Voici un exemple de cas pratique corrigé en droit du travail, portant sur le licenciement pour faute et le licenciement pour insuffisance professionnelle. Refus d'augmentation, manquement aux obligations contractuelles, demande de formation non satisfaite : découvrez quelles situations peuvent mener, ou non, à un licenciement. Cette copie a obtenu la note de 17/20.
Sommaire :
N.B. : cette copie est le fruit de la réflexion d’un étudiant en droit. La découvrir vous permettra de comprendre le raisonnement de ce dernier, qui lui a valu la note indiquée. Elle vous aidera à ce que vous ayez les outils pour formuler votre propre réflexion autour du sujet donné. Pour rappel, le plagiat est formellement interdit et n’est évidemment pas recommandé si vous voulez vous former au droit. En d’autres termes, réfléchissez vous-même ! Enfin, cette copie n’a pas eu 20/20, gardez un œil critique sur ce travail qui n’est donc pas parfait.
Disclaimer : attention ! N’oubliez pas que la méthodologie peut varier selon les facultés, mais aussi en fonction des enseignants. La méthodologie utilisée dans cette copie n'est donc pas universelle. Respectez la méthodologie enseignée par vos chargés de travaux dirigés et par vos enseignants 😊.
Nous avons laissé en orange les commentaires du correcteur.
Commentaire général de l’enseignant : « attention aux redites, et manque une jurisprudence sur l’insuffisance malgré la formation. »
Sujet du cas pratique :
Un dirigeant de concession automobile vous consulte, car il se trouve confronté à des questions juridiques soulevées par deux de ses employés.
Premièrement, il vous parle d'un de ses vendeurs, embauché le 1er avril 2017, qui parvenait largement à remplir ses objectifs. Il avait prévu une prime de 2 000 € s'il arrivait à vendre plus de 5 véhicules au cours du mois. Au mois de juin 2021, ce même vendeur a demandé une augmentation, que le dirigeant a refusé, car le vendeur ne vendait plus que de rares véhicules. D'ailleurs, le dirigeant affirme que son employé présentait des signes de négligence dans l'exécution de ses tâches, notamment des retards fréquents et une omission de ses responsabilités, à savoir le suivi des commandes de la concession, alors que cette mission est inscrite sur sa fiche de poste.
Deuxièmement, le dirigeant vous explique la situation de son autre employé, mécanicien présent depuis plus de 15 ans dans l'entreprise. Il a constaté une diminution significative du nombre d'interventions par semaine par rapport à ses collègues. Le mécanicien attribue cette baisse à des difficultés rencontrées dans la manipulation des nouveaux moteurs hybrides et affirme avoir exprimé son intention de se former sur ces derniers en envoyant un courrier électronique au responsable de la formation, sans recevoir de retour depuis plusieurs mois.
Le dirigeant se demande quelles sont les implications juridiques de ces situations en ce qui concerne le refus d'augmentation, la performance du vendeur, les manquements aux obligations contractuelles, les retards répétés et la demande de formation non satisfaite du mécanicien. Analysez ces éléments et fournissez des conseils juridiques appropriés au dirigeant de la concession automobile.
Le licenciement est un mode de résiliation unilatérale du contrat de travail, à l’initiative de l’employeur, par opposition à la démission, la prise d’acte ou à la résiliation judiciaire, qui sont des modes à l’initiative du salarié, octroyés par la loi de modernisation du marché du travail, du 25 juin 2008. Il fait perdre au salarié son emploi, et met fin à la relation contractuelle.
Le licenciement doit reposer soit sur un motif inhérent à la personne du salarié, soit sur un motif économique, en cas de suppression ou transformation de l'emploi du salarié concerné ou modification d'un élément essentiel du contrat de travail refusé par le salarié [Ndlr : voir un cas pratique sur la modification de la rémunération contractuelle]. Le licenciement pour motif personnel peut être pour un motif disciplinaire ou non. Dans certains cas, il est toutefois difficile de distinguer si les faits imputables au salarié constituent une faute, permettant un licenciement disciplinaire. S’ils n’en constituent pas une, ils pourront malgré tout faire preuve d’une insuffisance professionnelle, justifiant un licenciement pour motif personnel au salarié, mais non disciplinaire.
