Voici un exemple de commentaire d'arrêt corrigé en droit administratif sur la police administrative. L'arrêt, rendu par la Cour administrative d'appel de Marseille (CAA 5e ch., 30 nov. 2020), porte plus précisément sur la proportionnalité des mesures de police et notamment les mesures de police spéciale. La copie a obtenu la note de 17,5/20.
Sommaire
N.B. : Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.
Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊.
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Sujet : CAA Marseille 5e ch., 30 nov. 2020
[Accroche] Dans ses conclusions relatives à l’arrêt Baldy rendu par le Conseil d’État en 1917, le commissaire du gouvernement Corneil affirmait que la liberté était la règle et la restriction de police, l’exception. (« Bien cette accroche. ») Cela amène à la nécessité de préserver l’ordre public sans méconnaître les droits et libertés, et il revient en principe à la loi, compétente en matière de libertés publiques, de procéder à cette conciliation lorsque sont mises en cause de telles libertés. (« Tout au moins de fixer les garanties en matière de libertés publiques comme en dispose l'article 34 de la Constitution. ») Tel est l’objet de l’arrêt « Préfet de Haute-Corse c/ Commune de Bastia », rendu le 30 novembre 2020 par la Cour administrative d’appel de Marseille.
[Faits qualifiés juridiquement] En l’espèce, une autorité de police a, par un acte administratif pris le 28 février 2018, interdit les spectacles de cirques d’animaux sauvages et/ou domestiques, estimant qu’il y avait un risque d’atteinte à l’ordre public réel et à la moralité publique du fait du risque de maltraitance animale dans le territoire de sa collectivité publique.
[Procédure] Une autorité de police hiérarchiquement supérieure a formé un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Bastia, demandant l’annulation de cet acte administratif [Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur le recours pour excès de pouvoir]. Ce dernier a fait droit à sa demande en annulant l’acte par un jugement du 8 décembre 2018. L’autorité de police dont l’acte a été annulé a interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Marseille. Elle lui demande d’annuler le jugement ayant conclu à l’annulation de l’acte contesté. « Faits et procédure : très clairs. »
[Problème de droit] Ainsi, la question à laquelle le juge doit répondre est de savoir si l’acte administratif interdisant les spectacles de cirques d’animaux sauvages et/ou domestiques est légal. « Oui, effectivement. »
[Solution] Tout d’abord, le juge s’intéresse à la question de savoir si la mesure contestée est proportionnée à l’objectif poursuivi. (« OK ») Il conclut à l’absence de proportionnalité. Il s’intéresse ensuite à l’existence d’une police administrative spéciale empêchant le recours à des pouvoirs de police générale. Il en conclut à l’incompétence de l’autorité de police générale pour prendre sa mesure. « Oui. Donnez plus directement sa réponse. Vous avez dessiné les deux axes du plan. Et quid de la problématique ? Vous avez bien posé le problème de droit au-dessus, mais il aurait été utile d'établir la problématique qui se posait et à laquelle allait répondre le plan que vous avez formulé. Les deux axes de raisonnement aurait pu/dû être ceux que vous énoncez ci-dessus --> l'absence de proportionnalité (et conserver dans vos sous-parties ces idées de contrôle "expéditif" bien que la formule pourrait vous être reproché. Il faut faire attention) / --> l'incompétence de la police administrative générale. »
