L'article 1240 du Code civil, anciennement article 1382, est un des articles phares du droit de la responsabilité civile. Il pose le principe que toute personne qui cause un dommage à autrui, par sa faute, doit en répondre. Découvrez la responsabilité du fait personnel, avec ses conditions, les causes d'exonération et l'action en réparation.
Sommaire :
L'article 1240 du Code civil énonce « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Il pose le principe de la responsablité de chacun pour les préjudices causés par ses actions, 3 conditions doivent remplies : un fait générateur, un dommage et un lien de causalité entre les deux.
Explication simple de l’article 1240 du Code civil
Pour expliquer simplement l’article 1240 du Code civil, il faut d’abord comprendre qu’il pose le principe de la responsabilité du fait personnel et est complété par l’article 1241 qui vient préciser que le fait peut être volontaire ou involontaire.
En somme, tant que le fait est fautif (et que les autres conditions sont réunies), la responsabilité de son auteur pourra être engagée ; peu importe que ce dernier ait eu ou non la volonté de commettre le dommage.
Quel principe pose l’article 1240 du Code civil ?
L’article 1240 du Code civil pose le principe de la responsabilité du fait personnel. C’est-à-dire que toute personne qui « de son propre fait » cause un dommage à autrui sera tenue responsable et devra le réparer.
💡 Bon à savoir : anciennement, ce principe selon lequel « tout fait quelconque de l’homme oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » figurait à l’article 1382 du Code civil. Depuis la réforme du 10 février 2016 (ordonnance n° 2016-131), la numérotation a changé. Pourquoi donnons-nous l’information ? Parce que vous pourriez croiser « article 1382 du Code civil » dans un arrêt portant sur des faits d’avant l’entrée en vigueur de la réforme. Ainsi, seulement en voyant cet article, vous devez savoir que la décision porte sur un cas de responsabilité du fait personnel. Le raisonnement et la méthodologie juridique passent par l’acquisition de bons réflexes. |
Quelle différence entre l’article 1240 et l’article 1241 du Code civil ?
Parler de différence entre l’article 1240 et l’article 1241 du Code civil n’est pas tellement approprié puisque le premier article pose le principe de la responsabilité civile du fait personnel et le second précise que le fait peut être volontaire ou involontaire. Relevons donc l’intérêt d’articuler ces deux articles :
L’article 1240 du Code civil pose le principe → tout fait qui cause un dommage oblige son auteur à réparation. | L’article 1241 du Code civil précise que le fait peut être volontaire « par son fait », on parle alors de « responsabilité délictuelle ». L’article poursuit en disposant que le dommage peut être involontaire « par son imprudence ou sa négligence », ce que l’on qualifie de « responsabilité quasi-délictuelle ». |
💡 Bon à savoir : auparavant, c’était l’article 1383 du Code civil qui en disposait. |
Qu’est-ce que la responsabilité du fait personnel ?
La responsabilité du fait personnel implique que lorsqu’une personne cause un dommage (à autrui), elle est tenue de le réparer. Juridiquement, cette responsabilité requiert la réunion de trois conditions : un fait générateur fautif, un dommage et un lien de causalité entre les deux.
📚 Méthodologie : en bons juristes, nous devons toujours remonter à la source. Si l’on vous parle de responsabilité du fait personnel, il faut au moins évoquer la responsabilité civile. La responsabilité du fait personnel est une responsabilité civile extracontractuelle. On retrouve aussi la responsabilité du fait d’autrui (on est responsable pour le fait dommageable qu’une autre personne a généré) et la responsabilité du fait des choses (on est responsable du fait dommageable causé par une chose que l’on a sous notre garde). Retenez donc que :
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Définition simple de la responsabilité du fait personnel
Pour faire simple, la responsabilité du fait personnel, c’est un peu comme dire que chacun doit être responsable de ses propres actions. Si vous blessez quelqu’un ou si vous cassez quelque chose, c’est à vous de réparer ou compenser ce qui a été abîmé. On vous donne un exemple :
Charles a renversé de l’eau bouillante sur Kayla alors qu’ils prenaient un thé ensemble. Kayla ne lui en veut pas, Charles ne l’a pas fait volontairement, il est juste très maladroit. Néanmoins, elle a l’avant-bras brûlé et c’est extrêmement douloureux.
