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[FICHE D’ARRÊT ENRICHIE] Arrêt Commune de Morsang-sur-Orge : résumé, portée

Mis à jour : juin 26

Cours et copies > Droit administratif

L'arrêt Commune de Morsang-sur-Orge rendu par le Conseil d'État le 27 octobre 1995, est une décision très importante en droit administratif. Étudié dès la deuxième année de droit, vous verrez qu’il consacre la dignité de la personne humaine comme une composante de l'ordre public. Faits, procédure, prétentions, question de droit, portée juridique et mémorisation… Voici une fiche d’arrêt enrichie de l’arrêt Commune de Morsang-sur-Orge !


Sommaire : 

Fiche d’arrêt

Faits de l’arrêt

Procédure de l’arrêt

Thèses en présence de l’arrêt

Question de droit de l’arrêt

Solution de l’arrêt

Pour mieux comprendre l’arrêt Morsang-sur-Orge

Contextualisation de l’arrêt

Lecture analytique de l’arrêt

Résumé de l’arrêt

Analyse de l’arrêt Morsang-sur-Orge

Problématique de l’arrêt

Explications de l’arrêt

Portée de l’arrêt

Autres arrêts importants sur la dignité humaine et l’ordre public

Comment mémoriser l’arrêt Morsang-sur-Orge  en image ?


L'arrêt* Commune de Morsang-sur-Orge, rendu par le Conseil d'État le 27 octobre 1995, est une décision majeure en droit administratif. Elle y consacre la dignité de la personne humaine comme une composante de l'ordre public. Fiche d’arrêt, portée, et mémorisation, cet article fait le tour de Morsang-sur-Orge en calèche !

*Nous utilisons le terme « arrêt » à tort, car un Conseil rend des décisions. Mais afin de fluidifier la lecture, nous continuerons cet affront. Vous êtes prévenus.

Fiche d’arrêt

La fiche d’arrêt est un exercice juridique que vous rencontrez dès la L1 droit. Elle permet de présenter une décision en rappelant ses faits, la procédure, les arguments des parties, mais aussi ceux des juges*, la question de droit soulevée par les demandeurs et la solution rendue.

*Nous avons choisi de présenter les « thèses en présence » afin d'inclure les motifs du juge. Néanmoins, certains enseignants les exigent à la suite de la procédure. Respectez bien les recommandations de vos enseignants. Nous voulons tous la même chose, mais pas toujours au même endroit.


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Faits de l’arrêt Morsang-sur-Orge

Dans les faits, le maire d’une commune (Morsang-sur-Orge, si vous n’aviez pas compris d’où venait le nom), en tant qu’autorité de police administrative, a interdit le spectacle de « lancer de nain » prévu le 25 octobre 1991. Deux administrés* ont demandé l’annulation de l’arrêté prescrivant cette interdiction.

Procédure de l’arrêt Morsang-sur-Orge

Au niveau de la procédure de l’arrêt Morsang-sur-Orge, la demande en annulation de l’arrêté a été accueillie en première instance par le tribunal administratif de Versailles, par un jugement en date du 25 février 1992. 

La commune de Morsang-sur-Orge a demandé au Conseil d’État l’annulation de ce jugement ainsi que la condamnation de l’administré organisateur du spectacle à lui verser une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens*.

Thèses en présence de l’arrêt Morsang-sur-Orge

Parmi les thèses en présence s’opposent celle du tribunal administratif de Versailles et celles des administrés.

C’est parce qu’il n’y avait pas de circonstances locales particulières que les juges du fond ont annulé l’arrêté d’interdiction ; alors même qu’ils n’ont pas contesté que le spectacle pouvait porter atteinte à la dignité de la personne humaine.

Question de droit de l’arrêt Morsang-sur-Orge

La question de droit soulevée auprès de la juridiction administrative était de savoir si l’autorité de police administrative était en mesure d’interdire une activité librement consentie et rémunérée alors qu’aucune circonstance locale particulière ne le justifiait.

Et plus précisément, il a dû répondre à la question de savoir si l’absence de circonstances locales particulières constituait un obstacle à interdire une activité portant une atteinte consentie à la dignité de la personne humaine.

Solution de l’arrêt Morsang-sur-Orge

Dans sa solution, le Conseil d’État répond par la négative à la question de droit soulevée et annule le jugement du tribunal administratif de Versailles. 