[Annonce de plan] Ainsi, il convient de s’intéresser au contrôle rapide de la proportionnalité de la mesure (I), avant de s’intéresser à l’application stricte des mesures de police spéciale (II). « Vous voyez, cette annonce ne répond à aucune question. Or, une annonce de plan répond, en principe, à une problématique »
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I/ Un contrôle rapide de la proportionnalité de la mesure
« L'idée de contrôle rapide n'est pas très parlante. »
Afin de mettre en évidence ce contrôle rapide de proportionnalité, il convient de s’intéresser au contrôle très subjectif (« Qu'il soit subjectif ne suppose en rien qu'il soit rapide. Quel lien ? Il faut relever que vous avez fait un effort pour qualifier le raisonnement du juge, mais votre parti pris pourrait être mal vu "un contrôle rapide" semble péjoratif (quoiqu'il puisse s'agir d'un point de vue tout à fait honorable) / de même que "subjectif". Aussi, le juge du fond n'a-t-il pas justement à être "subjectif" lorsqu'il tranche ? Sans remettre en cause son impartialité, évidemment. Cette position est difficile à suivre / défendre. Il faut prendre un peu de recul lorsqu'il s'agit de commenter. Vous devez critiquer par rapport à vos connaissances. Être "subjectif" mais juridiquement. Quel est votre "critère de référence" pour conclure à un contrôle non seulement "subjectif" mais en plus "très" ? ») de la justification de la mesure (A) (« Ok, pourquoi pas »), avant de caractériser le contrôle expéditif de la nécessité de l’acte (B). « N'est-ce pas la même idée que le titre du I ? »
A) Un contrôle très subjectif de la justification de la mesure
Après avoir énoncé les pouvoirs de police de l’autorité de police interjetant appel, le juge énonce que les mesures d’interdiction possibles doivent être « proportionnées à l’objectif poursuivi ».
En évoquant la proportionnalité, il entend ici la proportionnalité au sens large, c’est-à-dire l’impératif de conciliation entre la préservation de l’ordre public et le maintien des droits et libertés reconnus. (« OK, de quoi le déduisez-vous ? Soyez plus précis. Il y a le contrôle de proportionnalité entier que vous évoquez, en effet, mais donnez des éléments de la décision qui vont de le sens de votre affirmation. ») Le contrôle de cette proportionnalité a été initié par la Cour administrative de Prusse dans un arrêt « Kreuzberg » rendu en 1882, mais surtout par une décision dite des « Pharmacies » rendue par la Cour constitutionnelle allemande en 1958. Le contrôle de proportionnalité dit « à l’allemande » fonctionne ainsi sur un triple test de proportionnalité effectué dans l’ordre suivant : la mesure doit être adaptée (permettre de réaliser l’objectif poursuivi), nécessaire (aucune autre mesure moins contraignante ne permet de réaliser cet objectif) et proportionnée (la mesure ne doit pas être hors de proportion avec l’objectif poursuivi : balance des avantages et des inconvénients). « OK mais vous ne faites que réciter le cours. Commentez la décision à partir de vos connaissances. Ne remplissez pas votre plan seulement de connaissances, exploitez-les pour analyser le raisonnement du juge. »
Le juge administratif français commence à effectuer des contrôles de proportionnalité des mesures de police depuis l’arrêt Benjamin rendu par le Conseil d’État en 1933, [Ndlr : voir une dissertation sur les fonctions du Conseil d'État] mais sans procéder à un tel triple test. Il se réfère à ce tryptique dit « allemand » depuis l’arrêt « Association pour la promotion de l’image » rendu en 2011, mais sans procéder strictement à la même méthode. « Même remarque que la précédente ».