[Qualification juridique des faits] En l’espèce, un dirigeant d’une concession automobile se pose des questions à propos de plusieurs situations. Un de ses vendeurs, qu’il a engagé le 1er avril 2017, parvenait largement à remplir ses objectifs de vente, lui octroyant une prime de 2000 € s’il vendait plus de 5 véhicules au cours du mois. Ce salarié lui a demandé une augmentation, au mois de juin 2021, que l’employeur a refusé, démontrant ainsi un manque de motivation chez le vendeur, ne vendant plus que quelques rares véhicules. De plus, celui-ci arrive de plus à la concession en retard les matins, et ne prend plus la peine de suivre les commandes de la concession en appelant l’usine, alors que cette mission est inscrite sur sa fiche de poste.
Un mécanicien de l’atelier, est salarié depuis plus de 15 ans dans l’entreprise, mais voit son nombre d’interventions nettement diminuer, réalisant même une dizaine d’intervention en moins par semaine que ses collègues. Interrogé par son responsable, le salarié avance qu’il a du mal à travailler sur les nouveaux moteurs hybrides, mais conscient de ses difficultés, il a fait parvenir un mail au responsable de formation, témoignant de son intention d’être formé sur ses nouveaux moteurs. Il n’a jamais eu de retour de ce mail envoyé il y a quelques mois.
[Problématiques] L’employeur se demande alors quelles opportunités s’offrent à lui, en vue de protéger non seulement ses salariés, mais également le chiffre d’affaires de sa concession ? Peut-il envisager des licenciements ?
[Annonce de plan] Il convient donc d’aborder le cas du premier salarié, qui peut être constitutif d’un licenciement pour faute (I), et enfin, le cas du deuxième salarié, pouvant représenter un licenciement pour insuffisance professionnelle (II).
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I/ Le licenciement pour motif disciplinaire
Le salarié peut-il se voir licencier pour motif disciplinaire en cas de retards fréquents et injustifiés, de son manquement au suivi des commandes et de son insuffisance de résultats ?
A) La caractérisation de la faute comme cause réelle et sérieuse
Selon l’article L.1232-1 du Code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Cette notion de cause réelle et sérieuse étant d’ordre public (Cass. soc., 18 décembre 1975, n° 74-40.477), un licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs et imputables à cette dernière (Cass. soc., 29 novembre 1990, n° 87-40.184 ; Cass. soc., 7 décembre 1993, n° 92-43.908).
Le vendeur se voit reprocher différents comportements par l’employeur, il convient donc d’analyser leur nature fautive ou non, afin d’en tirer les conséquences relatives au licenciement possible du vendeur.
1) Le cas des retards répétés et injustifiés du salarié
[Majeure] Afin de constater le retard d’un salarié, il est nécessaire qu’il soit soumis à un horaire de travail précis. Selon l’article L.3171-1 du Code du travail, l’employeur affiche les horaires de l’établissement, c’est-à-dire les heures auxquelles commencent et finissent les salariés, ainsi que les durées de repos, sur tous les lieux de travail (Cass. crim. 17 janvier 1995, n° 94-80.081).
Sur la qualification de faute des retards :
Les retards répétés du salarié peuvent donc être caractéristiques d’une faute, pour non-respect de ses obligations contractuelles. En effet, les jurisprudences sont nombreuses sur ce sujet. Des retards très fréquents et perturbant le fonctionnement de l’entreprise peuvent être sanctionnés plus lourdement que des retards n’ayant pas de conséquences négatives sur l’organisation de l’entreprise. Ainsi, les premiers peuvent faire l’objet d’une faute grave (Cass. soc., 15 janvier 2014, n° 12-24.221), tandis que les seconds ne pourront faire l’objet d’une faute grave s’ils sont occasionnels (Cass. soc., 2 mars 2010, n° 08-44.457).
Les retards du salarié, s’ils sont répétitifs et s’ils perturbent le fonctionnement de l’entreprise, seront alors analysés comme une faute grave, justifiant un licenciement pour cause réelle et sérieuse, rendant impossible le maintien de la relation contractuelle pendant le préavis (Cass. soc., 19 mars 1987, n° 84-40.71 ; Cass. soc., 1 décembre 1993, n° 92-42.776 ; CA Paris, 27 janvier 2021, n° 17-06.587).
