Voici un exemple de dissertation en droit administratif portant sur le rôle du juge administratif dans l'élaboration du droit administratif et sur son rôle de garant de l'Etat de droit. Cette copie a obtenu la note de 15,5/20.
Sommaire :
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N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.
Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊.
Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur.
Commentaire général de l'enseignant : Des connaissances indéniables et beaucoup de plaisir à vous lire. Soyez plus synthétique parfois... Sinon, félicitations pour cet écrit !
Sujet : La place du juge administratif dans la création du droit administratif
[Accroche] "Le droit administratif est un droit fondamentalement prétorien assis sur des décisions de justice" (René Chapus).
Alors que de nos jours le droit est essentiellement codifié (et surtout depuis le passage de l’empereur Napoléon Bonaparte et de soin tout premier Code civil de 1804), cette citation de René Chapus (juriste français) semble apparaître comme dérisoire et paradoxale, compte tenu de cette réalité normative. Effectivement, la Constitution du 4 octobre 1958 (norme suprême en droit français) effectue un partage des compétences clair et effectif, en reconnaissant plusieurs organes. Ainsi, l'article 24 de la Constitution (abrégée "C°") attribue au Parlement énoncé comme le regroupement des chambres de l'Assemblée nationale et du Sénat (« inutile ») le "vote de la loi" permettant ainsi de devenir le législateur et d'élaborer diverses normes législatives (voir le domaine de la loi de l'article 34 C°(par exemple).
Et pourtant, la pensée de René Chapus possède un lien étroit avec le sujet, dont il est question de traiter, à savoir "La place du juge administratif dans la création du droit administratif». D’une part, le sujet étant posé à l'affirmative, il semblerait que le juge administratif, notamment chargé de l'arbitrage du contentieux entre l'Etat (« les personnes publiques ») et les particuliers, aurait eu un grand rôle dans la construction du droit administratif, particulièrement singulier puisqu'il se distingue de l'ordre judiciaire, en ce qu'il s'applique uniquement à l'administration. D'autres parts, il n'est seulement fait mention de son rôle dans "la création" de ce droit particulier, ce qui serait extrêmement réducteur et limitatif d'aborder la place du magistrat administratif. Il serait d'autant plus intéressant d'aborder une plus grande perspective, une échelle temporelle plus large, pour pouvoir mieux comprendre quels sont les enjeux qui gravitent autour du juge administratif.
[Problématique] Dès lors, quels rôles "expérimentent" le juge administratif vis-à-vis du droit administratif ? « C'est bien, attention toutefois à ne pas dénaturer le sujet !... »
[Annonce de plan] Pour analyser les divers rôles qu'a pu expérimenter le juge administratif, il convient de mettre en perspective son rôle de premier plan dans l'élaboration du droit administratif (une vision originelle, I) pour finalement comprendre que le juge administratif est un véritable garant actuel de l'Etat de droit (II).
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I/ Un rôle de premier plan dans l'élaboration du droit administratif
[Chapô] La construction du droit administratif a traversé diverses phases. En effet, grâce au juge administratif, le droit administratif a pu se distinguer de son "acolyte", le droit privé (A) et se consacrer une véritable hiérarchie de normes, capable ainsi de structurer le droit administratif (B).
A) La création d'une summa divisio du droit: distinction primaire entre l'ordre
judiciaire et le droit administratif
Pour réellement comprendre comment a émergé le droit administratif, il est nécessaire de remontrer à la Révolution. En effet, il était question d'en finir avec l'ancienne conception des juges qui datait de l'Ancien Régime: ils étaient de réels parasites (« vous y allez un peu fort ! ») qui bloquaient l'action du roi, puisque les parlements (institutions judiciaires) possédaient un droit de remontrance, permettant de bloquer les réformes que voulait accomplir le roi.
Dès lors, c'est par la loi du 16-24 août 1790, et notamment en son article 13, qu'apparaît la division fondamentale du droit: le juge judiciaire ne peut plus intervenir dans les actions de l'administration. En écartant l'ordre judiciaire de sa faculté de pouvoir connaître des décisions de l'administration, celle-ci se retrouve dans un contre-pouvoir qui était pourtant essentiel contre l'absolutisme du roi. Par ailleurs, ce choix serait très contestable aujourd'hui, en vertu du principe de l'Etat de droit qui prime un respect absolu des droits et des libertés. « Bien »
Il était donc fait application de la théorie des "ministres-juges", dont ces personnalités pouvaient connaître du contentieux et décider des dispositifs à mettre en place dans un tel contentieux. Mais, par ces difficultés à administrer d'un point de vue interne, totalement dénué d'une perception autre que celle des ministres, il était essentiel de déléguer cette justice à un nouvel organe.
