Découvrez un exemple de commentaire d’arrêt corrigé sur l'indemnisation des accidents de la circulation (responsabilité civile). L'arrêt rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, en date du 18 avril 2019, apporte des précisions sur l'application de la loi de 1985. Cette copie a obtenu la note de 14/20.
Sommaire :
N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.
Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que selon les facultés et les enseignants, l’approche méthodologique peut varier. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊.
Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur.
Commentaire général de l'enseignant : « Ces éléments doivent figurer :
La seule présence du VTAM sur les lieux de l’accident suffit à caractériser l’implication ;
Les juges sont souverains pour apprécier l’implication ;
« a exactement décidé » ;
« Allure réduite » ;
Action de fauchage ;
Un parallèle avec la jurisprudence constante relative à l’utilisation d’un engin dans sa fonction de déplacement et pas d’outil aurait été intéressant ; car il semble qu’ici le tracteur était utilisé dans sa fonction d’outil. La position de la Cour est donc intéressante (valeur) ;
Empiètement sur la voie de circulation --> c’est probablement cet empiètement qui a fait se positionner la Cour de cassation comme elle l’a fait et on retrouve ici la condition de la voie de circulation de la L. Badinter ;
Avait contraint la victime a une manœuvre de dépassement.
Ils ne ressortent pas des titres mais y figurent sur le fond ; fond qui est très intéressant
Tous les éléments attendus dans un commentaire figurent sur le fond. Le style rédactionnel est intéressant, mais simplifiez pour ne pas alourdir les phrases et être plus intelligible pour le lecteur. »
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Sujet : Cass. 2e civ., 18 avril 2019, n° 18-14948
[Accroche] L’article 1er de la loi du 5 juillet 1985 énonce que : « Les dispositions du présent chapitre s’appliquent, même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur (…) ». La loi n’ayant pas pris le soin de définir avec précision la notion d’« implication » – condition nécessaire à la mise en œuvre de ce régime spécial de responsabilité – la jurisprudence s’est vue confier cette tâche, et en a développé une approche matérielle et pragmatique, sans en donner de définition stricte. Aussi, certains points d’ombre demeurent, ce qui amène les juges du droit à redéfinir à l’occasion leurs exigences eu égard à cette notion. Il en va ainsi de la décision de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rendue le 18 avril 2019. « OK, bien ! »
[Qualification juridique des faits] Dans cette affaire, le chauffeur d’une motocyclette (« victime ») a « perdu le contrôle » de son véhicule alors qu’il dépassait un tracteur appartenant au département, « qui procédait au fauchage du bas-côté de la route ». La victime de l’accident a assigné en réparation de son préjudice le département propriétaire de l’engin cause de sa perte de contrôle et son assureur. « OK, bien et clair ! »
[Procédure] Sur un premier renvoi après cassation, une cour d’appel a déclaré le département « intégralement responsable des préjudices subis par la victime » du fait de son accident, et l’a condamné solidairement avec son assureur à lui payer une certaine somme avant fixation du montant de la dette définitive ; aux motifs que le tracteur était impliqué dans l’accident du seul fait de sa présence sur les lieux du dommage, en ce qu’il avait « contraint la victime à une manœuvre de dépassement ». En d’autres termes, sans la présence du tracteur litigieux, le dommage ne serait pas survenu. Le département et son assureur se pourvoient une seconde fois en cassation aux motifs qu’ : « est impliqué dans un accident de la circulation tout véhicule qui a joué un rôle quelconque dans sa réalisation », et que sa « seule présence » sur les lieux de l’accident ne saurait suffire à caractériser son implication dans l’accident ayant causé un préjudice. « OK »
[Question de droit] Dès lors, la Cour Suprême (« Expression à revoir ») doit se prononcer sur les critères qui permettent de caractériser l’implication d’un véhicule dans la survenance d’un accident dans les hypothèses où il n’y a pas eu de contact entre ledit véhicule et la victime, (« Bien ! ») et plus particulièrement sur son acception du « rôle quelconque » que ledit véhicule doit jouer pour engager la responsabilité de son conducteur ou de son gardien.
