Voici un commentaire d'arrêt du 15 octobre 2015 n°13-24-355, portant sur la société en formation. Nous traiterons d'abord de la consécration de la jurisprudence relative à la reprise d'actes pour une société puis du retoquage du juge quant à la contractualisation de la reprise d'acte. Cette copie a obtenue la note de 16/20 🔥.
Sommaire :
N.B : Cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.
Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊.
Commentaire du correcteur : « Bon travail, bon effort d'analyse et de critique. À poursuivre ! Le chargé de TD a surtout aimé le II B. Note : 16/20 »
[Accroche] Selon l’article 1843 alinéa 2 du Code civil, « la société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l’origine contractés par celle-ci ».
[Présentation de l’arrêt] L’arrêt étudié en l’espèce est rendu par la Cour de cassation réunie en sa 3ème chambre civile, le 15 octobre 2015, et est relatif à la reprise d’actes établis durant la période de formation de la société.
[Faits et procédure] En l’espèce, deux associées d’une société civile immobilière en formation signent au nom de cette société, une promesse de vente d’un bien immobilier. Le délai de la levée d’option prévue dans la promesse de vente étant passé sans que la société ne lève l’option, le promettant demande une indemnité d’immobilisation.
Le vendeur assigne donc la société civile immobilière en indemnité d’immobilisation. La cour d’appel de Paris, le 6 juin 2013 fait droit à sa demande. Les associées de la société se pourvoient alors en Cassation.
La cour d’appel de Paris, pour condamner la société à payer une indemnité d’immobilisation, retient que la promesse de vente précisait que l’immatriculation de la société au registre des commerces et des sociétés emporterait de plein droit la reprise par celle-ci de la promesse. Cependant, il était précisé que l’immatriculation devait intervenir au plus tard le jour de la signature de l’acte de vente.
La cour d’appel retient que puisque la société a été immatriculée le jour de la signature de la promesse, soit avant le jour de la signature de l’acte de la vente, alors c’est la société qui a contracté la promesse, et non les deux associées en leur nom.
La cour d’appel considère donc que la société était tenue de lever l’option, et donne droit à la demande d’indemnité d’immobilisation formée par le promettant.
[Problématique] La question se posant alors à la Cour de cassation, est de savoir si la clause d’une promesse stipulant la reprise automatique des actes conclus par les associés pendant la période de formation de la société est valable ?
[Solution] La Cour de cassation vient casser l’arrêt et infirmer la décision de la cour d’appel.
En effet, elle rappelle au visa des articles 1843 du Code civil et 6 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978, que la reprise des actes par une société en formation ne peut avoir lieu que par l’annexe aux statuts des actes passés au nom de la société, ou par un mandat donné aux associés avant l’immatriculation ou encore par une décision à la majorité des associés, si l’acte a été décidé après l’immatriculation.
L’enjeu dans cet arrêt est de savoir si l’indemnité d’immobilisation doit être payée par les associées responsables, ou par la société en formation si la reprise d’actes est valable. La Haute juridiction déclare la reprise d’acte non-valable puisqu’elle n’a pas respectée les formalités.
Par conséquent, ce n’est pas à la société de payer la somme demandée pour l’indemnité d’immobilisation par le promettant. La Cour de cassation juge donc que la cour d’appel n’a pas constaté l’accomplissement régulier de l’une de ses formalités et a donc privée sa décision de base légale.
Un problème plus général de droit peut alors être dégagé, à savoir, l’immatriculation d’une société peut-elle emporter automatiquement la reprise des actes conclus par des associés pour son compte, pendant sa période de formation ?
[Annonce de plan] Dans cet arrêt, la Cour de cassation vient consacrer la jurisprudence antérieure relative à la reprise d’actes pour une société en période de formation (I), et vient également retoquer les juges du fond sur la question de la contractualisation d’une reprise d’actes (II).
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I - La consécration de la jurisprudence relative à la reprise d'actes pour une société
[Chapô] Le juge vient ici rappeler la possibilité de contracter pour une société en période de formation, et donc avant l’acquisition par celle-ci de la personnalité juridique (A), mais rappelle également les modalités relatives à la validité de la reprise d’actes (B).
A) La possibilité de contracter avant l’acquisition de la personnalité juridique
La société acquiert la personnalité juridique au moment de son immatriculation. La société est donc dite en formation, tant que celle-ci n’est pas encore immatriculée, et donc sans capacité juridique, cette durée n’étant pas limitée par le législateur.