Est donc apparue, le 24 mai 1872, une loi portant création du Conseil d'Etat, aujourd'hui la juridiction suprême de l'ordre administratif. Cependant, bien que la justice ait été transférée à un organe extérieur, le Conseil d'Etat n'était pour le moins réellement libre, devant connaître de l'avis des ministres.
Finalement, c'est pas un arrêt Cadot (Conseil d'Etat (CE), Assemblée (Ass.), 13 décembre 1889) que la juridiction suprême s'octroie une compétence générale à connaître des contentieux (compétence de droit commun).
Si bien que la constitution d'un juge administratif a été proclamée par cet arrêt (et que la justice administrative s'est formée au fur et à mesure, avec la création de Tribunaux Administratifs (1923), de Cours d'appel administratives (1955) et du Tribunal des conflits (1872), il reste n"anmoins de rechercher des critères qualificatifs pour caractériser la délimitation du droit administratif.
Avec les arrêts Rothschild (TC, 6 décembre 1855) et Blanco (TC, 8 février 1873), Léon Duguit a pu dégager comme critère principal la gestion pour l'Etat d'un service public. (« Développez sur la décision !! ») En effet, si bien que la faute émanerait d'un agent au service de l'Etat (sauf dans des circonstances exceptionnelles, notamment la faute personnelle de l'arrêt Pelletier (« date ? »), l'Etat serait reconnu comme responsable et caractériserait la compétence du juge administratif. Gaston Jèze, par ailleurs, qualifiait le critère de service public comme "pierre angulaire" du droit administratif.
Toutefois, lors de la décision TC, 22 janvier 1921, Société commerciale de l'Ouest Africain, il a été caractérisé que le service public représentait un intérêt économique et social en l'espèce, il s'agissait d'un transport de véhicule du bac d'eloka qui avait chaviré (« inutile ») Par conséquent, le Tribunal des conflits a statué sur l'application du droit privé: le critère du service public n'est donc pas fonctionnel, puisque même une personne peut gérer un service public (CE, Ass, 13 mai 1938, Caisse Primaire Aide et Protection)
Mais, le juge administratif a su reconnaître un autre critère: celui de la puissance publique. Développé par Maurice Hauriou, il consiste en l'utilisation de moyens exorbitants (que ne possèdent les autres personnes juridiques de droit privé), des pouvoirs régaliens dans l'administration. En témoigne ainsi l'arrêt CE, 1961, Magnier, où un syndicat avait pu utiliser des moyens exorbitants pour mettre en place un paiement obligatoire des cotisations.
Dès lors, le juge administratif a participé à l'émergence du droit administratif, en proposant à la fois une distinction du droit privé et des critères de compétences (un mélange de service public et de moyens exorbitants). Mais, le juge administratif a également participé à la reconnaissance de normes constitutives du droit administratif.
B) La consécration d'une véritable hiérarchie des normes du droit administratif
Le juge administratif, grâce à son pouvoir souverain d'interprétation, a reconnu différentes normes de contrôle des actes administratifs, permettant ainsi de compléter cet ordre.
En effet, afin de pouvoir contrôler les actes administratifs litigieux (notamment les règlements, décrets, arrêtés et tant d'autres), celui-ci se base sur la hiérarchie des normes de Hans Kelsen. Aujourd'hui, grâce au juge administratif, cette hiérarchie s'est agrandie et renforcée à tous ses niveaux. Bien évidemment, cette construction a été progressive et à plusieurs échelons.
Avant tout, il est essentiel de parler du bloc de constitutionnalité, possédant une valeur juridique suprême en droit interne français. Si la Constitution du 4 octobre 1958 et son Préambule sont les deux grands actes majeurs, il n'empêche que ce même préambule "souligne l'attachement du peuple français à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen (DDHC) du 26 août 1789, au Préambule de la C° du 27 octobre 1946 et à la Charte de l'Environnement de 2004".
