Découvrez un exemple de commentaire d'arrêt corrigé en responsabilité civile portant sur l'obligation de moyen et l'obligation de résultat. Caractérisation par la Cour de cassation d’une obligation de sécurité de moyen, défaut d’attention de la victime, partage de la responsabilité entre les parties... Découvrez cette copie qui a eu 18/20.
Sommaire :
I/ La caractérisation par la Cour d’une obligation de sécurité de moyen pesant sur la société exploitante
II/ Le défaut d’attention de la victime justifiant un partage de la responsabilité entre les parties
N.B.: Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.
Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊.
Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur.
Sujet : Cass. 1re civ., 25 novembre 2015
[Accroche] Il existe, en responsabilité civile, un principe dit de réparation intégrale du préjudice. Autrement dit, l’auteur d’un dommage doit réparer dans son entier le préjudice qui en découle. Néanmoins, ce préjudice connaît des exceptions, notamment en cas de faute de la victime. L’arrêt rendu par la première chambre civile, le 25 novembre 2015, en fournit une illustration.
[Faits qualifiés juridiquement] Un usager, ne pouvant régler le coût de son stationnement à la borne de sortie d’un parking, se blesse lors du déplacement à pied nécessaire pour se rendre au local du personnel.
[Procédure] À la suite de cela, il assigne la responsabilité exploitante du parking en responsabilité. La cour d’appel statue en faveur d’un partage de responsabilité à hauteur de 50 % à la charge de chacune des parties. La victime se pourvoit alors en cassation.
[Moyens] Elle fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré que l’exploitant d’un parc de stationnement d'automobiles est assujetti à une obligation de moyen, alors que selon elle, cet exploitant est « tenu, envers ses usagers, d'une obligation de sécurité de résultat qui l'oblige à réparer les dommages subis par eux, notamment lorsqu'ils n'y ont pris aucun part active ». En outre, il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir retenu une « inattention » du demandeur, alors que ce dernier, « contraint de descendre de son véhicule en raison de la mise en panne de la borne de paiement automatique de sortie pour maintenance, (…) avait dû emprunter un chemin qui n'était pas aménagé pour la circulation des piétons ».
[Problème de droit] Ainsi, l’usager d’un parking automobile, dans l’incapacité de régler son stationnement en raison du caractère défectueux de la borne automatique, et qui se blesse en se rendant à pied au local du personnel, peut-il prétendre à une réparation intégrale de son préjudice ?
[Solution et annonce de plan] La Cour de cassation répond par la négative en rejetant le pourvoi. Dans un premier temps (« l'utilisation de cette expression suppose l'expression "dans un second temps" »), elle valide le raisonnement de la cour d’appel selon l’obligation à laquelle est tenue la société exploitante d’un parking automobile est bien une obligation de moyen (I). Elle retient en outre un « défaut d’attention de la victime », justifiant un partage de la responsabilité entre les parties (II).
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I/ La caractérisation par la Cour d’une obligation de sécurité de moyen pesant sur la société exploitante
[Chapô] Cet arrêt constitue d’abord une illustration de l’enjeu pour les parties de la distinction entre obligation de moyen et obligation de résultat (A). La Cour de cassation retient en l’espèce l’existence d’une obligation de moyen, en raison du rôle actif de la victime : une caractérisation qui peut être critiquée (B).
A) Une illustration des enjeux de la distinction
La distinction entre obligation de résultat et obligation de moyen est d’une importance non négligeable pour les parties, ainsi que le montre cet arrêt. On peut citer en ce sens la première branche du moyen du demandeur : « l'exploitant (…) est tenu, envers ses usagers, d'une obligation de sécurité de résultat qui l'oblige à réparer les dommages subis par eux ».
Cette distinction est posée par René Demogue en 1928, et peut se définir ainsi : lorsque le débiteur d’une obligation est tenu par une obligation de résultat, il se doit de parvenir au résultat prescrit par ladite obligation. C’est notamment le cas des obligations de donner, ou encore de ne pas faire. Lorsque le débiteur est tenu par une obligation de moyen, cela signifie qu’il doit tout mettre en œuvre pour de parvenir au résultat prescrit par cette obligation.
L’enjeu est d’importance, notamment sur le terrain de la preuve d’un manquement contractuel. En effet, en ce qui concerne l’obligation de résultat, il suffit de prouver l’absence du résultat pour que la faute du débiteur soit présumée. On peut citer en exemple l’obligation de sécurité pesant sur les contrats relatifs aux transports de personne. En ce cas, seule la cause étrangère ayant les caractéristiques de la force majeure, ou un fait justificatif peuvent exonérer le débiteur.
En ce qui concerne l’obligation de moyen, la victime est bien moins avantagée : elle doit prouver que le débiteur de l’obligation n’a pas mis en œuvre l’ensemble des moyens à sa disposition afin de remplir ses obligations. Cette preuve est donc beaucoup plus difficile à apporter et le débiteur dispose d’une plus grande marge de manœuvre pour se défendre.
