L'arrêt de la 3e chambre civile de la Cour de cassation du 16 mars 2011 porte sur le devoir d'information et sur les sanctions de la réticence dolosive. Voici un exemple de commentaire d’arrêt corrigé en droit des obligations qui a obtenu la note de 16/20.
Sommaire :
N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.
Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊
Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur.
Commentaire général de l’enseignant : « Réflexion claire et construite »
Sujet : Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 mars 2011
[Présentation de l’arrêt] Il s’agit d’un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le 16 mars 2011, relatif à la réticence dolosive et le devoir d’information dans la conclusion de contrats de vente.
[Qualification juridique des faits et procédure] En l’espèce, deux vendeurs concluent une vente à un acquéreur par un acte authentique du 13 février 2002. La vente porte sur un pavillon vendu à une certaine somme. L’acquéreur réalise des travaux de rénovation dans ce pavillon. Il découvre la présence d’amiante, par conséquent, il demande la désignation d’un expert en référé qu’il obtient.
L’acquéreur assigne les vendeurs en dommages-intérêts sur le fondement de la réticence dolosive. Une décision de première instance a lieu, suite à laquelle un appel est interjeté. La cour d’appel d’Orléans, par un arrêt du 9 novembre 2009 accueille la demande et condamne les vendeurs à des dommages-intérêts égaux au coût des travaux de désamiantage. Les vendeurs se pourvoient alors en cassation.
Les demandeurs au pourvoi reprochent à la cour d’appel de statuer par des motifs inopérants et en violation de la loi en établissant que les deux vendeurs avaient une connaissance certaine de la présence d’amiante dans le pavillon vendu. Ils lui reprochent également de ne pas tirer les conséquences légales de ses propres constatations en violation de la loi, en estimant que au nom de l’obligation de loyauté, les vendeurs avaient l’obligation d’informer l’acquéreur de la présence d’amiante, alors que cette obligation a été introduite que postérieurement à la vente.
[Moyens] Ils lui reprochent aussi de violer la loi en retenant que le consentement de l’acquéreur avait été vicié pendant la vente par l’absence d’information, alors que la découverte de l’amiante a eu lieu après la formation du contrat. Enfin, ces demandeurs reprochent à la cour d’appel de violer la loi, en les condamnant à des dommages-intérêts pour le préjudice subit, alors qu’ils n’étaient tenus à aucune obligation d’information et que l’acquéreur n’avait pas expressément exprimé sa volonté d’acheter un immeuble sans amiante.
[Problème de droit] La question posée à la Cour de cassation est la suivante : le manquement au devoir d’information, même sans obligation légale peut-il entraîner l’existence d’une réticence dolosive ?
[Solution] La Cour de cassation rejette le pourvoi aux motifs que, d’une part, malgré l’absence d’une obligation légale, il y a une obligation de loyauté, empêchant les vendeurs de dissimuler la présence d’amiante dont ils avaient connaissance et que si l’acquéreur en avait eu connaissance, il n’aurait pas conclu dans les mêmes conditions et que cette dissimulation est intentionnelle entrainant une réticence dolosive imputable aux vendeurs.
Et d’autre part, que la cour d’appel a bien caractérisé la certitude du préjudice causé par la dissimulation des risques encourus par l’acquéreur, entrainant la condamnation en dommages-intérêts.
[Annonce de plan] Le devoir d’information est considéré par la Cour de cassation comme un devoir de loyauté (I), son manquement entrainant l’existence d’une réticence dolosive devant être sanctionnée (II).
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I/ Le devoir d’information comme devoir de loyauté
[Chapô] L’existence d’un devoir de loyauté (A), anticipe la consécration d’un devoir d’information (B).
A) L’existence d’un devoir de loyauté
La Cour de cassation énonce dans son premier attendu que « le vendeur [est] tenu à un devoir général de loyauté ». Même si le terme de devoirs de loyauté est utilisé ici, il est également question de bonne foi, car la bonne foi impose selon la doctrine à minima la loyauté. Ce qui peut être considéré comme le fait de ne pas tromper son cocontractant dont l’objectif d’en tirer le plus grand bénéfice. Ce devoir de loyauté, ou de bonne foi entraine deux conséquences que la Cour de cassation énonce dans son premier attendu, à savoir que le vendeur ne doit pas dissimuler un fait dont il a connaissance, fait qui, est le cocontractant en avait eu connaissance, l’aurait fait renoncer à conclure le contrat dans les mêmes conditions. Afin de vérifier s’il y a un manquement à ce devoir de loyauté, il faut prouver que le fait est connu par les vendeurs et qu’il est déterminant du consentement du cocontractant.