*Attention, à comprendre au sens large. Kayla aurait pu ici être l’auteur du dommage si c’est elle qui avait renversé l’eau. On ne parle pas d’homme au sens biologique du terme.
Par conséquent, Charles est responsable de son fait personnel (avoir renversé l’eau. Sois moins maladroit, la prochaine fois), quand bien même il ne l’a pas fait exprès (quasi-délit civil). Il est tenu de le réparer*. C’est cela, la responsabilité du fait personnel. |
*⚠️ Attention : cela ne signifie pas qu’il va devoir soigner le bras de la victime lui-même. En revanche, il pourra être tenu de payer pour les frais médicaux, les frais d’hospitalisation. |
Si l’on traduit les trois conditions de la responsabilité du fait personnel, simplement, en reprenant nos protagonistes :
Fait générateur fautif → avoir renversé l’eau bouillante ;
Dommage → avant-bras brûlé ;
Lien de causalité → c’est parce qu’il a renversé l’eau que la victime a l’avant-bras brûlé.
Définition juridique de la responsabilité du fait personnel
Juridiquement, la responsabilité du fait personnel se définit comme l’obligation de réparation de celui qui cause un dommage à autrui. Trois conditions doivent être réunies :
Un fait générateur fautif (mais pas forcément intentionnel) ;
Un dommage (que l’on qualifie de préjudice si les conditions exigées pour qu’il soit indemnisé sont réunies) ;
Un lien de causalité entre les deux.
La responsabilité du fait personnel en schémas
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Quelles sont les conditions de la responsabilité du fait personnel ?
Pour retenir la responsabilité du fait personnel, il y a trois conditions à réunir :
Condition 1 : un fait générateur, en principe*, fautif ;
*En principe, parce qu’il existe des régimes de responsabilité du fait personnel sans faute comme le droit au respect de la vie privée (Cass. civ. 1, 5 novembre 1996, n° 94-14.798) ou encore les troubles anormaux du voisinage (Cass. civ. 3, 4 février 1971 n° 69-12.327 et depuis la loi n° 2024-346 du 15 avril 2024, ce régime est consacré à l’article 1253 du Code civil).
Condition 2 : un dommage ;
Condition 3 : un lien de causalité entre les deux.
Condition 1 : Un fait générateur de responsabilité
Le fait générateur de la responsabilité, en matière de responsabilité du fait personnel, est en principe fautif.
Il faut revenir sur l’objectivation de la faute en matière de responsabilité civile sur le fondement de l’article 1240 du Code civil avant d’évoquer les régimes de responsabilités du fait personnel sans faute (et oui, ce ne serait pas du droit, si après un principe, on n’avait pas une série d’exceptions. Mais, c’est aussi pour cela qu’on l’aime !).
La faute en matière de responsabilité du fait personnel
Pour établir la responsabilité civile du fait personnel, une faute doit être établie (sauf vie privée et troubles anormaux du voisinage, voir ci-dessus). Il existe différentes catégories de fautes et il est acquis que le discernement de l’auteur du dommage n’a pas à être recherché (on te donne plus de précisions ci-dessous).
La définition de la faute
La faute fait référence à un comportement qui aboutit à violer une règle ou un devoir imposé par le droit.
Un comportement
Le comportement fautif peut tant être de commission : Charles renverse l’eau sur Kayla ; ou d’omission, le serveur ne porte pas secours à Kayla.
La violation d’une règle
Le comportement doit violer une règle sans que cela soit justifié par un fait justificatif.
Les différentes catégories de fautes
Il existe différentes catégories de fautes, par exemple :
Faute de commission | L’auteur du dommage a réalisé une action. Exemple : Dobby a fait tomber Harry de son balai. |
Faute d’omission | L’auteur du dommage l’a laissé se produire sans intervenir. Exemple : omettre d’assurer la sécurité des salariés en commandant des casques de chantier. |
Faute intentionnelle | L’auteur du dommage a eu l’intention de générer le dommage subi par la victime. Exemple : Lord Voldemort souhaitait tuer Harry Potter. |
Faute non intentionnelle | L’auteur du dommage ne souhaitait pas générer ce dommage, il l’a réalisé par imprudence ou négligence. Exemple : Charles ne souhaitait pas brûler l’avant-bras de Kayla. |
L’absence de discernement requis pour établir une faute
Le discernement n’est pas nécessaire pour que la faute commise (ou que l’omission aboutissant à un dommage) ouvre droit à réparation. Il y a eu plusieurs décisions rendues le même jour par l’assemblée plénière de la Cour de cassation, le 9 mai 1984 qui est venue le consacrer. On te renvoie aux arrêts Lemaire, Gabillet, Derguini et Fullenwarth.