Ainsi, pour la DDHC, il est possible par exemple de citer l'arrêt CE, 1954, Barel qui, en reconnaissant une valeur constitutionnelle à cette norme, a permis de décliner le principe d'égalité (article 4 DDHC) et de reconnaître l'égalité d'accès à l'emploi. (« + PGD Bleton ?? ») De même, pour le Préambule de 1946, l'arrêt CE, 7 juillet 1950, Dehane qui reconnaît le droit de grève disposé à l'alinéa 7 afin d'annuler un acte administratif. Enfin, pour ce qui est de la Charte de l'environnement, entrée en vigueur le 1er mars 2005, il convient de noter que celle-ci n'a été applicable d'abord que pour ses dispositions précises (puisque certaines principes étaient assez vagues: voir le droit à un environnement sain de l'article 1er), en vertu de l'arrêt CE, 2006, Association des Eaux et Rivières de Bretagne. Puis, finalement, lors d'un arrêt CE, Ass, 2008, Commune d'Annecy, il a été reconnu que la Charte (dont l'idée émane originellement de Jacques Chirac) était entièrement applicable. « C'est bien, mais déduidez plus vite les conséquences sur le contrôle »
Les sources constitutionnelles ne sont pas les seules constitutives de la hiérarchie des normes: en plus des Objectifs à Valeur Constitutionnelle (une obligation de moyens et non de résultats, voir CE, Ass, 8 avril 2009, Hollande et Mathus), il existe également le bloc de conventionnalité, incluant les traités du droit international et communautaire. De même, y figurent les Principes Généraux du Droit Communautaire (la coutume internationale), où le Conseil d'Etat a pu leur reconnaître une valeur supra-législative (CE, 2001, Syndicat national de l'Industrie Pharmaceutique).
Enfin, il convient d'y mentionner les principes généraux du droit (PGD), possédant d'après René Chapus une valeur "supra-décrétale et infra-législative), qui sont des textes non-écrits découverts par le juge administratif (puisqu'ils sont considérés comme inhérents au système juridique). Toutefois, et c'est là que l'intervention du juge est notable, en ce qu'il peut refuser (CE, 6 juin 2014, FCPE) ou non (CE, Ass, 2006, Société KPMG) d'y consacrer un PGD comme norme de contrôle. Par conséquent, nous avons pu voir que le juge administratif était, en quelques sortes, un "jurislateur", en ce que c'est grâce à lui que le droit administratif s'est formé, par des critères notamment organique, matériel et finaliste.
Le droit administratif s'est formé également par la constitution d'une hiérarchie des normes, servant à l'activité quotidienne des juges.
Toutefois, il est essentiel de noter que si le juge a eu un rôle important dans la formation du droit administratif, il en possède un autre qui assure la fonctionnalité actuelle du droit administratif: celui de garant de l'Etat de droit. (« II »)
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II/ Un rôle de garant de l'Etat de droit
Comme nous avons déjà pu l'énoncer, l'Etat de droit est le fait de garantir des droits aux "gouvernés". Cette garantie de l'Etat de droit s'effectue par le respect du principe de légalité (A) et par son renforcement dans la protection des administrés (B). « Bien »
A) Une volonté de contrôler l'administration: le principe de légalité
Le principe de légalité est le fait de respecter, pour l'administration, les normes s'imposant à celle-ci. En effet, le droit administratif s'applique essentiellement aux actes administratifs: les règlements autonomes et d'exécution (bien que la distinction soit assez inexistante pour Louis Favoreu, qui explique que la plupart des règlements sont des règlements d'exécution (article 21 C°) et que les règlements autonomes sont "des sancturaires") sont concernés, mais également les arrêtés préfectoraux/ministériels, circulaires...
Par conséquent, le juge administratif établit des règles bien précises pour l'administration: par exemple, l'arrêt CE, Ass, 1961, Daunizeau pose l'obligation de prendre un règlement en exécution de la loi, sans distinction que celle-ci détermine les règles (art 34 alinéa 1 C°) ou les principes fondamentaux (alinéa 2). De même, par l'arrêt CE, 1962, Kervers Pascalis, les actes administratifs doivent être pris dans un délai raisonnable.
