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L’arrêt Cadot du 13 décembre 1889 est une décision fondamentale du droit administratif. Ce grand arrêt marque un tournant dans le renforcement de la juridiction administrative et rompt avec la théorie du ministre-juge. Faits, procédure, prétentions, question de droit, portée juridique… Découvrez une fiche d’arrêt enrichie de l’affaire Cadot !
Sommaire :
📚 Présentation de l'arrêt Cadot
🤓 Analyse de l'arrêt Cadot
L’arrêt Cadot du 13 décembre 1889 du Conseil d’État est une grande décision de la jurisprudence administrative. Étudiée en L2 droit, elle marque un tournant dans le renforcement de la juridiction administrative rompant par la même occasion avec la théorie du ministre-juge.
Des faits en passant par le problème de droit pour arriver à la portée, on vous dit tout sur l’arrêt Cadot.
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Fiche d'arrêt
📃 Lorsqu’un arrêt est étudié, pour en faire le tour, l’établissement de la fiche d’arrêt est une étape incontournable. Retraçons les faits, la procédure, les prétentions*, la question de droit et la solution posés dans l’arrêt Cadot.
📚 Méthodologie : *Nous avons fait le choix d’intituler cette partie « thèses en présence » pour inclure les arguments des juridictions, le cas échéant, qui ne constituent pas une « partie » au contentieux. |
Faits de l’arrêt Cadot
Le conseil municipal de Marseille aurait porté atteinte à la considération professionnelle d’un particulier en insérant des allégations dans ses délibérations des 6, 7 et 9 février 1877. Son emploi a été supprimé le 2 mars 1877 par le maire, ce qui lui a généré un préjudice. Il introduit une demande en indemnisation.
Procédure de l’arrêt Cadot
Le requérant saisit d’abord l’autorité judiciaire. La cour d’appel d’Aix déclare la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de la demande en indemnisation (arrêt du 8 août 1878). Il saisit alors le ministre de l’Intérieur pour faire condamner la ville de Marseille à lui payer une indemnité. Dans une décision du 17 octobre 1885, le ministre de l’Intérieur a rejeté sa demande. Le demandeur présente une requête au Conseil d'État le 15 janvier 1886 afin qu’il annule, pour incompétence, la décision du ministre de l’Intérieur.
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Thèses* en présence de l’arrêt Cadot
📚 Méthodologie : *Nous avons fait le choix de cette formule pour pouvoir plus largement intégrer les arguments de la juridiction aux côtés de celle des parties. Vous connaissez probablement la formule « prétentions des parties » que nous trouvions réductrice, car « parties » n’inclut pas les juges du fond. |
Dans cette espèce, le requérant conteste la compétence du ministre pour connaître de la réclamation qu’il porte à l’encontre de l’administration.
Question de droit de l’arrêt Cadot
La question de droit est celle soulevée devant le juge. En l’espèce, il s’agissait de savoir si le ministre était incompétent pour juger de la demande en indemnisation à l’encontre de l’administration.
Solution de l’arrêt Cadot
Le Conseil d’État répond par la positive, marquant la rupture avec la théorie du « ministre-juge ».
Par la même occasion, le Conseil d’État reconnaît une compétence qui ne lui avait pas été expressément attribuée par les textes.
En réalité, la lecture de la seule décision ne permet pas d’établir l’intégralité de la solution rendue par le Conseil d’État. Le « GAJA* » nous éclaire, reproduisant « que du refus du maire et du conseil municipal (…) de faire droit à la réclamation du sieur Cadot, il est né entre les parties un litige dont il appartient au Conseil d’État de connaître ».
📚 Méthodologie : *Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Dalloz, 2022, 23e édition, com. 5. |
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Présentation de l'arrêt
📚 Pour bien comprendre l’arrêt Cadot, une présentation s’impose : contexte, définition, lecture analytique et résumé. La décision n’aura plus aucun secret pour vous !
Contextualisation de l’arrêt Cadot et définitions
Contextualiser et définir sont des étapes importantes pour bien comprendre un arrêt. Administrateur-juge, ministre-juge et séparation des autorités administratives et judiciaires, on vous dit tout !
