Découvrez ce cas pratique en droit de la famille qui a récolté la superbe note de 17/20. Lien de filiation, divorce, mariage incestueux, concubinage, adoption... cet exemple de cas pratique vous permettra de comprendre comment bien appliquer la méthodologie juridique à une consultation qui vous est présentée. 👨👩👧
Sommaire :
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N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.
Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊
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Sujet du cas pratique
Quinze pour cent
Camille, 25 ans, est montée à Paris pour retrouver les traces de son père Mathias, qui ne l’a jamais reconnue. Déjà marié et père d’un garçon, Hyppolyte, Mathias est toujours resté à distance de Camille et de sa mère. Pour autant, il a toujours assumé, au moins partiellement, la charge matérielle de Camille et s’est toujours débrouillé pour lui rendre visite au moins une fois par an alors qu’elle était enfant.
Arrivée à Paris, c’est presque accidentellement que la jeune femme est recrutée dans l’Agence d’Agents de stars APK, en qualité d’assistante d’Andréa, l’associée de Mathias. Personne ne sait alors au sein d’APK que Mathias est le père de Camille. Les choses ont depuis bien changé. Cela fait deux ans que Camille travaille chez APK et l’identité de son père est désormais connue de tous. Celui-ci hésite même à la reconnaître. Néanmoins avec Mathias, il vaut mieux toujours se méfier.
Son épouse, Catherine, ne le sait que trop bien. Sa rencontre avec Camille a été un choc. Elle est depuis sous antidépresseurs. Mathias, plutôt que la réconforter, préfère convoler avec Noémie sa secrétaire. Lasse, Catherine souhaite demander le divorce et sait que Mathias ne s’y opposera pas. Hyppolyte est majeur et indépendant et Mathias souhaite se remarier au plus vite avec Noémie. Un point de contentieux demeure cependant : le sort de leur bel appartement haussmannien.
Camille n’a pas seulement rencontré Catherine, elle a également fait la connaissance d’Hyppolyte, sur un tournage. Le coup de foudre a été immédiat jusqu’à ce qu’elle s’aperçoive qu’Hyppolyte était en réalité son demi-frère par le sang. Il était moins une : une relation aurait pu se nouer entre les deux.
Parallèlement, Andréa a rencontré Colette avec laquelle elle vit une histoire d’amour tumultueuse. Hésitante sur son orientation sexuelle et adepte des bamboches bien arrosées, Andréa a eu un coup d’un soir avec Hicham, un autre associé d’APK. De cette nuit frivole, Andréa est tombée enceinte. Elle y voit une aubaine pour avoir un enfant avec Colette, sa concubine. Après d’âpres discussions, Hicham accepte de renoncer à établir sa paternité avec l’enfant à naître afin que Colette puisse l’adopter, mais seulement à condition d’être le parrain de l’enfant. Flora est née le 1er septembre dernier et a été déclarée à l’état civil comme née d’Andréa.
***
À partir de la situation des différents protagonistes, vous répondrez aux questions suivantes :
- Camille peut-elle espérer voir sa filiation établie avec Mathias (8 points) ?
- Camille, si elle avait poursuivi sa relation avec Hyppolyte, aurait-elle pu espérer l’officialiser par une union de droit (3 points) ?
- Quelle procédure de divorce conseillez-vous à Catherine pour se séparer de Mathias (5 points) ?
- Qu’en est-il de la filiation de Flora ? À cet égard, vous vous interrogerez sur les conséquences de la renonciation d’Hicham (4 points).
La copie de l'étudiant (17/20)
[Résumés des faits, qualifiés juridiquement] Camille n’a jamais été reconnu par son géniteur, Mathias, bien que celui-ci se soit un petit peu occupé d’elle, elle souhaite aujourd’hui voir établit le lien de filiation.
Mathias quant à lui, est marié avec Catherine dont il a eu un enfant, Hyppolite, mais il la trompe ce qui pousse son épouse à vouloir demander le divorce.