Ce que vous devez retenir, c’est que même un très jeune enfant, qui n’a pas nécessairement conscience de la portée de ses actes (donc, de discernement), sera tenu pour responsable (bon, à nuancer, car il existe la responsabilité des parents du fait de l’enfant mineur, v. art. 1242 du Code civil), du dommage qu’il a causé.
Et pour un majeur atteint d’un trouble mental alors ? Même s’il était atteint par un trouble mental au moment où il a généré un dommage, le majeur est tenu à réparation (art. 414-3 du Code civil).
Comment prouver la faute de l’auteur du dommage ?
Afin de prouver la faute de l’auteur du dommage, la victime peut rapporter tout moyen de preuve (Cass. civ. 2, 10 février 2005, n° 02-20.495).
📚 Méthodologie : il suffit de raisonner pour obtenir la réponse à cette question. L’article 1358 du Code civil, répond à la question « Comment prouver ? »* en disposant que « hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve se fait par tout moyen ». Justement, l’article suivant en dispose différemment, car pour les actes juridiques (dont le montant excède 1500 euros) la preuve se fait par écrit (art. 1359 du Code civil et art. 1ᵉʳ du décret n° 85-533 du 15 juillet 1985). En tant que bons juristes aguerris, l’on comprend que pour les faits juridiques, la preuve se fait par tout moyen, puisque la loi ne les vise pas. Le raisonnement n’est pas terminé, il faut désormais qualifier notre situation de fait juridique : art. 1100-2 du Code civil « les faits juridiques sont des agissements ou des événements auxquels la loi attache des effets de droit ». Lorsque l’article 1240 du Code civil dispose que « tout fait quelconque […] oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », nous sommes tous d’accord pour dire que la loi attache des effets de droit (« oblige […] à le réparer ») à des agissements (« fait quelconque de l’homme »). Donc, la faute commise constitue un fait juridique qui peut être prouvé par tout moyen. En bonus, vous avez même un syllogisme juridique. *L’article 1353 du Code civil répond, quant à lui, à la question « qui doit prouver ? ». |
Les régimes de responsabilité du fait personnel sans faute
Il existe, en dehors de l’article 1240 du Code civil (donc, hors champ du sujet de cet article) des régimes de responsabilité sans faute : droit au respect de la vie privée et troubles anormaux du voisinage sont à l’honneur.
La violation du droit au respect de la vie privée
On te l’a dit, la violation du droit au respect de la vie privée est une responsabilité sans faute. Il suffit que l’atteinte à la vie privée soit constatée pour que le droit à réparation soit ouvert (Cass. civ. 1, 5 novembre 1996, n° 94-14.79, ou encore Cass. civ. 2, 18 mars 2004, n° 02-12.743).
⚠️ Attention : le droit à l’image est un droit distinct du droit au respect de la vie privée (Cass. civ. 1, 10 mai 2005, n° 02-14.730). |
La théorie des troubles anormaux du voisinage
À l’instar du régime précédent, la théorie des troubles anormaux du voisinage fait référence à un régime de responsabilité sans faute.
C’est une responsabilité qui ne requiert pas la démonstration d’une faute (Cass. civ. 3, 4 février 1971, n° 69-12.327), qui est indépendante des autres régimes de responsabilité civile (Cass. civ. 2, 20 juin 1990 ; n° 89-12.874).
Il a été consacré à l’article 1253 du Code civil par la loi n° 2024-346 du 15 avril 2024.
Condition 2 : Un dommage
La deuxième condition pour que la responsabilité du fait personnel soit engagée est « un dommage » comme le dispose l’article 1240 du Code civil.
Il existe différents types de dommages, mais dans tous les cas, afin d’être indemnisables, ils doivent être certains, directs et personnels, ainsi que légitimes.
Qu’est-ce qu’un dommage ?
Un dommage est la conséquence d’un fait générateur qui est subi par la victime. Larousse nous dit « préjudice subi par quelqu’un » ce qui ne nous avance pas et n’est pas très juridique.