[Solution de la Cour de cassation] Dans l’arrêt en cause, la Cour de cassation rejette le pourvoi, estimant que : « c’est la présence du tracteur qui (…), avait contraint (la victime) à cette manœuvre de dépassement » causant son accident et par extension la survenance de son dommage ; c’est pourquoi elle affirme que : « la Cour d’appel a exactement décidé que ce tracteur était impliqué dans l’accident ». Ce faisant, eu égard aux faits de l’espèce, la cour suprême adopte une décision pour le moins sujette à caution en ce qu’elle semble peu scrupuleuse de respecter la technique juridique, ce qu’elle se permet malgré tout pour gratifier la victime d’une indemnisation qu’elle n’aurait pu obtenir si elle s’était pliée aux canons de la technique de droit. « Pour la 2e partie, bien mais simplifiez la première. »
[Annonce de plan] Il apparait tout d’abord que la Cour de cassation vient consacrer dans cette décision une certaine « présomption d’implication » (« bien !!! ») du véhicule non entré en contact avec la victime de l’accident, aux dires de P. Jourdain (I). Mais cette solution ne semble pas lever toutes les hypothèses qui pèsent sur cette notion pour le moins ambiguë, ainsi que sur celles qu’elle génère dans l’approche qui en est faite ici. Ce qui nous pousse à y voir une décision d’espèce permettant à la victime de l’accident de bénéficier exceptionnellement du régime spécial de la responsabilité instauré par la loi de 1985 auquel elle n’aurait normalement pas eu droit, en raison de sa situation par rapport à l’accident (II). « OK, mais cette idée est seulement un II. B. »
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I/ L'implication ou la causalité
« À la lecture de ce titre, je ne sais pas ce que vous commentez. Et il faut faire un choix. »
[Chapô] La question de l’implication d’un véhicule terrestre à moteur (VTM) dans la réalisation d’un accident donne lieu à une controverse jurisprudentielle de taille que cette décision vient, dans une certaine mesure, clôre (« Contradictoire, vous dites qu'il s'agit d'une décision d'espèce... ») (A) ; en adoptant une approche à tout le moins extensive de cette notion (« Bien ! ») (B).
A) Le problème de l’implication : un contentieux dépassé ?
« Attention, vous faites un commentaire pas une dissertation. Il ne ressort pas de la décision qu'il s'agisse d'un contentieux dépassé. »
La lettre même de la loi du 5 juillet 1985 se présente comme un nid à contentieux, en ce sens qu’elle mobilise des expressions dont l’ambiguïté ne pouvait être levée autrement que par l’office des juges, dans la mesure où elle n’apporte pas les précisions nécessaires sur le sens qu’on leur doit reconnaître. Ainsi de la notion d’implication, condition sine qua non de l’exercice du régime spécial de responsabilité introduit en droit positif par cette même loi. Un bref regard sur la jurisprudence, pléthorique en la matière, nous indique que les difficultés inhérentes à cette expression semblent se cristalliser autour de l’hypothèse dans laquelle le VTM litigieux n’est pas entré en contact avec la victime de l’accident, et qui demande réparation. (« OK, citez des jurisprudences. ») Le pourvoi faisait valoir, de manière judicieuse, que : « la seule présence d’un véhicule sur les lieux de l’accident de la circulation ne suffit pas à caractériser son implication dans ledit accident ». Observation pertinente s’il en est, dans l’exacte mesure où elle faisait fond sur une décision précédente, rendue en date du 13 décembre 2012 par la 2e chambre civile, qui allait dans ce sens ; et dont elle ne faisait que reprendre, ce disant, l’attendu de principe. « OK, et donc ? »
Cependant, les cas d’espèces étant aussi divers que variés dans l’économie générale de ce type de contentieux, une seule et même décision ne saurait faire autorité. Et, si la présence d’un VTM n’est pas – normalement – susceptible de permettre d’en déduire son implication dans l’accident survenu sur les mêmes lieux, la jurisprudence se fonde souvent sur cette dernière pour établir qu’elle a joué – comme il est dit dans notre affaire : « un rôle quelconque », ou encore qu’elle est intervenue « à quelques titres que ça soit » (2e civ. 24 juin 1998), (« Bien !! ») dans la réalisation de l’accident. De sorte que, l’implication d’un VTM dans un accident de la circulation semble suspendue à son intervention – directe ou indirecte, active ou passive – dans l’enchainement général des événements ayant conduit à sa production ; ce que laissent à penser les expressions susmentionnées. Ce qui revient à dire, en d’autres termes, que pour les hypothèses de ce type, l’implication se rapproche de manière significative de la causalité, malgré que (« Attention, malgré que !! ») le législateur ait choisi ce terme justement pour faire l’économie du contentieux abondant lié à la caractérisation du lien de causalité.