En effet, l’activité du « lancer de nain » consiste à jouer sur le handicap physique d’une personne pour distraire une foule de spectateurs, par la projection de la personne. Cette attraction, par son objet, porte atteinte à la dignité de la personne humaine

L’autorité de police administrative de la commune peut interdire une telle activité sans avoir à justifier de circonstances locales particulières, car les mesures adoptées visent à assurer la sécurité de la personne, peu important qu’elle soit consentante et rémunérée. 

De plus, le fondement juridique sur lequel le maire a appuyé sa décision suffisait à justifier la mesure d’interdiction (art. L. 131-2 du Code des communes → il établissait le pouvoir de police administrative générale du maire). [Ndlr : voir un cas pratique corrigé sur le recours pour excès de pouvoir].

Néanmoins, notons déjà que par la décision Morsang-sur-Orge, le Conseil d’État a reconnu que la dignité de la personne humaine est une composante de l’ordre public qui justifie une mesure de police administrative restrictive de liberté. C’est ce qu’apporte l’arrêt Morsang-sur-Orge (portée).

Pour mieux comprendre l’arrêt Morsang-sur-Orge

Lorsque vous étudiez un arrêt, même si l’enseignant ne vous demande que la fiche d’arrêt, vous devez être suffisamment impliqués dans vos études pour l’analyser* et le comprendre. 

Nous vous proposons d’abord de contextualiser la décision par rapport à la thématique du cours dans laquelle elle s’inscrit, à savoir la police administrative et l’ordre public

Et parce que savoir lire un arrêt est ce qui vous aidera à raisonner correctement, nous réaliserons une lecture analytique de l’arrêt Morsang-sur-Orge.

Contextualisation de l’arrêt Morsang-sur-Orge

Pour contextualiser, l’arrêt Morsang-sur-Orge a été rendu en 1995. Que se passait-il en droit administratif en 1995 ? Visiblement pas grand-chose donc les gens se sont dits qu’ils allaient lancer des nains pour dynamiser un peu l’activité du Conseil d’État…

Plus sérieusement, ce sont des questions de police administrative, de dignité de la personne humaine et d’ordre public qui se posent (et en tant que juristes aguerris, certains diront même autre chose, alors revenons sur ces concepts).

La police administrative

La police administrative est étudiée en tant que « fonction de l’administration » (N. CHIFFLOT, M. TOURBE, Droit administratif, Sirey, 18ᵉ édition, p. 685) en cours de droit administratif. On parle d’administration au sens fonctionnel.

C’est une activité qui se caractérise par sa finalité qui est celle de prévenir les troubles à l’ordre public (on y vient juste après) en adoptant des mesures. Or, ces mesures vont porter atteinte aux droits et libertés

Ainsi, les autorités de police administrative compétentes** doivent s’assurer qu’elles sont proportionnées (adaptées, nécessaires et proportionnées est le trio classique à respecter [CE, 19 mai 1933, Benjamin]).

Le Commissaire du Gouvernement, dans ses conclusions sur l’arrêt Baldy du 10 août 1917, précise que « les pouvoirs de police sont toujours des restrictions aux libertés, le point de départ de notre droit public est dans l’ensemble des libertés des citoyens […], partir de ce point de vue que la liberté est la règle, la restriction de police l’exception ».

Eh oui, on vient effectivement de vous offrir sur un plateau une phrase d’accroche pour une dissertation ou un commentaire d’arrêt en droit administratif. 


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La dignité de la personne humaine

La dignité de la personne humaine est un concept d’abord philosophique (et probablement encore aujourd’hui), qui a progressivement été saisi par le droit. Néanmoins, étant un concept, il n’est, par nature, pas défini.

Pour autant, vous pouvez croiser la dignité de la personne humaine au détour d’un Pacte international, comme le « Pacte international relatif aux droits civils et politiques » de 1966 qui évoque la « dignité inhérente à la personne humaine » (art. 10). 

La dignité de la personne humaine est aussi visée par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales : «  nul ne peut être soumis à des traitements inhumains ou dégradants  ». 

Et la Cour européenne des droits de l’Homme affirme que l’objet même de la Conv. ESDHLF est le respect de la liberté et de la dignité humaine (CEDH, 22 novembre 1995, SW contre Royaume-Uni).

Enfin, le Conseil constitutionnel a reconnu la dignité de la personne humaine comme un principe à valeur constitutionnelle* (Cons. const., décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994).

