Voici un exemple de dissertation en droit constitutionnel portant sur la présidentialisation de la Ve République. La dissertation aborde le rôle du Président de la République et ses caractéristiques sous la Ve République. Cette copie a obtenu la note de 16/20.
Sommaire :
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N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.
Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊
Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Les parties soulignées en orange correspondent aux éléments commentés par le correcteur.
💡 Nous avons aussi placé quelques annotations pour vous aider à visualiser la structure de la dissertation : accroche, problématique, annonce du plan.
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Sujet : La présidentialisation du régime de la Ve République
[Accroche] ✅ « Il est nécessaire que nos institutions démocratiques nouvelles compensent, par elles-mêmes, les effets de notre perpétuelle effervescence politique » Charles de Gaulle, discours de Bayeux, 16 juin 1946. C’est lors de ce discours que le général de Gaulle a exposé sa vision du rôle du Président de la République (OK, bien. Le lien est fait avec le sujet, mais une autre accroche aurait mieux collé au sujet. Celle-ci est trop « politique » à mon avis) : un chef d’État fort qui garantit l’unité de la Nation ✅. Influencée par la conception américaine d’une division stricte des pouvoirs qui caractérise le régime présidentiel, cette vision contraste avec la tradition parlementaire française, et notamment celle de Michel Debré, son futur premier ministre plutôt favorable à une monarchie parlementaire sur le modèle britannique [Ndlr : Voir une dissertation sur le régime présidentiel].
[Contextualisation historique et politique] La Vᵉ République est principalement liée à la vision qu’en avait le Général de Gaulle ✅. La place qu’il occupait au sein de la société française d’après-guerre et les stratégies juridiques qu’il a employées lui ont permis d’acquérir une grande légitimité pour imposer cette vision ✅. Un compromis va être trouvé : la Constitution instituant la Cinquième République établie le 4 octobre 1958 et ses révisions institutionnalisent une rationalisation des pouvoirs, instruments juridiques de discipline des rapports entre Gouvernement et Parlement. En outre, le général de Gaulle a su user de sa légitimité d’homme providentiel en tant que Président de la République, pour assoir l’influence de ce dernier.
Parmi les instruments de rationalisation, la question de confiance devient « l’arme du Gouvernement et de lui seul » (Michel Debré) sous la Cinquième ✅, alors que sous la IIIᵉ République la motion de censure était l’ « arme » des parlementaires. C’est pour répondre à l’instabilité gouvernementale qui découlait de l’utilisation de celle-ci que ce système de rationalisation avait été pensé. Alors que la Constitution de la IVᵉ République avait déjà limité la possibilité pour le Parlement de mettre en œuvre cette motion de censure, la Vᵉ République est allée plus loin dans ce rééquilibrage des pouvoirs : au fil des révisions constitutionnelles (24 au total) ✅, des dispositions ont permis de réduire les pouvoirs du Parlement au profit du Président de la République. Aussi, cette présidentialisation du régime parlementaire amènera Maurice Duverger à qualifier la Vᵉ République de régime « semi-présidentiel ».
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Cette centralisation des pouvoirs, au profit du Président de la République, a conduit à des situations controversées, notamment dans la doctrine constitutionnaliste. Il est apparu en effet que ce dernier avait la possibilité d’interpréter la lettre de la Constitution selon une lecture personnelle ✅. En outre, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, dont l’un des objectifs était de rééquilibrer cette puissance présidentielle, n’a finalement eu d’effet que sur des points mineurs. ✅
[Problématique] Aussi, en cherchant à rééquilibrer les pouvoirs du régime, le texte de la Constitution de la Vᵉ République n’a-t-il pas permis l’instauration d’un nouveau déséquilibre ? Très bien ça !
[Annonce de plan] Nous verrons à ce sujet que le Président de la Cinquième République dispose de pouvoirs qui en font un personnage prépondérant (I), et qu’en découle pour ce dernier un rôle important de législateur (II). ✅
I/ Le Président de la République : personnage central sous la Cinquième
[Chapô] L’Histoire de la Vᵉ République est liée à celle de son Président, qui occupe une place symbolique importante (A). Cette place centrale se retrouve dans le texte de la Constitution actuelle (B), offrant ainsi à ce personnage de l’État une haute légitimité symbolique et juridique.
A) La légitimité symbolique du Président de la République sous la Cinquième
C’est une logique bonapartiste qui a permis l’accès au pouvoir du concepteur et rédacteur de la Constitution de la Cinquième : Charles de Gaulle était décrit comme « le plus illustre des Français » par le Président René Coty, qui l’avait appelé pour régler la « question algérienne » le 29 mai 1958 après que sept gouvernements se soient succéder sans succès à ce sujet. C’est sous la menace d’une démission du Président que le général de Gaulle a finalement accédé à la fonction de Président de Conseil, ce qui posait déjà question en termes de légalité. L’approche plébiscitaire via le recours régulier au référendum a également instauré une nouveauté sous la Cinquième de Charles de Gaulle.