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Sur le changement d’attitude soudain du salarié :
Toutefois, pour un salarié changeant soudainement d’attitude, et dont les retards deviennent fréquents, alors qu’il ne l’avait pas été auparavant, la jurisprudence retient que cette situation ne s’analyse pas en faute grave, et l’employeur doit d’abord prendre une sanction disciplinaire laissant une opportunité au salarié de se reprendre, avant de prononcer son licenciement (Cass. soc., 26 juin 2012, n° 10-28.751). Si le salarié n’améliore pas son comportement, à la suite d’un avertissement, un licenciement pour faute grave pourra alors être envisagé.
[Mineure] En l’espèce, le salarié arrive fréquemment en retard le matin, habitude qu’il n’avait pas antérieurement.
[Conclusion] Les retards répétés peuvent caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement pour faute, mais il serait plus prudent pour l’employeur d’envisager une sanction disciplinaire plus faible auparavant, tel qu’un avertissement, afin de ne pas prendre le risque que son licenciement soit requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse par le juge pour non-proportionnalité du fait fautif à la sanction.
Suite à cet avertissement, si le salarié ne change pas de comportement, le licenciement pour faute pourra alors être mis en œuvre.
Il faudra également vérifier si l’employeur a bien respecté l’affichage et la communication des horaires du salarié, sans quoi le licenciement ne pourra reposer sur une cause réelle et sérieuse.
2) Le manquement du salarié à une obligation contractuelle : l’insubordination
[Majeure] Selon l’article 1103 du Code civil, « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Les deux parties consentent donc à signer un engagement et en supporter les obligations qu’il en résulte. Le manquement aux obligations contractuelles d’une des parties entraîne donc un fait fautif.
Sur l’insubordination :
Le salarié est placé vis-à-vis de son employeur dans un lien de subordination, critère essentiel du contrat de travail, défini par la jurisprudence comme le lien « caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné » (Cass. soc., 13 novembre 1996, n° 94-13.187). Il en découle donc que le salarié qui refuse d’exécuter les tâches attribuées par l’employeur, dans le cadre de son contrat de travail commet une insubordination, permettant de justifier son licenciement pour faute grave (Cass. soc., 21 octobre 2009, n° 08-43219).
Selon l’article 1232-1 du Code du travail, le refus du salarié d‘exécuter le travail pour lequel il a été embauché constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement (Cass. soc., 17 octobre 1993, Bull. Civ. V, n° 495).
Sur le refus du salarié d’exécuter des tâches inscrites sur sa fiche de poste :
La jurisprudence considère qu’en cas de manquement aux obligations contractuelles du salarié, la faute grave est caractérisée, et justifie le licenciement pour cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 15 janvier 2014, n° 12-28.973). Son refus persistant d’exécuter une tâche rentrant dans ses attributions alors qu’il avait déjà été sanctionné à plusieurs reprises pour ce motif, constitue également une faute grave (Cass. soc., 27 janvier 1993, n° 91-41.217). Il en va de même pour le refus du salarié d’exécuter une mission inscrite sur sa fiche de poste (Cass. soc., 2 décembre 2014, n° 13-28.505).
En outre, la jurisprudence a également considéré comme une telle faute, le refus du salarié d’exécuter ses missions lui incombant à travers son contrat de travail, et ayant eu un effet désastreux sur les clients et le chiffre d’affaires de la société (Cass. soc., 23 octobre 2013, n° 11-13.721).
[Mineure] En l’espèce, le salarié n’effectue pas le suivi des livraisons lui incombant, mentionné dans sa fiche de poste, et faisant donc partie des fonctions. Ce manque de suivi des livraisons peut avoir des conséquences sur la société.
[Conclusion] Ce manquement aux obligations contractuelles étant répété, il constitue alors une faute grave, pouvant justifier le licenciement pour cause réelle et sérieuse du salarié.
