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[COMMENTAIRE D'ARRÊT] Cass. 2e civ., 2/02/2017 (Obl. délictuelles)


Ce commentaire d'arrêt (Cass. 2e civ., 2 février 2017, inédit au Bulletin, pourvoi n° 16-13.3) porte sur le droit des obligations délictuelles. Dans une première partie, nous traiterons l’exigence d’un lien de causalité direct avec le dommage subi et la faute. Puis nous verrons la caractérisation du lien de causalité à travers la faute majeure de la propriétaire. Cette copie a obtenue la note de 15/20.

 

Sommaire :


 
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N.B.: Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.


Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊



En responsabilité civile, établir un lien de causalité entre la faute et le dommage est essentiel à la réparation de celui-ci.


La Cour, dans la détermination de ce lien procède au cas par cas depuis le 19ème siècle : elle va parfois prendre en considération plusieurs causes et parfois n’en retenir qu’une seule.


La deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a eu à se prononcer le 2 février 2017, sur la responsabilité d’une propriétaire ayant commis une faute majeure qui constitue un lien de causalité direct avec les dommages subis par la victime.

Une jeune fille est gravement blessée à l’occasion d’une fête d’anniversaire par une torche enflammée qui se trouvait dans le jardin où jouaient les invités à la fête. Elle avait été invitée par la mère de l’une de ses amies à organiser son anniversaire dans la propriété de celle-ci.


La fête a toutefois viré au drame. En effet, la jeune mineure et un de ses amis mineurs ont déterré deux flambeaux allumés pour mimer une scène de combat. Les flambeaux contenaient du whitespirit contrairement à ce que préconisait la notice d’utilisation.


Par leurs mouvements, ils ont projeté du white-spirit à proximité de la flamme et ses vapeurs se sont embrasées. Le corsage de la jeune fille a alors pris feu lui occasionnant de graves brûlures.


Son père tant en son nom personnel, qu’en qualité de représentant de sa fille mineure, demande réparation des préjudices subis en assignant la propriétaire des lieux est son assureur, la représentante légale de l’enfant ayant joué avec sa fille.


En première instance, la responsabilité avait été partagée entre la propriétaire et la mère du jeune. L’assureur de la propriétaire des lieux fait grief à l'arrêt de la cour d’appel qui l’a déclaré responsable des conséquences dommageables de l’accident et en les condamnant in solidum à payer diverses sommes.


La cour d’appel a retenu que les enfants mineurs ont certes détourné l’objet de son usage normal, mais que la propriétaire avait alimenté les torches avec white-spirit ce qui constitue un lien de causalité direct avec la survenance du dommage de la jeune fille. Alors que l’assureur estime que ne présente pas un lien de causalité direct avec le dommage une faute qui sans l’initiative dangereuse prise par la victime ne l’aurait pas provoquée.


Se pose alors la question de savoir si une mauvaise alimentation d’une torche constitue un lien de causalité direct avec le dommage subi par une victime ayant détourné l’usage de cet objet.


La Cour de cassation répond par la positive, puisque la propriétaire a commis une faute majeure en alimentant les torches de white-spirit ce qui les rendait plus dangereux, puisque la notice prévoyait une alimentation avec de l’huile de paraffine.


La Cour rappelle que le jeune a involontairement aspergé la victime et que s’il y avait eu une bonne alimentation, un tel accident ne se serait pas produit. Un lien de causalité est donc établi entre la faute de la propriétaire et les dommages subis, la cour rejette le pourvoi.


Étudions dans premier temps l’exigence d’un lien de causalité direct avec le dommage subi et la faute dans un I) et dans un second temps la caractérisation du lien de causalité à travers la faute majeure de la propriétaire, solution moins sévère que les précédentes mais critiquable II).


 
 

I - L’exigence d’un lien de causalité direct avec le dommage subi et la faute


Commençons d’abord par rappeler quelques solutions jurisprudentielles exigeant un lien de causalité direct avec le dommage subi et la faute ainsi que différentes théories de la causalité (A), pour déboucher sur la théorie appliquée par la Cour de Cassation à savoir théorie de la causalité adéquate, retenant la responsabilité de la propriétaire des lieux, malgré le détournement d’usage de l’objet (B).

A. Rappel des solutions jurisprudentielles et des théories de la causalité

Il est évident que l’auteur d’une faute n’a pas à supporter la réparation de tout dommage mais uniquement de ceux qui sont la conséquence de sa faute. C’est à cette condition qu’il peut être qualifié d’auteur du dommage. L’exigence de causalité se retrouve à l’article 1240 du code civil, anciennement 1382, qui vise le fait de l’homme « qui cause ».


La victime qui demande réparation devra prouver la faute du défendeur mais encore le lien de causalité unissant cette faute à son dommage. On ne peut être déclaré responsable que si ce fait est de façon certaine à l’origine direct du dommage, pour reprendre la terminologie d’un arrêt du 9 novembre 1999 (1re Civ. pourvoi n° 98-10.010).