Le dictionnaire du Vocabulaire juridique Cornu évoque une « atteinte subie par une personne
dans son corps (dommage corporel),
dans son patrimoine (dommage *matériel ou économique)
ou dans ses droits extrapatrimoniaux* (perte d’un être cher, atteinte à l’honneur),
qui ouvre à la victime un droit à réparation (on parle alors de dommage réparable) ».
*Le dommage corporel, peut, selon les conceptions, relever du caractère extrapatrimonial, car il est « en dehors du patrimoine ». Néanmoins, tous les frais déboursés pour les soins médicaux sont considérés comme des atteintes au patrimoine.
Certains auteurs le classent dans la catégorie de dommage matériel (v. par exemple, R. Cabrillac, Droit des obligations, Dalloz [cours], 15e édition, p. 302, § 314).
Le dommage est donc la lésion qui résulte d’un « fait quelconque de l’homme ».
💡 Bon à savoir : le dommage est qualifié de préjudice lorsqu’il remplit toutes les conditions exigées pour être indemnisable : certain, direct (et personnel), légitime. Le préjudice serait la conséquence de la lésion qui affecte la personne. Cette conception n’est cependant pas unanimement suivie. |
Quels sont les trois types de dommage ?
À cette question, il n’y a pas de bonne réponse. Comment pourrait-on classifier « trois types de dommages » alors que les approches doctrinales en la matière ne semblent pas figées ?
Là où certaines opposent « dommages patrimoniaux et dommages extrapatrimoniaux », d’autres y ajoutent en supplément « dommage corporel » qui pourrait être classé dans l’une ou l’autre des catégories selon les préjudices qu’il occasionne (payer des frais médicaux et subir la douleur de la blessure ne relèvent pas de la même catégorie. Pourtant, ils sont liés au même dommage : la blessure corporelle).
Pour éviter de prendre parti, nous vous proposons de vous exposer, sans classifier, les différents dommages que vous rencontrerez entre « atteinte à la personne » et « atteinte aux biens ». À vous, ensuite, de les ranger dans la structure du cours dispensé par votre enseignant.
Notez tout de même que l’article 1240 du Code civil (anciennement 1382) « s’applique, par la généralité de ses termes, aussi bien au dommage moral qu’au dommage matériel » l (Cass. civ. 13 févr. 1923, n° 000013).
Ce découpage pourrait être un moyen d’établir les catégories de dommages. D’autres distinguent encore entre matériel, moral et corporel (v. L. Tranchant, V. Egea, Droit des obligations, Dalloz [momento], 27e éd., pp. 120-121).
D’autres classent les catégories de préjudice en fonction de la victime (directe ou par ricochet). Vous l’avez compris, il y a plusieurs manières de ranger des informations ; comme il existe plusieurs façons de plier ton linge.
La variété des dommages portant atteinte à la personne
Il existe différents dommages qui portent atteinte à la personne comme les préjudices relatifs aux aspects corporels ou les préjudices relatifs aux aspects moraux.
Exemples de préjudices découlant d’une atteinte corporelle :
Exemple de préjudice relatif à un aspect moral : atteinte à la vie privée et à l’honneur. |
Nous ne détaillons pas, vous aurez le plaisir de définir chaque élément en cours et certains parlent d’eux-mêmes. Pour le préjudice d’agrément, retenez simplement qu’il fait référence au fait d’être privé des plaisirs de la vie (comme aller marcher pendant des heures), à la suite de la blessure corporelle.
Vous verrez également que les préjudices moraux peuvent être indemnisés (Cass. ch. réunies, 25 juin 1933). Ils sont de différentes natures.
Par exemple, ils peuvent être :
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Les dommages portant atteinte aux biens
Ces dommages sont ceux qui portent atteinte aux biens en les détériorant ou en les détruisant, par exemple. Ce sont des dommages matériels.
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Quels sont les caractères du dommage ?
Pour ouvrir droit à réparation, le dommage doit présenter plusieurs caractères :
Certain → il doit être né et actuel et à tout le moins, ne pas seulement être hypothétique lorsqu’il serait futur ;
Direct et personnel → il doit affecter directement la personne qui en demande réparation ;
Légitime → il doit protéger un intérêt légitime. S’il s’agit de réparer les conséquences d’un profit illicite, comme de la vente de stupéfiants, il n’y a rien de légitime, donc le dommage n’ouvre pas droit à réparation (v. Cass. civ. 2, 24 janvier 2002, n° 99-16.576, mais il ne s’agissait pas d’une histoire de stupéfiants).