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3) L’insuffisance de résultats constituant une faute du salarié
Sur la question des objectifs :
[Majeure] Les objectifs professionnels d’un salarié peuvent être définis unilatéralement par l’employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, ou doivent figurer dans le contrat de travail (Cass. soc., 22 mai 2001, n° 99-41.838). Ces objectifs doivent toutefois répondre à des conditions précises. Ils doivent être réalistes, c’est-à-dire que l’employeur doit tenir compte des conditions de travail du salarié, ainsi que de l’état du marché correspondant (Cass. soc., 19 avril 2000, n° 98-40.124 ; Cass. soc., 13 janvier 2004 n° 01-45.931), mais ils doivent également être raisonnables (Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-44.192).
Sur le non-respect des objectifs :
[Majeure] Pour que ce non-respect des objectifs soit sanctionnable, il faut que celui-ci soit constitutif d’une faute du salarié, ou d’une insuffisance professionnelle (Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-44.192).
L’insuffisance de résultats représente l’incapacité d’un salarié dont on peut mesurer l’activité par des critères quantitatifs, à remplir les objectifs qui lui sont donnés. Le licenciement pour insuffisance de résultats n’est pas justifié pour la différence de résultats entre deux associés (Cass. soc., 25 juin 2014, n° 13-14.58). La non-réalisation des objectifs fixés aux salariés, ou sa baisse de résultats justifient le licenciement seulement lorsque le secteur d’activité concerné ne connaît pas de difficultés expliquant cette baisse (Cass. soc., 28 novembre 2007, n° 06-44.784).
La faute professionnelle se distingue de l’insuffisance professionnelle par la mauvaise volonté délibérée du salarié (Cass. soc., 9 juillet 2014, n° 13-17.487 ; CA Aix-en-Provence, 11 mars 2010, n° 09/01302 ; Cass. soc., 16 décembre 2009, n° 08-43492). La jurisprudence ayant décidé que le licenciement d’un salarié était justifié d’une cause réelle et sérieuse si celui-ci démontrait une insuffisance de résultats en lien avec des négligences (Cass. soc., 26 octobre 1999, n° 97-43.613).
[Mineure] En l’espèce, le salarié a un salaire en deux parties distinctes : une partie fixe, et une partie variable correspondant à une prime octroyée pour la vente de plus de 5 véhicules vendus par mois. Cet objectif étant inscrit dans son contrat de travail.
Cet objectif ayant été rempli sans problème jusqu’au mois de juin 2021, il semble donc réalisable.
Le salarié a demandé une augmentation en juin 2021, qui lui a été refusée, date à laquelle il a démontré un manque de motivation et à laquelle ses résultats ont baissé, jusqu’à ne plus remplir les objectifs.
[Conclusion] Ce comportement tient donc à ressembler à une mauvaise volonté délibérée du salarié, constitutive d’une faute grave, plutôt que d’une insuffisance professionnelle. Cette faute permet alors de caractériser une insuffisance de résultat, justifiant un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Toutefois, il conviendra avant d’entamer toute procédure de licenciement, de vérifier que la baisse de résultats du salarié ne soit pas due au marché du secteur d’activités, sous peine de voir la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse pour l’employeur.
B) Les précautions de l’employeur pour le licenciement disciplinaire
Sur la nécessité d’une cause réelle et sérieuse :
[Majeure 1] Selon l’article L.1232-1 du Code du travail, la cause du licenciement peut être sérieuse et réelle même en l’absence de faute grave, de caractère intentionnel, et malgré le caractère isolé des faits (Cass. soc., 25 avril 1985, Bull. Civ. V, n° 261).
L’article L.1234-1 du Code du travail, dispose que la faute grave résulte d’un fait, ou d’un ensemble de faits, imputable au salarié. Cette faute constitue une violation de ses obligations contractuelles d’une telle importance qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis (Cass. soc., 26 février 1991, n° 88-44.908 ; Cass. soc., 27 septembre 2007, n° 06-43.867).
Sur la procédure à suivre :
[Majeure 2] L’employeur doit respecter la procédure prévue en cas de licenciement pour motif disciplinaire, avec une convocation à l’entretien préalable, prévue à l’article L.1232-2 du Code du travail.
En application de l’article L.1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires, au-delà d’un délai de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce même fait ait donné lieu à des poursuites pénales. Si ce délai est expiré, le licenciement sera requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 24 mars 1988, Bull. Civ. V, n° 203).