La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 4 décembre 2001, rejette le pourvoi formé contre l'arrêt de la Cour d'appel de Limoges rendu le 11 juin 1998. Ainsi, si l'existence d'une faute de la banque est établie, celle-ci n'est pas retenue comme étant en relation directe avec le préjudice résultant du suicide d’une personne.


On exige un lien de causalité entre le fait générateur et le dommage pour engager la responsabilité délictuelle [Ndlr : voir un exemple de cas pratique corrigé en responsabilité civile]. Il n'y aurait pas de difficultés particulières si le dommage relevait toujours d'une cause isolée et facilement identifiable. Mais la réalité est souvent plus complexe.


La doctrine a donc proposé deux théories de lien de causalité, la théorie de l’équivalence des conditions et la théorie de la causalité adéquate . La première tend à dire que tous les éléments qui contribuent à un dommage sont considérés comme causes, la seconde tend à dire que tous les éléments contribuant à un dommage ne sont pas considérés comme la cause du dommage, c’est une conception plus étroite que la première qui reste générale.


Il est important de préciser que la théorie de la causalité adéquate, qui prescrit que tous les faits ayant participé à provoquer le dommage soient vus comme des causes juridiques, mais postule au contraire que seuls le sont ceux ayant joué un rôle majeur dans sa survenance, en sorte que seules les causes qui lui sont proches peuvent être considérées comme génératrices de responsabilité.


Ainsi, en 1989, elle avait reconnu l’auteur d’un accident de la circulation responsable de la contamination de la victime du VIH consécutive à la transfusion sanguine rendue nécessaire par l’accident. En l’espèce les juges se sont rapprochés de théorie de la causalité adéquate (B).


 
 

B. Application de la théorie de la causalité adéquate : responsabilité de la propriétaire malgré le détournement d’usage de l’objet

Il ressort des faits, que les deux mineurs ont déterré des tiges en flamme ayant une fonction d’éclairage, pour s’en servir à un jeu dangereux. Le fait de détourner les torches de leur usage normal constitue une dangerosité. Malgré ce comportement dangereux des enfants, le juge ne retient ici qu’une seule faute : celle du propriétaire.


Cette attitude est en contradiction avec la théorie de l’équivalence des conditions. D ‘après celle-ci, tous les faits qui à un titre quelconque ont contribué à la survenance du dommage doit être considéré comme en étant la cause. Si le dommage n’aurait pas eu lieu en l’absence d’un certain fait, le lien de causalité entre le dommage et le fait est établi. Ici, si les mineurs n’avaient pas décroché les tiges, la victime n’aurait pas subi de brûlures.


Le lien de causalité est donc d’après l’équivalence des conditions établies entre la faute de la victime et du tiers et le dommage. La Cour de Cassation fait pourtant abstraction de ce lien, en adoptant le raisonnement de la Cour d’appel, ne sanctionne pourtant pas le comportement dangereux des mineurs détournant ces tiges de leur usage normal. C’est pourtant bien ce comportement qui est la cause la plus directe du dommage. En effet, si le comportement fautif de la victime avait été reconnu, comme cause du dommage subi, celle-ci n’aurait été que partiellement indemnisée.


Il est courant de relever une certaine prédominance de la causalité adéquate mais la jurisprudence s’abstient d’employer cette terminologie. Lorsque la responsabilité est fondée sur la faute, c’est-à-dire lorsqu'un reproche peut être adressé au responsable, alors le juge porte une certaine sévérité à son égard, y compris lorsqu'il analyse la question de la causalité.


Une affaire de la deuxième chambre civile du 14 mai 1971 peut être citée à titre d'exemple, un automobiliste transportait plusieurs objets sur son toit, mais les avait mal attachés. Il effectua un dépassement, se rabattit, et des objets tombèrent alors du toit, à proximité d'un cheval qui paissait dans un herbage. Le cheval prit peur, brisa la clôture et se jeta sur une autre automobile, occasionnant des dégâts au véhicule et à ses occupants. Les victimes agissent sur le fondement de 1240. Les juges acceptent de retenir un lien de causalité entre le fait d'avoir mal attaché les objets sur le toit et la collision du cheval avec une autre automobile (n° 70-11365). S'il fallait rattacher cette solution à une théorie, ce serait sans doute à l'équivalence des conditions. La causalité adéquate aurait en effet conduit à considérer qu'une telle faute n'a pas habituellement une telle conséquence.


Une autre illustration jurisprudentielle peut être citée, retenant la théorie de la causalité adéquate, une banque avait frappé une femme d'une interdiction bancaire, dans des circonstances fautives. Le mari se suicida devant l'agence bancaire, avec dans la main une lettre imputant son geste à l'établissement de crédit. La banque n’a pas été considérée comme responsable sur le fondement de 1240, car le geste du client, « par son caractère irrémédiable et excessif, relevant du seul libre arbitre de son auteur, était sans aucune proportion avec la faute commise » (Cass. com., 4 déc. 2001, n° 99-17664). Il semble que la jurisprudence ait une faveur envers la théorie de la causalité adéquate.