Or, c’est précisément cet enjeu qui transparaît derrière la première branche du moyen au pourvoi : la victime tente de faire qualifier l’obligation pesant sur la société exploitante du parking d’obligation de résultat, car ainsi, la seule preuve de son dommage suffirait à établir le manquement de la société à ses obligations.
Pour établir la distinction entre une obligation de moyen et une obligation de résultat, il convient notamment de rechercher si l’exécution de l’obligation était susceptible de degrés, ou encore si elle est affectée d’un aléa. On peut citer en ce sens l’obligation du médecin de tout mettre en œuvre pour guérir ses patients. L’aléa peut résulter également du rôle actif de la victime dans l’exécution de l’obligation : or, c’est précisément sur ce critère que s’appuie dans cet arrêt la Cour de cassation.
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B) Le rôle actif de l’usager entraînant la caractérisation discutable d’une obligation de moyen
La Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel, en affirmant : « l'arrêt énonce à bon droit que l'exploitant d'un parc à voitures est tenu d'une obligation de sécurité qui est de moyens, dès lors que l'utilisateur de ses services (…) n'y a pas un rôle purement passif ». En d’autres termes, la société exploitante n’avait selon la Cour que l’obligation de mettre tous les moyens en œuvre afin de veiller à la sécurité de ses usagers. Elle affirme que l’usager « doit se déplacer au sein du parking, tant à pied qu'au volant de son véhicule », et donc qu’il joue un rôle actif dans la réalisation de cette obligation.
Or, c’était précisément cela que contestait le demandeur dans la première branche de son moyen, en relevant qu’il était : « contraint de descendre de son véhicule pour payer son stationnement et d'emprunter un chemin dangereux, en raison de la mise hors service des bornes de paiement automatique en sortie du parking ». Dans la quatrième branche de son moyen, il rappelle également que le chemin « n’était pas aménagé pour des piétons ».
Et ce point de vue peut tout-à fait, d’ailleurs, être entendu : en effet, certes l’usager d’un parking se déplace, soit à pied, soit en voiture ; néanmoins, on pourrait penser que la participation de l’usager à l’exécution de l’obligation est moins importante lorsqu’elle reste à l’intérieur de l’automobile. En effet, le chemin que l’usager a dû emprunter afin de se rendre au local du personnel est « dangereux », « pas aménagé pour les piétons ».
De fait, les risques encourus par la victime lors de ce déplacement à pied sont plus élevés que si elle était restée à l’intérieur de l’automobile, et donc, l’aléa affectant l’exécution de l’obligation de sécurité pesant sur la société exploitante du parking s’en trouve accru. Et cela est dû à un manquement de la société exploitante, ce que reconnaît la Cour de cassation puisqu’elle admet qu’il « pouvait être légitimement reproché à la société de n'avoir pas signalé qu'il existait un dysfonctionnement (…) ».
Ainsi, la Cour de cassation a retenu avec une certaine facilité la qualification d’obligation de sécurité de moyen. On peut citer à titre de comparaison un arrêt rendu par la première chambre civile le 25 janvier 2017, concernant une société exploitante d’une salle d’escalade. La Cour retient que pèse sur cette société une obligation de sécurité de moyen. Elle s’appuie pour cela sur de multiples éléments : le rôle actif des grimpeurs bien sûr, mais également la conformité de la salle aux normes de sécurité en vigueur, ou encore les avertissements adressés aux usagers dans le règlement intérieur. Or, dans le présent arrêt, la Cour s’appuie uniquement sur l’aléa résultant du déplacement des usagers, aléa accru en l’espèce du fait d’une situation anormale imputable à la société exploitante. Cette qualification est donc discutable.
Le débiteur d’une obligation de moyen peut se prévaloir d’un plus grand nombre de causes d’exonération que s’il était débiteur d’une obligation de résultat, et notamment d’une faute de la victime.
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II/ Le défaut d’attention de la victime justifiant un partage de la responsabilité entre les parties
[Chapô] La Cour de cassation valide dans un premier temps le raisonnement de la cour d’appel en retenant l’existence d’une faute de la victime, faisant preuve ainsi d’une certaine sévérité (A). Cette faute entraîne logiquement une exonération partielle du défendeur (B).
A) La sévère caractérisation d’une faute de la victime
Dans sa réponse, la Cour de cassation mentionne un « défaut d’attention de la victime ». Elle affirme en effet que le demandeur « aurait pu, en faisant attention aux obstacles susceptibles d'exister, tel le petit trottoir dont l'épaisseur n'excédait pas celle d'une marche d'escalier, éviter sa chute ». Elle retient donc ici une faute de la victime, c’est-à-dire un comportement anormal, et non un simple fait de cette dernière. Elle reprend ainsi les termes de la cour d’appel, qui mentionne une « inattention » de la victime.
Cette notion de « défaut d’attention » semble proche de celle d’imprudence, autrement dit du fait d’agir sans avoir pris les précautions suffisantes. Il s’agit d’une faute non intentionnelle simple, qui se distingue par exemple des fautes non intentionnelles qualifiées, telles que la faute lourde, qui peut se définir comme une erreur de conduite grossière.
