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[COMMENTAIRE D'ARRÊT] Arrêt Faurecia 2010 (Droit des contrats)


Découvrez un commentaire d'arrêt portant sur l'arrêt Faurecia (2010) en droit des contrats (note : 16/20). Nous traiterons d'abord de la licéité des clauses limitatives de réparation affectant une obligation essentielle puis de l’abandon de l’appréciation objective de la faute lourde. Cette copie vous aidera à mieux comprendre la méthode de commentaire d'arrêt. 🤗

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Sommaire :


 

N.B.: Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.


Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊



L’arrêt étudié est un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 29 juin 2010. La Cour de cassation a dû, à l’occasion de cet arrêt, se prononcer sur la validité des clauses limitatives de réparation ainsi que sur l’appréciation des fautes lourdes susceptibles de les paralyser. Cet arrêt, rendu en chambre seule, nous empêche de parler de revirement de jurisprudence. Néanmoins, il a le mérite de rompre avec la jurisprudence antérieure en ce qu’il confirme un arrêt de résistance rendu après cassation.

[Faits] La société Faurecia a conclu un contrat de licences, un contrat de maintenance et un contrat de formation avec la société Oracle le 29 mai 1998 ainsi qu’un contrat de mise en œuvre en juillet 1998, pour bénéficier du logiciel V 12 qui devait être disponible en septembre 1999. En 2000, la société Faurecia, qui n’avait pas reçu le logiciel, a cessé de régler ses redevances.

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[Procédure] La société France Finance assigne la société Faurecia en paiement. La société Faurecia appelle la société Oracle en garantie puis assigne celle-ci aux fins de résolution pour inexécution des contrats conclus. La cour d’appel a fait application d’une clause limitative de responsabilité pour limiter la condamnation de la société Oracle envers la société Faurecia, l’arrêt a été partiellement cassé par un arrêt du 13 février 2007. Statuant sur renvoi après cassation, la cour d’appel, par un arrêt du 26 novembre 2008, a fait derechef application de la clause limitative de responsabilité au profit de la société Oracle. La société Faurecia se pourvoit en cassation.


[Moyens] La société Faurecia fait grief à l’arrêt d’une part, d’avoir fait application de la clause limitative de réparation alors que la société Oracle a manqué à son obligation essentielle tenant à la livraison du logiciel et qu’elle ne justifiait aucune faute imputable à la société Faurecia, ni un cas de force majeur.


D’autre part d’avoir considéré que la clause limitative de responsabilité au motif qu’elle aurait été librement négociée et acceptée par la société Faurecia. Enfin, que le plafond de la clause de limitation d’indemnisation n’était nullement dérisoire, et n’avait pas pour objet de décharger la société Oracle de son obligation essentielle ou même de vider son obligation de sa substance.


[Problème de droit] La clause limitative doit-elle être réputée non écrite en ce qu’elle s’applique à une obligation essentielle ? Peut-elle être écartée en raison du retard de livraison du logiciel V12 par la société Oracle à la société Faurecia ?


[Solution] La Cour de cassation répond par la négative en rappelant d’une part que seule une clause qui contredit la portée de l’obligation essentielle à la charge du débiteur est réputée non écrite. Et d’autre part qu’un simple manquement à une obligation essentielle du contrat n’est pas de nature à neutraliser la clause limitative de réparation.


La Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’arrêt rendu après cassation par la cour d’appel de Paris en date du 26 novembre 2008.

Une clause limitative de responsabilité doit-elle être réputée non écrite au motif qu’elle limite la réparation d’un manquement à une obligation essentielle ? Le seul manquement à une obligation essentielle du contrat, est-il de nature à caractériser une faute lourde paralysant la clause limitative de réparation ?


[Annonce de plan] Il nous faudra d’une part étudier la licéité de la clause limitative de réparation qui vient limiter les indemnités dues en cas de manquement à une obligation essentielle (I) et d’autre part si le manquement à une obligation contractuelle est suffisant pour caractériser une faute lourde (II).


I - La licéité des clauses limitatives de réparation affectant une obligation essentielle



Dans cette partie nous axerons notre étude sur la licéité des clauses limitatives de réparation portant sur une obligation essentielle (II), décision de la Cour de cassation abandonnant une tendance jurisprudentielle antérieure (I).

A. L’abandon d’une jurisprudence réputée non-écrite toute clause limitative de réparation affectant une obligation essentielle


La clause limitative de réparation est une clause « ayant pour objet de limiter par avance la réparation qui pourrait être due par un contractant en cas d’inexécution de son obligation contractuelle » selon la formule de Charles-Edouard BUCHER.


