L'arrêt Poussin du 22 février 1978 rendu par la Cour de cassation concerne l’erreur sur les qualités substantielles en matière contractuelle. Faits, procédure, prétentions, question de droit, portée juridique… voici une fiche d’arrêt enrichie de l’arrêt Poussin ! 🐤
Sommaire :
L’arrêt Poussin du 22 février 1978 a été rendu par la Cour de cassation en matière d’erreur sur les qualités substantielles. C’est un arrêt central étudié en deuxième année de droit. Il permet de revenir sur la théorie des vices du consentement et en particulier sur l’erreur cause de nullité, qu’on retrouve aujourd’hui aux articles 1132 et suivants du Code civil.
Qualités substantielles, authenticité, faits, procédures, portée, allons analyser cet arrêt Poussin ensemble.
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Fiche d'arrêt
🗒️ La fiche d’arrêt permet d’introduire la décision. On y retrouve les faits, la procédure, les thèses en présence, la question de droit et la solution.
Faits de l’arrêt Poussin
Deux propriétaires d’une œuvre d’art la vendent après qu’une expertise en a réfuté l’authenticité (Poussin). Un acheteur a exercé son droit de préemption* sur la vente, présentant ensuite le tableau comme une œuvre authentique de l’artiste Nicolas Poussin (d’où le nom !). Les vendeurs souhaitent alors revenir sur la vente pour erreur sur les qualités essentielles** de la chose vendue.
📚 Méthodologie : *Le terme n’est peut-être pas clair pour vous ? Dans ces cas, il faut avoir l’automatisme de saisir un dictionnaire de vocabulaire juridique pour vous créer un lexique. Le droit est un nouveau langage. Il faut le maîtriser pour prétendre à un raisonnement rigoureux. Préempter signifie passer en priorité sur quelque chose. Un droit de préemption est un droit de priorité. Il peut être légal (prévu par la loi, par exemple, art. L. 143-1 du CRPM au profit des « SAFER ») ou conventionnel (comme le pacte de préférence, art. 1123 du Code civil). Pensez toujours à bien qualifier juridiquement les parties. En l’espèce, nous avons fait disparaître la mention des « époux Z » volontairement, car « Z » n’est pas une qualification juridique. Quant à celle des « époux », elle n’est pas celle qui colle le mieux à l’espèce. |
💡 Le saviez-vous ? **Vous trouverez aujourd’hui la mention « erreur sur les qualités essentielles » qu’on appelle également « erreur sur la substance » à l’article 1132 du Code civil. |
Procédure de l’arrêt Poussin
Les vendeurs ont été déboutés de leur demande par la cour d’appel de Paris dans une décision du 2 février 1976. Les appelants se pourvoient en cassation
Thèses* en présence de l’arrêt Poussin
📚 Méthodologie : *Nous avons fait le choix de cette formule pour pouvoir plus largement intégrer les arguments de la juridiction aux côtés de celle des parties. Vous connaissez probablement la formule « prétentions des parties » que nous trouvions réductrice, car « parties » n’inclut pas les juges du fond. |
La cour d’appel réfute l’argument des requérants au motif qu’il n’était pas établi que l’œuvre était bel et bien de l’artiste Poussin. C’est le doute subsistant quant à l’authenticité du tableau qui a amené la cour d’appel de Paris à débouter les vendeurs de leur demande.
Question de droit de l’arrêt Poussin
📚 Méthodologie : La question de droit est celle posée à la juridiction. La problématique répond à une approche théorique en partant de la question posée originellement. Il faut l’inscrire dans tes connaissances pour la traiter et apporter une analyse à la décision commentée. C’est l’intérêt d’une problématique. |
L’erreur incertaine sur l’authenticité peut-elle être invoquée comme cause de nullité d’un contrat ?
Solution de l’arrêt Poussin
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Elle n’affirme pas qu’en l’espèce l’erreur aurait conduit à la nullité, puisque naturellement elle ne statue pas en fait. Elle ne conclut donc pas davantage qu’il y a eu erreur sur la substance.
Elle considère que la cour d’appel de Paris n’a pas suffisamment étayé sa décision (« n’a pas donné de base légale »).
En effet, au visa de l’article 1110 du Code civil, la Cour de cassation indique que les juges du fond sont tenus de rechercher si au moment de la vente, le consentement aurait été vicié par la conviction erronée selon laquelle le tableau ne pouvait pas être authentique (à la suite de l’expertise).