Selon l’article L.1232-6 du Code du travail, l’employeur doit notifier le licenciement du salarié par écrit, dans une lettre comportant l’énoncé du ou des motifs invoqués, ces motifs fixant les limites du litige et leur imprécision rendant le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Les mêmes faits ne peuvent faire l’objet de plusieurs sanctions, l’employeur prononçant un avertissement pour les retards répétés de son salarié, ne pouvant le sanctionner par un licenciement postérieurement (Cass. soc., 23 octobre 2019, n° 18-21543). En cas de licenciement irrégulier pour non-respect de la procédure, l’article L.1235-2 du Code du travail prévoit que l’employeur doit verser une indemnité de maximum un mois de salaire, si le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, et n’oblige pas la réintégration du salarié dans l’entreprise (Cass. soc., 29 juin 1978, n° 77-11.788).
[Mineure] En l’espèce, le salarié a commis plusieurs actes pouvant être considérés comme fautifs.
[Conclusion 1] Pour les retards répétés, il serait plus judicieux pour l’employeur de sanctionner préalablement le salarié par avertissement. Si tel est le cas, il ne pourra alors pas invoquer ce motif dans la lettre de licenciement.
Toutefois, si le salarié ne change pas son attitude, cela correspondra donc à une faute grave, qui pourra alors être invoquée dans les motifs justifiant son licenciement.
[Conclusion 2] Pour le manquement aux obligations contractuelles, cette faute est caractérisée comme grave, au même titre que l’insuffisance de résultats du salarié, découlant de son comportement fautif. L’employeur peut alors licencier le salarié pour faute grave, mais devra donc faire attention à la procédure relative au licenciement disciplinaire, la notification par écrit et notamment aux motifs qu’il écrira dans la lettre de licenciement. Il devra s’assurer que la prescription de 2 mois, à compter de la connaissance des faits, n’est pas courue, et de respecter la procédure de licenciement disciplinaire, sous peine de devoir verser une indemnité égale à un mois de salaire maximum.
💡Bon à savoir : vous pouvez également trouver une copie corrigée sur la mise en place d'un CSE. |
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II/ Le licenciement pour motif non disciplinaire
Un mécanicien voyant son nombre d’interventions diminuer significativement peut-il être renvoyé pour insuffisance professionnelle alors que ses difficultés sont liées à l’évolution des technologies et qu’il a demandé vainement à bénéficier d’une formation ?
A) La caractérisation de l’insuffisance professionnelle
Sur l’insuffisance professionnelle :
L’insuffisance professionnelle ou l’inaptitude professionnelle n’est pas une faute disciplinaire (Cass. soc., 4 décembre 1986, Bull. Civ. V, n° 579). En effet, un salarié qui n’est pas à la hauteur, faisant des erreurs est déclaré comme incompétent mais il n’est pas fautif (Cass. soc., 17 février 2004, n° 01-44.543 ; Cass. soc., 27 novembre 2013, n° 11-22.449).
Un licenciement disciplinaire pour insuffisance professionnelle est toutefois possible si celle-ci découle d’une abstention volontaire, ou d’une mauvaise volonté du salarie (Cass. soc., 11 mars 2008, n° 07-40.184 ; Cass. soc., 23 juin 2010, n° 09-40.073).
Sur l’obligation d’adaptation et de formation de l’employeur :
Cependant, selon l’article L.6321-1 du Code du travail, l’employeur est tenu d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail, il doit veiller au maintien de leur capacité à occuper un emploi au regard notamment des évolutions de l’emploi, des technologies et des organisations, par le biais des formations professionnelles (Cass. soc., 25 février 2012, n° 89-41.634 ; CA Douai, 28 février 2019, n° 17/003448). Cette obligation étant limitée à l’adaptation du salarié à son poste de travail, et au maintien de son employabilité, et non à des formations destinées à changer d’orientation professionnelle (CA Douai, 29 mars 2019, n° 16/029978). L’employeur, avant de constater l’insuffisance professionnelle, doit alors donner les explications techniques ou proposer la formation nécessaire au salarié, avec un temps minimum pour s’adapter (Cass. soc., 12 mars 1992, n° 90-46.029).
Cette obligation pèse sur l’employeur même si le salarié n’a pas fait valoir ses droits individuels de formation. C’est à l’employeur qu’incombe la responsabilité d’assurer le maintien de l’employabilité, même si le salarié n’a pas demandé lui-même de formation (Cass. soc., 18 juin 2014, n° 13-14.916 ; Cass. soc., 9 décembre 2015, n° 14-20.377).