À l’époque de la décision, l’autonomisation de la juridiction administrative est encore en cours. Les compétences du Conseil d’État ne sont pas encore bien arrêtées.
À cette période prévalait le système de « l’administrateur-juge » (ou « ministre-juge »), c’est-à-dire le cas dans lequel les administrateurs étaient chargés de juger les litiges qui survenaient dans les administrations.
Ce système venait combler un vide qui avait été laissé par la séparation des autorités administrative et judiciaire, qui interdit à l’autorité judiciaire de s’immiscer dans les affaires concernant l’administration (loi des 16 et 24 août 1790 sur l’organisation judiciaire, art. 13 et décret du 16 fructidor an III [2 septembre 1795]).
Pour autant, il n’existait pas de juridiction spécialisée pour en connaître (même si le Tribunal des conflits avait déjà posé une pierre dans l’arrêt Blanco de 1873). Ce sont les administrateurs eux-mêmes qui étaient chargés de juger les litiges en la matière.
💡 La décision Cadot du 13 février 1889 marque un tournant. Jusqu’à cette date, les agents publics étaient soumis au droit privé. La compétence de la juridiction judiciaire semblait donc la plus appropriée. |
Lecture analytique de l’arrêt Cadot
La lecture analytique permet de récupérer des indices intéressants pour comprendre les grandes lignes de la décision et procéder à un commentaire digne de ce nom. Commençons par étudier l’en-tête et poursuivons avec les considérants.
L’en-tête de l'arrêt
Par en-tête, nous vous renvoyons aux éléments suivants :
Conseil d’État 13 décembre 1889 N° 66145 Publié au recueil Le bon Statuant au contentieux Concl. Jagerschmidt N° 66145 VISAS |
Conseil d’État → la décision a été rendue par la plus haute juridiction de l’ordre administratif.
Il s’agit donc d’une des innombrables décisions qui intéressent le droit administratif.
Si vous voulez les mémoriser efficacement, on vous recommande le FIGADA, un outil révolutionnaire pour retenir plus facilement !
13 décembre 1889 → la date qui permet de contextualiser la décision.
📚 Méthodologie : Il est important d’y prêter une attention particulière, car elle vous permet d’inscrire l’arrêt dans vos connaissances. Pas de connaissances, pas de commentaire. On ne le répètera jamais assez ! |
N° 66145 → utile, le numéro de la décision, pour la retrouver facilement !
Publié au recueil Lebon → traduit qu’il s’agit d’une décision importante, car elle a été publiée au recueil.
Statuant au contentieux → signifie qu’il statue sur un recours porté à sa connaissance.
Concl. Jagerschmidt* → il s’agit du commissaire du Gouvernement qui a établi des conclusions sur l’affaire (on parle aujourd’hui de « rapporteur public », à ne pas confondre avec le « rapporteur » qui est le magistrat chargé d’instruire l’affaire).
📚 Méthodologie : *Nous sommes allés chercher cette information dans le « GAJA », on avoue, sur le site ça n’apparaît pas. |
VISAS → tous les éléments commençant par « vu ».
Il s’agit des éléments de droit (textes) et de faits sur le fondement desquels le juge rend sa décision. Ceux qui nous intéressent sont les fondements juridiques. Votre réflexe doit être d’aller les consulter quand vous en avez l’occasion. Ils vous permettent de savoir sur quel thème la décision porte.
« Vu la loi du 18 juillet 1837 » est un texte relatif à l’administration communale.
« Vu le décret du 25 mars 1852 » porte sur la décentralisation administrative.
« Vu la loi du 24 mai 1872 » est relative à la réorganisation du Conseil d’État.
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Les considérants
💡 Depuis 2019, les arrêts du Conseil d’État (et de la Cour de cassation) sont rédigés en style « direct » pour favoriser leur lisibilité et leur accessibilité. Il n’y a plus de « considérants ». Pour la Cour de cassation, ce sont les « attendus » qui nous ont quittés.