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Présentation de l'arrêt Poussin
📚 Réalisons un tour d’horizon en commençant par définir l’erreur. Il s’agit du thème central de l’arrêt Poussin, il est donc indispensable de le comprendre. Pour mieux s’approprier la décision, nous vous proposons une lecture analytique et un résumé.
Définition de l’erreur en matière contractuelle
L’erreur est définie comme une appréciation erronée de la réalité. C’est un vice du consentement (art. 1130 du Code civil). Qui dit consentement dit validité du contrat (art. 1128 du Code civil).
Un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité (capacité, consentement, contenu licite et certain) peut être annulé* (art. 1131 du Code civil pour les vices).
💡 Le saviez-vous ? *Cessez de mélanger nullité, caducité et résolution (ou résiliation). Ils ne sont pas synonymes.
Vous voyez, on se situe sur des terrains différents. Les mots ont un sens, utilisez-les à bon escient. |
📚 Méthodologie : Vous devez avoir une pensée en arborescence. Il faut décliner les notions et concepts en les inscrivant dans des parties/sous-parties pour établir des liens et remonter à la source. D’où l’intérêt de toujours apprendre avec le plan du cours ! |
Revenons-en à nos affaires. L’erreur est un vice du consentement lorsqu’elle réunit plusieurs conditions (art. 1130 et 1132 et suivants du Code civil).
Déterminante → sans cette erreur, le cocontractant n’aurait pas consenti ou consenti à des conditions différentes.
Sur les qualités essentielles (prestation ou personne si contrat intuitu personae [art. 1134 du Code civil]).
⚠️ La valeur pécuniaire n’est jamais une qualité essentielle justifiant l’annulation (art. 1136 du Code civil). C’est une erreur indifférente, comme l’est l’erreur sur les motifs (sauf exception, art. 1135 du Code civil).
3. Excusable → une personne raisonnable, placée dans la même situation, aurait commis la même erreur.
📚 Méthodologie : Il y a une abondante jurisprudence sur le sujet. Utilisez votre Code civil pour les retrouver, sous l’article 1132 du Code civil. Plus vous avez des fondements juridiques précis, plus vos réponses sont incontestables. Pensez-y pour vos cas pratiques en droit des contrats. |
Lecture analytique de l’arrêt Poussin
La lecture analytique de l’arrêt Poussin de la Cour de cassation du 22 février 1978 permet de déterminer globalement le thème de l’affaire. Il faut analyser l’en-tête de l’arrêt et les attendus les plus importants pour avoir une idée générale de ce dont a traité la juridiction de cassation.
L’en-tête de l’arrêt
Par en-tête de l’arrêt, on fait référence aux éléments suivants :
Cour de cassation, Chambre civile 1, du 22 février 1978
N° de pourvoi : 76-11.551
Publié au bulletin
Solution : Cassation
VISA
Cour de Cassation → arrêt rendu par la juridiction de cassation de l’ordre judiciaire.
C’est un arrêt qui concerne les relations de droit privé.
Première chambre civile → c’est la première chambre civile qui a rendu la décision.
Il faut en déduire que l’affaire relève de l’un de ses domaines de compétences, à savoir le droit des personnes, ou encore le droit international privé.
Pour l’instant, nous sommes en quête d’indices. On ne peut pas affirmer avec exactitude de quel domaine relève la décision, mais on peut exclure la procédure civile (2e chambre civile) ou encore les baux d’habitation (3e chambre civile).
Du 22 février 1978 → la date permet simplement de contextualiser la décision, notamment s’il y a eu de grandes décisions rendues avant ou après, ou encore une réforme.
Vous pouvez déjà établir un lien avec vos connaissances !
Publié au bulletin → la Cour a fait publier l’arrêt au bulletin.
Cette mention laisse suggérer qu’il s’agit d’une décision importante comme un revirement ou un arrêt de principe, mais une fois de plus, on ne fait que supposer.
N° de pourvoi : 76-11.551 → c’est le numéro d’affaire qui permet de retrouver facilement la décision.
Solution : Cassation → la Cour a cassé l’arrêt d’appel.
Visa « Vu l'article 1110 du Code civil » → c’est un arrêt de cassation, il commence toujours par le visa.
À la lecture de cet article, vous pouvez être certain du thème de l’arrêt. Il faut avoir le réflexe d’ouvrir le Code civil pour aller lire la disposition. Cet ancien article* disposait « L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ».