II - Caractérisation du lien de causalité à travers la faute majeure de la propriétaire : solution moins sévère que les précédentes mais critiquable


Les juges ont caractérisé un lien de causalité en retenant une faute majeure de la propriétaire, qui est un mauvais entretien de l’objet (A) c’est une solution moins sévère que celles rendues antérieurement, tout de même critiquable (B).


 
 

A. Un mauvais entretien de l’objet caractérisant une faute majeure

En effet, d’après les juges de Cassation retenant les propos de la cour d’appel, le propriétaire a commis une faute « majeure » en alimentant la torche avec du White-spirit. Cette faute aurait pour conséquence de rendre les flambeaux plus dangereux, puisqu’ils n’ont pas été alimentés selon les instructions de la notice. Les juges ont pu estimer que la faute commise par la propriétaire présente un lien de causalité direct avec le dommage et en déduire que sa responsabilité doit être seule engagée.


La faute de la propriétaire met en jeu sa responsabilité civile quasi-délictuelle, elle se rapproche de la responsabilité civile délictuelle, la différence est que la faute à l’origine du dommage est involontaire, causée par la négligence ou l’imprudence. Les responsabilités civiles délictuelles et quasi-délictuelle des articles 1240 et 1241 du Code civil sont des responsabilités du fait personnel.


Pour s’exonérer de sa responsabilité civile délictuelle sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, l’auteur du dommage doit prouver l’existence d’un cas de force majeure. La force majeure en tant que cause d’exonération est un événement imprévisible et irrésistible. Il peut s’agir d’un événement mais aussi du fait d’un tiers. Le fait de la victime permet de s’exonérer totalement s’il présente les caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité de la force majeure. A défaut, il permet une exonération seulement partielle.


En l’espèce, la propriétaire a invoqué le fait de la victime et son ami ayant pris le risque de

« jouer » avec des torches destinées à éclairer, mais les juges n’ont pas retenu un tel raisonnement. En effet, la propriétaire a fait une grande preuve d’imprudence en ne respectant pas les consignes d’utilisation, les juges relèvent que le mauvais entretien entraîne son entière responsabilité, on peut donc en déduire que si elle aurait respecté les consignes d’utilisation, la solution aurait pu être différente « pareil accident ne se serait pas produit s’ils avaient été alimentés avec de l’huile de paraffine ». En considérant que la faute majeure de la propriétaire absorbe les autres fautes, cela constitue une décision qui est moins sévère comparée à des anciennes mais critiquable (B).


 
 

B. Solution moins sévère que les précédentes mais critiquable

Les juges en ne prenant pas en compte la prise de risque de la victime et de l’enfant tiers, font une appréciation plus souple et nouvelle, à la différence de l'affaire Derguini ou Lemaire ou l'arrêt du 28 février 1996, n° de pourvoi: 94-13084.


Si l'on reprend l'affaire Lemaire si la cour avait eu le même raisonnement qu'ici, la faute de l'électricien avait inversé les fils et n'avait procédé à aucune vérification d'usage, cela avait conduit à l'électrocution du gamin de 13 ans qui revissait une ampoule. Cette faute aurait pu aussi être qualifiée de "majeure" car sans cette inversion l'enfant ne serait pas décédé, puisque même s 'il n'avait pas coupé le compteur le seul risque qu'il aurait eu était de se brûler les doigts.


Or dans cette affaire la faute de l'enfant avait été retenue à hauteur de 50 %, avec l'arrêt de 2017 on est bien loin de la sévérité de l'époque. L’affaire Derguini concerne une petite fille de 5 ans qui a traversé la route sur un passage protégé et elle est morte ? La cour a partagé la responsabilité, l’enfant a contribué à 50 %.


Ces affaires posent d'ailleurs le problème de l'appréciation de la faute de la victime laquelle faute n'a pas de spécificité. Cet arrêt illustre la tendance de la jurisprudence à ne suivre aucune ligne directrice en matière de détermination du lien de causalité si ce n’est celle de l’indemnisation intégrale de la victime.


La solution est critiquable, puisque le fait de prendre un risque « utiliser les torches pour un jeux », n’a pas été pris en compte pour laisser une part d’exonération de la propriétaire. Elle doit supporter la faute de la victime, certes elle devait suivre les indications de la notice pour l’alimentation mais la victime n’aurait pas dû détourner de son usage normal la torche.


On peut aussi considérer que la propriétaire a commis une faute indiscutable, mais que la victime à « actionner » son préjudice. On attend alors une grande imprudence d’une partie, de la propriétaire, et non de la partie victime.


Ayse OZTURK


 
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