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B) Les risques inhérents au licenciement pour insuffisance disciplinaire
Sur le manquement de l’employeur à son obligation d’adaptation et de formation :
[Majeure 1] Si l’employeur, ne remplit pas son devoir d’obligation d’adaptation et de formation, le licenciement fondé sur une insuffisance professionnelle sera qualifié comme licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 11 mars 2008, n° 07-40.184). Le fait de ne pas faire bénéficier les salariés d’une formation pendant toute la durée de l’emploi résulte d’un manquement de l’employeur et entraîne un préjudice pour le salarié, apprécié par le juge (Cass. soc., 2 mars 2010 n° 09-40.914, n° 09-40.915, n° 09-40.916, n° 09-40.917). La Cour de cassation ayant même reconnu que l’absence de formation pendant 16 ans de carrière permettait de constater ce manquement (Cass. soc., 5 juin 2013, n°13-14.749). L’indemnisation du salarié, en cas de non-respect par l’employeur de son obligation de formation, n’est pas automatique : il aura la charge de la preuve démontrant de l’existence d’un préjudice (Cass. soc., 3 mai 2018, n° 16-26.796).
Sur l’impossibilité du licenciement pour motif disciplinaire :
[Majeure 2] Au visa de la jurisprudence, l’insuffisance professionnelle n’est pas considérée comme une faute et n’a donc pas de caractère disciplinaire (Cass. soc., 9 mai 2000, n° 97-45.163). Le licenciement pour faute résultant de l’insuffisance professionnelle est alors requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’employeur s’expose au paiement de dommages et intérêts (Cass. soc., 28 novembre 2006, n° 05-42.062 ; Cass. soc., 31 mars 2010, n° 08-70.277).
Sur la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse :
[Majeure 3] Toutefois, le droit du salarié à une formation n’est pas considéré comme une liberté fondamentale, il ne pourra alors demander la nullité de son licenciement en invoquant le manquement de son employeur à son obligation d’adaptation et de formation (Cass. soc., 5 mars 2014, n° 11-14.426). Cependant, le licenciement pour insuffisance professionnelle émanant de l’employeur qui a manqué à son obligation d’adaptation, est réputé sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 20 mai 2009, n° 07-42.945 ; CA Rouen, 21 décembre 2017, n° 16/02976). De plus, est réputé comme sans cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié ne bénéficiant pas d’une formation nécessaire pour s’adapter à ses nouveaux outils de travail (Cass. soc., 20 mai 2009, n° 07-42.945).
En revanche, si malgré la formation donnée, le salarié ne parvient pas à s’adapter, alors le licenciement pour insuffisance professionnelle sera envisageable (Cass. soc., 16 février 1977, n° 76-40.020 ; Cass. soc., 9 juillet 2008, n° 07-41.623).
[Mineure] En l’espèce, le salarié est embauché depuis 15 ans. Il effectuait autrefois son travail sans problème, mais depuis quelques temps, le salarié réalise moins d’interventions à la suite des difficultés qu’il rencontre face aux nouveaux moteurs, et non pour comportement fautif ou désintéressé. Il a cependant demandé des formations il y a quelques mois, mais en vain, il ne les a pas obtenus.
[Conclusion] L’employeur ne saurait ici licencier le salarié sous prétexte qu’il ne réalise plus autant d’interventions qu’avant, alors qu’il a manqué à son devoir d’obligation d’adaptation et de maintien de l’employabilité de son salarié. En effet, ce licenciement risquerait de s’analyser en licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge allant alors proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, ou le versement d’une indemnité par l’employeur. Il devrait mettre en œuvre rapidement les démarches nécessaires pour la formation de son salarié, afin de combler ses lacunes dans le nouveau domaine des moteurs hybrides, et ainsi d’améliorer sa rentabilité. Si à l’issue de la formation nécessaire, le salarié ne réalise pas d’avantage d’interventions, alors l’employeur aura respecté son obligation d’adaptation et de maintien de l’employabilité, et pourra donc envisager un licenciement pour insuffisance professionnelle.
Elise TADDEI
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