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[COMMENTAIRE] CE, 12/4/2013, Fédération FO (Droit de grève)

Voici un exemple de commentaire d’arrêt du Conseil d'État en droit administratif sur le droit de grève et le principe de continuité du service public. Il a été réalisé par Sarah Blondel, étudiante de Master 1 de l’Université de Dijon. Cette copie a obtenu la note de 17/20.

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Sommaire :


I/ Une autorité compétente en charge d’un service public : une personne privée ?

A) La fourniture d’électricité : une mission d’intérêt général gérée par un service public

B) L’existence d’une société en charge d’un service public

II/ La justification par le principe de continuité du service public

A) La limitation du droit de grève pour assurer la continuité du service…

B) …protégé par le contrôle du juge

 

N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.


Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊


 

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Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur. Et avons mis entre [crochets] des annotations pour vous aider à comprendre la stucture du commentaire d'arrêt 😘.


Commentaire général de l'enseignant : "Vous avez compris le raisonnement du juge. Attention à l’organisation de vos idées dans vos sous-parties (cf. II/ B.). Manque quelques explications mais dans l’ensemble très bien."


[Accroche] Léon Duguit a dit : « la grève est une violation parfaitement caractérisée du service, c'est la plus grave des fautes disciplinaires, c'est même un crime ». Cette position par rapport à la grève dans les services publics a été confirmée dans un arrêt de 1909 du Conseil d'État, « Winckel », dans lequel les juges disaient que le droit de grève dans les services publics n'existait pas. Cette conception n'est aujourd'hui plus possible depuis le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 énonçant dans son alinéa 7 que : « le droit de grève s'exerce dans le cadre des lois qui le réglemente ». Il n’y a pas de distinctions entre les agents des services publics et les autres agents des secteurs privés.


[Définition] Le service n'est défini dans aucun texte, mais les nombreuses décisions juridictionnelles et les textes qui en font références donnent un aperçu du contour de cette notion. D'après Gérard Cornu, le service public « désigne usuellement aussi bien une activité destinée à satisfaire un besoin d'intérêt général que l'organisme administratif chargé de la gestion d'une-t-elle activité ». Le service public repose sur l'idée de l'intérêt général. D’une façon générale, li est possible de considérer qu'est d'intérêt général ce à quoi les pouvoirs publics décident de s'intéresser. Le régime des services publics repose sur les « lois de Roland » qui posent les grands principes du service public [Ndlr : voir un commentaire d'arrêt sur les critères d'identification du service public]. Il y a le principe d'égalité, de mutabilité, et de continuité. Ce dernier considère que ce qui est jugé d'intérêt vital, et donc les services public, ne doivent subir aucune interruption. Ce principe peut amener à limiter certains droits, comme le droit de grève. Il est intéressant de s'interroger dans quelle mesure est-il possible de limiter le droit de grève au nom du principe de continuité.


[Présentation de l’arrêt] Ce problème a été traité dans l'arrêt d'assemblée du Conseil d'État du 12 avril 2013, « Fédération force ouvrière (FO) Énergie ».

[Faits et procédure] Dans cette espèce, la Fédération force ouvrière Énergie et Mines demande au Conseil d'État d'annuler la décision du 15 juin 2009 par laquelle le directeur général de la société Électricité de France (EDF) a décidé la réquisition de salariés. D'autre part, l'annulation de la décision du même jour du directeur « optimisation amont aval et trading» d'EDF a demandé la disponibilité plus tôt à la sollicitation du réseau électrique de certaines tranches nucléaires.


[Problématique] Quelles sont les conditions et justifications de limitation du droit de grève ?

[Annonce de plan] Seule une activité en charge d'un service public peut limiter le droit de grève (I). Le principe de continuité est un des piliers des services publics, il suppose de limiter certains droits. Cette limitation reste contrôlée par le juge (II).

 

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I/ Une autorité compétente d’un service public : une personne privée ?


[Chapô] Il n'y a de service public que s'il y a intérêt général. Chaque service public répond à une mission d'intérêt général (A). Au fil du temps, la jurisprudence a précisé les contours de cette notion de service public en reconnaissant l'existence de sociétés privées en charge d'un service public (B).

A) La fourniture d’électricité : une mission d'intérêt général gérée par un service public


« Il appartient à l'autorité administrative responsable du bon fonctionnement d'un service public de fixer elle-même, [...] la nature de l'étendue de ces limitations pour les services dont l'organisation lui incombe ». Le Conseil d'État exprime très clairement que seule une activité en charge d'un service public peut venir apposer des limitations au droit de grève. Il convient de revenir sur la notion de service public.


