causalité (a) et l’exclusion de toute cause d’exonération (b).


a) La caractérisation du lien de causalité

[Majeure] L’article 1240 du Code civil impose qu’il y ait un rapport de causalité entre le dommage subi et le fait générateur (Cass. civ. 2, 27 octobre 1975).

💡 Bon à savoir : dans notre cas, la question n’est pas complexe, il est assez facile d’établir le lien de causalité. En revanche, s’il y avait eu un enchaînement de causes, il aurait fallu préciser qu’il existe deux théories afin d’établir la causalité d’un fait dommageable : l’équivalence des conditions* et la causalité adéquate**. La jurisprudence n’a pas tranché clairement en la faveur de l’une ou l’autre, ce qui dépend donc des circonstances de l’espèce.

*Toutes les causes qui ont contribué au dommage sont prises en compte (Cass. crim. 13 nov. 1975, n° 74-92.290).


**Un tel rapport de causalité est retenu lorsque la faute a constitué le facteur qui, parmi ceux en cause, a joué un rôle véritablement perturbateur. Son auteur sera seul tenu pour responsable (Cass. civ. 1, 17 février 1993, n° 91-17.458).


La charge de la preuve repose sur la victime qui peut la rapporter par tout moyen s’agissant d’un fait juridique (art. 1353, 1358, 1100-2 du Code civil).


En matière de responsabilité d’autrui des père et mère du fait de l’enfant, il suffit que le dommage soit directement causé par le fait du mineur, pour engager la responsabilité. Autrement dit, le fait du mineur doit être la cause directe du dommage subi (Cass. civ. 2, 17 février 2011, n° 10-30439). 


[Mineure] Dans notre cas d’espèce, c’est bien l’auteur du dommage qui a commis un acte directement à son origine. Sans son imprudence, la victime n’aurait pas été blessée.


[Conclusion] Par conséquent, le lien de causalité est bel et bien caractérisé. Il convient de vérifier s’il peut être retenu, ou si, au contraire, une cause permet de l’exclure (b).


b) L’exclusion de toute cause d’exonération

[Majeure] Il est possible de neutraliser totalement ou partiellement le lien de causalité en invoquant un cas de force majeure ou une cause étrangère (cas fortuit, faute de la victime, fait d’un tiers). La faute de la victime permet une exonération partielle si elle n’a pas les caractères de la force majeure (Cass. civ. 2, 12 juin 1975, n° 73-16.600). Cette dernière doit être extérieure à l’auteur du dommage, irrésistible et imprévisible.


En matière de responsabilité de plein droit du fait d’autrui, seule la force majeure ou la faute de la victime peuvent exonérer les parents du fait de leur enfant mineur (Cass. civ. 2, 19 février 1997, Bertrand), peu importe que la faute de la victime ait ou non un caractère volontaire (Cass. civ. 2, 29 avril 2004, n° 02-20.180).


[Mineure] Dans notre cas d’espèce, il ne semble pas que la victime ait été à l’origine de son dommage ni qu’il y ait eu un cas de force majeure aboutissant au dommage.


[Conclusion] Par conséquent, ni les parents ni l’enfant auteur du dommage ne verront leur responsabilité écartée. Ils seront tenus de réparer le dommage (5).


 
 
5/ L’action en réparation

Une fois le raisonnement déroulé, si vous retenez la responsabilité de l’auteur du dommage (de ses parents, du commettant ou de qui vous voulez, tant que les conditions sont réunies), il faut évidemment envisager l’action en réparation : 


  • La voie de réparation (a) ;

  • Les modalités de réparation (b) ;

  • La charge de la réparation (c).


a) La voie de réparation

La victime peut opter pour une réparation extrajudiciaire à l’amiable ou saisir le juge. Dans ce dernier cas, elle doit remplir certaines conditions tenant au titulaire de l’action (i) et à son objet (ii), mais également aux conditions d’exercice de l’action en justice (iii).


i. Les conditions subjectives de recevabilité de l’action


[Majeure] Le titulaire de l’action en réparation doit avoir un intérêt et une qualité pour agir (art. 31 du Code de procédure civile). L’intérêt doit lui-même remplir certaines conditions (né et actuel, direct et légitime, v. notamment sous l’article 31 du Code de procédure civile pour la jurisprudence). 

💡 Bon à savoir : nous ne développons pas plus cette partie, qui se trouve à mi-chemin avec la procédure civile qui, pour ceux qui ne sont pas encore candidats au CRFPA, sera étudiée par la suite.