En effet, il commence d’abord par vérifier que la mesure contestée est justifiée par un trouble à l’ordre public (c’est-à-dire l’atteinte à la sécurité, tranquillité et salubrité publiques, ainsi qu’à la moralité publique et dignité de la personne humaine depuis les arrêts « Société les films Lutetia » et « Morsang-sur-Orge » rendus par le Conseil d’État respectivement en 1959 et 1995). Une mesure de police non-fondée sur un trouble à l’ordre public serait ainsi considérée comme illégale. « Même remarque que la précédente. Utilisez-les pour commenter la décision. »
En l’espèce, après avoir rappelé qu’il y avait eu des contestations nationales et des courriers adressés à l’autorité de police hostiles à ces spectacles, le juge énonce toutefois qu’il n’y avait pas de risques de débordements à l’entrée des cirques (donc pas d’atteinte à la tranquillité publique). Il énonce également qu’il n’y aurait pas non plus eu d’entrave à la circulation (donc pas d’atteinte à la sécurité publique). Il en conclue donc, sans le dire explicitement, que la mesure n’est pas justifiée. « OK bien "sans le dire explicitement" cette idée est intéressante et aurait peut-être été plus prudente à mettre en évidence qu'un contrôle "subjectif" que vous n'établissez pas ici. »
Le juge ne justifie cependant pas assez pourquoi (« Formulation à revoir. Je comprends l'idée mais cela ne signifie pas nécessairement que c'est subjectif. Et qui dit qu'il ne justifie « pas assez ». Par rapport à quoi ? Quelle référence ? ») il n’y aurait pas eu de débordement ni d’entrave à la circulation : il semble l’estimer simplement. Cela caractérise ici la subjectivité (« J'ai du mal à voir en quoi ? OK peut-être, pourquoi pas. Disons que vous appuyez vos propos et que c'est ce qui est attendu dans un commentaire mais attention aux partis pris. ») dans l’appréciation du juge de cet élément, subjectivité persistante selon la doctrine dans l’appréciation des éléments de proportionnalité ». En effet, dans l’arrêt rendu en référé par le Conseil d’État en 2014 dit « Société des productions de La Plume », le juge avait là estimé qu’il y avait un risque de trouble à l’ordre public, alors que le requérant s’était engagé à ne pas reprendre de propos litigieux, et que rien n’attestait matériellement qu’il allait le faire. « OK donc, par rapport à la décision que vous commentez ? Vous avez mis les deux en perspective ce qui est bien, mais tirez-en quelque chose. »
Ainsi, le contrôle de la justification de la mesure paraît très subjectif, fondé sur une hypothèse, sans davantage de justifications. Le juge contrôle également la nécessité de la mesure, en faisant l’hypothèse qu’elle serait justifiée, mais le fait de manière expéditive.
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B) Un contrôle expéditif de la nécessité de l'acte
S’agissant des potentiels débordements et de la potentielle entrave à la circulation, le juge énonce que de tels risques auraient pu être évités par d’autres mesures. « Ceci est intéressant. »
Ici, le juge applique le contrôle de la nécessité, consistant en ce que seule la mesure prise est possible pour éviter le trouble à l’ordre public. Cependant ici, il ne justifie pas davantage pourquoi la mesure n’est pas nécessaire (« OK donc est-ce subjectif ? »), alors que dans d’autres affaires, il compare les mesures contestées avec d’autres mesures possibles. (« Cette idée est très intéressante mais il aurait fallu citer les affaires. ») Il semble ici se référer à l’hypothèse de l’arrêt Benjamin, dans lequel le juge avait annulé une interdiction d’une conférence suscitant des hostilités, estimant qu’une présence renforcée de forces de police est suffisante. Dans le cas d’espèce, la présence de forces policières serait tout à fait envisageable pour protéger la circulation et l’entrée des spectacles, mais le juge ne met pas cette hypothèse en évidence, (« S'il ne la met pas en évidence, ne peut-on pas se demander pour quelle raison ? Il faut questionner le positionnement du juge avant de proposer des solutions qu'il n'a pas envisagé. ») ce qui donne un aspect expéditif à son contrôle, du fait de la simple énonciation de l’absence de nécessité. « OK vous justifiez votre approche, c'est bien ! »
On peut noter que le juge ne contrôle pas l’adaptation ni la proportionnalité de la mesure, mais cela paraît logique, car il conclue au fait que la mesure n’est pas justifiée, ni nécessaire quand bien même elle serait justifiée. « La phrase n'est pas très claire, il est difficile de suivre votre raisonnement ici. »
Ainsi, le juge, par un contrôle rapide teinté de subjectivité, conclue à l’absence de proportion de la mesure. Il s’intéresse cependant aussi à la possibilité pour l’autorité de police visée de prendre sa mesure, en la qualifiant d’autorité de police générale et en regardant s’il existe une police spéciale relative à l’espèce, montrant qu’il y en a une.