Pour l’instant, revenons à nos considérants. Dans l’arrêt Cadot, le premier rappelle les faits. Le second précise la demande du requérant. C’est le dernier qui nous permet d’en savoir plus sur l’intérêt de l’affaire puisque la solution du Conseil d’État y est mise en évidence.
Que devez-vous en tirer ?
« Considérant que le requérant demande au Conseil d’État d’annuler pour incompétence une décision, en date du 17 octobre 1885, par laquelle le ministre de l’Intérieur aurait rejeté la réclamation précitée, attendu qu’il n’appartiendrait ni au ministre ni à aucune juridiction administrative d’en connaître, subsidiairement de faire droit à ladite réclamation »
« Il n’appartient ni au ministre ni à aucune juridiction administrative d’en connaître ».
On comprend que l’arrêt traite d’une question de compétence et plus particulièrement, si on se fie aux visas, à la compétence juridictionnelle et la séparation des fonctions, puisqu’à cette époque primait encore la théorie du « ministre-juge » (ou administrateur-juge).
💡 On constate également que le Conseil d’État n’a pas contesté sa propre compétence puisqu’il a reçu et jugé la requête de l’intéressé ! On y revient plus tard.
Résumé de l’arrêt Cadot
Pour résumer l’arrêt, une commune avait publié des informations préjudiciables à l’égard d’un agent public. Par la suite, son poste a été supprimé, ce qui a été générateur d’un préjudice à son égard.
Il a donc formulé une demande en réparation auprès de l’autorité judiciaire qui s’est déclarée incompétente. Il a poursuivi en formulant une demande auprès du ministre de l’Intérieur qui a rejeté sa demande. Le justiciable a alors présenté une requête devant le Conseil d’État.
Ce dernier, en plus de reconnaître sa compétence pour statuer, a écarté celle du ministre, mettant ainsi fin à la théorie de l’administrateur ou du ministre-juge [Ndlr : Voir un commentaire d'arrêt sur la compétence du juge administratif].
Analyse de l'arrêt
🤓 Analyser la décision permet de préparer le terrain du commentaire. Problématisons, expliquons et dégageons la portée de l’arrêt Cadot.
Problématique de l’arrêt Cadot
La problématique permet d’inscrire l’arrêt dans un cadre théorique plus général. Ici, il s'agissait de savoir si en l'absence de compétence expresse, le Conseil d'État était recevable (ou non) à connaître de la requête en annulation d'une décision administrative.
Explication de l’arrêt Cadot
L’explication fait écho au contexte déjà évoqué précédemment. Il convient de préciser que la loi du 24 mai 1872 (portant réorganisation du Conseil d’État), visée par la juridiction dans sa décision, ne lui attribuait aucune compétence pour connaître d’un tel recours.
Néanmoins, le Conseil affirme qu’il est compétent pour en connaître dans sa décision du 13 décembre 1889.
Une forme de rupture avec la loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III se dessine dans la mesure où ces textes interdisent aux « juges » dans le premier et aux « tribunaux » pour le second de s’immiscer dans les affaires de l’administration. Si l’article 13 de la loi des 16 et 24 août mentionne néanmoins les « fonctions judiciaires », le décret quant à lui ne distingue pas quant à la matière. Ainsi, il semblerait qu’aucun tribunal (y compris administratif) ne pouvait juger des affaires de l’administration.
Pourtant, le Conseil d’État se déclare compétent pour connaître du recours qui lui est soumis, ouvrant la voie au développement d’un véritable ordre juridictionnel administratif.
Portée de l’arrêt Cadot
La portée de cette décision amène à s’intéresser à la compétence de droit commun du Conseil d’État pour les litiges relatifs à l’administration.
Mais, établir la portée impose de revenir sur le contexte.
À cette époque, le Conseil d’État, institué par la Constitution du 22 frimaire an VIII (art. 52), était compétent uniquement dans la limite des attributions fixées par les textes (par exemple, art. 11 du règlement du 5 nivôse an VIII).