En effet, comme le fait observer P. (« Monsieur ») Jourdain – dans le commentaire qu’il propose de cet arrêt – la notion cardinale dans ce type de différend est le critère du « rôle quelconque », qui « oblige à réfléchir en termes de causalité », et plus encore pourrions-nous dire, en termes d’équivalence des conditions, puisque le raisonnement tenu dans ces situations se résume en quelques mots : s’il n’y avait pas eu le VTM litigieux, l’accident ne se serait pas produit. (« Bien !! ») En l’espèce, le tracteur occupé à faucher le bas-côté de la route a : « contraint la victime à une manœuvre de dépassement » (aux termes de l’arrêt), ce qui semble suffisant pour conclure à l’établissement de son « rôle quelconque » dans la réalisation de l’accident, et partant, de son implication dans celui-ci. « Oui !! »
Ce faisant, la Haute juridiction judiciaire vient consacrer une approche éminemment large de cette notion, (« Très Bien !! ») par le biais d’une participation négative à la production du dommage, ce qui est conforme à la logique d’ensemble de ce régime spécial de responsabilité, qui vise à proposer aux victimes des accidents de la route un traitement qui leur soit favorable. « Oui mais c'est une transition pour une autre idée. »
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B) L'implication ou l'absence de causalité
« OK mais les "ou" alourdissent et ne laissent pas savoir quelle est l'idée. Simplifiez. »
Et cependant, dans quelle mesure, en privilégiant une approche extensive de l’implication, la Cour suprême (« Attention ») ne prête-t-elle pas le flanc à la critique la plus vigoureuse ? En effet, en reconnaissant un rôle causal au tracteur, ou, pour reprendre les mots de M. Baccache, en reconnaissant que ce dernier est « une composante du processus accidentel » – alors même qu’il n’est matériellement pas intervenu, en aucune manière que ce soit, dans la production du dommage – ; l’implication semble devenir une cheville juridique, une copule, que l’on utiliserait dès que le besoin s’en ferait ressentir. Partant, l’implication serait le miroir aux alouettes des tribunaux ne trouvant aucun motifs de condamnation dans le malchanceux spectateur des accidents de la route.(« OK ») Ce qui est tout à fait perceptible, semble-t-il, dans cette décision, tant la motivation peut être prise dans un sens complètement différent, et pourtant donner lieu à la même solution. (« OK »)
Le raisonnement tenu par la cour d’appel, et que les hauts magistrats entérinent, repose sur la base de l’hypothèse suivante : si le tracteur n’avait pas été présent sur les lieux de l’accident, celui-ci ne se serait jamais produit, en tant que le conducteur de la motocyclette n’eut pas été contraint d’effectuer un quelconque dépassement. (« Oui, vous pourriez faire un parallèle avec le lien de causalité ») Et pourtant, si le tracteur n’avait pas été là, la végétation du bas-côté de la route n’eut pas été fauchée, de sorte qu’elle aurait potentiellement contraint la victime à un écart, lors duquel elle aurait eu autant de chance de choir que lors du dépassement du tracteur, qu’elle n’a heurté en aucune manière. Aussi, l’absence du tracteur aurait été reprochée au département et retenue contre lui pour engager sa responsabilité, au même titre que sa présence. Et l’on voit ainsi les limites d’une causalité négative – donc inexistante – qui confère à une abstention – l’absence de contact entre le tracteur et la victime – une force positive, et en fait l’un des facteurs déterminants de la réalisation du dommage ; puisqu’avec la même logique, l’on peut arriver à une décision identique, alors même que l’on change radicalement les données de l’équation. Ce que la sagesse populaire exprime très doctement sous la formule bien connue suivant laquelle, avec des si, on met Paris en bouteille. (« OK »)