[Mineure] Dans le cas d’espèce, nous estimons que l’enfant Jules est victime d’un préjudice. Son action présente un intérêt né et actuel (obtenir réparation du préjudice), direct (il subit le préjudice) et légitime (la situation n’a rien d’illégal ou d’illicite). Il agit pour la réparation de son préjudice, et a donc qualité pour le faire* 


*Pour les actions dites « attitrées », la qualité est rattachée à l’intérêt direct. Vous le verrez plus en détail en procédure civile et il s’agit de qualifier la nature de l’action au préalable afin de découler le raisonnement, mais nous avons simplifié.


[Conclusion] L’enfant Jules dispose d’un intérêt et d’une qualité pour agir.


ii. Les conditions objectives de recevabilité de l’action


[Majeure] En plus de remplir les conditions de recevabilité de l’action en justice sus énoncées, il faut que l’objet de l’action ne soit pas éteint (prescription, transaction ou encore autorité de la chose jugée), et qu’il ne soit pas contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs.


En matière de dommage corporel, la prescription est décennale (art. 2226 du Code civil). La transaction est une convention régie par les articles 2044 et suivants du Code civil, qui permet de mettre fin à une contestation. On dit qu’il y a autorité de la chose jugée lorsqu’un litige est soumis à un juge alors qu’un autre avec la même identité d’objet, de parties et de cause a été définitivement jugé (art. 1355 du Code civil). Dans ces cas, il n’est plus possible d’introduire une action en justice.

💡 Bon à savoir : nous ne développons pas plus cette partie qui se trouve à mi-chemin avec la procédure civile qui, pour ceux qui ne sont pas encore candidats au CRFPA, sera étudiée par la suite.

[Mineure] Dans le cas présent, rien ne laisse penser qu’il y a eu un accord transactionnel pour mettre fin au litige. De même, les faits semblent avoir été réalisés récemment, en l’absence de date, donc le délai de prescription n'est pas acquis. Rien n’indique que les parties aient déjà soumis cette situation à un juge qui l’aurait définitivement réglée. Il n’y a pas autorité de la chose jugée. La demande ne contrevient ni à l’ordre public ni aux bonnes mœurs.


[Conclusion] En conclusion, les conditions objectives de recevabilité de l’action en justice sont remplies.


iii. Les conditions d’exercice de l’action


[Majeure] Pour pouvoir exercer une action, son titulaire doit avoir la capacité* à agir. 


*Ce qui implique notamment la personnalité juridique (Cass. soc. 3 mars 2015, n° 13-26.25)


Les mineurs n’ont pas capacité à agir et doivent être représentés (art. 388-1-1 du Code civil).


[Mineure] Dans le cas présent, ce sont les parents qui devront agir pour leur enfant mineur qui n’a pas lui-même capacité à agir.


[Conclusion] Par conséquent, cette dernière condition est remplie.


b) Les modalités de réparation

[Majeure] Le principe posé par les juges, sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (anciennement article 1382 du Code civil) est que la réparation du préjudice doit être intégrale : tout le préjudice doit être réparé, mais rien que le préjudice (Cass. crim., 13 novembre 2013, n° 12-84.838). La victime doit être replacée dans l’état dans lequel elle se serait trouvée si le fait dommageable ne s’était pas produit (Cass. civ. 2, 4 février 1982, n° 80-17.139)


Ainsi, la réparation ne peut excéder le montant du préjudice (Cass. civ. 1, 9 novembre 2004, n° 02-12.506) ni lui être inférieure (Cass. civ. 2, 12 mai 2011, n° 10-17.148).


La réparation se fait en nature ou par équivalent (dommages et intérêts).


Ce sont les juges qui sont souverains pour l’évaluation du préjudice (v. par exemple Cass. plén., 26 mars 1999).


En matière de responsabilité contractuelle, le préjudice indemnisable se limite, en principe*, à ce qui a été prévu ou est prévisible (art. 1231-3 du Code civil).


*La limite disparaît en cas de faute lourde ou dolosive (art. 1231-4 du Code civil).


[Mineure] Dans l’espèce, l’enfant est victime du préjudice, sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle. L’évaluation du préjudice se fera souverainement par les juges qui prendront en considération tous les chefs de préjudices indemnisables (v. A. 2. a. et b.).