L’institution avait été dotée d’une attribution consultative (par exemple, il était chargé de rédiger des projets de lois ou règlement, art. 52 de la Constitution de l’an VIII) et contentieuse.
Or, par l’arrêt Cadot, il s’est attribué une compétence de droit commun pour connaître des litiges relatifs à l’administration.
Par ailleurs, la loi du 28 pluviôse an VIII avait mis en place les ancêtres des tribunaux administratifs : les « conseils de préfectures ». Comme l’indique leur nom, ils étaient notamment chargés de conseiller… les préfets !
C’est avec la loi du 24 mai 1872 (mais pas celle relative au Tribunal des conflits, soyons logiques), et a fortiori, l’arrêt Cadot, que le Conseil d’État devient un juge de droit commun en matière administrative.
Par sa décision, le Conseil d’État rompt avec le système de la justice retenue, c’est-à-dire que les décisions de la juridiction ne devenaient exécutoires (ne pouvaient être exécutées) qu’après signature par le chef de l’État. Il marque ainsi le passage à une justice déléguée qui n'appelle plus l’intervention d’un tiers.
Les juges du Palais royal ont marqué le renforcement l’ordre juridictionnel administratif qui s’est développé dès 1953 (décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 portant réforme du contentieux administratif) avec la transformation des conseils de préfecture en tribunaux administratifs ; et achevé en 1987 (loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif) avec l’institution des cours administratives d’appel.
❤️ Le saviez-vous ? 💡 Aujourd’hui la France compte 42 tribunaux administratifs et 9 cours administratives d’appel. 📚La répartition des compétences entre les différents ordres de juridiction est établie par le Code de la justice administrative. Le réflexe à avoir est d’aller directement vérifier aux sources ! 💡 En 1987, le Conseil constitutionnel a reconnu l’indépendance de la compétence de la juridiction administrative (Cons. const., décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987). |
Comment mémoriser l'arrêt Cadot ?
🧠 Pour les TD, ton prochain oral ou en vue de l’examen de droit administratif ou de ton concours (courage !), il est fondamental de retenir la portée de ce grand arrêt du droit administratif.
Pour faciliter la mémorisation de sa portée juridique, une technique efficace consiste à utiliser l'association mentale imagée. Tu sais, cette fameuse technique que Pamplemousse utilise pour te faire adorer le droit ? Elle est notamment présente dans les Flashcards imagées Pamplemousse, les Fiches de droit (les Fiches Illustrées des Grands Arrêts du droit Administratif). D’ailleurs, est évidemment illustré l’arrêt Cadot dans ce génial recueil de jurisprudences.
Pour cela, on doit imaginer dans notre tête une histoire originale et farfelue autour des informations à retenir. Ici, la portée juridique de la décision.
Rappel de la portée juridique de l’arrêt Cadot : l’arrêt fonde notre droit administratif. Il marque la spécialisation et l’autonomie du droit administratif par rapport au droit civil.
Pour mémoriser l’arrêt, repartons des faits : M. Cadot était directeur de la voirie et des eaux de Marseille, lorsque cet emploi fut supprimé. Il réclama à la cité phocéenne des dommages-intérêts et demanda au Conseil d'État d'annuler le refus qui lui fut opposé.
On imagine alors un vieux monsieur de 89 ans (pour 1889), assis sur le vieux port de la Canebière qui pleure parce qu’il vient d’être licencié suite à une réunion faite dans la mairie de Marseille. Monsieur Cadot (il a sur la tête un cadeau, bien sûr) demande l’annulation de cette décision au Conseil d’État.
On imagine le juge du Conseil d’État sur un bateau du vieux port, en face. Le juge devient alors de plus en plus costaud (ses bras gonflent, il grandit), son pouvoir vient d’augmenter ! Il crie alors « j’en fais mon affaire mon vieux ! Ce n’est pas au ministre de gérer cette histoire ».
On l’aperçoit alors couper la tête du ministre-juge et la jeter aux sardines du port ! « C’est à moi, le Conseil d‘État de m’occuper des recours contre les décisions administratives ».
Voilà, l’arrêt Cadot est figé dans votre mémoire !
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