Le service public ne saurait exister sans un besoin d'intérêt général. D'une façon générale, est d'intérêt général ce à quoi les pouvoirs publics décident de s'intéresser. Le Conseil d’État a une tendance à avoir une vision large de ce qui peut être considéré comme un intérêt général. Exemple : un arrêt du Conseil d'État de 2012, « Groupe Partouche », un casino s'est vu reconnaître d'intérêt général pour les missions accessoires dont lui avait chargé la commune.

Dans son considérant 7, le Conseil d'État énonce que « la société Électricité de France, qui en l'état actuel du système de production électrique exploite la totalité de ces centres, est chargée à ce titre, d'une mission d'intérêt général répondant au besoin essentiel du pays ». Il est reconnu clairement que la fourniture d'électricité est une mission d'intérêt général.

Les dispositions législatives, sur lesquelles se fonde le Conseil d'État, viennent expressément dire que l'électricité est un service public dans l'article I° de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Le parc nucléaire concerné par les décisions qui font griefs, contribuait à près de 80 % à la production de l'électricité en France, de sorte que cette contribution était « indispensable ». Il y a un besoin pour les Français de recevoir de l'électricité et donc une mission d'intérêt général.

[Transition] Le service public est une mission d'intérêt général. La société EDF est donc en charge de cette activité. Il convient de revenir sur la reconnaissance d'une entreprise privée en charge d'un service public

 

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B) L’existence d’une société en charge d’un service public


Depuis l'arrêt du Conseil d'État « Caisse primaire : aide et protection » de 1938, le juge reconnaît qu'un organisme privé peut être à la tête d'un service public.

La société EDF est donc en charge d'un service public. La législation reconnaissant expressément le fait que la fourniture d’électricité est une mission de service public, les juges ne semblent pas revenir sur les critères ("Lesquels ?") dégagés par les arrêts du Conseil d'État, « Narcy » et « APREI », de 1963 et de 2007. Ces deux arrêts énoncent les cas où une personne privée peut être reconnus en charge d'une activité de service public [Ndlr : voir une dissertatin sur la pertinence de la distinction entre SPA et SPIC].

Toutefois, le Conseil d'État mentionne le fait que « L'État détient plus de 70 % du capital de cette société dont le président du conseil d'administration et le directeur général sont nommés par décret en Conseil des ministres » (Phrase à reformuler). Par ces deux aspects les juges viennent sous-entendre qu'il y a un certain contrôle de l'État sur la société EDF.

EDF avait avant le statut d'un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Ce sont des établissements publics gérant, dans des conditions comparables à celles des entreprises privées, des activités de nature industrielle et commerciale. Les établissements publics sont des personnes de droit public. Bien qu'EDF soit à présent une société anonyme, le fait qu'elle fût un EPIC renforce son lien étroit avec l'État.

À la fin de son considérant 7, le juge énonce clairement que « la société EDF est responsable d'un service public en ce qu'elle exploite les centres nucléaires de production d'électricité ».

EDF doit donc organiser ce service public : les dirigeants d'un organisme de droit privé responsable d'un service public prennent les dispositions nécessaires pour assurer le bon fonctionnement d'un service public. Cet aspect-là ne fait que confirmer une solution déjà évoquée dans l'arrêt du Tribunal des conflits de 1968, « Époux Barbier ».

Par cette démonstration, le juge confirme son argumentation du considérant 4 : « dans les cas [...] d'un organisme de droit privé responsable d'un service public, seuls leurs organes dirigeants, agissant en vertu des pouvoirs généraux d'organisation des services placés sous leur autorité, sont, sauf disposition contraires, compétent pour déterminer les limitations à l'exercice du droit de grève ». C'est la reconnaissance du pouvoir d'un organisme privé gérant un service public de limiter le droit de grève.


Il est possible de limiter le droit de grève à condition d'être en charge du bon fonctionnement d'un service public. La limitation du droit de grève se justifie par le principe de continuité du service public.

 

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II/ La justification par le principe de continuité du service public


[Chapô] Le principe de continuité du service public, dégagé par les « lois de Roland » rend possible la limitation du droit grève pour justement assurer la continuité du service public (A). Cette limitation reste encadrée par le contrôle du juge (B).

"Titres à revoir (A et B)."