Il en résulte que, en voulant privilégier le dynamisme interne de ce régime spécial de responsabilité, et en favorisant à outrance la situation des victimes, la Cour de cassation viole le principe même d’un mécanisme de responsabilité juridique, qui verse désormais plus dans un système d’indemnisation automatique, que dans l’identification d’un responsable, qui serait amené à répondre de son dol, ou du risque que l’activité à laquelle il s’adonne génère : fondement initial de ce régime de responsabilité. De surcroît, en faisant porter le débat sur la composante causale de l’implication, qu’elle motive sur le fondement d’une participation négative du tracteur à la survenance du dommage, la Haute juridiction de l’ordre judiciaire sape elle-même la logique, et partant la justesse, de sa décision, qui ne semble pas reposer sur autre chose qu’un mirage : celui de l’implication pour le moins superfétatoire du tracteur à l’accident en cause. (« OK »)
Ce que la Cour de cassation elle-même semble reconnaître – ne serait-ce que de manière tacite – lorsqu’elle déclare que la cour d’appel a : « exactement décidé (« Très bien ! ») que ce tracteur était impliqué dans l’accident ». L’adverbe « exactement » se plaçant en porte-à-faux avec les formules traditionnelles de la cour suprême, telles que : la Cour d’appel a décidé « à bon droit », ou encore, « a tiré les conséquences légales de ses constatations »… Or, ces expressions habituelles traduisent le respect du droit positif (« Très bien !!! »)– ou leur irrespect – des décisions examinées en cassation. Alors que le terme « exactement » traduit un certain respect de la logique elle-même, mais pas du droit. Dès lors, l’extension de l’implication semble bien ôter toute forme de réalité à cette notion, et lui fait atteindre les confins du mystère : un tracteur presque immobile se voit déclarer responsable de la chute d’un motard, sans qu’il y ait eu le moindre contact entre les deux.
In fine, il semblerait, a priori, que la limite de cette décision repose sur l’extension de l’implication à l’absence de contact, qui accorde au véhicule dépassé la fonction d’un « rôle quelconque », (« OK ») fonction qui lui aurait été reconnue de la même manière si la victime lui était franchement rentrée dedans, ou même – si l’on procède à un raisonnement par l’absurde – s’il n’avait pas été là. Enfin, il ne s’agit pas ici d’exiger de la victime de prouver le rôle causal du tracteur dans la production de son dommage, ce qui reviendrait à ajouter à la lettre de la loi, mais seulement de constater l’absence d’une motivation solide au titre de l’implication du tracteur dans la production du dommage.
[Transition] Quelles sont les conséquences d’une telle extension de la notion d’implication dans l’espèce en cause ?
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II/ Une extension de l’implication favorable à la victime conducteur
« OK pas mal, mais je me demande si ce n'est pas seulement une idée pour une sous-partie de type »
[Chapô] La notion d’implication n’est pas la seule à souffrir d’une extension qui semble faire fi du respect de la technique juridique, (« C'est-à-dire ? ») dans la mesure où la notion d’accident de la circulation est elle aussi battue en brèche – ce qui au demeurant découle de l’extension de l’implication – (A). Mais ces subtilités juridiques ne semblent pas avoir d’autre finalité que celle de permettre – pour une fois ? – une application favorable de la loi du 5 juillet 1985 à la victime de l’accident conducteur d’un VTM impliqué dans celui-ci (B). « Intéressant »
A) Accident de la circulation ou chute accidentelle ?