L’ordre public

L’ordre public est une finalité de la police administrative. En effet, elle n’existe que parce qu’elle a pour but (finalité) de préserver, protéger et sauvegarder* l’ordre public*.

Pourquoi vous a-t-on listé une suite de termes par forcément toujours synonymes ?

1/ Parce que certains parlent de « maintien de l’ordre public ». Or, employer l’expression pour définir l’activité de préservation de l’ordre public est réducteur dans la mesure où le « maintien de l’ordre public » fait d’abord référence aux missions d’encadrement de certaines activités comme les manifestations (qui renvoient à la liberté d’expression des idées et des opinions, Cons. const., décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995), par les unités mobiles de la gendarmerie nationale (« EGM ») et de la police nationale (« CRS »).

2/ Aussi, le Conseil constitutionnel ou encore le Conseil d’État emploient ces différents termes lorsqu’il s’agit de la question de la conciliation entre l’ordre public et les libertés.

Afin d’être inexacts, nous avons fait le choix de ne pas faire de choix, tout en expliquant le positionnement. L’ordre public est un concept qui n’est pas clairement défini. Alors, tenter d’apporter des précisions, c’est comme marcher sur des œufs. On préfère rester sur nos gardes pour éviter de briser ces pauvres fœtus de poule.

L’ordre public est un concept qui a évolué au fil du temps. C’est « une notion essentiellement relative, évolutive, dépendant de l’état politique et moral à un moment donné » (J. Bédier, Les principes de la législation française sur le maintien de l’ordre public, Thèse, Paris, 1938, p. 9).

En droit communautaire (dit aujourd’hui, « de l’Union européenne »), « la notion d’ordre public suppose l’existence, en dehors du trouble pour l’ordre social que constitue toute infraction à la loi, d’une menace réelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société » (C.J.C.E., 27 octobre 1977, Bouchereau, aff. no 30/77 ; C.J.C.E., 10 février 2000, Ömer Nazli, aff. no C-340/97).

Le dictionnaire du Vocabulaire juridique G. Cornu « définit » l’ordre public comme un « état social dans lequel la paix, la tranquillité et la sécurité publique ne sont pas troublées ».

L’ordre public se décompose en deux dimensions (v. la thèse de Madame M.-O. PEYROUX-SISSOKO, « L’ordre public immatériel en droit public français », Thèse de doctorat, sous la direction de Bertrand Mathieu, Paris, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2017), matérielle et immatérielle :

Lecture analytique de l’arrêt Morsang-sur-Orge

Nous vous proposons une méthode de lecture analytique* de l’arrêt Morsang-sur-Orge, afin d’aller à la chasse aux indices qui vous éviteront, entre autres, un vilain hors sujet. Nous commençons par ce que l’on appelle « l’en-tête de l’arrêt » et nous finirons par les considérants les plus importants de la décision.

*Eh oui, pour bien comprendre la portée d’une décision, il faut d’abord tout analyser. Et analyser un arrêt, cela s’apprend. Alors, suis bien nos conseils pour acquérir une méthodologie qui te sera utile tout au long de tes études !

L’en-tête de l’arrêt

Chez Pamplemousse, nous entendons par « en-tête de l’arrêt » tous les éléments que nous décomposons ci-dessous. 

  • Conseil d’État → la juridiction saisie est le Conseil d’État, la plus haute juridiction de l’ordre administratif.

 Qu’est-ce qu’on en tire ? Enfonçons des portes ouvertes : c’est une décision de droit administratif.

  • Assemblée → la formation de jugement était d’assemblée.

 Qu’en tirons-nous Sherlock ? Que la décision revêt une importance et/ou une complexité particulière.

  • Du 27 octobre 1995 → Oh ! Une date ! Et les dates ont un intérêt particulier, notamment en droit administratif, car c’est une discipline jurisprudentielle (majoritairement, même si cela évolue), qui change beaucoup au gré des décisions du juge.

 On en fait quoi alors ? On se demande si la décision a été rendue avant un revirement de jurisprudence ou encore si elle a une position différente de ce qui était retenu avant sa date (ce serait elle, qui opère un revirement, dans ce cas).

  • 136727 → numéro de pourvoi.

 À quoi sert-il ? Pour réaliser votre commentaire d’arrêt, à pas grand-chose. En revanche, il vous permet de retrouver la décision exacte lorsque vous n’avez pas la bonne date, par exemple. 