Hyppolite et Camille, tous deux enfants par le sang de Mathias, ont failli entretenir une relation qui aurait été incestueuse.
Andréa, elle, vie en concubinage avec une autre femme, elle est cependant enceinte d’un collègue et elle souhaite que Flora, l’enfant dont elle a accouché, soit l’enfant de son couple.
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I/ La filiation de Camille
Camille espère faire établir un lien de filiation entre elle et Mathias.
[Majeure 1] L’article 310-1 du Code civil donne les trois possibilités d’établissement de la filiation. Il y a l’effet de la loi, la reconnaissance ainsi que la possession d’état. L’article 312 pose le principe de présomption de paternité dans le mariage.
[Mineure 1] En l’espèce, cela ne peut pas jouer pour Camille étant donné qu’il apparait manifestement que la mère de Camille n’était pas mariée à Mathias.
[Majeure 2] L’article 316 du Code civil dispose la possibilité de l’établissement de la filiation par la reconnaissance. La reconnaissance doit être faite par celui qui est le parent de l’enfant et personne d’autre. L’article 321 indique que, sauf mention contraire, les actions relatives à la filiation se prescrive par 10 ans.
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[Mineure 2] En l’espèce, Mathias pourrait faire une démarche pour reconnaitre Camille. Cependant, l’action est prescrite pour Mathias étant donné que Camille a 25 ans. Le délai de prescription a atteint son terme.
[Majeure 3] L’article 317 du Code civil donne la possibilité d’établir la filiation par la possession d’état. Celle-ci peut être revendiquée par les parents prétendus ou par l’enfant. Elle est obtenue par un acte notarié. La possession d’état est définie à l’article 311-1. Elle se caractérise par une réunion suffisante de faits. Il y a trois éléments majeurs à prendre en compte, ce sont le tractatus, le fama et le nomen. Le tractatus est le fait que l’enfant traite ses parents comme tel et réciproquement, le fama est le fait qu’aux yeux des tiers l’enfant est effectivement celui de ses parents, il est connu comme tel, le nomen est le fait que l’enfant porte le nom de ses parents. Si la doctrine considère que ces trois caractères sont cumulatifs, les juges ont tendance à considérer qu’un faisceau d’indices concordants suffit à établir la possession d’état.
L’article 311-2 ajoute que la possession d’état doit être « continue, paisible, publique et nonéquivoque » pour pouvoir être utilement revendiquée.
[Mineure 3] En l’espèce, il semble qu’il y ait eu des éléments d’une possession d’état lors de l’enfance de Camille, Mathias pourvoyant un minimum à la charge matérielle de sa fille et lui rendant visite, ce qui pourrait caractériser le tractatus.
En revanche, on ne sait rien sur ce qui pourrait être le fama et le nomen ne semble pas être présent ici. De plus, la possession d’état, s’il elle pouvait être caractérisée, ne semble pas du tout continue, publique et non équivoque car, en effet, lorsque Camille est arrivée pour travailler avec Mathias, personne n’était au courant du potentiel lien de filiation.
Si donc Mathias semble dans l’impossibilité de faire établir un lien de filiation à l’égard de Camille, elle pourrait demander l’établissement de sa filiation avec un jugement en apportant la preuve biologique que Mathias est son père.
En effet, l’article 321 précise que la prescription de dix ans pour les actions relatifs à la filiation est suspendue durant la minorité de l’enfant à son égard. Camille a donc jusqu’à ses 28 ans pour intenter une action.
[Majeure 4] L’article 327 dispose que la paternité peut être judiciairement déclaré hors mariage, il donne à l’enfant seul la qualité pour effectuer cette action en recherche de paternité. L’article 310-1 du Code civil pose le principe de liberté de la preuve en matière de filiation. Et un arrêt de principe de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 28 mars 2000 explique que l’expertise biologique, preuve par excellence, est de droit en matière de filiation.