La société ne peut donc pas conclure de contrat sans personnalité morale, et l’article 1843 du Code civil vient alors permettre à la société de conclure des actes, avant même son immatriculation, par le biais d’autres personnes, généralement des associés, agissant pour son compte.
L’alinéa 2 de ce même article 1843 vient donc consacrer la reprise d’actes pour la société régulièrement immatriculée, qui peut reprendre les engagements souscrits, en se substituant au cocontractant initial. Cet associé n’est plus tenu responsable de l’engagement qu’il a souscrit, c’est seulement la société qui engage sa responsabilité, selon un arrêt du 22 février 1978 rendu par la cour d’appel d’Orléans.
Depuis un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 19 décembre 2002, ces engagements sont alors réputés contractés par la société dès son origine, il y a une logique de rétroactivité en reprise d’actes.
En l’espèce, c’est ce qu’il se passe avec les deux associées d’une société civile immobilière encore en période de formation, et donc incapable de contracter. Ces deux associées ont signé une promesse de vente pour un bien immobilier, pour le compte de leur société, dans le but d’effectuer une reprise d’actes, permettant alors de contracter avant même que la société puisse le faire.
Seulement, après le délai fixé par le promettant, celles-ci n’ont pas levée l’option, et la question se pose au juge de savoir qui de la société, ou des associées signataires de la promesse, engage sa responsabilité et doit payer l’indemnité d’immobilisation demandée par le promettant.
La Cour de cassation déclare que la reprise d’acte n’est pas valable, obligeant donc le promettant à se retourner contre les deux associées pour obtenir sa demande d’indemnisation.
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B) Le rappel du juge des modalités de validité en matière de reprise d’actes
La reprise des actes par la société, après son immatriculation doit toutefois répondre à certaines exigences. Cette reprise doit répondre à des conditions de fond, la société doit être immatriculée et dotée de la capacité juridique, et l’acte ne peut être que de nature contractuelle. De plus, il existe une condition d’information, le cocontractant devant agir en la qualité d’une société en formation.
Des formalités pour la reprise d’actes sont également nécessaires. La Cour de cassation en l’espèce motive sa décision au visa de l’article 6 du décret d’application du 3 juillet 1978 relatif à la loi du 4 janvier 1978, énonçant les formalités à respecter pour que la reprise d’actes soit valable.
En effet, si l’acte est accompli avant la signature des statuts, une annexe des actes passés doit être ajoutée aux statuts de la société. Si l’acte est accompli après la signature des statuts mais avant l’acquisition de la capacité juridique, alors l’associé signataire de l’acte doit agir sous mandat précis, l’immatriculation entraînant la reprise des actes automatiquement dans ces deux cas.
Si l’acte est signé après l’immatriculation de la société, alors la reprise des actes est possible par une décision à la majorité des associés. Les dispositions de l’article 6 du décret d’application du 3 juillet 1978 sont consacrées par la jurisprudence de la Cour de cassation, notamment dans un arrêt du 26 avril 2000 rendu par la 1ère chambre civile.
En l’espèce, la société répond bien aux conditions de fond nécessaires pour la reprise d’actes. Elle a acquis la personnalité juridique, au moment de son immatriculation, le jour de la signature de la promesse. De plus, l’acte est de nature contractuelle et conclu pour le compte de la société en formation.
Cependant, les formalités permettant la validité de la reprise d’actes ne sont pas remplies. La société n’a pas annexé les actes fournis avant la signature des statuts, n’a pas fourni de mandats à ses associés après la signature des statuts, et n’a pas réunie une assemblée générale pour voter la reprise des actes. Les associés ont simplement glissé une clause dans la promesse de vente, stipulant que l’immatriculation de la société emportait la reprise automatique des actes.
[Transition] Malgré le rappel des modalités et la consécration indirecte de la reprise d’actes pour une société en formation, la Cour de cassation vient toutefois dans cet arrêt, recadrer les juges du fond et infirmer le jugement rendu par la cour d’appel.
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II - Le retoquage du juge quant à la contractualisation de la reprise d’acte
[Chapô] La Cour de cassation vient opérer un contrôle de la reprise d’actes en rappelant l’obligation des juges du fond de vérifier que les formalités nécessaires pour la validité de la reprise d’actes aient été effectuées (A), et vient explicitement rejeter la clause de la promesse, octroyant la reprise implicite d’actes par la société au moment de son immatriculation (B).