« OK mais ça fait beaucoup de titre avec des "?". Vous devez tout de même être sûr.e de ce dont vous parlez. »
L’expression d’« accident de la circulation », utilisée dans le titre même de la loi, ne pose pas de problème, ni au commun des mortels ni dans le langage courant ; mais elle est loin d’être évidente pour les juristes. Ordinairement, un accident s’entend d’un événement fortuit et soudain, indépendamment de toute manifestation de volonté. En droit, au sens de la loi de 1985, il y a accident pour autant qu’il y ait, dans la somme des faits qui concourent à la survenance du dommage, au moins un fait qui échappe à la volonté de celui qui le subit ; sans quoi l’on estime, en droit, que nous sommes devant une manifestation de volonté – dont les conséquences doivent être assumées par celui qui en est à l’origine. « OK »
Les choses se corsent malgré tout avec la notion de circulation. Le principe, sur cette question, est de retenir une approche large de ce terme, l’important étant que le véhicule soit en mouvement, qu’il ait été mis en circulation par son conducteur : c’est la vocation même du véhicule à circuler qui compte avant tout. Cependant, dans certaines situations, la loi du 5 juillet 1985 est écartée, puisque l’on estime être en face d’un accident qui ne relève pas de la circulation. Ainsi, des hypothèses où l’un des VTM impliqués est un engin de travail, soit quand le véhicule est occupé à une fonction autre que le déplacement. Dans ces situations, la fonction de déplacement s’efface au profit de l’utilisation du véhicule comme outil. La Haute juridiction judiciaire s’est prononcée en ce sens dans plusieurs décisions : en 2001, 2006 et plus récemment en 2017. « Oui, Très bien !!! »
Or, dans l’espèce rapportée, il est évident que le tracteur déclaré comme responsable de la chute de la motocyclette était en « mode » outil de travail : (« Oui !! Très Bien !! ») « il était en action de fauchage, circulait à allure très réduite et empiétait sur la voie de circulation ». Plusieurs remarques peuvent être faites sur ces énonciations. Tout d’abord, le tracteur en cause était manifestement en train de travailler, ce qui aurait déjà pu servir à fonder un moyen visant à l’exclusion de l’application de la loi de 1985. Ensuite, il allait à une « allure très réduite », ce qui renforce le doute qui flotte autour de son implication dans l’accident : son allure réduite permettait de bien anticiper son dépassement, et ce, d’autant plus que ces engins opèrent traditionnellement à grand renfort de gyrophares, voire même de panneaux de prévention en amont de là où ils travaillent. (« Bien ! Vous citez. ») De surcroît, cette précision devrait suffire à lever la présomption d’implication qui pèse sur un véhicule en mouvement, d’une part parce que celui-ci travaille et n’est pas rentré en contact avec la victime ; mais aussi parce que le mouvement retenu à l’encontre des véhicules engagés dans d’autres situations infractionnelles est tenu pour être la cause déterminante du dommage, or, la vitesse « très réduite » du tracteur de notre affaire devrait suffire à invalider ce raisonnement. Enfin, il est dit qu’il « empiétait » sur la voie de circulation, ce qui revient à dire qu’il ne contraignait pas les conducteurs qui étaient sur la même route à un dépassement dangereux puisqu’il ne faisait que mordre sur la voie sans l’obstruer de manière importante.