L’article 16-11 indique que les personnes doivent être consentantes pour se livrer à une identification biologique.
[Mineure 4] En l’espèce donc, Camille pourrait demander un test biologique, que Mathias devrait accepter ce qui ne semble pas poser trop de problème, il y semble plutôt favorable puisqu’il envisagerait de la reconnaitre. Suite à ce test, la filiation pourrait être judiciairement déclarée. La jurisprudence va dans ce sens, comme que le montre un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation en date du 19 septembre 2019.
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II/ La relation entre Camille et Hyppolite
[Majeure] Les articles 161, 162 et 163 disposent les prohibitions au mariage. Celles-ci sont posées dans le but d’éviter un mariage incestueux. L’article 162, particulièrement, prohibe le mariage « entre le frère et la sœur ».
[Mineure] En l’espèce, Hyppolite et Camille sont frère et sœur de sang, étant tous deux les enfants de Mathias. Le mariage entre eux était donc prohibé et s’il avait été célébré il aurait été frappé de nullité. Il en va de même pour le PACS, l’article 515-2 exclu qu’il puisse y avoir un pacte de solidarité entre collatéraux, c'est-à-dire entre frère et sœur.
[Conclusion] Camille et Hyppolite n’auraient donc pas pu officialiser par une union de droit leur couple pour cause d’inceste. Et s’ils l’avaient fait quand même, leur union aurait été frappée de nullité.
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III/ Le divorce de Catherine et Mathias
[Majeure 1] Il existe en droit français quatre types de divorces envisageables qui sont exposés à l’article 229 du Code civil.
Le divorce par consentement mutuel est un divorce gracieux, il peut être avec ou sans juge. Les modalités de ce divorce sont disposées aux articles 229-1 jusqu’à 232. Dans ce cas, les époux doivent être d’accord tant sur le principe du divorce que sur ses effets.
[Mineure 1] En l’espèce, ce divorce peut être écarté car les époux ne semblent pas d’accord sur les effets et notamment sur le sort de leur appartement.
[Majeure 2] Le divorce accepté est exposé aux articles 233 et 234. Les époux qui recourent à cette voie de divorce doivent être d’accord sur le principe du divorce sans pour autant l’être nécessairement sur ses effets.
[Mineure 2] En l’espèce, le divorce accepté semble convenir à la situation de Catherine et de Mathias. En effet, Mathias n’est pas opposé à l’idée d’un divorce mais les époux sont en désaccord sur les effets de ce divorce, en l’occurrence sur le sort de l’appartement.
[Majeure 3] Les articles 237 et 238 du Code civil expliquent le divorce pour altération définitive du lien conjugal. Il peut être demandé lorsqu’il y a une cessation de la communauté de vie entre les deux époux d’une durée supérieure à un an. La communauté de vie est caractérisée par deux éléments, l’un matériel, c'est-à-dire que les époux vivent sous le même toit ; l’autre d’ordre intellectuel, c'est-à-dire que les époux doivent avoir la volonté de vivre ensemble.
[Mineure 3] En l’espèce, ce divorce ne semble pas envisageable, rien n’indique que Catherine et Mathias ne vivent plus dans une communauté de vie. Au contraire, on pourrait penser qu’ils habitent tous les deux dans leur bel appartement.
[Majeure 4] Le divorce pour faute trouve son fondement sur les articles 242 et suivants du Code civil. La caractérisation de la faute est soumise à quatre conditions cumulatives : il doit y avoir une violation d’un devoir ou d’une obligation du mariage, cette violation doit être grave ou répétée, la violation doit être imputable au conjoint et enfin elle doit rendre intolérable le maintien de la vie commune.
[Mineure 4] En l’espèce, Mathias viole manifestement le devoir de fidélité prévu à l’article 212 du Code civil, cette violation est apparemment répétée et est entièrement imputable à Mathias. Aux vues de l’état de Catherine, qui est sous antidépresseurs, on peut penser que cette faute rend intolérable le maintien de la vie commune.