💡*Il y a eu une grande réforme en droit des obligations le 10 février 2016 (ordonnance n° 2016-131 ratifiée par la loi du 20 avril 2018, n° 2018-287). Les numérotations (et contenus) des articles ont été modifiés. Vous retrouvez le régime de l’erreur aux articles 1132 et suivants du Code civil, désormais. |
Vous devez donc faire le lien avec l’erreur sur la substance, les vices du consentement et donc la validité du contrat (art. 1108 ancien du Code civil).
Les attendus importants de l’arrêt
Étant donné qu’il s’agit d’un arrêt de cassation (on n’a pas été récupérer les indices inutilement !), les attendus importants sont l’attendu de principe situé après le visa et celui qui pose la solution, juste avant le dispositif (vous savez, le fameux « CASSE ET ANNULE »).
🎯 Objectif : ressortir de cette lecture analytique avec de vraies pistes, pas seulement des indices dont on ne sait que faire.
Après le visa, il n’y a pas d’attendu de principe : seuls les faits sont repris. La Cour de cassation n’a pas jugé utile de préciser la manière dont doit être interprété l’article 1110 du Code civil. Peut-être qu’il se suffit à lui-même ?
Allons donc immédiatement voir l’attendu précédant le dispositif.
« QU'EN STATUANT AINSI, SANS RECHERCHER SI, AU MOMENT DE LA VENTE, LE CONSENTEMENT DES VENDEURS N'AVAIT PAS ÉTÉ VICIÉ PAR LEUR CONVICTION ERRONÉE QUE LE TABLEAU NE POUVAIT PAS ÊTRE UNE ŒUVRE DE NICOLAS Y..., LA COUR D'APPEL N'A PAS DONNE DE BASE LÉGALE A SA DÉCISION »
« Leur conviction erronée » doit immédiatement vous faire penser à l’erreur vice du consentement, en faisant le lien avec le visa.
Prenons un instant pour scruter cette formule 🕵️♀️
« LA COUR D'APPEL N'A PAS DONNÉ DE BASE LEGALE A SA DÉCISION ».
Cette expression signifie que la Cour de cassation ne dispose pas de suffisamment d’éléments de faits de la part de la cour d’appel pour exercer son contrôle. Le bon texte est appliqué, mais pas suffisamment étayé.
La lecture analytique a un côté satisfaisant, on n’a pas encore lu la décision qu’on sait déjà de quoi elle traite.
Résumé de l’arrêt Poussin
Des vendeurs ont cédé un tableau après qu’une expertise leur a affirmé qu’il ne pouvait pas être authentique. Ils apprennent par la suite qu’il aurait finalement pu l’être. Ils souhaitent revenir sur la vente, mais la Cour d’appel de Paris les déboute de leur demande au motif qu’il n’est pas établi avec certitude que l’œuvre est véritablement de Poussin.
La Cour de cassation casse et annule au motif que la cour d’appel aurait dû rechercher si au moment de la vente, le consentement aurait été vicié par la conviction erronée selon laquelle le tableau ne pouvait pas être authentique.
En d’autres termes, en l’absence de certitude que l’œuvre était ou n’était pas de Poussin, la Cour d’appel de Paris ne pouvait pas valablement débouter les parties. Elle aurait dû rapporter des éléments permettant d’étayer sa position.
Analyse de l'arrêt Poussin
🤓 Pour analyser un arrêt, il faut d’abord en établir la problématique, c’est-à-dire la question d’ordre théorique qu’il soulève. Après en avoir donné le sens (explication), vous pourrez en tirer la portée.
Problématique de l’arrêt Poussin
Dans cette espèce, la problématique va se confondre avec le problème de droit.
En l’absence d’une authenticité certaine, est-il possible d’invoquer l’erreur comme cause de nullité du contrat ?
Explication de l’arrêt Poussin
Dans cette espèce, la Cour de cassation n’affirme pas qu’il y a erreur sur la substance. Elle reproche simplement aux juges du fond de ne pas avoir établi qu’au moment de la vente il n’y avait pas eu de conviction erronée quant à l’authenticité du bien.
En effet, dans cette affaire, l’authenticité du tableau était discutée. Elle n’était donc pas incontestable, ce qui a permis à la Cour d’appel de Paris de rejeter la demande d’annulation du contrat. Et pour cause, comment les vendeurs auraient-ils pu commettre une erreur sur la substance alors que cette dernière n’était pas établie ?