Et, éventuellement, des commentaires de doctrine pour étoffer vos connaissances sur la décision et confronter les approches. De même, la lecture de tels articles vous aide à mieux saisir les attentes de la méthodologie juridique du commentaire (mais aussi à développer votre vocabulaire).

  • publié au recueil Lebon → la décision a été publiée au recueil qui reprend les décisions administratives (TA, CAA, CE) et celles du Tribunal des conflits qui font jurisprudence (qui sont relativement importantes).

 Ah ! Alors, cela signifie que la décision commentée est importante, n’est-ce pas ? En effet, cela laisse penser que l’arrêt à commenter revêt une certaine importance. Mais, tout est relatif. Néanmoins, a contrario, s’il n’est pas publié, vous pouvez pour sûr en déduire que la décision n’est pas importante et probablement d’espèce.

  • Président, M. Denoix de Saint Marc → il s’agit du magistrat qui préside la séance le jour où la décision est rendue.

 On en fait quoi ? Pas grand-chose.

  • Rapporteur, Mlle Laigneau → le magistrat rapporteur est celui qui est chargé d’instruire l’affaire pour qu’elle soit en état d’être jugée.

Même chose qu’au-dessus, on n’a pas vraiment grand-chose à faire de cette information.

  • Commissaire du gouvernement, M. Frydman → il s’agit du rapporteur public qui est intervenu pour donner ses conclusions sur l’affaire.

  Et comme les deux autres, on n’y prête pas attention ? Au contraire, il est important de savoir identifier le Commissaire du gouvernement, car vous pouvez trouver ses conclusions

Les lire vous permettra de savoir la solution qu’il préconisait, les raisons qui l’y ont conduit et si la juridiction a suivi la même orientation. Plutôt intéressant pour commenter, non ?

  • VISAS → vous y trouverez tous les éléments de fait et de droit visés par la juridiction.

« […] Vu le code des communes et notamment son article L. 131-2 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ».

 Ils vous permettent de savoir, en un clin d’œil, quel est peut-être le thème de la décision, car les textes sur lesquels se fondent les juges donnent de précieux indices.

Dans la décision Morsang-sur-Orge, par exemple, vous pouvez voir « Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », on comprend qu’il y a sûrement une question de « droits de l’homme ».

Les considérants importants

Les considérants que nous qualifions d’importants sont ceux qui vous laissent comprendre le raisonnement du juge et sa solution par rapport à la question de droit qui lui est posée.

Dans la décision Morsang-sur-Orge, le juge devait répondre à la question de savoir si l’absence de circonstances locales particulières constituait un obstacle à interdire une activité portant une atteinte consentie à la dignité de la personne humaine.

Nous avons relevé deux considérants importants pour répondre à cette interrogation :

«Considérant qu’il appartient à l’autorité investie du pouvoir de police municipale de prendre toute mesure pour prévenir une atteinte à l’ordre public ; que le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l’ordre public ; que l’autorité investie du pouvoir de police municipale peut, même en l’absence de circonstances locales particulières, interdire une attraction qui porte atteinte au respect de la dignité de la personne humaine »

La fin du considérant confirme cette dernière approche que nous tirons de notre lecture analytique

Allons plus loin en lisant juridiquement (c’est-à-dire, à l’aide de nos connaissances, que nous mettrons entre []) pour traduire le considérant et déjà réfléchir. Il ne s’agit pas de lire superficiellement, mais d’analyser pour comprendre les liens à établir avec le cours.

  • « L’autorité de police […] [le maire] peut, même en l’absence de circonstances locales particulières [arrêt Société Les Films Lutétia], interdire une attraction [prendre une mesure de police administrative] qui porte atteinte au respect de la dignité de la personne humaine [pour préserver la dignité de la personne humaine désormais érigée comme composante de l’ordre public]».

Seulement à la lecture de ce considérant, nous comprenons quelle est la solution donnée et c’est cela qu’il faut commenter. Ce considérant vous aidera à dégager la problématique permettant d’établir le plan du commentaire d’arrêt.

Néanmoins, nous avons décidé d’aller plus loin en prenant un autre considérant qui répond avec encore plus de précision à la question posée au juge.