La jurisprudence antérieure à l’arrêt commenté avait tendance à réputer, de façon systématique, une telle clause comme non écrite sur le fondement de l’absence de cause dès lors que ladite clause s’appliquait à une obligation essentielle. C’est d’ailleurs la première solution donnée au litige par la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 13 février 2007.


Pour un autre exemple, c’est ce raisonnement qu’avait déjà effectué la Cour de cassation dans un arrêt de la saga Chronopost du 30 mai 2006 en reprochant aux juges de fond de na pas avoir vérifié « si la clause limitative d’indemnisation dont se prévalait la société Chronopost […] ne devait pas être réputée non écrite par l’effet d’un manquement […] à une obligation essentielle du

contrat ». En effet, il était considéré qu’une telle clause avait pour effet de décharger directement le débiteur d’une obligation à laquelle il venait de s’engager, lui laissant ainsi la possibilité de manquer à ses obligations en étant peu sévèrement puni, la réparation ne pouvant dépasser le montant fixé par la clause.


Cette prise de position, certes protectrice des intérêts du créancier, portait une atteinte injustifiée à la liberté contractuelle des parties et constituait un obstacle à une éventuelle répartition du risque qui pouvait être voulu par les contractants.


L’arrêt commenté a donc été accueilli avec soulagement par la doctrine en ce qu’il confirme l’arrêt rendu après cassation par la cour d’appel de Paris le 26 novembre 2008, considéré comme un arrêt de résistance face à l’éviction systématique des clauses limitatives de responsabilité.

Par cet arrêt, la Cour de cassation affirme qu’une clause limitative de responsabilité est applicable même lorsque le manquement porte sur une obligation essentielle mais pose toutefois une limite, de sorte que le débiteur ne puisse pas être directement déchargé de son obligation, cas de figure redouté par la jurisprudence antérieure.



B. Le seuil de la clause limitative de réparation : la clause contredisant l’obligation essentielle du débiteur


La Cour de cassation, dans l’arrêt commenté, précise que « seule est réputée non écrite la clause limitative de réparation qui contredit la portée de l’obligation essentielle souscrite par le

débiteur ». La juridiction suprême rompt avec les jurisprudences antérieures en ce qu’elle admet l’application des clauses limitatives de réparation aux manquements affectant les obligations essentielles du contrat, avec pour limite tout de même que cette clause limitative de réparation ne vide pas l’obligation de sa substance. Ici la Cour de cassation adopte une solution équilibrée conjuguant liberté contractuelle et sécurité du créancier.


Cette solution n’est pas nouvelle, la Cour de cassation semble en effet confirmer une position qu’elle avait déjà adoptée en 1996 dans un arrêt Chronopost (n°93-18632). La Cour avait jugé « qu’en raison du manquement à cette obligation essentielle de la clause limitative de responsabilité du contrat, qui contredisait la portée de l’engagement pris, devait être réputée non écrite ».


En l’espèce, la Cour de cassation confirme la solution de la cour d’appel en considérant que la clause limitative de réparation stipulée dans le contrat d’espèce n’est pas de nature à vider l’obligation essentielle de la société Oracle de sa substance mais qu’elle reflète « la répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résultait », la répartition des risques étant l’objectif premier de ce type de clause.


La Cour d’appel effectue en outre une appréciation de la somme à indemniser qui ne doit pas être illusoire, en l’espèce la somme de 200.000€ n’a pas été considérée comme illusoire. Cette solution a été réitérée (Cass.com n°12-26412) et nous pouvons relever qu’elle est désormais consacrée par l’article 1170 du C.civ dans sa rédaction résultant de la réforme du 1er octobre 2016.


En outre, cet arrêt Faurecia est considéré par la doctrine comme « une victoire d’étape » pour la clause limitative de réparation, puisque la juridiction suprême n’apporte pas de précision sur la notion d’obligation essentielle.


Par ailleurs, l’article 1170 n’apporte pas non plus de précision sur l’obligation essentielle, il reviendra donc aux juges du fond d’apprécier au cas par cas si la clause limitative de responsabilité est de nature à vider ou non l’obligation de sa substance.

Si cet arrêt nous apprend qu’une clause limitative de réparation peut être réputée non écrite qu’à la condition qu’elle contrevienne à l’obligation essentielle, une autre question peut être soulevée ; celle de savoir si un manquement à une obligation essentielle du contrat peut à lui seul paralyser l’efficacité de la clause limitative de responsabilité.


 
 

II- L’abandon de l’appréciation objective de la faute lourde


Dans cette partie, notre analyse portera sur la faute lourde, faute sur laquelle la Cour de cassation portait une appréciation objective (I) ce qui posait quelques difficultés de proportionnalité la conduisant à opérer une opérer une appréciation subjective (II).