[Conclusion] Par conséquent, l’enfant victime aura droit à la réparation intégrale de son préjudice sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle. 


c) La charge de la réparation

Nous ne développerons pas cette partie pour notre cas qui ne s’y prête pas. En revanche, pour un cas pratique avec une pluralité d’auteurs, il est important d’y penser. Il faut déterminer sur qui pèse, en définitive, la charge de la réparation.

Obligation à la dette

Contribution à la dette

Si plusieurs auteurs sont responsables, la victime peut réclamer la réparation auprès de n’importe lequel : il s’agit d’étudier les rapports créancier (victime) / débiteurs (auteurs du dommage).

Cette fois, il s’agit de mettre en évidence les rapports entre les débiteurs. Si l’un d’entre eux à payer pour l’intégralité, il dispose d’une action récursoire contre ses codébiteurs. Il faut distinguer 2 cas de figure : 


  1. Responsabilité sur le fondement d’une faute* ;

  2. Responsabilité sans faute (objective)**.

Responsabilité sur le 

fondement d’une faute*

Responsabilité sans 

faute (objective)**

La contribution sera proportionnelle à la gravité de la faute (Cass. civ. 2, 9 juin 2016, n° 14-27.043).

La contribution se fait à parts égales (Cass. civ. 2, n° 17-20.099). 



B) La réparation des dommages subis par l’enfant Mathieu


L’enfant Mathieu a été victime de plusieurs dommages (2) de nature extracontractuelle (1), dus à des faits générateurs différents (3) dont il convient d’établir les liens de causalité (4) avant d’envisager l’action en réparation (5).


Cette fois, nous vous proposons simplement un plan de raisonnement pour que vous puissiez voir comment le construire avant de vous lancer dans la rédaction définitive. C’est une sorte d’illustration du brouillon que nous vous proposons. Le raisonnement doit d’abord être posé avant d’être développé.


1/ La nature de la responsabilité

  • Contractuelle ou extracontractuelle (art. 1217, 1231-1, et 1240 du Code civil) et jurisprudence Pelletier du 11 janvier 1922.


2/ Les dommages subis

  • La qualification des préjudices :

    • Blessure corporelle → préjudice corporel ;

      • Souffrances physiques → préjudice moral ;

      • Préjudice esthétique ; 

      • Préjudice d’agrément ;

      • Frais de santé/médicaux → préjudice patrimonial.


  • L’indemnisation des préjudices :

    • Le caractère certain → nous ne développons pas ici, mais vous avez une illustration du corrigé détaillé ci-dessus ;

    • Le caractère direct et personnel ;

    • Le caractère légitime.


💡 Bon à savoir : il n’y a pas de bonne ou de mauvaise manière de faire. La complexité de la responsabilité civile en cas pratique se situe au niveau de la pluralité des dommages que l’on vous met généralement dans l’énoncé. Vous pouvez donc découper le cas en fonction des préjudices que vous qualifiez afin de conserver une clarté. Tout dépend du cas et de ce qui vous permet d’être le plus limpide en traitant tous les aspects juridiques du problème soulevé.

3/ Le fait générateur du dommage

  • Le cas de l’arme ;

    • Fait des choses (art. 1242 al. 1 du Code civil) ;

      • Une chose qui ne relève pas d’un régime spécifique → OK, en l’espèce, ni un véhicule terrestre à moteur (véhicule terrestre à moteur [VTAM]) ni un produit défectueux ;

      • Rôle actif de la chose.

        • → Présomption lorsqu’elle est en mouvement ou qu’elle a été en contact avec la victime (Cass. civ. 2, 8 novembre 1984, n° 83-14.718);

        • → Pas de présomption lorsqu’elle est inactive, donc il faut démontrer qu’elle était dans une position anormale (Cass. civ. 2, 22 novembre 1984, n° 83-13.986).

      • Garde de la chose ;

        • Pouvoir de contrôle, direction, usage (Cass. ch. réunies, 2 décembre 1941, Franck) → aux propriétaires de la chose ;

        • La garde de la chose peut être transférée si la personne détient les trois pouvoirs énoncés (même décision) ;

        • Mais, elle reste aux propriétaires de l’arme pour un enfant de 11 ans qui ne s’est pas vu transférer les trois pouvoirs (Cass. civ. 2, 26 novembre 2020, n° 19-19.676) → cas dans l’espèce, donc pas de transfert de la garde, donc responsabilité des propriétaires de l’arme invocable.