« Considérant que le respect du principe de la liberté du travail et de celui de la liberté du commerce et de l’industrie ne fait pas obstacle à ce que l’autorité investie du pouvoir de police municipale interdise une activité même licite si une telle mesure est seule de nature à prévenir ou faire cesser un trouble à l’ordre public ; que tel est le cas en l’espèce, eu égard à la nature de l’attraction en cause » 

Vous voilà désormais prêts pour analyser plus en profondeur l’arrêt Morsang-sur-Orge du 27 octobre 1995.

Analyse de l’arrêt Morsang-sur-Orge

L’analyse de l’arrêt Morsang-sur-Orge impose d’abord de dégager la problématique pour expliquer (sens) la position du juge qui est intéressante (valeur) ; avant d’établir ce qu’elle apporte (portée). 

Et parce qu’on est vraiment très sympa dans la Team Pamplemousse, on vous résume toute l’affaire à la fin.

Problématique de l’arrêt Morsang-sur-Orge

La problématique qui permet d’analyser la décision peut être* de savoir si le juge a la possibilité de s’attacher à des considérations générales relatives à la dignité de la personne humaine pour confirmer une décision adoptée par une autorité de police administrative municipale

Autrement dit, une autorité de police administrative locale est-elle en mesure de restreindre les libertés sur le fondement de la dignité de la personne humaine, sans autres circonstances locales particulières ?

*Peut être ? Oui, car la problématique résulte d’un raisonnement juridique personnel

Vous pouvez donc avoir une problématique différente tant que les données exploitées sont similaires (si on vous demande de faire des crêpes, on retrouvera forcément des ingrédients similaires. Pour autant, on n’aura pas tous la même forme, la même taille, voire le même goût. Les nôtres [parce que oui, nous organisons des après-midis durant lesquels nous préparons des crêpes avec la Team] ont plutôt un goût de vanille).


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Explications de l’arrêt Morsang-sur-Orge

Dans son arrêt Morsang-sur-Orge, le Conseil d’État fait de la dignité de la personne humaine une composante de l’ordre public

Sa décision signifie (sens) que le maire, qui est l’autorité de police administrative municipale dans cette espèce, peut restreindre des libertés sur le fondement de cette nouvelle composante sans avoir à justifier de circonstances locales particulières.

Cette décision est intéressante (valeur), car le juge administratif [Ndlr : voir une dissertation sur le juge administratif et le droit de l'UE] étend les composantes de l’ordre public en se fondant sur un concept (donc qui n’a pas de définition).

L’approche extensive du juge administratif aboutit à étendre les prérogatives d’une autorité de police administrative municipale. Il s’écarte de son raisonnement de l’arrêt « Société Les Films Lutétia » de 1959, dans lequel il limitait les prérogatives du maire par la nécessité de justifier de circonstances locales particulières

Dans l’arrêt Commune de Morsang-sur-Orge, le juge admet explicitement que la dignité de la personne humaine est une composante de l’ordre public, ce qu’il n’a pas fait pour la moralité publique.

Un autre aspect de la décision mérite d’être commenté (« est intéressant » nous restons sur la valeur) : le juge étend les composantes de l’ordre public, traditionnellement « matériel »*.

*On vous renvoie à ce que l’on a développé ci-dessus, par rapport à « sécurité, tranquillité, salubrité ».

Portée de l’arrêt Morsang-sur-Orge

Lorsque l’on s’intéresse à la portée de l’arrêt Morsang-sur-Orge, il s’agit de répondre à la question de savoir ce qu’a apporté la décision ?

La décision a évidemment étendu les composantes de l’ordre public :

  • Ce qui est intéressant dans le raisonnement du juge (valeur), car il ne la limite pas par des exigences de circonstances locales particulières ;

  • Et à la fois l’apport de la décision, car il étend les composantes de l’OP (portée).

Le Conseil d’État double l’ordre public d’une dimension « immatérielle » en y intégrant des composantes qui n’évoquent pas un « ordre matériel et extérieur »*.

*Nous vous renvoyons aux développements ci-dessus.

Alors, pour protéger « l’ordre public immatériel », l’autorité administrative peut-elle passer outre la volonté des personnes concernées ? Est-ce que les personnes consentantes peuvent subir des atteintes à leur dignité ? Le Conseil d’État a répondu « non » à cette interrogation et nous avions envie de faire un parallèle avec la célèbre décision K.A. et A.D. contre Belgique de 2005.

La Cour européenne des droits de l’Homme, dans son célèbre arrêt K.A et A.D. contre Belgique (CEDH, 15 février 2005, nos 42758/98 et 45558/99) met en balance le droit au respect de la vie privée (art. 8 de la Conv. ESDHLF) et l’ordre public, même si cela n’est pas directement mis en évidence.