En l’espèce, les vendeurs avaient connaissance de la présence d’amiante car comme le constate la cour d’appel, l’un des vendeurs à cause de son âge avancé de 82 ans savait qu’à l’époque, il était utilisé de l’amiante massivement, d’autant plus qu’il détenait les contrats, devis, factures de travaux au pavillon en précisant l’utilisation (moyen 1) et l’autre vendeur en avait connaissance ayant assisté à la construction du pavillon (moyen 2). Enfin, l’acquéreur n’aurait pas acheté s’il avait su, l’amiante pouvant être dangereux pour la santé (« connaissance obligation génénérale d’information : défaut d'information »). Il y a donc bien un manquement au devoir de loyauté.
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B) Une anticipation de la violation d’un devoir d’information
La Cour de cassation énonce expressément l’existence d’un devoir de loyauté, cela car « aucune obligation légale spécifique » n’imposait aux vendeurs d’informer de la présence d’amiante. Cette utilisation de la loyauté ne sera plus nécessaire après la consécration par la réforme du 1er octobre 2016 d’un devoir pré-contractuel d’information à l’article 1112-1 du Code civil (« codification »). En effet, ce devoir se repose sur les mêmes bases que ce devoir de loyauté car l’information doit porter sur un fait connu du contractant, un fait déterminant du consentement du cocontractant, un fait ne portant pas sur la valeur de la prestation et un fait légitimement inconnu du cocontractant. Malgré l’ajout de quelques conditions, cela est similaire à ce que la Cour de cassation a énoncé mais sous une appellation différente.
Par conséquent, après l’entrée en vigueur de la réforme de la réforme, la solution en l’espèce serait restée la même. Une solution logique permettant la protection de la partie faible.
[Transition] Le manquement à ce devoir entraîne diverses conséquences.
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II/ Les conséquences du manquement au devoir de loyauté
[Chapô] Le manquement peut entrainer une réticence dolosive (A), ainsi que des sanctions (B).
A) L’existence possible d’une réticence dolosive
Le manquement au devoir de loyauté n’implique pas forcément l’existence du vice de consentement, du dol et en particulier de la réticence dolosive. En effet, le dol est le fait de tromper son cocontractant, ce qui entrainera une erreur de ce dernier, cela signifie qu’il aura une perception de son achat différente de la réalité. Pour qu’il y ait un dol comme la Cour de cassation l’exprime, il faut d’une part un élément intentionnel, l’intention volontaire de tromper, et d’autre part un élément matériel, des manœuvres, un mensonge ou la réticence dolosive.
En l’espèce, la Cour de cassation (« cour d'appel ») estime que le fait a été, « intentionnellement dissimulé » par les vendeurs dans son premier attendu et le fait qu’ils aient volontairement dissimulé un élément déterminant du consentement de l’acquéreur qu’ils connaissaient, caractérise la réticence dolosive et donc avec ces deux conditions cumulatives, le vice de consentement du dol. Ce raisonnement sera plus clairement exprimé après la réforme de 2016 dans les articles 1136 et suivants du Code civil.
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B) Les sanctions possibles
Le manquement à ce devoir d’information peut entrainer la responsabilité civile (« extra ») contractuelle. Pour cela, il faut une faute, un préjudice et un lien de causalité. En l’espèce comme l’énonce la Cour de cassation, implicitement, la faute correspond à la dissimulation de l’information, le préjudice, à la certitude du risque auquel est exposé l’acquéreur lors des travaux, et le lien de causalité est le fait que la dissimulation elle-même entraine ce risque. Dans ce cas, la sanction des dommages-intérêts est possible, c’est ce qui a été décidé par la cour d’appel et confirmé par la Cour de cassation. Cependant, une autre sanction est possible.
En effet, le dol ayant été caractérisé le contrat ne respecte pas une condition de validité. Et même si en principe, le vice de consentement doit être caractérisé au moment de la formation du contrat, l’utilisation d’éléments postérieurs est possible car l’amiante était présente au moment de la conclusion, même si découverte après. Par conséquent, la nullité relative du contrat entier aurait pu être possible, en plus des dommages-intérêts, mais cela n’a pas été demandé par l’acquéreur.
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