Et là, citer de la jurisprudence prend tout son sens. Elle permet de préciser le raisonnement en collant le plus aux faits de l’espèce. Vous la citez dans la majeure afin de mieux orienter et préciser le raisonnement de votre mineure


  • Le cas du cycliste ;

    • Écarter l’accident de la circulation (art. 1er de la loi du 5 juillet 1985 dite « loi Badinter ») ; [Ndlr : voir un commentaire d'arrêt sur les accidents de la circulation]

      • Voie de circulation → OK ici ;

      • Accident → OK ici ;

      • Véhicule « en mouvement » → OK ;

      • MAIS pas VTAM → le vélo n’est pas un VTAM donc le régime de la loi du 5 juillet 1985 dite « Badinter » n’est pas invocable.

    • Engager sa responsabilité du fait personnel (art. 1240 et 1241 du Code civil) ;

      • Fait générateur fautif → négligence/maladresse du cycliste qui a renversé l’enfant.


4/ Le lien de causalité

On vous renvoie au découpage ci-dessus qui n’a aucune complexité particulière dans ce cas.


  • Pensez bien à vérifier les causes d’exonération, notamment pour le cas du cycliste qui renverse l’enfant. La faute de la victime est une cause d’exonération totale ou partielle selon les cas (v. pour une exonération partielle, Cass. civ. 2, 12 juin 1975, n° 73-16.600 ; v. pour une exonération totale, Cass. civ. 1, 22 janvier 2014, n° 12-35.023).


5/ L’action en réparation

On vous renvoie au découpage ci-dessus qui n’a aucune complexité particulière dans ce cas.


 

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II/ Corrigé de cas pratique : la perte de chance


Résumé des faits qualifiés juridiquement


Un prestataire n’est plus en mesure d’assurer une prestation compte tenu d’événement indépendant de sa volonté, car il n’a plus accès au matériau qu’il livre du fait d’une crise climatique. Le cocontractant estime qu’il perd la plus grande chance de sa carrière et souhaite engager sa responsabilité.


Problème de droit


Son cocontractant est-il en mesure d’engager sa responsabilité civile contractuelle pour voir réparer la perte de chance ?


Annonce de plan


Après avoir démontré l’existence d’une inexécution contractuelle (A) nous verrons qu’un cas de force majeure permet d’exonérer le cocontractant de sa responsabilité contractuelle (B).


A) L’inexécution contractuelle


1/ La nature de la responsabilité 

  • Comme au-dessus, il s’agit de trancher entre responsabilité civile contractuelle et responsabilité civile extracontractuelle ; 

  • Ici, c’est un contrat qui est à l’origine du dommage (art. 1217, 1231-1 du Code civil) ; 

  • Obligation d’engager la responsabilité contractuelle, car il existe le principe de non-option (Cass. civ., 11 janvier 1922, Pelletier).


2/ Les conditions de la responsabilité 

Conditions des articles 1217 et 1231-1 du Code civil.


  • a. Contrat (ici oui) +

  • b. Manquement (ici oui, n’a pas assuré une prestation) +

  • c. Dommage (ici oui, « perte de la plus grande chance* de sa carrière ») +


*La perte de chance présente un caractère direct et certain à chaque fois qu’est constatée la disparition de la probabilité d’un événement favorable (Cass. crim. 9 octobre 1975 ; Cass. crim., 4 décembre 1996, n° 96-81.163). Dans les autres cas, elle n’est pas indemnisable.


  • d. Lien de causalité (ici, oui, l’un et l’autre sont liés, mais il convient d’étudier le cas de force majeure qui pourrait neutraliser le lien de causalité).


B) Le cas de force majeure


  • Écarter la théorie de l’imprévision (il s’agit d’un réflexe de raisonnement que de l’envisager, notamment dans un cas où les circonstances rendent l’exécution du contrat difficile, permettant ainsi de le renégocier, v. art. 1195 du Code civil) ;


  • Retenir le cas de force majeure → événement extérieur au débiteur, imprévisible et irrésistible qui rend impossible l’exécution du contrat (art. 1218 du Code civil) ;

  • Elle permet de neutraliser le lien de causalité.

💡 Bon à savoir : si la responsabilité pouvait être engagée, il fallait ensuite poursuivre le développement du raisonnement (action en réparation et modalités de réparation en gardant à l’esprit qu’en matière contractuelle : 


  • Il peut y avoir des clauses élusives OU limitatives de réparation* (v. art. 1170 du Code civil pour le régime) ou des clauses pénales (art. 1231-5 du Code civil) ;


*Elles sont opposables à un tiers au contrat qui se prévaut d’un manquement contractuel sur le fondement de la responsabilité délictuelle (Cass. com., 3 juillet 2024, n° 21-14.947).