Cette légitimité d’ « homme providentiel » s’est accrue en 1962, après le référendum instituant l’élection au suffrage universel direct masculin du Président de la République (Charles de Gaulle a été le premier élu en décembre 1965). Encore aujourd’hui, l’élection présidentielle est celle qui mobilise le plus de participation citoyenne. Par son élection au suffrage universel direct, le Président de la République est devenu un représentant direct du peuple. Cependant, son mandat reste représentatif et non impératif : il n’a donc aucune obligation de respecter le programme sur lequel il a été élu. Malgré la controverse du procédé législatif utilisé, cette révision constitutionnelle a été adoptée en 1962, car il était difficile de remettre en question une décision prise par référendum, expression suprême de la souveraineté nationale : on a pu observer une primauté de la légitimité sur la légalité. ✅ [Ndlr : Voir une dissertation sur la souveraineté].
Cette primauté s’est traduite notamment dans le processus de rédaction et d’adoption de la Constitution de la Vᵉ République : alors que l’ancienne Constitution imposait le respect d’un délai de trois mois entre deux lectures parlementaires, le général de Gaulle a utilisé une résolution déjà votée en 1955 en considérant qu’elle représentait la première étape de son projet. Le titre de l’ouvrage de François Mitterrand, Le coup d’État permanent ✅, paru en 1964, traduit la controverse née de la pratique du pouvoir de Charles de Gaulle sous la Vᵉ République. C’est bien cette vision que l’on retrouve dans la Constitution actuelle, dont le Président de la République apparait comme le garant et qui confère à ce dernier des pouvoirs particuliers.
B/ La légitimité juridique du Président de la République sous la Cinquième
Au sein de la Constitution, le Président de la République occupe une place centrale. Les articles le concernant sont placés dès le Titre II et l’article 5 dispose que « le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’État ». ✅ Le Président de la République exerce également une influence importante sur le Conseil constitutionnel ✅, dont il nomme trois de ses membres parmi lesquels son Président, qui dispose d’une voix prépondérante. Le Président de la République apparait donc comme le garant de la Constitution, texte d’importance ultime se trouvant au sommet de la hiérarchie des normes établie par le juriste autrichien Hans Kelsen ✅. Le Président de la République est ainsi décrit comme la « clé de voute » du régime par Michel Debré le 27 août 1958 devant le Conseil d’État.
Le statut du Président de la République défini dans la Constitution fait de lui un personnage institutionnel fort et protégé. En effet, il dispose d’une immunité juridictionnelle et n’est pas responsable politiquement. La révision constitutionnelle de 2008 instaurant la procédure devant la Haute Cour (article 68) n’a pas rétabli la balance des pouvoirs, tant cette procédure semble exceptionnelle et symbolique (elle n’a d’ailleurs jamais été mise en œuvre à ce jour) ✅. Le Président de la République n’engage finalement sa responsabilité que lors de sa réélection. Ce dernier dispose aussi d’importants pouvoirs dispensés de contreseing qui sont énumérés à l’article 19 de la Constitution ✅. Parmi ceux-ci, l’article 16 donne provisoirement au Président de la République les pleins pouvoirs « lorsque les Institutions de la République, l’indépendance de la Nation et l’intégrité de son territoire sont menacées ». ✅ Durant cette période, le Président de la République, à la tête du pouvoir exécutif, peut prendre des actes de gouvernement insusceptibles de recours. L’exécutif intervenant à tous les niveaux de la procédure législative, le chef de l’État en est donc aussi au centre.
D’autre part, Charles de Gaulle a, selon sa propre lecture de l’article 5, invoqué l’article 11 de la Constitution pour enclencher des révisions constitutionnelles relevant plutôt de l’article 89 (par exemple en 1962 pour le référendum instaurant l’élection du Président de la République au suffrage universel direct). Le général de Gaulle engageait sa responsabilité pour chaque référendum : il a fini par démissionner suite à l’échec de celui de 1969 portant sur la réforme du Sénat ✅. Cet article a aussi été utilisé par le Président Chirac en 2004 concernant le Traité instituant une Constitution pour l’Europe, mais ce dernier n’a pas démissionné suite à la victoire du « non » au référendum ✅. On voit ici l’importance de la vision du Président de la République de son rôle, dans la conduite de la procédure législative.
II/ Un Président de la République législateur sous la Cinquième
[Chapô] La Constitution de la Vᵉ République permet au chef de l’État, en devenant aussi chef de l’exécutif, d’exercer une influence sur le pouvoir législatif (A). Ces dispositions amènent à une centralisation du pouvoir législatif sur le Président de la République (B).