A) La limitation du droit de grève pour assurer la continuité du service…


Principe de continuité du service public : c'est l'idée que le service public est jugé vital pour les administrés, de sorte qu'ils sont en droit d'obtenir en toutes circonstances, les prestations nécessaires du service public. Le Conseil constitutionnel a reconnu le principe de continuité du service public comme un principe à valeur constitutionnelle dans une décision de 1979. Le droit de grève est reconnu par la Constitution (dans le préambule de la Constitution de 1946). Droit de grève et continuité du service public ont tous deux une valeur constitutionnelle. Le principe de continuité, pourtant, va servir de justification pour limiter le droit de grève.

Ce principe de limitation du droit de grève est reconnu par le Conseil d'État dans son arrêt « Dehaene » de 1950. Il n'est pas illégal pour les autorités administratives de réglementer le droit de grève des agents. L'arrêt de 2013 « Fédération FO Énergie » vient étendre cette possibilité à une personne privée chargé d'une activité de service public.

Les dirigeants de la société EDF étaient compétents pour limiter le droit de grève des agents car li était dans un « cas d'atteinte grave et immédiate à la sécurité et à la sûreté des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ».

À noter que les décisions qui font griefs sont de natures réglementaires (là encore une application de l'arrêt « Époux Barbier » de 1968 du Conseil d'État ("à expliquer")). Dès lors, il n'appartenait pas aux autorités en charge de prendre ces décisions de les motiver, comme le rappelle le considérant 12.

Cet arrêt du Conseil d'État vient réaffirmer la position du conseil d'État dans l'arrêt « Dehaene » mais elle vient l'enrichir d'un motif supplémentaire de restriction du droit de grève : il faut pourvoir « aux besoins essentiels du pays » énoncé au début du considérant 7. Pour éviter un usage abusif du pouvoir de la limitation de la grève, il faut que la personne en question soit en charge d'un service public qui répond à des besoins essentiels de la population. Les juges le rappelle à la fin du considérant 9 : « l'interruption prolongée du fonctionnement [des réacteurs] aurait porté atteinte aux besoins essentiels du pays ». La notion de « besoins essentiels » n'est pas clairement définie, il est possible que cela relève de l'appréciation du juge ou du législateur.

[Transition] Le principe de continuité du service public rend possible la limitation du droit de grève, cependant l'organe compétent ne peut le faire que dans une mesure nécessaire et proportionnelle. Le juge va contrôler l'atteinte au droit de grève.



B) … protégé par le contrôle du juge


La limitation du droit de grève doit s'effectuer dans une certaine mesure qui est protégée par le juge administratif. Les dirigeants de la société EDF peuvent limiter le droit de grève dans le cas où « les solutions alternatives à l'exercice d'un tel pouvoir font défaut ». Le juge va vérifier la nécessité et la proportionnalité des mesures.

La nécessité de l'interdiction, c'est voir si l'interdiction est vraiment nécessaire. La proportionnalité, c'est contrôler qu'il n'existe pas une atteinte disproportionnée au droit de grève. C'est une application de l'arrêt du Conseil d'État de 1936, « Jamart » sur les pouvoirs réglementaires des autorités administratives ou en charge d'un service public doit disposer des moyens nécessaires dans l'accomplissement de leurs missions.

Ainsi, le Conseil d'État énonce qu'il faut « rechercher préalablement la possibilité de mettre en œuvre d'autres moyens de production ». C'est voir s'il n'existe pas d'autres solutions substituables à la limitation du droit de grève. Ce contrôle peut faire penser au contrôle maximal dégagé par l'arrêt du Conseil d'État en 1933, « Benjamin », dans lequel le juge vérifie l'adéquation aux circonstances de la décision.

- Il apparait évident que la continuité de la fourniture d'électricité est nécessaire. En l'espèce, les mouvements de grève avaient déjà entrainés du retard dans les opérations de maintenances et de renouvellements de combustibles usagés de huit réacteurs nucléaires, faisant « craindre à juste titre » la fourniture d'électricité ("à mieux expliquer").

La décision est proportionnelle dans le sens qu'EDF n'a pas réquisitionné l'ensemble de son personnel mais a « requis les salariés dont l'intervention était strictement nécessaires à la bonne exécution » du service.

Le Conseil d'État rappelle le principe de continuité : « la continuité des fonctions indispensables pour assurer en service des réacteurs arrêtés ». La réquisition faite par EDF de certains de leurs salariés était nécessaire pour assurer un service minimum à l'intérêt général de fourniture d'électricité.

Une personne privée en charge du bon fonctionnement d'un service public peut restreindre le droit de grève de leurs agents au nom du principe de continuité sous le contrôle du juge administratif [Ndlr : voir une dissertation sur le contrôle juridictionnel].

Sarah Blondel

 
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