Un arrêt de la Cour de cassation du 23 avril 1980 indique que l’adultère constitue une violation suffisamment grave des devoirs du mariage pour rendre intolérable le maintien de la vie commune. La faute de Mathias est donc caractérisée.
[Majeure 5] Dans le divorce pour faute, l’article 259 pose le principe de liberté de la preuve. Cette liberté est néanmoins limitée par les articles 259-1 et 259-2 qui excluent les preuves obtenues par violence, par fraude ou par une violation de la vie privée.
[Mineure 5] En l’espèce, puisque Mathias souhaite se marier avec son amante, il semble possible d’obtenir comme preuve de la faute l’aveu du mari.
[Conclusion] En résumé, Catherine a deux possibilités pour se séparer de Mathias : soit un divorce accepté, soit un divorce pour faute. Le divorce accepté semble être la meilleure solution. En effet, cela devrait pouvoir se faire facilement et assez rapidement.
La procédure de divorce pour faute est, elle, beaucoup plus lourde et contentieuse, elle pourrait être envisagée si Catherine souhaitait obtenir un divorce aux torts exclusifs de son époux et peut-être ainsi demander des dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1240 du Code civil. Mais Catherine ne semble pas décidée à un divorce aussi contentieux.
En ce qui concerne une éventuelle prestation compensatoire prévue à l’article 270 du Code civil, rien n’indique que le divorce va entrainer une disparité dans les conditions de vie des époux.
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IV/ La filiation de Flora
[Majeure 1] L’article 310-1 du Code civil donne les trois possibilités d’établissement de la filiation. Il y a l’effet de la loi, la reconnaissance ainsi que la possession d’état. L’article 311-25 indique que la filiation entre l’enfant et sa mère est établit par l’effet de la loi par la désignation de la femme qui accouche en qualité de mère dans l’acte de naissance de l’enfant.
[Mineure 1] En l’espèce donc, Flora a un lien de filiation établit avec Andréa par l’effet de la loi en vertu de l’article 311-25.
[Majeure 2] L’article 323 du Code civil dispose que « les actions relatives à la filiation ne peuvent faire l’objet de renonciation ».
[Mineure 2] En l’espèce, Hicham n’a pas de lien de filiation établit avec Flora. Cependant, il n’a pas le droit de renoncer à ses éventuelles actions en établissement de la filiation avec Flora. En ce qui concerne la volonté de la part de Colette, la concubine d’Andréa, d’adopter Flora, l’état actuel du droit ne le lui permet pas.
L’article 345-1 n’ouvre l’adoption plénière qu’aux couples mariés. Cependant, un projet de loi actuellement en cours de procédure législative prévoit d’ouvrir la possibilité de l’adoption aux couple pacsés et aux concubins.
Si cette loi aboutit, ce qui est très probable, Collette pourra adopter Flora et donc voir un lien de filiation se créer, car celle-ci n’aura qu’un seul lien de filiation établit et qu’il est possible d’établir une deuxième filiation de même nature par le biais de l’adoption.
[Majeure 3] L’article 347 du Code civil pose le principe du consentement préalable des parents à l’adoption de leur enfant. L’article 348-1 indique que si l’enfant n’a qu’un seul lien de filiation établit, le consentement de ce parent légal suffit pour permettre l’adoption.
[Mineure 3] En l’espèce, seul Andréa a un lien de filiation établit à l’égard de Flora, c’est donc elle qui doit donner son consentement à l’adoption, ce qui ne devrait pas poser de problème.
[Conclusion] Flora a donc un lien de filiation établit avec Andréa et pourra prochainement être adoptée par Collette. Cependant, tant que l’adoption plénière n’est pas prononcée, Hicham pourrait faire une déclaration de reconnaissance ou bien même demander une expertise biologique pour voir sa paternité reconnue sur l’enfant.
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