La Cour de cassation a préféré faire preuve de souplesse en laissant aux parties le bénéfice du doute - c’est le cas de le dire -, renvoyant ainsi l’affaire devant la Cour d’appel d’Amiens. On le redit et on insiste, les juges du Quai de l’horloge n’ont pas donné raison aux requérants. Simplement, sans certitude que le tableau n’était pas de Poussin, elle a fait preuve de prévenance, car il est possible qu’il en soit.
Or, en étant conscients de cette éventualité au moment de la vente, les vendeurs n’auraient peut-être pas consenti, ou du moins, pas dans les mêmes termes. Dans cette espèce, on leur avait assuré qu’il n’était pas authentique, raison pour laquelle ils ont donné leurs accords à la vente.
Qu’en aurait-il été si l’expert avait émis une réserve « le tableau n’est pas de Poussin, mais il se peut qu’il soit de Poussin » ? Les vendeurs auraient sans doute agi autrement, puisqu’à la découverte de l’attribution de l’œuvre à l’artiste, ils ont souhaité revenir sur le contrat.
Portée de l’arrêt Poussin
La portée de l’arrêt Poussin conduit à s’intéresser à l’erreur commise par un cocontractant sur sa propre prestation qui peut être invoquée comme cause de nullité.
L’arrêt Poussin a ouvert la voie à d’autres décisions. Il faut avant tout noter que dans cette affaire, l’erreur ne portait pas sur la prestation du cocontractant, mais sur la propre prestation des vendeurs. Ils se sont trompés sur l’authenticité du bien qu’ils vendaient. La Cour de cassation n’y a pas vu un obstacle à l’invocabilité de la nullité.
Ainsi, depuis la décision Poussin, il est tout à fait possible d’invoquer l’erreur sur sa propre prestation.
Cette position est confirmée par l’article 1133 du Code civil qui dispose à son alinéa 2 que « l'erreur est une cause de nullité qu'elle porte sur la prestation de l'une ou de l'autre partie ».
Cette affaire s’est poursuivie par la suite. La Cour de cassation a rendu un arrêt le 13 décembre 1983 (n° 82-12.237) qui va plus loin dans les modalités d’appréciation d’une erreur.
En effet, les juges du Quai de l’horloge affirment que la cour d’appel a violé (c’est-à-dire qu’elle a mal interprété) l’article 1110 du Code civil en ne permettant pas aux parties de se servir d’éléments d’appréciation postérieurs à la vente pour rapporter la preuve d’une erreur.
Par la suite, la Cour de cassation a été plus loin, rejetant la possibilité d’invoquer l’erreur si un aléa avait été accepté à la conclusion du contrat (Cass. civ. 1, 24 mars 1987, n° 85-15.736, Fragonard).
En d’autres termes, si au moment de la rencontre des volontés l’une des parties est prise d’un doute mais conclut tout de même, elle ne pourra pas, par la suite, invoquer la nullité. Cette solution a été codifiée par la réforme du 10 février 2016 à l’alinéa 3 de l’article 1133 du Code civil.
A contrario, si le doute intervient après, la nullité pourra être invoquée si l’erreur est établie. C’est ce qu’il ressort de la jurisprudence Poussin.
Comment mémoriser l'arrêt Poussin ?
🧠 Pour les TD ou en vue des examens, il est fondamental d’apprendre l’arrêt Poussin.
Pour retenir la portée juridique, la technique de l’association mentale imagée utilisée dans les Flashcards imagées Pamplemousse, dans les Fiches de révisions optimisées et dans le FIGADA est géniale. Pour rappel, l’idée est de créer une histoire loufoque autour des informations que vous voulez retenir, ici de la portée juridique de la solution de la Cour de cassation, afin de mieux le mémoriser.
À l’ouest de Paris dans les Yvelines (département 78 pour 1978), imaginez un monsieur en costume cravate (le vendeur), les mains sur la tête et complètement choqué, et qui courre après l’acheteur portant un énooooorme tableau avec un énorme poussin jaune dessus. Ce vendeur crie « Je me suis trompé, je pensais que c’était un faux à 78 % ! Mais il se pourrait que ce soit un vrai, regardez ce nouveau papier !!! » montrant alors un document portant un énorme point d’interrogation.
Il est prêt à appeler la police (« 22 v’là les flics » dit-il => 22/02, pour 22 février 1978) pour récupérer son tableau.
Voilà, vous venez d’ancrer durablement l’arrêt Poussin dans votre mémoire.
Article rédigé par une enseignante en Droit des obligations
(attachée temporaire d'enseignement et de recherche)
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