  • La réparation se limite à ce qui est prévu ou prévisible (art. 1231-3 du Code civil), sauf faute lourde ou dolosive (art. 1231-4 du Code civil).

Explications pédagogiques des cas pratiques en responsabilité civile


Afin de bien comprendre l’intérêt de ces corrigés détaillés de cas pratiques en responsabilité civile, nous vous proposons quelques « compléments pédagogiques » pour que vous sachiez bien faire en cas pratique en responsabilité civile : 


  • Revoyons brièvement les étapes d’un cas pratique, transposées à la responsabilité civile ;

  • Rappelons qu’il est primordial de faire une utilisation de ses connaissances et pas une simple récitation.


Comment faire un cas pratique en responsabilité civile ?


Pour traiter un cas pratique en responsabilité civile, la clé est le syllogisme juridique composé d’une majeure, d’une mineure et d’une conclusion.


Quelles sont les étapes du cas pratique en responsabilité civile ?


Les étapes du cas pratique en responsabilité civile sont les mêmes que pour tout cas : résumé des faits qualifiés juridiquement, problème de droit, majeure, mineure, conclusion (avec réponse au problème de droit).


Nous ne reviendrons pas sur le syllogisme juridique, mais préférons faire un point centré sur les majeures en cas pratique en responsabilité civile.


Pour avoir un raisonnement complet, il y a des éléments qu’il faut impérativement envisager, voici une structure de raisonnement à titre indicatif (référez-vous toujours à vos enseignants) : 


  • 1/ Vérifier la nature de la responsabilité civile envisageable (contractuelle ou extracontractuelle), en rappelant qu’il n’y a pas d’option ni de cumul possible lorsque le dommage est fondé sur l’inexécution/la mauvaise exécution contractuelle (Cass. civ., 11 janvier 1922, Pelletier).


  • 2/ Identifier les victimes et les dommages subis. ;

    • a) Victimes → qualité de victime directe ou indirecte ;

    • b) Qualification des dommages → corporel (atteinte aux personnes), matériel (atteinte aux biens), moral (atteinte aux personnes) ;

    • c) Réparabilité des dommages

      • i. Certains ;

      • ii. Directs et personnels ;

      • iii. Légitime.

💡Bon à savoir : notons que cette trilogie n’est pas la seule qu’il est possible de retenir afin de découper son raisonnement ici. Référez-vous à vos enseignants.


  • 3/ Déterminer le fait générateur.


Le développement du raisonnement ici dépend du cas. 


En matière de responsabilité contractuelle, il s’agira de démontrer qu’il y a un contrat qui a été inexécuté, exécuté en retard ou mal exécuté (art. 1217, 1231-1 du Code civil).


Si vous êtes en matière extracontractuelle, tout va dépendre de la situation. Envisager le fait personnel dans un premier temps est souvent (mais pas toujours) une étape nécessaire. Puis, vous pouvez dérouler les autres régimes de responsabilité qui se prêtent au cas pour les retenir (ou les écarter, selon les circonstances). 


Donc à vous de voir : fait personnel, fait d’autrui, fait des choses (régime général ou régimes spéciaux). Vous avez du choix.


Et, pour chaque régime, vous découpez la majeure en fonction des conditions. 

Par exemple, pour la responsabilité du fait des produits défectueux, le fait générateur sera retenu s’il y a : 


  1. Un produit (bien meuble, art. 1245-2 du Code civil) ;

  2. Un produit défectueux, c’est-à-dire, qui n’offre pas la sécurité à laquelle l’on peut légitimement s’attendre (art. 1245-3 al. 1 du Code civil) ;

  3. Une mise en circulation du produit (art. 1245-4 du Code civil) ;

  4. Un dommage aux personnes ou dans une certaine limite, aux biens (art. 1245-1 du Code civil) ; 

  5. Un producteur selon la définition de l’article 1245-5 du Code civil (ou, à défaut, une des personnes listées, par l'article 1245-6 du Code civil). D’autres éléments sont à envisager selon l’énoncé du cas pratique.

Nous ne vous donnons ici que les articles du Code civil, mais évidemment, il peut y avoir besoin d’appuyer vos propos par de la jurisprudence afin de préciser votre raisonnement. 