Le caractère certain
Le caractère certain signifie que le dommage est vraisemblable :
Il est né et actuel → aucun souci ;
Pour reprendre notre exemple, la brûlure sur le bras de Kayla est actuelle et elle est bien née, au moment où l’eau a touché son bras. |
Il est futur → ça se complique. Tant qu’il est certain, le préjudice futur ouvre droit à réparation (Cass. civ. 3, 2 juin 2016, n° 15-16.967).
Lorsqu’un préjudice est hypothétique, il n’ouvre pas droit à réparation (Cass. civ. 1, 28 juin 2012, n° 11-19.265). Plus précisément, nous allons parler de « perte de chance ».
Ainsi, ne peut pas être condamné, à des dommages et intérêts, le médecin qui a procédé par erreur à l’extraction d’une veine saine en laissant en place une veine atteinte d’une pathologie, au motif qu’il serait responsable de l’impossibilité psychologique dans laquelle se trouve la victime d’engager sereinement des soins médicaux éventuels. L’idée, c’est qu’il n’est pas certain que la victime subisse à nouveaux de tels soins, en particulier s’ils nécessitent une intervention médicale (Cass. civ. 1, 28 juin 2012, n° 11-19.265). Donc, le juge ne peut pas se fonder sur une éventualité pour condamner le médécin. |
La perte de chance présente un caractère direct et certain à chaque fois qu’est constatée la disparition de la probabilité d’un événement favorable (Cass. crim. 9 octobre 1975 ; Cass. crim., 4 décembre 1996, n° 96-81.163).
La perte de chance fait référence à la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable (v. par exemple Cass. civ. 1, 22 mai 2023, n° 21-25.336).
⚠️ Attention : il suffit qu’une perte de chance soit établie pour que le droit à réparation soit ouvert. Les juges n’ont pas à ajouter de condition de caractère « sérieux » (Cass. civ. 2, 25 mai 2022, n° 20-16.351). |
Le caractère direct
La victime doit avoir subi directement le dommage. Ce caractère direct fait référence au lien de causalité.
Mais alors, qu’en est-il des « victimes par ricochet » ? Elles peuvent demander réparation du dommage qu’elle subisse personnellement (Cass. crim., 27 mars 1877) à la suite d’un dommage subi par la victime directe.
Tel est le préjudice d’accompagnement de fin de vie qui génère des perturbations dans les conditions d’existence d’un proche qui vivaient habituellement avec la victime (Cass. civ. 2, 21 novembre 2013, n° 12-28.168).
Le caractère légitime
Le dommage doit présenter un caractère légitime, c’est-à-dire, ne pas résulter d’une situation illicite (Cass. civ. 2, 24 janvier 2002, n° 99-16.576).
Par exemple, une commune, qui a illégalement autorisé une construction immobilière, ne saurait prétendre être indemnisée de sa perte et des revenus afférents à celle-ci, lors de sa démolition par l’exploitant, conformément à une décision du permis de construire (Cass. crim., 4 nov. 2008, n° 08-82.591). |
⚠️ Attention : être en situation irrégulière ne signifie pas ne pas avoir d’intérêt légitime. Un voyageur blessé par un train SNCF alors qu’il n’avait pas de titre n’est pas illégitime à demander réparation (Cass. civ. 2, 19 février 1992, n° 90-19.237). |
💡 Bon à savoir : en revanche, rien n’impose qu’il porte atteinte à un droit (Cass. crim., 20 février 1863). |
Condition 3 : Un lien de causalité entre le dommage et le fait générateur
Qu’il y ait eu fait générateur et dommage ne suffit pas s’il n’y a pas de lien de causalité entre les deux.
Et parce que caractériser un lien de causalité peut être délicat, lorsqu’il y a de nombreux protagonistes (si on ajoute un serveur à l’équation Charles/Kayla, savoir qui est à l’origine du dommage peut devenir difficile), c’est pourquoi il existe différentes théories pour apprécier le lien de causalité.
Qu’est-ce qu’un lien de causalité ?
Le lien de causalité, c'est la relation de cause à effet entre le fait générateur et le dommage.