II/ L’application stricte des mesures de police spéciale
« Intéressant. »
Pour montrer que le juge applique strictement des mesures de police spéciale, il convient de s’intéresser à la caractérisation logique (« Cette idée de logique se tient, mais vous pourriez êtes plus explicite quant à ce qui est logique finalement ? ») de la présence de mesures de police spéciale (A), avant de mettre en évidence un contrôle distancié de l’absence de circonstances locales particulières justifiant la mesure (B).
A) La caractérisation logique de la présence de mesures de police spéciale
« On voit que vous commentez, mais le choix des termes ne laisse pas explicitement comprendre en quoi le choix est "logique". »
Dans le deuxième considérant de l’arrêt, le juge énonçait les pouvoirs de police de l’autorité de police requérante. Dans le cinquième considérant, il parle de « pouvoirs de police générale », ce qui est assez logique, car d’après les dispositions de l’article L2212-2 du Code général des collectivités territoriales, il est compétent pour prendre toute mesure relative à l’ordre public sur le territoire de sa collectivité. « Oui »
Dans ce même considérant, (« Paragraphe serait plus adapté [ils n'utilisent plus le terme "considérant"] ») le juge énonce les différentes dispositions législatives et règlementaires relatives au bien-être animal et à la présentation au public des animaux. D’après celles-ci, le titulaire de l’autorité de police supérieure au requérant est investi de la compétence de délivrer les autorisations relatives aux activités incluant les animaux, dont les spectacles de cirques en l’occurrence.
Le juge en conclue qu’il s’agit d’une mesure de police spéciale, et à raison (« OK bien ! ») car : celle-ci est instituée par la loi (seule la loi peut instituer des polices spécifiques, car elle est compétence en matière de libertés en vertu de l’article 34 de la Constitution), elle concerne un ordre public particulier (le bien-être animal), et soumet les activités concernées à un régime d’autorisation, ce qui ne peut pas faire une autorité de police générale d’après l’arrêt Daudignac rendu par le Conseil d’État en 1951. « Ici, bien vous utilisez vos connaissances pour raisonner et analyser ce que le juge a décidé. »
Ainsi, le juge conclut logiquement à l’existence d’une police spéciale concernant les faits de l’espèce. Celle-ci déroge aux pouvoirs de police générale, et le juge montre que l’autorité de police générale n’était pas fondée à prendre sa mesure (B).
B) L'absence de circonstances locales particulières justifiantla mesure
« OK bien. »
Le juge énonce que l’autorité de police générale ne saurait contrevenir aux mesures de police spéciale, ici la compétence de l’autorité de police supérieure en matière de spectacles de cirques. Il invoque le fait que l’autorité de police générale ne peut se prévaloir de trouble à la moralité publique en l’absence de circonstances locales particulières.
En effet, depuis l’arrêt « Société les films Lutetia » rendu par le Conseil d’État en 1959, l’autorité de police générale peut aggraver la mesure de police spéciale prise par l’autorité supérieure, au regard de circonstances locales particulières. « Bien de faire le lien ! »
Or ici, il ne trouve pas de circonstances locales particulières justifiant la mesure. Il applique très strictement la police spéciale, sans justifier davantage, étant donné la présence de police spéciale présumant l’incompétence de la police générale. « OK mais que voulez-vous apporter ici ? Ce IIB fait plutôt office de IA. Il faut revoir la construction du devoir. Vous n'établissez pas ce qu'a apporté le juge ici. »
Cela s’inscrit dans un contexte politique de préférence de police spéciale nationale. « Contexte politique ? N'est-ce pas tout simplement l'application du principe le spécial déroge au général ? »
Emmanuel Schwartz
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