Mais, là où cela est le plus important, c'est que le Conseil d'Etat n'hésite pas à faire respecter les décisions du Conseil constitutionnel sur les actes administratifs, en vertu de l'article 62 alinéa 2 C° qui fait mention de "l'autorité de chose jugée" (voir l'arrêt CE, 1985, Société des établissements Outters où les juges du Palais Royal ont fait mention, dans le visa, de cet article). « Bien »
En référence du Conseil constitutionnel, le principe de légalité s'applique donc aux normes constitutionnelles: les Objectifs à Valeur Constitutionnelle par exemple (arrêt Hollande et Mathus qui pose le principe d'égalité des temps de parole des candidats politiques); ou même les Principes Particulièrement Nécessaires à notre Temps , listés de l'alinéa 3 à 13 du Préambule de 1946 (arrêt Dehaene reprenant le droit de grève). Egalement, les PGD dégagés par le juge représentent un moyen de contrôle de l'administration en annulant un arrêt préfectoral: en témoigne ainsi l'arrêt CE, 9 octobre 1962, Canal, où un arrêt a pu être annulé afin de faire application du PGD du respect des lois référendaires.
Par conséquent, le principe de légalité permet donc à l'administration de respecter les normes supérieures lorsqu'elle prend un acte administratif. Mais surtout, elle permet au juge de devenir un garant des droits et des libertés, et donc ainsi de faire respecter l'Etat de droit.
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B) Le renforcement de l'Etat de droit: une position de défenseur des administrés
Le juge administratif, en faisant respecter les normes supérieures aux actes administratifs, permet ainsi de rassurer les citoyens en protégeant les droits posés par les Constitutions et autres normes. Et parfois, il le fait bien en avance sur d'autres juridictions !
En témoigne plusieurs arrêts du Conseil d'Etat qui vient, par exemple, reconnaître comme Principe Fondamental Reconnu par les Lois de la République (PFRLR) la liberté d'association (CE, Ass, 1956, Amicales des Annamites de Paris) ou encore l'interdiction d'extrader une personne dans un intérêt politique (CE, Ass, 3 juillet 1996, Koné). Ce qui est intéressant dans l'arrêt Koné, c'est qu'ici le juge administratif a érigé ce PGD en PFRLR afin de pouvoir faire respecter ce principe, pour pourvoir annuler un décret faisant application d'une convention internationale.
Ces PFRLR, définis lors d'une décision Amnistie du 20 juillet 1988 du Conseil constitutionnel, établit 3 critères pour reconnaître un PFRLR:
– être issu d'un régime républicain entre 1875 et 1946
– faire l'objet d'un consensus
– avoir une nature législative et ne pas être contredit par une autre loi « Evitez les listes »
Dans une célèbre décision du 16 juillet 1971, Liberté d'association, les "Sages" avaient pu reconnaître comme PFRLR la liberté d'association. Mais, comme déjà énoncé, le juge administratif l'avait déjà reconnu dans l'arrêt Amical des Annamites de Paris.
Egalement, le juge administratif n'hésite pas à découvrir des PGD afin de protéger les administrés, et cela sur plusieurs thématiques: Sur les libertés: par exemple, l'arrêt CE, 1998, Syndicat des Médecins Libéraux, reconnaît la liberté de choisir son médecin (sur le fondement de l'article 4 de la DDHC), mais aussi sur l'égalité de l'article 6 de la DDHC avec l'arrêt du 13 décembre 1988 Bleton où il y avait eu une rupture de l'égalité des chances (favoritisme sur la nomination d'un inspecteur général des bibliothèques) Egalement, en ce qui concerne la relation entre l'administration et administrés, que ce soit avec l'arrêt du 19 février 1950, Dame Lamotte qui ouvre le Recours pour Excès de Pouvoir contre tout acte administratif, et CE, 1961, Damiani pour REP contre ordonnance « vous auriez dû abréger la partie sur les PGD et développer les ordonnances »
Enfin, il convient d'ajouter que le Conseil d'Etat occupe en rôle majeur dans la transmission d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC, article 61-1 C°) depuis le 1er mars 2010 au Conseil constitutionnel [Ndlr : voir une dissertation sur les fonctions du Conseil d'État] . En effet, depuis la QPC du 28 mai 2020 Force 5, les ordonnances ont désormais une valeur législative lorsqu'un projet de ratification a été déposé mais que le Parlement ne s'est pas prononcé. Ainsi, si bien que les ordonnances ont normalement valeur réglementaire, elles échappent depuis cette décision au Conseil d'Etat. Cependant, avec l'arrêt CE, 16 décembre 2020, Fédration CFDT des finances, celui-ci peut faire respecter les libertés des administrés en contrôlant les critères d'applicabilité, de nouveauté, de sériosité d'une demande de QPC, pour faire abroger une ordonnance qui entre dans les dispositions de l'article 61-1 C°. « Vous auriez pu ouvrir sur la décision Société Paris Clichy, 24 décembre 2019 »
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