Vous l’avez sûrement compris, pour que la responsabilité du fait personnel fondée sur l’article 1240 du Code civil soit engagée, il faut un dommage, un fait générateur fautif et un lien de causalité.
Le lien de causalité, c'est ce qui relie le dommage à la faute. C’est parce qu’il y a eu cette faute que le dommage est survenu.
➡️ Reprenons notre exemple : Charles et Kayla se retrouvent pour prendre un thé. Lorsque le serveur passe près de leur table, il bouscule Charles par inadvertance. Ce dernier renverse de l’eau bouillante sur Kayla. Dans ce cas, c’est bien parce que (lien de causalité) Charles a renversé (fait générateur fautif) l’eau bouillante que Kayla a été blessée (dommage). Certes, la question du rôle du serveur se pose, on y reviendra plus tard. |
Quelques illustrations jurisprudentielles que vous pouvez aisément retrouver dans votre Code civil si vous l’utilisez correctement :
Est établi le lien de causalité entre un accident dont a été victime un homme et l’avortement subi par sa femme, quelques semaines après, dû au choc émotionnel ressenti (Cass. civ. 2, 17 mai 1973, n° 71-10.987) ;
Il y a bien un lien de causalité entre l’accident de la circulation dans lequel un hémophile a été blessé et la contamination de ce dernier par le virus du SIDA après avoir reçu de nombreuses transfusions après l’accident (Cass. civ. 1, 17 février 1993, n° 91-17.458).
En revanche, n’est pas établi le lien de causalité entre un incendie survenu dans un appartement et un dégât des eaux subi par un appartement voisin, suite au défaut de bâchage des toits imposé par les suites de l’incendie (Cass. civ. 3, 19 février 2003, n° 00-13.253).
Comment apprécier le lien de causalité ?
Pour apprécier le lien de causalité*, il existe deux théories de la causalité : la théorie de la causalité adéquate et la théorie de l’équivalence des conditions.
*C’est lorsqu’il s’agit d’apprécier le lien de causalité alors que plusieurs protagonistes sont intervenus (pensez à « l’effet domino ») que le bât blesse…
Théorie de la causalité adéquate | Théorie de l’équivalence des conditions |
C’est la cause qui est la plus « adéquate » qui est retenue comme responsable du dommage. | Toutes les causes qui ont contribué au dommage (ont « joué un rôle causal ») sont prises en considération, donc tous leurs auteurs sont tenus pour responsables. |
💡 Bon à savoir : les deux théories sont utilisées par les juges. Ils apprécient au cas par cas les situations et s’appuient sur l’une ou l’autre des théories afin d’établir le lien de causalité. |
La théorie de la causalité adéquate
La théorie de la causalité adéquate signifie qu’une seule cause à l’origine du dommage sera retenue. Les juges retiennent la cause « la plus adéquate », celle la plus directement liée au dommage. C’est la faute sin equa non, c’est-à-dire celle sans laquelle le dommage n’aurait pas été causé, qui est uniquement retenue.
Par exemple, une victime a été contaminée par le SIDA à la suite de transfusions sanguines rendues nécessaires à la suite de fautes médicales antérieures. C’est la responsabilité du médecin auteur de la faute qui a été retenue (Cass. civ. 1, 17 février 1993, n° 91-17.458). |
La théorie de l’équivalence des conditions
La théorie de l’équivalence des conditions permet aux juges de retenir comme responsables les auteurs de tous les faits qui auraient contribué au dommage, comme un « effet domino ». Chaque élément qui a contribué au dommage en est une cause.
Illustrons avec cet exemple que notre enseignante aime donner en cours à ses étudiants : « Bullet train » de David LEITCH. ⚠️ Attention : pour ceux qui ne l’auraient pas vu, mais prévoient de le faire, la suite des propos risque d’être remplie de spoilers. Dans ce film, la « Mort Blanche » estime que le décès de son épouse est dû à une suite d’événements sans rapports directs avec le décès. Si l’on retient la théorie de l’équivalence des conditions, le raisonnement de la Mort Blanche (LMB, ci-après) selon lequel les trois quarts des humains ont contribué au décès de sa chère et tendre tient (presque) la route (dommage pour Mandarine, on l’aimait vraiment bien ce monsieur, il avait un truc). En revanche, si l’on reste sur la théorie de la causalité adéquate, le responsable aurait été Carver et rien que lui. Reprenons la chronologie :
Comme c’est plutôt la « Loi du Talion » que la justice étatique à bord du Bullet Train, il a décidé de monter un stratagème pour que tous ceux qu’ils considèrent comme responsables s’entretuent. On se retrouve bien sur la théorie de l’équivalence des conditions, de son fils à Carver, en passant par Mandarine et Citron, et d’autres gens, tous ont été envoyés à bord de ce train afin de subir le même sort que son épouse ; parce qu’il les considérait comme responsables du dommage. |
Les conditions de la responsabilité du fait personnel en schémas
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Quelles sont les causes d’exonération de la responsabilité du fait personnel ?