A. La faute lourde non retenue, application de la jurisprudence dégagée par la chambre mixte


La société demanderesse a logiquement tenté de paralyser la clause limitative de réparation qui lui était défavorable. Dans cette hypothèse, la clause est valable mais ne s’applique pas en raison de la faute lourde du débiteur, le défaut de livraison en l’espèce.


Néanmoins, la société Faurecia n’obtient pas satisfaction puisque la juridiction suprême juge que « la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle ; fût-elle essentielle ».


Il faut rappeler ici qu’avant 2005, une conception objective de la faute lourde était adoptée par la jurisprudence. En effet, un manquement à une obligation essentielle suffisait à caractériser celle-ci de faute lourde et par la même, neutraliser la clause limitative de réparation.

Cette conception a été abandonnée par deux arrêts de 2005 rendus en chambre mixte (n°02-18326 et n° 03-14112) car telle appréciation de la faute lourde, aurait eu pour conséquence de paralyser la clause limitative de réparation pour tout manquement à une obligation essentielle du contrat sans considération de la gravité de ce manquement, pouvant aboutir à une disproportion entre le manquement et ses conséquences.


La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans l’arrêt commenté, suit à la lettre le sillage donné par les arrêts précités. En l’espèce, la société Faurecia demandait réparation de son préjudice résultant d’un retard de livraison, néanmoins ce retard dans la livraison (retard dans l’obligation essentielle), n’a pas été considéré par la Cour de cassation comme une faute lourde, tout comme ce fût le cas dans l’arrêt n°03-14112 du 22 avril 2005.


On comprend aisément cette solution, il aurait été contradictoire pour la Cour de cassation de paralyser la clause limitative de réparation pour manquement à une obligation contractuelle alors même qu’elle venait justement d’admettre l’application de cette clause aux obligations essentielles.


Cela aurait eu pour effet d’annuler « la victoire d’étape » de la clause limitative de responsabilité, du moins en l’espèce, puisque la clause aurait été paralysé et n’aurait donc pas produit d’effets.

Il est nécessaire de s’intéresser à la façon dont la Cour de cassation apprécie la faute lourde désormais, c’est-à-dire de façon subjective.


B. L’appréciation de la gravité du comportement de l’auteur de la faute


L’appréciation qui doit être faite de la faute lourde est bien une appréciation subjective et non plus une appréciation objective se limitant à constater un manquement à une obligation essentielle du contrat.


La juridiction suprême le précise d’ailleurs dans le conclusif de l’arrêt commenté : « la faute lourde […] doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ». Là encore, la chambre commerciale de la Cour de cassation fait une application parfaite de la solution donnée à l’arrêt (n°03-14112) rendu le 22 avril 2005 par la chambre mixte de la Cour de cassation qui avait indiqué que la faute lourde se caractérise par « une négligence d’une extrême gravité confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de sa mission

contractuelle ».


Ainsi, un manquement à une obligation essentielle ne traduisant pas l’inaptitude du débiteur de l’obligation ne sera pas de nature à paralyser la clause limitative de responsabilité, comme c’est le cas en l’espèce. En effet, une faute lourde ne peut résulter du seul retard de livraison du logiciel par la société Oracle à la société Faurecia, ce qui justifie l’application de la clause limitative de réparation. La solution n’est encore une fois pas nouvelle, elle avait été dégagée par l’arrêt susmentionné (n°03-14112).


Pour un autre exemple dans ce sens, la faute lourde « ne saurait résulter du seul fait pour le transporteur de ne pouvoir fournir d’éclaircissements sur la cause du retard » (arrêt ch.mixte n°02-18326).


A contrario, le professionnel qui omet d’assurer la ventilation nécessaire et de placer des absorbeurs à l’intérieur d’un conteneur contenant des meubles, et faisant escale en Malaisie, ou le climat est humide, commet une faute lourde neutralisant la clause limitative de réparation (arrêt Cass 1ère civ n°13-21980). Aucune disposition du code civil ne fait mention des différents types de fautes susceptibles d’intervenir dans les relations contractuelles, c’est la jurisprudence qui s’est chargée d’opérer les distinctions et de les hiérarchiser.


Il revient donc au juge, d’apprécier souverainement et au cas par cas, la nature de la faute d’une partie au regard de son comportement. L’intérêt de pouvoir paralyser cette clause en cas de faute lourde est d’éviter qu’un contractant soit négligeant tout en étant assuré de ne pas réparer le préjudice de son cocontractant au-delà du seuil fixé.


Encore une fois, la juridiction suprême concilie les intérêts de chacune des parties.


Mathey Valentine


 
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