Des considérations relatives à la dignité de la personne humaine ont été soulevées par la cour d’appel belge qui avait considéré que certaines pratiques se révèlent parfois tellement « graves, choquantes, violentes et cruelles » que même si « les prévenus continuaient de soutenir qu’il n’y avait ici qu’une forme d’expérience sexuelle dans le cadre du rituel du jeu sadomasochiste entre personnes majeures consentantes et dans un lieu fermé, n’y changeait rien ». Autrement dit, même en présence d’un consentement, l’atteinte portée à la dignité est telle que ces pratiques ne pouvaient pas être acceptées (point 23).

La Cour européenne des droits de l’Homme finira par conclure que l’atteinte portée à la vie privée des prévenus est justifiée par « la protection “des droits et libertés d’autrui” dans la mesure où les juridictions nationales ont mis en cause, en l’espèce, la question du consentement de la “victime”. Ces juridictions ont aussi visé la [protection] […] de l’ordre » (point 81).

L’on comprend donc, si l’on fait un parallèle avec la décision Commune de Morsang-sur-Orge, que le consentement n’est pas un élément déterminant afin d’exclure la possibilité de limiter un droit ou une liberté (dans l’affaire K.A. et A.D. il s’agissait du droit au respect de la vie privée étroitement lié à l’intimité des pratiques sexuelles de l’espèce). 

En d’autres termes, un consentement ne suffit pas à porter une atteinte à la dignité de la personne humaine. Lancer des nains porte atteinte à la dignité de la personne humaine, quand bien même lesdits nains étaient consentants et exerçaient librement leur activité rémunérée (liberté du travail et liberté du commerce et de l’industrie).

Pour rappel, le Conseil constitutionnel a reconnu la dignité de la personne humaine comme un principe à valeur constitutionnelle* (Cons. const. décision n° 94-343/344 DC du 27 juillet 1994). 

Autant dire que le Conseil d’État a bien choisi son fondement qui revêt une valeur conventionnelle (art. 3 de la Conv. ESDHLF) et constitutionnelle. Au demeurant, ce concept est relativement bien situé dans la hiérarchie des normes. Autrement dit, lorsqu’une conciliation doit être opérée entre dignité et liberté, le dilemme est de taille.


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Résumé de l’arrêt Morsang-sur-Orge

Pour résumer la décision Morsang-sur-Orge, il faut retenir que l’autorité de police administrative locale peut interdire toute mesure qui porte atteinte à la dignité de la personne humaine, sans avoir à justifier de circonstances locales particulières, comme c’est le cas pour la « moralité » (CE, 18 décembre 1959, Société « Les Films Lutetia », n°s 36385 et 36428).

La dignité est une composante de l’ordre public qui justifie la restriction de liberté même en l’absence de circonstances locales particulières.

Le raisonnement du Conseil d’État, dans la décision Morsang-sur-Orge, est légèrement différent de celui qu’il a adopté dans l’arrêt « Société “Les Films Lutétia” » et étend la possibilité pour une autorité de police administrative locale d’adopter des mesures restrictives de liberté.

Retenez que lancer des nains est une activité qui porte atteinte à la dignité de la personne humaine.

Or, la dignité de la personne humaine est une composante de l’ordre public.

Donc, le maire, en tant qu’autorité de police administrative, est fondé à interdire une telle activité sans avoir à justifier de circonstances locales particulières.

Autres arrêts importants sur la dignité humaine et l’ordre public

Voici une liste d’arrêts importants rendus sur la dignité humaine et/ou l’ordre public : 

  • CE, 19 février 1909, Abbé Olivier : les restrictions de police ne doivent être utilisées que pour maintenir l'ordre public ;

  • CE, 28 février 1919, Dames Dol et Laurent : en temps de guerre, les circonstances exceptionnelles (temps/lieu) justifient une extension des pouvoirs de police (sécurité/ordre public) ;

  • CE, 7 nov. 1924, Club indépendant sportif Chalonnais : dans cet arrêt, le Conseil d’État a estimé que le motif de contrariété à l’hygiène morale était en lien avec l’ordre public, permettant ainsi de justifier une mesure de police administrative ;

  • CE, 19 mai 1933, Benjamin : les mesures de police doivent obéir à une proportionnalité entre le risque de trouble et la restriction des libertés (conciliation) ; 

  • CE, 22 juin 1951, Daudignac : réaffirmation sans équivoque de la liberté du commerce et de l'industrie, une mesure doit être proportionnée par rapport aux faits et à l'atteinte à l'ordre public ; 

  • CE, 18 décembre 1959, Société des films Lutétia : le CE légitime l'interdiction par un maire d'un film s'il y a atteinte à l'ordre public, au regard des circonstances locales. Consécration et ajout de la moralité publique à la trilogie traditionnelle de l'ordre public.