A) Le Président de la République, chef de l’exécutif sous la Cinquième
Sous la Vᵉ République, le pouvoir exécutif est réellement exercé par le Président de la République et non le chef du gouvernement : ce pouvoir est bicéphale mais inégalitaire. En effet, le Président de la République nomme le Premier ministre et le Gouvernement (article 8 de la Constitution) ✅ et préside le Conseil des ministres (article 9) ✅. Selon la coutume, le Président de la République nomme un Premier ministre issu de la majorité élue lors des élections législatives ✅, mais cette condition ne figure pas dans les dispositions constitutionnelles : ici encore, il s’agit d’une interprétation de la lettre de la Constitution.
D’autre part, l’obligation de ratification des ordonnances et décrets ministériels par le Président de la République (article 13) le place en position de supériorité et lui permet de « bloquer » certains textes, comme cela a notamment eu lieu lors de la période de cohabitation entre François Mitterrand et Jacques Chirac entre 1986 et 1988, menant ainsi à la démission de ce dernier ✅. On voit ici que la cohabitation permet de tempérer les pouvoirs présidentiels, mais que les instruments juridiques dont dispose le Président de la République lui offrent la possibilité de contourner cet obstacle.
En outre, le Président de la République ne peut aucunement être renversé, c’est le gouvernement qui engage sa responsabilité devant lui et devant le Parlement ✅ : cela caractérise le dualisme du régime parlementaire de la Cinquième. Ainsi, le Président de la République est à la tête du pouvoir exécutif, qui lui-même contrôle la procédure législative par le biais de la maîtrise de l’ordre du jour du Parlement par exemple ou encore de l’utilisation de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution (comme cela a été le cas dans le cadre de la dernière réforme du régime des retraites du Gouvernement Philippe, l’objectif étant de faire face à l’obstruction parlementaire). Finalement, la plupart des textes adoptés aujourd’hui émane du chef de l’État et de sa majorité et le Premier ministre et son Gouvernement agissent alors comme des « boucliers de l’édifice institutionnel » : le pouvoir législatif est centré sur le Président de la République.
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B) Un pouvoir législatif centralisé sur le Président de la République sous la Cinquième
Les périodes où s’est produit le phénomène de fait majoritaire (comme c’est le cas aujourd’hui) ont donné au chef de l’État un rôle de chef de la majorité, et donc un pouvoir législatif prépondérant ✅. Celui-ci est apparu suite à la révision constitutionnelle en 2000 instaurant le quinquennat présidentiel à la place du septennat qui existait depuis une loi constitutionnelle de 1873. Cette révision, souhaitée par le Président Chirac, est intervenue dans le cadre de la troisième cohabitation de la Vᵉ République avec Lionel Jospin. La nomination de ce dernier en tant que Premier Ministre faisait suite à la dissolution de l’Assemblée Nationale par Jacques Chirac, opérée dans l’espoir d’une majorité plus favorable mais la stratégie visant à lui permettre de gouverner plus aisément avait échoué. Cette stratégie avait également été utilisée par son prédécesseur François Mitterrand après ses propres élections de 1981 et 1988 ✅, la dissolution par le Président de la République n’étant soumise qu’à un avis consultatif du Gouvernement (article 12 alinéa 1).
La durée du mandat présidentiel est aujourd’hui alignée sur celle du mandat de député, et les élections législatives ont lieu deux mois après la présidentielle (avril et juin 2022 pour les prochaines) : l’ordre chronologique de ces élections montre bien que c’est l’élection présidentielle qui influence la suite. Le projet de révision constitutionnelle de François Hollande visant à supprimer la fonction de Premier ministre, au profit du Président de la République, témoignait de cette volonté de centralisation des pouvoirs que décrivait déjà Charles de Gaulle dans son discours d’Épinal le 29 septembre 1946, où il aspirait à un gouvernement « rassemblé autour d’un chef et sous sa direction ». Le projet actuel de révision constitutionnelle du Président Emmanuel Macron visant à réduire le nombre de députés de l’Assemblée Nationale et leur temps de délibération traduit encore aujourd’hui cette volonté de centralisation des pouvoirs. On peut se demander si l’utilisation de l’article 11 sera invoquée dans ce cadre, en méconnaissance du pouvoir législatif du Parlement ✅.
Alors que la rationalisation devait tempérer les pouvoirs sous la Cinquième, on peut s’interroger sur le nouvel équilibre d’une balance qui pencherait aujourd’hui vers un régime présidentialiste, avec un pouvoir législatif centré sur le Président de République placé au sommet des institutions étatiques. La pratique démocratisée de la légifération par ordonnances du Gouvernement (notamment depuis la crise sanitaire), rendue possible par la loi du 3 avril 1965, ne laisse pas présager un revirement inverse.
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