Suivant ces constatations il y a lieu de s’étonner à deux titres. D’abord, en ce que les juges, aussi bien du fond, que de droit, aient conclu à la possibilité de l’application de la loi relative à l’indemnisation des victimes des accidents de la route. (« OK !! ») Et enfin, (« ensuite ») en ce que le pourvoi ne se soit prévalu que du simple argument de la présence du tracteur comme étant un élément insuffisant pour caractériser l’implication de son tracteur dans l’accident, alors même qu’il avait d’autres arguments à faire valoir. En définitive, cette décision semble peu soucieuse du respect de la technique juridique, ce qui demanderait à être dénoncé vertement si ce n’était pour permettre à la victime de l’accident en cause d’être indemnisé de son préjudice.
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B) Pour une application favorable de la loi de 1985 à la victime conducteur
« OK, c'est bien ce que je disais, le titre du II. est une sous-partie. »
Nombre d’auteurs voient dans le traitement accordé à la victime conducteur des accidents de la circulation une certaine forme de scandale en ce que ce protagoniste de ce type de contentieux est lotie différemment des autres protagonistes, comme par exemple les passagers, ce qui les conduits à considérer les victimes conducteurs comme les mal-aimées de cette loi. En effet, l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 dispose que : « La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subi ». Ce qui est logique dans la mesure où les victimes d’un accident de la circulation ne peuvent agir que contre « le conducteur ou le gardien » du VTM impliqué dans l’accident, comme l’énonce l’article 2 de ladite loi, ce qui induit que le conducteur victime de lui-même ne saurait réparer son propre préjudice : cela n’aurait aucun sens, puisque cela reviendrait à ce qu’il se verse une indemnité à lui-même. De telle sorte que le régime d’indemnisation instauré par cette loi est sans application dans les situations où le conducteur a été blessé par son propre véhicule lorsque ce dernier était le seul impliqué dans l’accident. À titre d’exemple, la 2e chambre civile jugeait une affaire dans ce sens le 13 juillet 2006.
Or, dans l’arrêt en cause, la Cour de cassation motive sa décision au visa de l’article 1er de la loi de 1985, ce qui permet, non seulement de faire l’impasse sur l’application possible de l’article 4 de cette loi, et partant de la possibilité pour la victime de se voir opposer sa faute – faute probable eu égard aux contorsions nécessaires pour admettre l’implication du tracteur dans l’accident et partant exclure un éventuel comportement dolosif de la victime – vitesse excessive, inattention… (« Très bien : lien entre fondement juridique et la décision !!! ») ; mais encore, grâce au recours à une vision étendue de l’implication, de reconnaître que la motocyclette de la victime n’était pas le seul VTM impliqué dans l’accident en cause, ce qui octroi à son conducteur, victime de l’accident, la possibilité de bénéficier du régime d’indemnisation instauré par cette loi. Aussi la présence d’un tracteur appartenant au département était pour elle une bénédiction, dans la mesure où son conducteur, en tant que préposé du département, ne pouvait pas être tenu pour gardien du véhicule, de sorte que la dette d’indemnisation ne pouvait pas peser sur les épaules d’un innocent, dirions-nous de manière un peu pompeuse, mais seulement sur le patrimoine généreux d’une personne moral de droit public.
En effet, depuis l’arrêt Costedoat du 28 mai 2009, le préposé qui agit dans le cadre de sa mission n’engage pas sa responsabilité civile envers les tiers victimes de l’exécution de ses obligations. Aussi, cette solution se présente-t-elle comme une application de la jurisprudence Costedoat au préposé conducteur. (« Intéressante cette ouverture ») En effet, dans l’affaire en cause, le tracteur : qui « était en action de fauchage, circulait à allure très réduite et empiétait sur la voie de circulation ». Aux termes de ces énonciations, il y a lieu d’estimer que le préposé conducteur agissait bien dans les limites de ses missions. Cette solution, nettement favorable à la victime de l’accident, n’a été possible qu’au prix d’une entorse importante à la notion d’implication, et partant à celle d’accident de la circulation ; ce qui semble suffire à n’y voir qu’une décision d’espèce destinée à rester un îlot isolé de l’archipel jurisprudentiel constitué par ce contentieux. « Peut-être ! »
Quentin Lucas
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