Si une personne est reconnue responsable d’un dommage, elle pourra s’exonérer de sa responsabilité sous certaines conditions. Cela signifie qu’elle n’aura pas à indemniser la victime, car le lien de causalité sera « neutralisé ». L’exonération peut être totale ou partielle. Il faut également évoquer le cas des faits justificatifs (qui font écho à la matière pénale, mais peuvent avoir des répercussions sur le plan civil).
Qu’est-ce qu’une cause d’exonération de la responsabilité ?
Une cause d’exonération de la responsabilité est une cause qui permet d’écarter la responsabilité de l’auteur d’un dommage. En définitive, il ne sera pas tenu d’indemniser la victime du dommage.
Les causes d’exonération totale
Pour être totalement exonéré de sa responsabilité extracontractuelle, l’auteur du dommage doit démontrer que le dommage qu’il a causé est dû à un cas de force majeure. Sans détailler, la force majeure est communément définie comme une situation dans laquelle l’auteur du dommage a fait face à un événement extérieur, imprévisible et irrésistible (v. Cass. plén., 14 avril 2006, n° 02-11.168).
Les causes d’exonération partielle
Dans certains cas, l’auteur du dommage peut être partiellement exonéré. Cela signifie que la victime voit son droit à réparation diminué.
L’auteur devra indemniser la victime, mais qu’il ne sera pas tenu de payer la totalité de la somme qui aurait pu lui être imputée. Le fait d’un tiers* et la faute de la victime (v. Cass. civ. 1, 1er juillet 2010, n° 09-13.896) sont des causes étrangères qui permettent une exonération (partielle).
*On parle alors de responsabilité « in solidum » (Cass. civ. 29 mars 2001, n° 99-10.735). L’auteur du dommage et le tiers seront tenus ensemble d’indemniser la victime qui pourra appeler n’importe lequel des deux à payer l’intégralité des dommages et intérêts.
💡 Bon à savoir : si le fait d’un tiers ou la faute de la victime présente les caractères de la force majeure, l’exonération sera totale également. |
⚠️ Attention : nous parlons des causes d’exonération pour l’article 1240 du Code civil. En matière de responsabilité de la loi Badinter du 5 juillet 1985, la faute de la victime ne permet une exonération que dans des conditions bien spécifiques (v. art. 3 al. 3 de la loi du 5 juillet 1985). |
Les causes d’exonération de la responsabilité du fait personnel en schémas
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L’action en réparation de l’article 1240 du Code civil
Sans développer ces éléments qui font le pont avec la procédure civile, il faut noter que la victime* va intenter une action en réparation sur le fondement de l’article 1240 du Code civil, afin d’obtenir une indemnisation en dommages et intérêts.
*C’est elle qui l’intente, car elle a un intérêt à agir qui est exigé pour qu’une action soit ouverte (art. 31 du Code de procédure civile). Vous verrez qu’il y a des questions de qualité à agir qui se posent également (et des questions de victimes par ricochet, à nouveau).
Le juge va statuer sur les modalités de réparation qui peut avoir lieu en nature (autre qu’en argent) ou encore par équivalent (💸).
Le juge est souverain pour apprécier le montant de la réparation pour assurer une réparation intégrale du préjudice (Cass. civ. 2, 10 septembre 2015, n° 14-24.447 ; Cass. civ. 2, 25 octobre 1962).
Quant aux modalités de règlement, le juge est libre de choisir entre capital ou rente* (Cass. crim., 25 février 1928).
*La rente est un revenu périodique qui indemnise notamment des dommages à caractère permanent.
💡 Bon à savoir : la réparation de la perte de chance ne peut être que partielle (Cass. civ. 1, 27 février 1973). |
Cours de droit PDF : l'article 1240 du Code civil
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