Comment mémoriser l’arrêt Morsang-sur-Orge en image ?

🧠 Voici comment faire pour apprendre sur le long-terme l’arrêt Morsang-sur-Orge dy 27 octobre 1995 dans votre mémoire en vue de réussir vos examens.

Bon, avouez-le, c’est l’arrêt le plus connu des étudiants en droit tant le l’affaire de cette personne de petite taille jetée en l’air, a fait sourire plus d’un étudiant sur les bancs de la faculté. Mais regardons de plus près les techniques de mémorisation afin de bien retenir l’apport de cette décision.

Pour mémoriser cette décision de justice du Conseil d’État, il est très utile d’avoir recours à la technique de l'association mentale imagée. Vous savez, c’est ce qui fait le succès du fameux ouvrage FIGADA (Fiches illustrées des Grands arrêts du Droit Administratif) et des Flashcards imagées.

Pour rappel, il est nécessaire d’imaginer une petite histoire à partir de ce que l’on veut mémoriser de cette décision. Elle doit être originale, farfelue et mémorable ! (On en parle dans cet article sur la mémorisation du droit administratif ici).

Rappel de la portée juridique de l’arrêt Morsang-s/-Orge : selon le Conseil d’État, la dignité de la personne humaine est une composante de l’ordre public qui justifie une mesure de police administrative restrictive de liberté. 

Rappelons-nous aussi qu’il faut relier tout cela au nom Morsang-sur-Orge et retenir 1995. On a ici la fin de la pratique du lancer de nain. Fin = mort, sang (Mort…sang = Morsang). Pour ceux qui ne connaissent pas cette jolie ville d’Essonne, on peut imaginer quelques épis d’orge pousser dans la flaque de sang notre scénographie (Morsang-sur-ORGE).

Voici donc l’histoire loufoque que nous pouvons créer dans notre cervelle pour retenir cette décision.

Ici, partons des faits. Ils sont suffisamment loufoques pour les garder. On imagine donc un nain se faire jeter en l’air, dans une discothèque, vers une cible (ça vous rappelle le film de Martin Scorsese, « The wolf of Wall Street », n’est-ce pas ?). En fond, de la musique du groupe de rap « 1995 », les clients dansent et sont contents.

Ce nain est en l’air, heureux d’être payé pour cela (il a d’ailleurs les poches pleines d’euros…). Quand tout d’un coup, descente de police ! Les policiers entrent donc dans la discothèque et donnent l'ORDRE (public) d’allumer toutes les lumières. 

2 rangées de policiers armés laissent entrer le juge du Conseil d’État, un grand (haute juridiction) bonhomme avec un marteau de la justice (bien qu’en France, il n’y ait pas de marteau dans nos juridictions).

D’un pas sûr, le juge administratif renvoie tout le monde chez soi : « C’est terminé tout ça ! Vous n’avez pas honte ?! » crie-t-il, en envoyant un filet qui s’agrandit sur le directeur de la discothèque (élargissement du concept d’ordre public).

Tout le monde est penaud, ils ne s’étaient pas rendu compte que derrière ce grand jeu du lancer de nain, ils assistaient à un spectacle désuet et indigne de notre pays. Il en va de la dignité humaine !

Ni une ni deux, les policiers menottent aux pieds et aux mains le directeur de l’établissement (mesure de police administrative restrictive de libertés). En sortant, tout ce beau monde tombe nez à nez sur le nain, désormais pauvre, les poches vides, SDF, qui baigne dans une flaque de sang (à force d’avoir été jeté en l’air ; de l’orge y pousse). On y lit un écriteau « Rendez-moi ma liberté ».

Voilà, grâce à la technique de l’association mentale, nous avons retenu ce grand arrêt de la jurisprudence administrative.

Article rédigée par une enseignante en Droit administratif

(attachée temporaire d'enseignement et de recherche)


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