N’oubliez pas d’être le plus rigoureux possible

💡 Bon à savoir : vous aurez besoin de développer d’autres aspects, notamment relatifs à la preuve (art. 1245-8 du Code civil) et aux causes d’exonération (art. 1245-10 s. du Code civil), mais ces éléments viennent dans d’autres parties que celle relative au fait générateur.


  • 4/ Envisager le lien de causalité. :

    • a) Il permet d’établir qui sera l’auteur du dommage en cas de pluralité de causes : c’est à ce moment que vous pouvez évoquer la théorie de l’équivalence des conditions et la théorie de la causalité adéquate* ;

    • b. Il faut penser à vérifier qu’il n'existe aucune cause permettant de le neutraliser (exonération).

      • i. La force majeure ;

      • ii. La faute de la victime ;

      • iii. Le fait d’un tiers.

⚠️ Attention : pour la responsabilité du fait des produits défectueux, il existe des causes d’exonération spécifiques. Adaptez votre majeure en conséquence.

💡 Bon à savoir : en matière de responsabilité de plein droit (fait d’autrui ou encore fait des choses), seules la force majeure et la faute de la victime qui présente ses caractères permettent d’exonérer totalement l’auteur du dommage (v. par exemple, Cass. ch. réunies, 13, février 1930, Jand’heur ou encore Cass. civ. 2, 7 avril 2022, n° 20-19.746).


  • 5/ Évoquer l’action en réparation. Il s’agit d’aller au bout du raisonnement.

    • a) Les modalités d’exercice de l’action ;

    • b) Les modalités de réparation ;

      • i. Forme :

        • Nature ;

        • Équivalent.

      • ii. Étendue : le principe de la réparation intégrale.

    • c. La charge de la réparation :

      • i. L’obligation à la dette ;

      • ii. La contribution à la dette.



Comment utiliser ses connaissances dans un cas pratique ?


Pour exploiter correctement vos connaissances, il est primordial d’en avoir, n’est-ce pas ? Revenons sur les éléments essentiels pour engager la responsabilité civile et sur les cas dans lesquels elle est destinée à s’appliquer. Un bon moyen de connecter vos connaissances pour mieux les appliquer. À vous les bonnes notes !


Quand s’applique la responsabilité civile ?


La responsabilité civile s’applique lorsqu’une personne subit un dommage du fait d’une inexécution contractuelle/mauvaise exécution (responsabilité civile contractuelle) ou d’un fait quelconque (responsabilité civile extracontractuelle).

⚠️ Attention : lorsque est en cause une personne publique, c’est le droit administratif qui s’applique avec ses régimes de responsabilité spécifiques.

Quels sont les éléments essentiels pour engager la responsabilité civile ?


Pour engager la responsabilité civile, qu’elle soit contractuelle ou extracontractuelle, on retrouve 3 éléments essentiels :


  1. Fait générateur ;

  2. Dommage ;

  3. Lien de causalité.


Quels sont les 3 éléments essentiels pour engager la responsabilité civile contractuelle ? 

Pour engager la responsabilité civile contractuelle, il faut retrouver les 3 éléments essentiels : 


  • 1/ Fait générateur → inexécution, mauvaise exécution ou retard dans l’exécution du contrat (donc, il faut naturellement un contrat) ;

  • 2/ Dommage → subi par le cocontractant* ;


*Si le dommage est subi par un tiers, il peut engager la responsabilité extracontractuelle pour obtenir réparation (Cass. plén., 6 octobre 2006, Boot’shop, n° 05-13.255 ; Cass. plén. 13 janvier 2020, n° 17-19.963 ; Cass. com. 3 juillet 2024, n° 21-14.947).


  • 3/ Lien de causalité → entre le 1 et le 2.


Quels sont les 3 éléments essentiels pour engager la responsabilité civile extracontractuelle ?

Pour engager la responsabilité extracontractuelle, il faut retrouver les 3 éléments essentiels : 


  1. Fait générateur → fait personnel ou fait d’autrui ou fait des choses ;

  2. Dommage → subi par la victime ;

  3. Lien de causalité → entre le fait générateur et le dommage*.


*Lorsqu’il y a une pluralité d'auteurs, la détermination du lien de causalité se complexifie, et il existe deux théories de la causalité pour le déterminer : équivalence des conditions et causalité adéquate. On te renvoie à ce que l’on a expliqué ci-dessus.


Article rédigé par une enseignante en Droit constitutionnel

(attachée temporaire d'enseignement et de recherche)

 
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