A) L’obligation exigée par le juge d’une vérification des formalités
La Haute juridiction judiciaire rejette la décision rendue par les juges du fond, et reproche à la cour d’appel de ne pas avoir vérifié si les formalités nécessaires à la validité de la reprise des actes par la société, avaient été effectuées.
La jurisprudence de la Cour de cassation est très attachée au formalisme en matière de reprise des actes par une société après son immatriculation. En effet, cette inflexibilité témoigne d’un réel souci de protection des associés, signataires initiaux de l’acte. En cas de faillite de la société et sans reprise des actes par celle-ci, les associés seraient obligés de payer, puisque juridiquement il n’y aurait pas eu de substitution du cocontractant.
Cette inflexibilité de la Cour de cassation est notamment remarquée dans l’arrêt de la 1ère chambre civile du 26 avril 2000, où les juges du Quai de l’Horloge n’admettent la reprise des actes seulement selon les trois modes prévus par l’article 6 du décret d’application du 3 juillet 1978.
En l’espèce, la Cour de cassation reproche à la cour d’appel de ne pas avoir procédé à la vérification du respect des formalités d’immatriculation. En effet, la Haute juridiction recadre les juges du fond en les invitant à faire preuve de plus de rigueur, puisque seules les formalités prévues par l’article 6 du décret permettent la reprise d’actes par une société.
La cour d’appel n’a pourtant pas vérifié que la société était immatriculée, ni si elle avait réalisées les formalités, mais a simplement appliquée la clause prévue par la promesse de vente octroyant la reprise des actes pour la société conjointement avec son immatriculation.
En outre, la cour d’appel avait conclu à la reprise des actes simplement parce que la société était bien immatriculée le jour de la signature de la promesse, et donc avant le jour de la vente, conformément à la clause établie par les parties.
[Transition] La Cour de cassation casse donc l’arrêt rendu par les juges du fond, et déclare que la reprise des actes n’est pas valable, en raison de l’absence de formalités obligatoires. La responsabilité des deux associées signataires initiales, est donc engagée.
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B) Le rejet par le juge de la reprise implicite octroyée par l’immatriculation
La reprise implicite des actes sans que les modalités de reprise aient été suivies, est prohibée dans la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Certaines juridictions retiennent cependant cette reprise implicite comme la cour d’appel de Paris, qui dans un arrêt du 30 avril 1980 avait retenu que l’approbation à l’unanimité des comptes du premier exercice social valait reprise des actes par les fondateurs.
En l’espèce, l’arrêt d’appel est jugé par la cour d’appel de Paris, qui consacre là encore, une reprise implicite des actes par la société, cette fois-ci au moyen d’une disposition contractuelle permettant la reprise automatique au jour de l’immatriculation, contournant donc les formalités nécessaires. Les juges du fond déboutaient le promettant au motif que la clause contenue par la promesse s’appliquait, la société ayant acquis la capacité juridique avant la signature de l’acte de vente.
Toutefois, les juges du Quai de l’Horloge restent sur leurs positions et censurent une nouvelle fois la cour d’appel de Paris, considérant que la reprise des actes est encadrée par la loi et soumise à des modalités déterminées légalement. Par conséquent, la clause ne produit alors aucun effet.
Cette solution retenue par la Cour de cassation peut laisser planer des doutes quant à la volonté de protection pour les associées signataires, qui ont certainement voulu s’assurer une protection en insérant une clause dans la promesse de vente, pour se décharger de leur responsabilité au moment de la reprise des actes. Mais elles n’ont pas veillé au respect des formalités, et la clause est réputée nulle par la Cour de cassation, ne produisant alors pas l’effet escompté par les associées.
Celles-ci pourront éventuellement tenter d’invoquer l’enrichissement injustifié pour tenter de se faire rembourser les indemnités qu’elles devront versées au promettant, par la société.
Cette situation est également contraignante pour le créancier, obligeant celui-ci à se retourner soit vers les associées signataires en leur responsabilité contractuelle, soit éventuellement il pourra diriger sa demande d’indemnisation d’immobilisation vers le rédacteur de l’acte.
Elise Taddei
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