La Cour de cassation apprécie généralement cette catégorie de faute in abstracto, c’est-à-dire de façon abstraite, en se détachant des circonstances particulières propres à l’espèce. Elle a notamment pour cela recours au standard « du bon père de famille », d’une personne raisonnable. Toutefois, cela ne l’empêche pas de prendre en compte les circonstances particulières de l’espèce lorsqu’elle le juge nécessaire : elle s’interroge alors sur le comportement qu’aurait adopté une personne raisonnable confrontée à une situation similaire à celle de l’espèce. Elle lie ainsi appréciation in abstracto, et appréciation in concreto.
Or, c’est précisément ce que semble faire la Cour dans le présent arrêt. Elle ne prend en compte aucun élément lié à la personne même de la victime. Elle se contente d’affirmer que cette dernière « aurait pu (…) éviter sa chute ». Toutefois, elle prend en compte des éléments propres à l’espèce. En ce sens, elle admet notamment que « le déplacement à pied était nécessité par une situation anormale ». Elle mentionne, en outre, « le petit trottoir dont l'épaisseur n'excédait pas celle d'une marche d'escalier », sur lequel a trébuché la victime.
On peut penser que là encore, la Cour de cassation fait à nouveau preuve d’une certaine sévérité en retenant non le simple fait de la victime, mais son « défaut d’attention », donc sa faute. À nouveau, les contestations du demandeur, qui argue que « contraint de descendre de son véhicule en raison de la mise en panne de la borne de paiement automatique (…), il avait dû emprunter un chemin qui n'était pas aménagé pour la circulation des piétons et avait chuté sur un muret servant à délimiter la voie de circulation réservée aux véhicules automobiles ».
Non seulement ce déplacement à pied résulte d’un manquement de la société exploitante, mais de plus, l’usager n’a guère fait davantage que chuter. Il ne s’est pas, par exemple, allongé au beau milieu d’une voie de circulation. En outre, il n’est fait mention d’aucun comportement manifestement imprudent ou négligeant de l’usager lors de ce déplacement. Cette sévérité de la Cour est donc, au moins dans une certaine mesure, critiquable, et tranche avec son souci habituel d’indemniser les victimes.
On peut imaginer que cela est dû à une gravité modérée du dommage, ou encore du caractère peu dangereux du « petit trottoir ayant l’épaisseur d’une marche » sur lequel a chuté la victime.
La Cour de cassation retient donc une faute de la victime qui mène, de façon classique, à l’exonération partielle de défendeur.
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B) Une faute de la victime entraînant classiquement une exonération partielle du défendeur
La Cour de cassation affirme que « le défaut d'attention de la victime justifiait un partage de responsabilité à hauteur de 50 % à la charge de chacune des parties ».
La faute de la victime – c’est-à-dire son comportement anormal, et non son simple fait – est en effet une cause usuelle d’exonération partielle de la responsabilité de défendeur. Elle se distingue ainsi de la cause étrangère pourvue des caractéristiques de la force majeure, qui, elle, peut aboutir à une exonération totale du défendeur, car alors le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage est tout à fait rompu.
La faute de la victime peut également entraîner une exonération totale du défendeur lorsqu’elle possède les caractéristiques de la force majeure : l’extériorité, l’imprévisibilité, et l’irrésistibilité, critères réaffirmés par la Cour de cassation réunie en assemblée plénière dans deux arrêts en date du 14 avril 2006. Or, dans la présente décision, il n’est pas fait mention de l’éventuelle possession par la faute de la victime des caractéristiques de la force majeure.
La faute de la victime peut également être écartée par une théorie sélective de la causalité. Le plus souvent, sur le terrain de la responsabilité pour faute, la Cour de cassation se base sur la théorie de l’équivalence des conditions : c’est-à-dire que peut être retenu comme cause juridique du dommage tout fait ayant participé à sa réalisation. Cette théorie, favorable à la victime, compense la charge probatoire qui pèse sur elle sur le terrain de la responsabilité pour faute.
Néanmoins, la Cour peut parfois utiliser sur ce terrain la théorie de la causalité adéquate : est alors retenu comme cause du dommage tout fait ayant mené à la réalisation du dommage, « selon le cours normal des choses et l’expérience de la vie ». Or, cette théorie peut parfois mener à écarter la faute de la victime. On peut citer en ce sens un arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 4 juillet 1990.
Enfin, il convient de noter qu’ici la Cour use d’une solution classique, mais dont elle a pu parfois s’écarter : on peut citer en ce sens l’arrêt Desmares en date du 21 juillet 1982, dans lequel la Cour écarte la faute simple d’une victime d’un accident de la circulation comme cause d’exonération. Il s’agissait d’un « appel du pied » au législateur, afin de l’inciter à adopter un régime spécial en la matière. Depuis l’adoption de la loi Badinter en 1985, elle s’est à nouveau attachée à cette solution usuelle. Soulignons néanmoins que certains régimes spéciaux ne reconnaissent pas la faute simple de la victime comme cause d’exonération, même partielle : ainsi, seule la faute inexcusable de la victime non conductrice d’un accident de la circulation peut exonérer le défendeur, et cela seulement si elle est cause exclusive du dommage.
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